L'intelligence artificielle et l'école

Ce colloque se déroulera de 14h à 18h30, au collège de France, 11 Place Marcelin Berthelot, 75005 Paris. L’accueil des participants commencera à 13h30.

L’intelligence artificielle peut être un levier majeur pour une école inclusive, permettant l’épanouissement et le développement des capacités de chaque élève. Il s’agit de prendre la mesure de ses apports, en particulier en matière de différenciation pédagogique, essentielle pour le développement des élèves et étudiants à besoins spécifiques. Tout aussi bien, il s’agit de conserver une vigilance éthique et pédagogique, mais aussi sociale et économique.

Ce colloque national réunira dans cette perspective les principaux acteurs de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la recherche, et de l’écosystème Ed-techs pour mettre en discussion une plateforme de recommandations. Celle-ci a été élaborée par un comité d’organisation interdisciplinaire à partir d’entretiens avec des acteurs clefs du domaine et sera enrichie par une consultation publique

Mettre l’intelligence artificielle au service de l’inclusion et du développement des capacités de tous les élèves

Présentation du colloque au Collège de France du 25 mars dernier sur « Mettre l’IA au service des enseignants pour assurer l’inclusion et le développement des capacités de chaque élève »

Download [3.53 MB]

# Une école inclusive développant les capacités de chaque élève : un défi à relever avec les enseignants

L’école se doit aujourd’hui de permettre l’épanouissement et le développement des capacités de chaque élève. Elle se doit aussi d’être inclusive et de fournir un environnement d’apprentissage adapté aux particularités de chacun.

Pour les enseignants, la personnalisation de l’action pédagogique par la prise en compte de chaque élève et son accompagnement au sein du collectif de la classe constituent un levier essentiel pour assurer ces missions. La mise en oeuvre de cette différenciation pédagogique se heurte pourtant à des difficultés, notamment du fait de son caractère chronophage et du manque d’outils disponibles. Faciliter cette personnalisation pédagogique constitue donc un défi majeur pour notre système éducatif, à relever avec les enseignants.

La différenciation pédagogique est en particulier déterminante pour les élèves et étudiants à besoins spécifiques, qui constituent plus de 20% de l’effectif scolaire en France. Cette catégorie d’élèves recouvre une grande diversité de situations, appelant des stratégies elles-mêmes diverses : handicaps physiques, sensoriels, troubles neurodéveloppementaux, précocité, handicaps psychosociaux, enfants malades et en difficultés sociales, allophones, etc. Du fait des difficultés de scolarisation de ces élèves et des spécificités de leurs modes et rythmes d’apprentissage, la personnalisation pédagogique est indispensable pour faire de l’école un véritable milieu de développement de leurs capacités. De fait, leurs enseignants sont en quête de nouvelles perspectives pédagogiques et de nouvelles possibilités de remédiation.

# L’intelligence artificielle : une opportunité pour les enseignants

Dans cette perspective, l’intelligence artificielle est un enjeu crucial. Les solutions IA offrent de nouvelles possibilités d’articuler l’accompagnement adapté de chaque élève et la consolidation d’un socle partagé de savoirs. Les potentialités d’automatisation ouvertes par l’apprentissage automatique et profond permettent à l’enseignant, dans un cadre commun à l’ensemble des enfants, de personnaliser les outils d’apprentissage et de les ajuster en temps réel selon la situation de chaque élève. Elles engendrent ainsi une mutation majeure des modes de production, d’accès et de partage des connaissances, qui appelle le développement d’un véritable projet politique de l’IA en éducation.

Certes, les solutions d’IA viennent s’inscrire dans un environnement marqué par un écosystème d’EdTechs déjà ancien ; elles ouvrent cependant des possibilités nouvelles. Elles permettent en effet aux enseignants des usages plus souples des outils numériques et un recours plus efficace aux connaissances scientifiques, notamment aux sciences cognitives.

Plusieurs types d’apports significatifs de l’IA en éducation sont ainsi en train d’émerger :

elles procurent de nouveaux outils d’appui, pour les enseignants (aide à l’organisation, à l’évaluation, etc.) comme pour les élèves (assistants personnels, chatbots, etc.) ;
elles facilitent la mise en oeuvre de méthodes pédagogiques ciblées (aide à la conception de ressources pédagogiques, mises en action et en situation des élèves, etc.) et rendent possibles un suivi plus fins de la progression des élèves, ce qui permet de diversifier les choix pédagogiques des enseignants ;
elles permettent de mieux articuler le scolaire et les autres espaces de connaissance et d’apprentissage, par exemple en orientant les élèves et étudiants vers les ressources non scolaires les plus adaptées à leurs besoins, et inversement en valorisant leurs intérêts et apprentissages externes dans le cadre scolaire ;
elles apportent aux élèves des outils pour leurs apprentissages en autonomie (renforcement, auto-évaluation, etc.), permettent une meilleure appropriation des savoirs disciplinaires et offrent des possibilités d’expérimentations accrues.

# L’intelligence artificielle à l’école : une vigilance particulière s’impose

L’IA marque cependant aussi une rupture importante par rapport aux outils numériques actuellement mobilisés et appelle de ce fait une vigilance particulière, cruciale dans un domaine aussi fondamental et sensible que l’enseignement :

Une vigilance éthique à l’égard notamment des biais implicites que les solutions d’IA sont susceptibles d’embarquer (ex. préjugés de genre) et des risques d’endoctrinement qu’ils pourraient induire ;
Une vigilance pédagogique pour se prémunir contre les risques d’effets pervers d’une utilisation inconsidérée de l’IA : formatage des pédagogies ou des modalités d’évaluation (QCM, etc), individualisation excessive, minoration des connaissances et des savoirs au profit des seules compétences, etc. ;
Une vigilance technique pour empêcher l’usage incontrôlé des données personnelles des élèves, auxquelles l’IA a massivement recours ;
Une vigilance sociale, afin d’éviter un accroissement des inégalités scolaires ou un affaiblissement du lien social ;
Une vigilance économique pour éviter que la puissance publique ne se retrouve en situation de dépendance par rapport à des opérateurs privés.

# Des principes directeurs pour une politique de l’IA à l’école

Il s’agit donc bien de construire une véritable vision politique de l’IA en éducation, visant à tirer parti des opportunités ouvertes tout en limitant les risques. Nous proposons d’encadrer celle-ci par quelques principes directeurs :

Il faut envisager l’IA comme un outil visant à développer les capacités et potentialités d’action des acteurs de l’éducation, au premier titre desquels les enseignants, et par là des élèves et des étudiants ;
Le développement des capacités des élèves et des étudiants à besoins spécifiques doit constituer l’objectif prioritaire de l’usage de l’IA en éducation. Cela pourra permettre le développement progressif de dispositifs au service d’un public plus large d’élèves ;
Les solutions IA visent à conforter la liberté pédagogique des enseignants en leur permettant d’ouvrir et de diversifier le champ des pédagogies et d’enrichir les modalités de leur mise en oeuvre ;
Les solutions IA ne peuvent être comprises comme de simples outils ni pensées sous un angle strictement technologique. Leur développement doit être inscrit dans une réflexion plus large sur l’avenir de l’École républicaine et sur les finalités de l’enseignement ; c’est pourquoi :
leur conception doit être encadrée par des principes et des règles éthiques bien définis ;
leur développement et leurs usages ne peuvent être séparés d’une réflexion consacrée aux spécificités de l’IA ;
leurs usages doivent être définis selon ce que la collectivité nationale souhaite que l’enseignement apporte aux jeunes (développer des capacités, acquérir des savoirs, transmettre une culture, accompagner l’émancipation…) dans un monde que l’IA va aussi transformer ;
du fait des risques induits, le recours à l’IA doit être réservé aux usages ou son apport est significatif par rapport aux approches existantes ;
Le développement de l’IA dans l’éducation nécessite un travail participatif et progressif :
qui place les enseignants au coeur du dispositif et implique toutes les parties-prenantes (chercheurs, élèves, étudiants, familles et entourage, administrations, etc) ;
qui passe avant tout par l’expérimentation et l’appropriation par les acteurs de terrain de l’éducation, mais prépare les conditions d’une diffusion plus large de ses réussites ;

# Quatre axes de propositions concrètes

Dans le cadre de ces principes, nous travaillons à définir des propositions concrètes sur 4 axes :

I – Définir une politique de développement de l’IA au service de l’inclusion et de l’épanouissement des capacités de chaque élève ;
II – Mettre en place les conditions d’une diffusion plus large de solutions d’IA en éducation ;
III – Outiller et accompagner les enseignants et professionnels de l’enseignement ;
IV – Faciliter le changement institutionnel.