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Les valeurs transmises à l’école "profondément inadaptées à la civilisation numérique" (Eric Verhaeghe)
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C'est toujours aimable. Au moins cette fois l’Éducation nationale" n'est plus "autiste du web" ...Eric Verhaeghe : “Les valeurs actuellement transmises à l’école sont profondément inadaptées à la civilisation numérique”
Un "cabinet d'innovation sociale"... à l'état d'ébauche à ce jour. Citons sa présentation :Face aux défis que représente la "révolution numérique", l'école a un rôle capital à jouer, tant pédagogique que dans les valeurs transmises.
Entretien avec Eric Verhaeghe, essayiste français, en marge de l’événement “Le Printemps du Numérique” qui se tient ce jeudi à Compiègne. Après un parcours dans le service public, notamment à la Ville de Paris et au ministère de l'Éducation nationale, Eric fonde Parménide, un cabinet d'innovation sociale spécialisé dans l'élaboration de réseaux sociaux.
Il se consacre essentiellement à l'innovation sociale dans l'entreprise.
Face aux défis de la compétitivité, est-il aujourd'hui investissement plus utile que le développement des ressources humaines dans toutes leurs dimensions: individuelles, collectives, prospectives?
La volonté de Parménide est d'apporter un regard neuf, à bonne distance des problèmes et des enjeux quotidiens, pour rebâtir du lien au sein de l'entreprise.
Les difficultés économiques, et surtout financières, qui s'annoncent, nous rappelleront une fois de plus qu'il n'est de richesse que d'hommes....
Quelles valeurs ?Vous estimez que l’école est l’un des défis majeur, sinon le défi principal que la société française doit relever pour traverser les bouleversements liés au numérique. Dans quelle mesure et pourquoi cela doit-il commencer dès l’école ?
On oublie trop souvent que le premier rôle de l'école est de transmettre des valeurs. Valeurs que je crois profondément inadaptées à la civilisation numérique.
C'est vrai que la pensée et la culture personnelles, c'est profondément inadapté comme "valeur".Je pense par exemple à la solitude de l'élève devant sa dissertation...
Car l'élève "construit le savoir", qu'on se le dise....la non-coopération dans la construction du savoir...
C'est une "valeur", ça ?... le primat du stylo et du papier sur le clavier.
L'école empêche les élèves qu'elle forme de ressembler à cet "honnête homme" aux facultés quelque peu limitées ("savoir partager ses sources"... )Dans le monde de demain, l'honnête homme sera celui qui sait partager ses sources, qui pratique l'intersubjectivité, le dialogue, qui coopère à tous les stades du savoir.
Mais au fait pourquoi ce qu'un énarque, pur produit de l'élitisme républicain le plus traditionnel comme M. Verhaeghe, a réussi à faire, d'autres ne le pourraient pas ?
Ou dans une startup de consulting social.Dans l'école de demain, l'acte de coopérer sera la valeur essentielle, ne serait-ce que coopérer dans une troupe théâtrale ou dans une association d'aide aux plus démunis.
L'exemple de la troupe de théâtre, dont M. Verhaeghe semble avoir une conception quelque peu naïve, est assez amusant : quel rapport avec la coopération ou la construction du savoir, au juste ? Au fait le théâtre ne serait-il pas lui-même "profondément inadapté à la civilisation numérique" ?
Dommage que M. Verhaeghe ne vienne pas montrer l'exemple en enseignant lui-même.Autant d’engagements trop absents du parcours scolaire français actuel.
Effectivement, on peut avoir certaines appréhensions.L’appréhension cette révolution technologique à l’école doit-elle démarrer dès le primaire?
Et même avant probablement.
Rien que cette phrase suffit à discréditer notre expert qui confond visiblement écriture cursive et écriture manuscrite, laquelle n'est pas près de disparaître aux Etats-Unis...Beaucoup d’États d’Amérique du Nord ont abandonné l'apprentissage de l'écriture cursive. Le clavier la rend secondaire. Pas inutile, mais secondaire.
Dommage que cette profonde réflexion, pleine de nuances, parte d'une information totalement fausse...Cela signifie que l'enseignement nord-américain est en train de se concentrer sur des compétences essentielles pour la civilisation numérique, alors qu'en France le corps enseignant reste obsédé par l'honnête homme de l'Ancien Régime, qui parcourait le monde avec un carnet de notes et un crayon à mines.
En même temps la brutalité commence déjà avec le sens du dialogue social de M. Verhaeghe !Notre retard exigera de nous un ajustement sans doute un peu brutal, y compris en termes d'emplois pour les enseignants.
Concrètement, nous n'avons plus besoin de l'école comme lieu de transmission du savoir: Internet le fait infiniment mieux dans tous les cas de figure.
Apprendre à trier, c'est construire sa personnalité.En revanche, nous avons besoin de l'école comme lieu de construction d'une personnalité. Apprendre à apprendre, apprendre à se repérer dans les sources, à trier, à analyser, voilà ce qui fera la mission de l'enseignant demain.
M. Verhaeghe est aussi concepteur de programmes scolaires toutes matières confondues : quel talent !Les écoles ont commencé à se connecter et se numériser : écrans numériques à la place des écrans noirs et la craie, ordinateurs plutôt que cartables, MOOC… Ces ressources suffisent-elles et sont-elles bien utilisées actuellement ?
C'est évidemment un bon début. Toutefois, l'effort du numérique ne doit pas se limiter à accompagner la pédagogie. Il doit en être le cœur et celle-ci doit en exploiter toutes les possibilités. Par exemple, il paraîtrait assez naturel que l'enseignement mathématique aujourd'hui soit épaulé par le numérique, voire centré dessus. Je ne parle évidemment pas des cours d'histoire et de géographie qui se prêtent merveilleusement à l'utilisation du numérique.
Quelle déception...L’éducation numérique doit-elle davantage porter sur les usages et les métiers ou plutôt sur les appareils?
Forcément sur les deux. Mais sur ce point, je voudrais faire preuve de prudence. Nous n'avons qu'une vision tronquée et fragmentaire de l'enseignement numérique futur.
(un exemple de "nouvelle rhétorique")Par exemple, je suis convaincu qu'Internet ouvre la porte d'une nouvelle rhétorique.
Restons dans le vague le plus complet.S'exprimer sur le net suppose le respect de figures de style qui ne s'improvisent pas et se codifient peu à peu. Cet apprentissage aurait évidemment beaucoup de sens. Il n'est pas achevé, mais il souligne que le numérique remettra à l'honneur, sous une forme renouvelée, des matières ou des disciplines aujourd'hui oubliées par les courants pédagogiques qui étaient perçus comme les plus modernes il y a vingt ou trente ans.
En tout cas certainement plus que de ne pas les maîtriser.En même temps, maîtriser parfaitement les outils scientifiques purs en physique ou en chimie aurait beaucoup de sens pour adapter l'enseignement scientifique aux exigences contemporaines.
Toujours ce sens de la mesure, du dialogue social chez M. Verhaegue, spécialiste des ressources humaines.Quels obstacles cette révolution pédagogique fait –elle surgir? Sont-ils idéologiques ou matériels?
Le premier obstacle est celui de la réticence du corps enseignant, imbu de la certitude qu'il est là pour transmettre un savoir.
C'est vrai que n'importe quel agrégé de mathématiques peut aujourd'hui recevoir des leçons d'un lycéen connecté, d'autant que sa matière est essentiellement informationnelle.L'image de l'enseignant en France est encore tributaire du fantasme selon lequel un agrégé est un expert de sa discipline, et qu'il fait sa légitimité sur son autorité scientifique. De là le sentiment de malaise répandu chez les enseignant face à des élèves qui mettent en doute l'autorité scientifique de l'enseignant notamment en puisant des informations (parfois mal comprises) dans Internet.
Et si l'acte d'enseigner était irréductible à la technique ?Les enseignants doivent, comme les autres salariés français, accepter de changer de métier sous l'effet du numérique.
Ils ne pourront plus rivaliser avec Internet.
En triant.En revanche, ils devront, dans une autre posture, aider les élèves à se forger une personnalité dans un monde connecté.
Voilà une belle phrase qui fixe de beaux objectifs, claires, précis et modernes.Ils devront les aider à chercher leur chemin et trouver leur voie.
Eh oui, c'est pressé.La société française a-t-elle suffisamment opéré sa transition numérique pour penser à refonder l’école de manière aussi radicale?
Nous sommes l'un des pays du monde les mieux équipés en Internet. Notre problème n'est pas celui de l'infrastructure, mais de la superstructure. Nous avons le matériel, mais nous ne savons pas optimiser son utilisation. Et sur ce point, le rôle de l'école est fondamental. L'école doit accélérer la transformation numérique, la précéder, au lieu de la retarder.
Radieuse perspective.Concrètement, comment imaginez-vous l’école dans 10 ans, puis dans 20 ans ? L’école existera-t-elle toujours ou bien suffira-t-il de rester chez soi devant son ordinateur à regarder des tutoriels et écouter des enseignants virtuels ?
C'est vrai qu'apprendre à problématiser, à rédiger ou à poser une équation ou résoudre un problème par exemple, ça n'a rien à voir avec le métier d'enseignant. L'enseignant est une machine à délivrer de "l'information", une sorte de présentateur de journal télévisé en somme.On aura toujours besoin d'enseignants IRL (in the real life), mais ils auront un rôle différent. Les classes de 30 élèves passifs attendant la vérité qui sort de la bouche du prof sont vouées à disparaître.
Car si on ne sait pas à quoi ressemblera l'école du futur, on sait en revanche à quoi ressemblera la vie future.En revanche des séances d'apprentissage en petits groupes collaboratifs seront indispensables pour préparer les élèves à leur vie future.
En tout simplicité "stratosphérique".Au-delà de l'école, où se situent les autres défis liés à la révolution numérique?
Pardonnez-moi d'être un peu stratosphérique, mais il me semble que le principal défi à relever est celui du sens dans une construction intersubjective.
C'est effectivement un bon résumé : "Wikipédia : L’important, c’est de participer"C'est, au fond, le sujet Wikipédia: la vérité, ou les hypothèses de vérité, ne se trouveront plus dans un livre prestigieux, mystérieux, inaccessible, mais dans une somme d'articles construits de façon collaborative.
Et si possible respectueuse des enseignants bien qu'ils soient "autistes du web" et "imbus de certitude". Rappelons également d'autres termes employés par M. Verhaeghe à propos de moi-même ou des enseignants : "autiste", "sadique", "âneries", "obscurantisme", "effrayante bêtise", "vicieuse", "décadente", "brontosaures cléricaux et pervers".Cette construction collective permanente supposera une capacité à produire un sens universellement acceptable. Ce sujet est important pour les sciences pures, mais surtout pour les sujets humains et sociaux. La production collective du sens exigera une éthique de la délibération qui soit transparente, respectueuse des libertés publiques et des droits fondamentaux.
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Il ne lui reste qu'à se
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Repris évidemment dans "EducaVox" à titre d'"éditorial" ( ) : www.educavox.fr/editorial/article/eric-verhaeghe-les-valeurs
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