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"Qu’est-ce que le numérique permet d’apprendre en dehors de l’école ?" (André Tricot)
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La question-titre est problématique à deux titres : d'abord parce qu'elle opère une distinction artificielle entre ce qui est en dehors de l'école et ce qui se passe à l'école. Or le numérique scolaire renvoie très souvent au hors classe et le numérique sauvage s'invite souvent dans les classes, parfois même sur le matériel remis aux élèves.Qu’est-ce que le numérique permet d’apprendre en dehors de l’école ?
Ensuite et surtout parce qu'elle n'envisage les choses que positivement ("le numérique permet d'apprendre") sans envisager que "le numérique" puisse empêcher d'apprendre : l'exemple de l'effondrement de la lecture approfondie, pour prendre un seul exemple, montre assez que le problème est pourtant présent.
Dans cette note, M. Tricot n'évoque jamais les formes que prend "le numérique" en dehors de l'école : quelles activités, à quelle heures, pendant combien de temps ?
Cette définition très vague est d'emblée problématique. Pas seulement parce que d'un point de vue strictement informatique (le "codage binaire des données") elle semble confondre "données" et algorithmes, mais surtout parce qu'elle confond tous les niveaux : matériels, logiciels, conceptuels ("accès à l'information"). Enfin, dernier point : cette présentation, comme le titre de la note, est essentiellement positive : le numérique offre des "outils" (c'est donc dire que ces objets sont utiles), il permet l'accès à l'information. La réalité des usages semble comme évacuée : l'accès à l'information par exemple est problématique et surtout très secondaire par rapport à d'autres usages, de communication ou de jeu.Par « le numérique » on désigne aujourd’hui un ensemble très hétérogène d’outils, d’applications, de logiciels et de modes d’accès à l’information, qui ont en commun l’utilisation du codage binaire des données.
Le phénomène d'"invasion" semble indépendant de toute intervention humaine, de toute choix éducatif pour le dire autrement.Ces outils ont envahi notre quotidien et celui de nos enfants, dans les pays riches en tous cas.
La définition étant très mal posée, cette observation semble dépourvue de sens puisque les ordinateurs et les réseaux sont entrés depuis bien longtemps dans les classes. Des centaines de milliers de tablettes ont même été distribuées aux élèves dans les années 2010. Cette observation atteste en fait que par l'expression "le numérique", il faut comprendre les objets numériques utilisés par les élèves (consoles, smartphones) et les "applications" de divertissement qu'ils utilisent (visionnage de vidéos etc.).Pendant ce temps, l’école est restée relativement épargnée ou hermétique à cette arrivée massive du numérique, comme elle avait été épargnée ou hermétique à l’arrivée du cinéma, de la radio ou de la télévision.
L'analogie avec la télévision ou le cinéma semble absurde : la télévision, au sens de la réalité des pratiques télévisuelles de divertissement, a-t-elle sa place à l'école ? Bien sûr que non. D'ailleurs il y a une histoire édifiante de la télévision scolaire, présentée comme un progrès scolaire, dans les années 1950 qui est assez amusante à étudier.
Quelle déception de voir André Tricot céder à une rhétorique aussi désolante : la modernité comme nécessaire progrès. On se demande d'ailleurs ce qu'il faut entendre exactement par "intégrer le numérique"...Ce qui permet d’imaginer une école plus moderne quand elle aura intégré le numérique.
Pourquoi ne pas s'y intéresser ? Quelle est la réalité des pratiques télévisuelles, cinématographiques ou vidéo-ludiques des plus jeunes ?Je propose d’aborder ici les effets du numérique sur les apprentissages hors de l’école. Les effets au sein de l’école seront abordés dans une seconde note (voir aussi Amadieu & Tricot, 2014). Je ne vais pas non plus aborder un aspect assez simple, celui des contenus violents. De façon non spécifique au numérique, l’exposition répétée, quotidienne, à la violence n’a pas un effet positif sur les enfants (Anderson et al., 2017), ni sur les adultes d’ailleurs. Une des conséquences de cette exposition quotidienne à la violence à travers les écrans est que, non seulement elle nous rend plus agressifs et plus insensibles, mais elle nous persuade que nous vivons dans un monde violent alors que celui-ci n’a jamais été aussi paisible, si l’on veut bien s’intéresser aux faits (Pinker, 2017).
Admettons, en considérant comme une grave lacune de ne pas s'interroger sur ce que les "outils numériques" occasionnent comme dommages dans les apprentissages.A travers quelques exemples, je vais me consacrer uniquement aux apprentissages réalisés lors de l’utilisation quotidienne, non scolaire, d’outils numériques.
On notera que le propos de M. Tricot ne semble cibler aucun âge précis. Il évoque même à l'occasion les pratiques des adultes, comme nous allons le voir.
Il s'agit donc de rassurer et même d'être enthousiastes ("plus qu'avant") : la lecture a toujours cours, même si nous savons sur LVM que les pratiques de lecture sont en déshérence . De fait, il faudrait définir "la lecture" et les exemples pris par M. Tricot montre qu'il ne s'agit pas de la lecture approfondie, de livres par exemple.La lecture de documents numériques
A l’ère du numérique, nous lisons beaucoup, plus qu’avant en tous cas : en moyenne de 1h46 par jour au début des années 1970 à 4h30 par jour au début des années 2010, selon White et ses collègues, qui ont enquêté auprès d’Américains adultes. Mais nous ne lisons pas forcément la même chose qu’il y a 40 ans. Par exemple, nous passons beaucoup de temps à lire notre courrier électronique : en moyenne, 30 minutes par jour, et jusqu’à 2h par jour chez certains cadres. Chez les enfants et les adolescents, le temps de lecture numérique est surtout dévolu aux outils Twitter, Facebook, Google et Wikipédia.
Les mails, considérés comme des "documents", posent eux-mêmes problème puisque les nouvelles générations n'y recourent précisément que très peu. Même les "outils" Twitter ou Facebook sont bien moins prisés à la fin des années 2010 que Snapchat ou Instagram : les contenus de lecture y sont très réduits. Quant à la lecture de "Google", cette pratique ne peut que laisser perplexe. Reste Wikipédia...
L'étude est donc déjà obsolète. Quant à considérer que les élèves lisent parce qu'ils se connectent à ces "outils", c'est atterrant d'un point de vue pédagogique...Dans une étude auprès de 850 jeunes entre 12 et 25 ans (Sahut et al. 2014), nous avons constaté que ces outils sont utilisés quotidiennement ou hebdomadairement par la majorité des individus de cette tranche d’âge.
C'est-à-dire à se dispenser, par le premier résultat venu à une requête sur un moteur de recherche, d'une réelle recherche documentaire...L’utilisation d’un outil comme Wikipédia permet aux jeunes d’apprendre à utiliser cet outil
Wikipédia est certes davantage un outil que "Google" et les vidéos YouTube, mais un "outil" problématique comme nous avons pu le montrer en détail .
Il n'y a rien à savoir "trouver" : les résultats de requête sont immédiats. Nulle part M. Tricot n'interroge ce qui peut fonder cette relative "confiance"... les usagers quotidiens savent y trouver l’information qu’ils cherchent ; information qu’ils jugent relativement bonne, en laquelle ils ont relativement confiance (une note de 3 en moyenne, si 1 est une très faible confiance et 4 une très forte confiance) et qui est surtout bien pratique.
Parce que les enseignants savent que Wikipédia, selon ses propres principes, ne peut pas constituer une "source" d'information ( "Wikipédia n’est pas une source primaire" ) et que son contenu ne fait l'objet d'aucune validation éditoriale ni d'aucune adaptation pédagogique.Ils savent que pour préparer un travail scolaire, ils auront besoin de chercher au-delà de Wikipédia. Ils savent aussi que de nombreux enseignants se méfient de Wikipédia et n’apprécient pas du tout que cette encyclopédie soit utilisée comme source unique. Chez les plus avancés dans leur scolarité, ils savent même que tel professeur déteste Wikipédia tandis que tel autre est beaucoup plus tolérant avec cette encyclopédie. Quand on interroge ces jeunes sur la source de leur méfiance envers Wikipédia, ils identifient très majoritairement les enseignants ; leurs parents ou leurs copains leur transmettent beaucoup moins cette méfiance.
Cette absence de validation ne pose aucun problème au chercheur... Il faut ajouter que l'encyclopédie, telle qu'elle se présente, ne laisse jamais supposer que ses contenus ne font pas l'objet d'une validation : sa forme de cette "encyclopédie" imite les autres encyclopédies.Pour autant, l’utilisation quotidienne de Wikipédia leur donne une connaissance pratique de Wikipédia, pas du tout une connaissance de caractéristiques importantes mais non pratiques. Par exemple, la grande majorité des jeunes utilisateurs ne connaît pas le modèle éditorial de Wikipédia. Ils ne savent pas qu’un article sur Wikipédia n’est pas validé avant publication. Même les lycéens qui ont participé à un Wikiconcours (projet qui consiste à rédiger un article original pour Wikipédia et à le publier, ou à modifier de façon substantielle un article existant) ne connaissent pas cette règle éditoriale fondamentale de Wikipédia.
Parce qu'ils utilisent très majoritairement des smartphones, qui n'invitent qu'à un usage passif et consumériste des contenus de Wikipédia. Mais Wikipédia, par sa facilité d'utilisation, invite lui-même à cette passivité.Leur connaissance de l’outil, acquise par la pratique, demeure une connaissance pratique. Ils n’apprennent par l’usage que ce qui sert leur usage.
Les "outils" comme les smartphones ne seraient pas si utiles ?De la même manière, et contrairement à ce que laisse entendre le mythe des « natifs du numérique » ou de la « génération Y », un adolescent qui utilise quotidiennement un ordinateur sera en grande difficulté avec un logiciel de traitement de texte s’il n’a jamais utilisé de logiciel de traitement de texte. C’est là le lot des apprentissages par la pratique : ils ne permettent d’apprendre que ce que l’on fait.
Comme si des enfants ou des adolescents avaient des capacités de vérification de source qui peuvent déjà poser problème à des adultes. Et comme si ce modèle lui-même n'invitait pas, par sa conception, à se dispenser de cette vérification. Celui qui utilise Wikipédia le fait précisément pour se dispenser d'une recherche un peu plus exigeante.La méconnaissance du modèle éditorial de Wikipédia par la plupart de ses usagers quotidiens est aussi intéressante que préoccupante. Nous venons en effet d’un monde où l’édition fonctionnait selon le schéma suivant : une institution de savoir (académie, université) confère à une source (auteur, éditeur) une autorité qui garantit au lecteur une certaine confiance dans ce qu’il lit, confiance qui garantit une certaine crédibilité de ce qui est écrit (Sahut & Tricot, 2017). Ainsi, quand nous lisons un ouvrage publié chez un grand éditeur ou dans une bonne revue de vulgarisation, nous savons que nous pouvons faire confiance. Quand nous lisons un article sur Wikipédia ou quand nous trouvons un document sur Google, ce n’est pas la même chose. Nous ne pouvons pas avoir confiance a priori. Wikipédia l’a bien compris d’ailleurs, puisqu’elle utilise maintenant une règle « citez vos sources », de préférence des sources académiques, pour accroître la confiance de ses lecteurs (Sahut, 2014). Mais ce nouveau modèle éditorial où, en gros, n’importe qui peut publier n’importe quoi sur n’importe quel sujet, change radicalement la donne. Les enfants, comme les adolescents et même les adultes, doivent absolument développer des compétences dans l’évaluation de la fiabilité de l’information.
Quant à "ce nouveau modèle éditorial", comme nous l'avons montré ("l'irresponsabilité comme modèle éditorial"), il n'en est précisément pas un et c'est tout ce qui doit être critiqué dans Wikipédia.
C'est donc bien que "le nouveau modèle éditorial" de cet "outil" est problématique. Mais curieusement M. Tricot n'en tire aucune conclusion.Car le nouveau modèle éditorial fonctionne plutôt de la manière suivante : une source qui est beaucoup lue par de nombreux lecteurs qui sont satisfaits de ce qu’ils y trouvent développe chez ces derniers une certaine confiance qui, peu à peu, confère à cette source une certaine autorité (Sahut & Tricot, 2017). Autrement dit, c’est la popularité (Cardon, 2015) qui confère l’autorité. Or, les travaux dans le domaine montrent aussi que les sources préférées sont celles qui corroborent nos opinions, notre façon de voir le monde. Nous recherchons dans ce que nous lisons des confirmations plus que des remises en cause. A la grande surprise des grands médias américains, les électeurs de Trump ne lisaient pas les grands médias nationaux qui menaient une charge très virulente contre Trump lors des dernières élections américaines. Les électeurs de Trump ne consultent que les sources favorables à Trump. Même si ce qu’on y lit est (parfois) faux.
La conclusion de M. Tricot laisse perplexe puisqu'elle semble finalement critiquer ces "nouvelles façons de diffuser des informations" (il n'a, à vrai dire, évoqué que Wikipédia : peut-on considérer les vidéos ou les réseaux sociaux comme des moyens d'accéder à l'information, avec leur propre modèle éditorial ?).La lecture quotidienne de supports numériques ne permet absolument pas aux jeunes lecteurs (et aux moins jeunes) de développer des compétences d’un lecteur capable d’évaluer la fiabilité d’une source. Cette activité leur permet de trouver ce qu’ils cherchent, la plupart du temps ce qui confirme leurs croyances, leur vision du monde, notamment si elle est partagée par des personnes qui appartiennent au même groupe. Si l’école sert à apprendre ce que le simple fait de grandir ne nous permet pas d’apprendre, alors l’enjeu que représentent les nouvelles façons de diffuser des informations est immense pour notre école.
Concluons plus fermement que M. Tricot : sur ce point précis de l'accès à l'information (confondu, comme souvent, avec l'accès à la connaissance), "le numérique" ne permet donc pas d'apprendre grand chose en dehors de l'école. De fait, nous serons d'accord avec lui : c'est l'école, la culture qu'elle apporte et la capacité de raisonnement qu'elle fait acquérir aux élèves qui leur permettent d'utiliser un peu plus pertinemment "le numérique"
Le jeu vidéo, un "outil" pour apprendre ?Apprendre avec des jeux vidéo
Un autre domaine qui occupe une part importante du temps des enfants et des adolescents est celui des jeux vidéo. Si bien que de nombreux chercheurs se demandent aujourd’hui quels apprentissages sont réalisés avec ces jeux. Pour ce qui concerne le contenu même des jeux, on sait malheureusement depuis des dizaines d’années avec les études conduites chez les joueurs d’échecs, que ce que l’on apprend en jouant reste spécifique au jeu en question : dans leur vie quotidienne ou au travail, les bons joueurs d’échecs n’ont pas une meilleure mémoire, ils ne raisonnent pas mieux, ils ne sont pas de meilleurs stratèges que les personnes qui ne jouent pas aux échecs (à âge et niveau d’études comparables). Mais ils ont une meilleure mémoire des parties d’échecs, ils raisonnent mieux et sont de remarquables stratèges aux jeux d’échecs (Gobet, 2011). C’est la même chose avec les joueurs de bridge ou de poker, c’est-à-dire ces jeux où des joueurs pouvaient consacrer plusieurs heures par jour à leur passion bien avant l’arrivée des jeux vidéo.
Échecs ou jeux de carte sollicitent davantage l'esprit et ne concernaient de toute façon que bien peu d'élèves, au contraire des jeux vidéo.
Seulement quand l'attention est définie de manière très restrictive (la réactivité à un stimulus). Parce que s'agissant des capacité d'attention et de concentration scolaire (en dehors de tout stimulus permanent d'image, de son, de mouvement), ce serait plutôt exactement le contraire.Si l’on s’intéresse, non pas au contenu du jeu, mais aux traitements cognitifs basiques qu’ils mettent en œuvre, alors on obtient des résultats intéressants (voir la synthèse de Mayer, 2016). Par exemple le fait de jouer à des jeux de tir à la première personne (en gros, il faut tirer le plus rapidement possible sur des cibles qui apparaissent potentiellement n’importe où sur l’écran) permet d’obtenir des performances supérieures lors de tests de capacités attentionnelles.
C'est quand même très éloigné des préoccupations scolaires. Et Tetris ne fait pas vraiment partie des jeux en vogue parmi les plus jeunes...De même, jouer à Tetris permettrait de développer des capacités en rotation mentale. On ne sait pas bien dire à l’heure actuelle si ces performances supérieures dans ces domaines ont un véritable intérêt pour la scolarité, mais on peut imaginer que pour certaines formations spécifiques (comme les pilotes de chasse pour le premier type de jeu ou les architectes pour le second type de jeu), cela pourrait éventuellement avoir un intérêt.
Un détail...Bien entendu, dans le cas du premier type de jeu, se pose la question de la violence évoquée au tout début de cet article, notamment quand ces jeux utilisent comme cibles des représentations d’êtres humains.
Les apprentissages par le jeu vidéo semblent donc soient très limités, soit très discutables. Aucune mise en garde, dans cette note pour une fédération de parents d'élèves, sur le temps d'exposition et les conséquences sur d'autres activités plus profitables pour les enfants ou les adolescents...
On peine à être convaincus par cette démonstration et cette conclusion qui se veut, comme toujours chez M. Tricot, équilibrée.Le mythe des générations
Les usages quotidiens du numérique permettent donc d’apprendre, mais pas n’importe quoi et pas n’importe comment, et surtout pas chez tous les enfants et les adolescents de la même manière.
Le relativisme devient plus net en insistant sur la variété des pratiques... sans jamais renseigner statistiquement sur celles-ci. Avec parfois d'étranges détours pour nous rassurer : "Oui, certains adolescents passent 9 heures par jour devant des écrans [...] ceux de 15 ans sont bien à 8,5 heures par jour en moyenne".Comme le montre Anne Cordier dans son enquête auprès de jeunes usagers du Web, la nouvelle génération n’est pas tellement différente de la précédente, quand on veut prendre en compte les différences qu’il y a à l’intérieur de chaque génération. Certains adolescents n’aiment pas Internet, d’autre détestent les réseaux sociaux ou se sentent très mal à l’aise dans l’usage de ces outils. Oui, certains adolescents passent 9 heures par jour devant des écrans. D’autres moins, d’autres plus, selon l’âge par exemple : l’enquête HBSC (2014) montre que les adolescents de 11 ans passent 5,8 heures par jour en moyenne devant les écrans tandis que ceux de 15 ans sont bien à 8,5 heures par jour en moyenne.
Encore un relativisme...Et certains adultes, dont celui qui écrit ces lignes, beaucoup plus encore.
La fracture numérique évoquée ici est antérieure aux années 2010 : quand aux pratiques de régulation parentale, elles sont précisément moins marquées dans les milieux les plus défavorisés (voir l'étude de l'AFEV en 2016 )...Si les filles et les garçons passent autant de temps devant les écrans, ce n’est, en moyenne, pas devant les mêmes écrans, pas pour regarder ni faire la même chose. Les enfants d’origine sociale modeste regardent plus la télévision tandis que ceux d’origine plus aisée regardent plus les autres écrans (consoles, ordinateurs, tablettes, téléphones portables), et sont souvent moins « contrôlés » par leurs parents.
Le relativisme atteint ici son comble...Oui, le temps passé sur une console, une tablette ou un ordinateur après le dîner est de plus d’une heure pour 52,6 % des collégiens, dont 14,7 % qui y passent plus de 2 heures. Une fois au lit, 51,7 % utilisent régulièrement un appareil électronique. Oui, ces pratiques perturbent le sommeil de ces adolescents de façon importante (Royant-Parola, Londe, Tréhout & Hartley, 2017). Mais, comme le montre cette même étude, la principale cause de perturbation du sommeil des collégiens, c’est le collège lui-même (il suffit pour cela de comparer le temps de sommeil les jours d’école et les jours de repos) !
Le relativisme conduit M. Tricot à des considérations assez curieuses...Oui, certains adolescents sont des pirates informatiques mais ils sont très rares, souvent bien moins nocifs que les pirates adultes.
Encore une fois, que viennent faire les adultes dans cette réflexion ? La confusion "informatique"/"numérique" devient ici gênante : précisément, les objets numériques sont commercialement conçus pour n'exclure personne : un enfant de moins de deux ans peut utiliser une tablette ou un smartphone...La révolution du numérique a bouleversé bien des enfants, des adolescents et des adultes, au point que ceux qui sont restés à côté de cette révolution se sentent ostracisés, qu’ils soient enfants, adolescents ou adultes. Certains adultes âgés ont même intégré le stéréotype selon lequel ils ne sont « pas doués avec l’informatique » ; quand vous êtes convaincu d’être incompétent, c’est souvent bien difficile de vous faire admettre le contraire.
Un truisme dont il est difficile de conclure quoi que ce soit...Pourtant, l’effet du vieillissement sur les compétences dans le domaine des technologies du numérique ne s’observe pas dans les métiers où ces personnes utilisent quotidiennement ces outils ! Les personnes qui utilisent quotidiennement un outil deviennent compétentes dans cette utilisation, quel que soit leur âge.
Conclusion très ambiguë, comme toujours chez M. Tricot, mais somme toute culpabilisante pour les parents s'efforçant de protéger leurs enfants en générant "un rapport anxieux au monde".Conclusion
Finalement, comme parents, aujourd’hui comme hier, nous pouvons essayer de protéger nos enfants de la violence, tout en essayant d’éviter que cette protection ne génère un rapport anxieux au monde. Et nous recherchons cet équilibre sans être certains de le trouver.
Prévenir et superviser (des objets connectés et nomades qui ne peuvent pas l'être), c'est à vrai dire très différent... Et pourquoi utiliser un lexique moralisateur ("démissionnaire") quand on semble bien assister à une évolution préoccupante du temps d'exposition et de l'âge d'exposition ?L’enquête d’Anne Cordier montre d’ailleurs que « les parents démissionnaires qui ne savent rien de ce que font leurs enfants »... constitue largement un mythe ! Beaucoup de parents sont à l’écoute de leurs enfants et savent les prévenir des dangers importants.
On notera que les "dangers" n'ont quasiment pas été évoqués (si ce n'est la violence des contenus vidéo-ludiques).
Il serait bon de formuler une conclusion claire, dès lors qu'on évoquait des moyennes de 8,5h par jour à quinze ans...L’enquête HBSC montre que les adolescents qui estiment avoir de l’aide et de l’affection de la part de leur famille sont plus nombreux à déclarer une durée inférieure à 2 heures devant la télévision, idem devant la console et idem devant les autres écrans (2h par jour devant chacun des trois types d’écran étant considéré comme un seuil bas dans cette enquête).
Et peut-être même de s'interroger peut-être sur ce que représentent six heures d'écran par jour dans la journée d'un adolescent...
Difficile de faire plus ambigu...Pour le reste, les enfants apprendront le monde avec nous et avec leurs professeurs, tout comme hier. Ce qui est difficile pour l’école, c’est de réussir à rester à l’écart des soubresauts du monde pour ne prendre en compte que les véritables lames de fond.
On note néanmoins que "le monde" n'est jamais conçu comme relevant d'une responsabilité parentale, institutionnelle ou sociale : la présence des écrans a quelque chose d'immanent...
Conclusion fort décevante pour une note elle-même bien mal informée, très confuse dans sa réflexion (la bibliographie est très pauvre...) comme dans ses conclusions, parfois contradictoires. Les parents retiendront le titre de la note et le relativisme qui l'anime...Je crois que l’apprentissage d’un rapport critique à l’information est une de ces véritables lames de fond, comme en attestent la création du Centre de liaison pour les moyens d’information dès 1983, aujourd’hui Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (Clémi), ou la page des « décodeurs » du journal Le Monde.
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