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L'autonomie des établissements scolaires
- Loys
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En dépit d’une dépense nationale d’éducation supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE, le système éducatif français peine à produire des résultats satisfaisants. Malgré les objectifs d’égalité, l’uniformité nationale formelle s’accommode d’inégalités réelles de traitement des élèves et d’une faible mixité scolaire. Notre système éducatif souffre en particulier d’un pilotage très centralisé, même si les lycées et les collèges ont le statut d’établissements publics locaux d’enseignement (EPLE). Dans son enquête, la Cour des comptes s’est intéressée à la manière dont les établissements scolaires peuvent se mobiliser pour bâtir un projet pédagogique adapté aux spécificités de leurs élèves, dans le but d’améliorer leur réussite. Elle a examiné les capacités d’action des établissements, et ses constats la conduisent à recommander de renforcer le rôle des chefs d’établissement et à moduler davantage l’attribution des moyens aux EPLE pour tenir compte de leurs difficultés.
Un projet d’établissement encore trop peu mobilisé
Chacun des collèges et des lycées doit, comme l’impose le code de l’éducation, se doter d’un projet d’établissement fixant les choix pédagogiques et la politique éducative pour une durée de trois à cinq ans. Il s’agit d’adapter le cadre scolaire national aux caractéristiques des élèves de l’établissement, pour favoriser leur réussite. Or, la moitié des établissements n’est pas dotée d’un tel projet, et, parmi ceux qui le sont, la qualité de la démarche et la portée du document sont très inégales.
Des marges de manœuvre insuffisamment exploitées
Au-delà de l’autonomie juridique que les textes réglementaires accordent aux EPLE, leur capacité d’action se décline à plusieurs niveaux incluant la gestion des ressources humaines, l’organisation des enseignements et le pilotage pédagogique et éducatif qui résulte précisément de la construction de leur projet d’établissement, adapté aux besoins des élèves et aux spécificités du territoire. Or, en dépit de l’affichage d’une autonomie formelle, les marges de manœuvre des établissements ne sont pas toujours suffisamment mises à profit. Avec des situations comparables et des moyens d’enseignement analogues, deux établissements peuvent avoir des résultats très différents en matière de réussite scolaire. C’est pourquoi la Cour recommande au ministère de renforcer le rôle des chefs d’établissement et de revoir les modalités d’allocation des moyens aux EPLE.
Une autonomie juridique formelle et limitée
En se fondant sur l’observation d’une quarantaine d’établissements, la Cour a cherché à comprendre quels étaient les leviers dont disposent les établissements et la façon dont ils s’en emparaient. De nombreux freins, autant liés à la gouvernance des EPLE qu’à l’hétérogénéité des acteurs de la communauté éducative qu’il faut parvenir à mettre en synergie (institution scolaire, enseignants, parents d’élèves, collectivités territoriales), peuvent en effet limiter la capacité de mobilisation sur un projet collectif pour améliorer la réussite des élèves. A ces difficultés s’ajoutent les effets d’un modèle de gestion rigide et très centralisé, ainsi que la capacité variable des chefs d’établissement à fédérer leurs équipes pédagogiques.
Renforcer les capacités d’action des chefs d’établissement
Le chef d’établissement est un acteur-clé dans la conduite d’un projet pédagogique et éducatif. Il lui revient d’engager une dynamique collective au sein de l’établissement et d’en assurer le suivi au quotidien. Si des évolutions positives sont intervenues ces dernières années pour renforcer son rôle d’encadrant de proximité, les leviers à sa disposition, notamment en matière d’évaluation des enseignants, sont encore limités. Les marges de manœuvre dont il dispose ne lui permettent guère de motiver son équipe et de mieux rétribuer ceux de ses membres les plus investis. Face à ce constat, la Cour appelle à une évolution des conditions d’exercice professionnel des chefs d’établissement pour en faire de véritables cadres dirigeants au sein de l’institution - ce qui doit passer par un renforcement de leur parcours de formation, un meilleur accompagnement, et une modernisation de la gestion de leur carrière.
Moduler davantage l’allocation des moyens aux EPLE
Le système scolaire français s’appuie sur une logique d’allocation des moyens éducatifs globalement uniforme. Le critère principal demeure, le plus souvent, le nombre d’élèves fréquentant l’établissement rapporté à un nombre de divisions (classes). Les résultats et la situation sociale des élèves, tout comme le contexte géographique, ne sont pas pris en compte de manière suffisante et systématique. Pour contrecarrer cette situation, la Cour estime que l’efficience des moyens attribués aux établissements serait mieux assurée si les modalités d’allocation intégraient davantage les résultats des évaluations et les contraintes pesant sur le lieu d’implantation de l’EPLE, et si elles étaient mieux coordonnées avec les interventions des collectivités territoriales.
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Le texte prévoit des écoles et établissements publics sous contrat, sur le modèle des « académies » britanniques. Ces établissements publics sous contrat pourraient choisir leurs élèves, leurs enseignants, et même leur organisation pédagogique, dérogeant ainsi totalement aux règles des autres établissements scolaire publics comme privés sous contrat. Ils seraient dirigés par un chef d’établissement aux pouvoirs étendus, y compris dans le premier degré. « L’autorité hiérarchique » du directeur d’école est affirmée. Dans la foulée, la proposition de loi intègre les autres marqueurs de droite : interdiction du port du voile pour les accompagnatrices des sorties scolaires, attribution des avantages REP aux écoles rurales, port obligatoire de l’uniforme.
www.cafepedagogique.net/2023/03/06/leduc...droite-et-de-macron/
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Dans "AEF Infos" du 8/07/23 : "P. Moscovici : "Il faut combiner l’approche territoriale et l’autonomie pour rendre la dépense d’éducation plus adaptée aux besoins""
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- Loys
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Le dernier score Pisa livré par l’OCDE en décembre 2023 fait apparaître une dégradation significative du niveau scolaire en mathématiques et en « compréhension de l’écrit » presque partout dans le monde.
La France est à l’unisson, 23ème au classement avec des résultats qui de 2018 à 2022 s’abaissent vers la moyenne de l’OCDE et passent de 495 à 482 en mathématiques et de 487 à 474 en « compréhension de l’écrit ». Elle ne résiste qu’en sciences en améliorant son score de 493 à 494.
Retour du redoublement
Conscient de ces difficultés, le ministre Gabriel Attal a proposé de redonner aux enseignants la possibilité de faire redoubler les élèves, de supprimer l’école unique, de supprimer le collège unique. Il a une fois de plus insisté sur les «fondamentaux» et engagé une énième réforme du bac. Mais au-delà des effets d’annonce, ces mesures ne seront-elles pas vaines alors que l’école est d’abord entravée par la domination de syndicats d’enseignants qui veulent la déconstruire, que le statut de la fonction publique incite le corps enseignant à vivre mollement de ses acquis et que depuis des lustres les ministres qui, d’Allègre à Blanquer, veulent réformer l’école se heurtent à l’inertie militante du Mammouth.
Augmenter sans cesse les crédits de l’Education nationale
La réalité est que le monopole de l’instruction, qui a peut-être eu quelques mérites au temps des hussards noirs de la République, a désormais démontré son incapacité à délivrer les bases du savoir à tous et à promouvoir les élèves les plus prometteurs. A vouloir garantir l’égalité de niveau de tous les enfants, elle a dû les abaisser tous à l’étiage des plus médiocres, au détriment de tous, sinon ceux qui trouvent encore une éducation à la maison.
Les élus désarmés tentent vainement d’augmenter sans cesse les crédits de l’Education nationale alors que le cout par élève en France est déjà l’un des plus élevés du monde. Mais l’OCDE constate aussi qu’au-delà d’un montant estimé à 75 000 USD de dépenses cumulées par élève âgé de 6 à 15 ans, « un investissement supplémentaire n’est pas synonyme de meilleure performance des élèves » IL vaut mieux observe-t-elle accorder « la priorité à la qualité de l’enseignement plutôt qu’à la taille des classes et en établissant des mécanismes de financement qui mettent en adéquation les ressources avec les besoins ». Et elle souligne qu’au-delà nécessaire qualité des enseignements, la participation des parents dans l’apprentissage des élèves est essentielle à la réussite de ceux-ci.
À lire Beaux livres : du sport sous le sapin
Liberté scolaire
Aujourd’hui le constat doit être fait que l’école publique est irréformable de l’intérieur. Pourrait Seule une vraie mise en concurrence avec des écoles privées pourrait l’obliger à se rénover ou à disparaître. Certes, il existe aujourd’hui d’excellentes écoles privées sous contrat qui déjà la challenge. Mais ces écoles privées n’ont qu’une demi liberté puisque leurs professeurs sont payés par l’Etat et qu’il leur est difficile de s’en séparer lorsqu’elles les jugent insuffisants. Au surplus et surtout, les écoles privées sous contrat font l’objet d’un quota implicite qui les empêche d’accueillir plus de 20% des élèves.
La liberté scolaire viendrait rétablir une saine compétition entre les établissements scolaires pour faire ressortir les méthodes qui marchent et celles qui échouent et permettre aux parents de choisir entre eux. Elle répondrait mieux aux besoins des enfants autant que des parents. Des écoles autonomes apprendraient mieux aux enfants l’autonomie que ne peuvent le faire des enseignants figés dans leur statut, dans des programmes imposés et dans leurs certitudes idéologiques.
L’autonomie des écoles
En matière d’éducation, l’État n’a ni obligation ni même vocation naturelle à construire des écoles et embaucher des enseignants, mais seulement de s’assurer que tous les enfants reçoivent une instruction correcte et de favoriser leur éducation. À cet égard, la liberté scolaire peut prendre des formes diverses, au travers du bon scolaire remis à chaque famille pour payer l’école de leur choix pour leurs enfants (comme en Suède par exemple) ou par un subventionnement objectif des écoles indépendantes (comme avec les Free schools ou les Académies en Angleterre, ou les Charter schools aux USA, ou encore comme aux Pays-Bas). Partout les résultats sont là aussi pour démontrer que, globalement, les enfants sont les bénéficiaires de la liberté scolaire.
D’ailleurs, les études de l’OCDE/PISA soulignent encore que les enseignements gagnent en qualité là où les écoles ont une plus grande autonomie d’embauche, voire de licenciement, des professeurs. L’autonomie des écoles favorise l’adaptation des rémunérations en fonction de la performance et des organisations plus flexibles et plus attentives aux besoins des élèves et aux préoccupations des enseignants. Certes, quand les écoles sont autonomes, voire indépendantes, l’État doit conserver un certain contrôle de la qualité et de la sécurité de ces établissements comme il doit veiller à empêcher toute dérive sectaire. Mais ainsi, l’égalité en droit de tous les parents est respectée dans le choix de l’éducation de leurs enfants en même temps que ceux-ci disposent d’une égalité de chances préférable à celle que leur offre aujourd’hui en France la sectorisation scolaire qui fait obligation aux enfants d’aller dans des collèges ou lycées affectés selon leur résidence.
La liberté scolaire devrait s’étendre à la liberté de la formation des enseignants pour leur apprendre à transmettre des savoirs plutôt qu’à écouter les élèves, leur redonner de l’autorité, stopper les dérives du wokisme et de l’égalitarisme. Alors peut-être nous retrouverions une éducation de qualité, favorable au mérite et sur la base de laquelle pourrait se reconstruire une société plus solide.
Jean-Philippe Delsol
Avocat, président de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales
Il suffit de lire RSE 2023 pour constater que ce postulat de départ est totalement faux.le cout par élève en France est déjà l’un des plus élevés du monde
Quant à donner l'exemple de la Suède...
www.laviemoderne.net/veille/mirabilia/71...edois?start=10#24071
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La nomination d’un constitutionaliste à la tête du cabinet de Nicole Belloubet, elle-même juriste et ancien membre du Conseil constitutionnel, interroge. Surtout quand la ministre a milité pour une décentralisation du système éducatif. Va-t-on vers une nouvelle loi fondamentale pour l’Ecole qui fixerait une nouvelle répartition des rôles au sein du système éducatif et entre l’Etat et les collectivités locales ? Un Acte III “girondin” qui assurerait la territorialisation demandée par de nombreux acteurs et confierait l’Ecole aux acteurs locaux ?
Un cabinet de juristes
Révélée par le Café pédagogique, la nomination d’Eric Thiers à la tête du cabinet de Nicole Belloubet, ministre de l’Education nationale, est une surprise. Rien ne rattache le nouveau directeur de cabinet à l’Education nationale. Il a été conseiller spécial chargé des questions constitutionnelles de N. Belloubet quand elle était Garde des sceaux. Il a été la cheville ouvrière de la modification de la constitution de 2008. Il était, il y a peu, le “monsieur constitution” d’Emmanuel Macron.
Justement, la nouvelle ministre de l’éducation nationale, est-elle aussi juriste, avant de devenir rectrice. Elle a été membre du Conseil constitutionnel. Tout se passe comme si les choix de l’Elysée se porte sur des personnalités capables de porter une nouvelle loi sur l’Education nationale, voire une réforme constitutionnelle. Et cela alors que l’Elysée au même moment modifie les contours de l’Education nationale en faisant disparaitre le ministère de l’enseignement professionnel.
Une ministre acquise à la territorialisation de l’Education nationale
Alors, une nouvelle loi sur quoi précisément ? Relisons simplement Nicole Belloubet. En 2016, dans un article qui fait grand bruit, elle plaide pour une nouvelle territorialisation de l’Education nationale. “Un rapide regard sur les 35 pays membres de l’OCDE permet d’esquisser deux lignes directrices“, écrit-elle. ”Partout les systèmes sont plus décentralisés qu’en France (dans plus des 3/4 des pays, les enseignants sont gérés au niveau local soit par les collectivités soit par les établissements) ; partout les établissements sont plus autonomes. Même lorsqu’elles entrent dans la pédagogie, il ne faut pas craindre cette extension des compétences des collectivités“. Elle décline ce que la territorialisation signifie pour les enseignants. “Une approche plus locale exige également une forte déconcentration des affectations et de la gestion des ressources humaines de plus de 800 000 enseignants. Cela seul assurera l’implication des personnels… Cette logique impose de conférer le pouvoir de choisir l’affectation de l’enseignant à celui qui a l’expertise pour ce faire au niveau où les besoins éducatifs sont le mieux identifiés. Même s’il faut un pouvoir régulateur de niveau supérieur, c’est le chef d’établissement qui est le garant de l’unité et de la réussite de son équipe“.
N. Belloubet a-t-elle oublié ces propos ? Ecoutons la ministre lors de son discours de prise de pouvoir le 9 février. “J’ai de la volonté et de l’énergie. Je les mettrai au service de notre système éducatif… pour favoriser des coopérations fertiles entre élèves, entre enseignants, entre établissements et avec les acteurs culturels, économiques et sociaux, nationaux ou territoriaux au plus près de chaque école et établissement scolaire“, dit-elle.
La territorialisation, une vieille idée…
La territorialisation, élément clé du New Public Management, repose sur l’idée que la concurrence est bonne pour les systèmes éducatifs et que c’est au niveau local que peuvent être prises les meilleures décisions et les meilleures adaptations. C’est là aussi que se joue le contrôle sur les agents de l’Education nationale afin de reconnaitre et récompenser les plus méritants et de punir ceux qui ne le sont pas. Des idées que l’on trouve posées dès 2012 dans ce texte d’A Bouvier et B Toulemonde. Et qui réapparaissent en 2024 sous la plume d’A Boissinot. “Notre système est en tension entre une conception bonapartiste, centralisatrice et descendante qui a fait la grandeur de l’École au 19e siècle et qui n’est plus adaptée et une logique nouvelle qui peut inquiéter car elle oblige à rompre à certaines habitudes. Cette tension est pour beaucoup dans le malaise actuel“, dit Alain Boissinot. “Le modèle du fonctionnariat, avec un corps enseignants, avec le même statut pour tous, avec l’idée d’un métier exercé tout long de la vie, est remis en cause par l’État (en France) mais aussi par les enseignants eux même”.
Remise à l’agenda politique de 2024
Ce thème de la territorialisation de l’éducation vient d’être remis en avant par la Cour des Comptes. Dans un récent rapport de juillet 2023, la Cour des comptes invite à “désétatiser” l’éducation nationale. Elle veut “privilégier l’approche territoriale et l’autonomie dans la gestion des dépenses d’éducation”. Il s’agit de “sortir d’une gestion encore trop concentrée“. “Son modèle de gestion, très vertical et centralisé, et privilégiant certains parcours, ne lui permet pas de fédérer les énergies au service de la réussite des élèves“, écrit la Cour à propos de l’Education nationale. Ainsi la Cour veut “donner davantage de compétences et d’autonomie aux rectorats, par exemple dans le dialogue avec l’enseignement privé sous contrat sur la gestion des moyens, des ouvertures et des fermetures de classes“. “Il faut aborder de façon pragmatique les difficultés de recrutement particulières de certaines académies ou certaines disciplines en tension, en donnant aux rectorats la possibilité d’expérimenter des modalités dérogatoires de recrutement sur diplômes“, ajoute-elle. Autre idée forte, répétée de nombreuses fois par la Cour, faire des chefs d’établissement “des cadres dirigeants“. Comprenez des managers chargés de recruter et payer les enseignants.
Quelques semaines plus tard, en octobre 2023, c’est l’Inspection générale qui dénonce à son tour un fonctionnement trop centralisé de l’Education nationale. Les inspecteurs constatent que les contrats avec l’Etat sont formels tout comme les projets d’académie. Les recteurs de région académique “peinent à prendre leur place” leur autorité ayant du mal à s’imposer. L’Etat écrase le niveau local “les relations institutionnelles demeurent asymétriques et offrent peu de place à l’initiative locale“. Le rapport demande plus de pouvoir au recteur de région académique et la limitation des cadrages nationaux et de la fixation d’objectifs à atteindre. Ce rapport fait suite à un rapport de 2018 qui demandait déjà le transfert de pouvoir du centre vers les recteurs.
La Cour des Comptes, l’Inspection ne sont pas seules. En septembre 2023, Valérie Pécresse, présidente Les Républicains de la plus grande région, l’Ile de France, demande “un choc de décentralisation“. Elle demande que les lycées professionnels passent aux régions. Mais aussi la création d’écoles primaires régionales sous contrat totalement autonomes, la redéfinition par la région des conseils d’administration des lycées afin d’en prendre le contrôle et le transfert total de l’orientation et de la médecine scolaire aux régions. Elle veut “une véritable révolution girondine des libertés locales” et “une véritable gouvernance partagée du système éducatif” incluant le recrutement de professeurs “issus de la société civile“, donc hors concours. Non seulement ce texte reprend des idées de la loi Brisson adoptée par le Sénat. Mais les élus macronistes du conseil régional se disent “pleinement favorables” au texte “dès lors que le cadre juridique sera suffisamment stabilisé“.
Un Acte III voulu par E. Macron
Rien d’étonnant à cela. Quand E Macron a choisi JM Blanquer comme ministre de l’éducation nationale, celui-ci avait largement exposé ses idées dans “L’école de demain” (2016). Il demandait le transfert aux régions des lycées professionnels, l’autonomie des établissements scolaires confiés à de véritables managers ayant pouvoir de recrutement des enseignants.
Depuis, E. Macron a largement fait part de son souci d’adapter la carte des formations et l’offre de lycées professionnels à l’économie locale. Le Pacte et le CNR visent à développer l’autonomie d’établissements scolaires mis en concurrence avec des personnels ayant des rémunération individualisées délivrées par les chefs d’établissement. La réforme du collège, avec la fin du collège unique, va un peu plus loin dans la différenciation locale en l’inscrivant dans la pédagogie et au sein des établissements.
En mettant à la tête de ce ministère des juristes capables de porter une réforme fondamentale de l’Éducation nationale, Emmanuel Macron semble vouloir impulser un nouvel acte éducatif. Si l’Acte I a été marqué par la loi Blanquer et la loi Rilhac, l’Acte II est en train de se mettre en place avec la réforme du collège et celle du lycée professionnel. L’Acte III pourrait être celui d’une nouvelle territorialisation.
On remarque qu’Emmanuel Macron a fait disparaitre le ministère de l’enseignement professionnel. C’était pourtant un point central de sa politique éducative. Quel est le sens de cet escamotage ? Envisage-t-il une nouvelle territorialisation marquée par le passage de l’enseignement professionnel aux régions et une autonomie accrue d’établissements scolaires à l’ombre des collectivités locales ? Ancienne rectrice, ancienne vice-présidente de région en charge de l’éducation, juriste accomplie, militante de cette territorialisation, Nicole Belloubet semble particulièrement bien choisie pour porter ce projet. Est-ce la raison du choix élyséen ?
Une bonne idée ?
La territorialisation est-elle une bonne idée ? En 2018, Anne Barrère et Bernard Delvaux, dans un intéressant numéro de la Revue internationale d’éducation, évoquent l’inexorable fragmentation des systèmes éducatifs nationaux. ” L’hypothèse sous tendant ce dossier est que des processus de fragmentation déstructurent les systèmes scolaires nationaux les plus solidement établis“, écrivent Anne Barrère et Bernard Delvaux. “La prééminence des systèmes scolaires dans les champs éducatifs tend à s’éroder lentement sous les coups de butoir d’initiatives multiples de familles, d’associations, de communautés, d’entreprises et de fondations privées”.
Si ce mouvement, avec la privatisation de la gestion du système éducatif, semble inexorable, A Barrère et B Delvaux montrent aussi ses failles avec l’exemple des Charters Schools à La Nouvelle Orléans. Au début il s’agissait d’aider les écoles qui ne réussissaient pas bien à s’en sortir. Au final s’est constitué, grâce au chèque éducation, une hiérarchie d’écoles privées sur fonds publics qui se distinguent socialement et “racialement“. Plus de 7000 professeurs du public ont été licenciés et remplacés par de jeunes étudiants inexpérimentés recrutés par Teach for America, une organisation qui s’implante aussi en France avec le soutien du ministère de l’Education nationale. Alors que le principe du chèque éducation promettait aux familles de leur donner la possibilité de choisir leur école et d’échapper à l’école du quartier, c’est l’inverse qui s’est produit : les écoles privées sont en concurrence et choisissent leurs élèves du moins pour celles des strates supérieure et moyenne. Les plus pauvres sont dans des écoles encore plus ségréguées.
L’exemple de la Suède vaut aussi d’être rappelé. C’est le pays qui est allé le plus loin vers la territorialisation de l’éducation, confiant aux autorités communales la gestion complète des établissements scolaires y compris dans le domaine pédagogique. Vingt ans après la réforme, le diagnostic dressé par l’OCDE sur l’école suédoise pointe le faible niveau de compétences des élèves suédois et la baisse régulière des performances en compréhension de l’écrit, en maths et en sciences dans les évaluations PISA depuis 10 ans en lien avec la dégradation des conditions de travail et de rémunération des enseignants. Au final, l’OCDE a invité la Suède à ré-étatiser son enseignement.
Pour les politiques, territorialiser, comme le demande le New Public Management, est une aubaine. ” Le New Public Management présente aussi un avantage spécifique pour les dirigeants politiques“, explique le sociologue Pierre Merle. “Son principe est de décentraliser au niveau des établissements scolaires des décisions aussi centrales que l’affectation des professeurs dans les établissements, la mise en application des programmes, les rythmes scolaires… Si cette politique est mise en œuvre, il n’existera plus de politiques éducatives inadaptées ou de ministres incompétents, seulement des chefs d’établissement incapables, des mauvais projets scolaires, des professeurs malhabiles, des parents peu stratégiques et des mauvais élèves. La décentralisation des décisions au niveau local engendre un processus de culpabilisation des individus et de naturalisation de l’échec scolaire… L’Etat se défausse de ses responsabilités cardinales : assurer le droit à l’éducation, favoriser l’égalité des chances, rechercher une répartition plus équitable des ressources éducatives, etc… Si une mission aussi centrale que l’égalité des chances n’est de la responsabilité directe d’aucun des acteurs majeurs de l’Education nationale, elle ne peut que devenir secondaire.”.
Une ministre et ses contradictions
Et là on rejoint directement les propos de Nicole Belloubet. Dans son discours du 9 février, le point le plus remarquable est son diagnostic de la crise de l’Ecole. ” Les résultats des études PISA sont sans appel : l’école française ne fonctionne pas de façon satisfaisante pour 25 à 30 % des élèves de 15 ans qui ont des résultats très insuffisants… Nous devons tout faire pour mettre en place un système qui contribue à réduire les inégalités sociales“. Il n’échappe donc pas à la ministre que la crise de l’Ecole est celle des écoles des enfants des familles populaires. C’est elle qui fait peur aux classes moyennes que le gouvernement veut attirer.
La solution n’est pas dans la transformation de la gestion de tout le système éducatif. La crise sociale nécessite des réponses sociales qui vont bien au-delà de l’Ecole. Or la logique du New Public Management n’est pas de s’attaquer aux inégalités sociales mais de rendre responsables de la crise les enseignants et leur ” manque d’investissement“. C’est en modifiant leur gestion pour les “impliquer” davantage que l’on pense améliorer le système. C’est ce que veut dire G Attal avec la formule “la pédagogie est plus forte que la sociologie“.
Le premier ministre est fidèle à la politique générale d’E Macron, qui est tout sauf sociale. On ne sait pas comment Nicole Belloubet va faire cohabiter sa dénonciation des inégalités sociales avec la feuille de route gouvernementale. Elle reçoit lundi les syndicats. Gageons que la question de la territorialisation sera posée.
François Jarraud
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www.laviemoderne.net/veille/vers-la-libe...-regulation-le-mondeDans le privé, ces directions disposent d’importants pouvoirs sur les enseignants, qui sont plus souvent contractuels et précaires que dans le public, et dont le recrutement nécessite l’accord du chef d’établissement. « Les moyens de pression des directeurs sur les enseignants sont très nombreux, relève Franck Pécot, du Syndicat national de l’enseignement privé-UNSA. D’ailleurs, s’il y a dérive, c’est qu’il n’y a pas de possibilité d’intervention. L’avancement de l’enseignant, ses choix de mutation, ses heures supplémentaires, son emploi du temps… Tout va dépendre de s’il est, ou non, dans les petits papiers du chef. »
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- Loys
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Promouvoir l'autonomie des établissements en faisant le constat des inégalités et de l'échec scolaire en France... mais pas celui de l'autonomie pour réduire les inégalités quand elle est laissée au privé : tout est dit.
Le discours libéral, visant à un désengagement de l’État dans l'éducation, infuse de plus en plus.
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