L'ennemi numérique intérieur
Vacances scolaires et bibliothèque municipale quasi déserte. Sauf les enfants qui viennent.. pour les écrans.
Dans ma bibliothèque municipale, personne ou presque. Les allées de livres sont désespérément désertes et les rares bibliothécaires s’ennuient.
J’entends malgré tout quelque part des cris joyeux : une demi-douzaine d’enfants, munis de casques audio d'emprunt, s’empressent autour des postes informatiques mis à leur disposition. Ce sont des enfants qui ne peuvent pas partir en vacances ou n’ont pas internet à la maison. Ils ne recherchent pas une référence bibliographique : ils surfent sur le web, regardent des clips sur YouTube ou jouent à des jeux sur Facebook ou tf1.fr.
À portée de main mais pourtant si loin d’eux, inutiles et tristes, des livres par dizaines de milliers, des romans pour la jeunesse, des albums, des ouvrages documentaires, des bandes-dessinées pour tous les âges, des recueils de contes merveilleux ou de poésie populaire.
Mais l’injonction de modernité a encore frappé : même dans ce sanctuaire de la lecture et du temps suspendu qu’est la bibliothèque, le numérique est parvenu s’imposer. Une bibliothèque, sous peine de ringardisation, doit mettre à disposition de ses usagers les signes voyants de la modernité triomphante : des ordinateurs connectés.
Et tant pis si le budget livres est amputé d’autant. Et tant pis si les enfants n’y viennent plus pour lire ou emprunter des livres.
De même dans les CDI de nos collèges, les documentalistes doivent lutter chaque jour un peu plus pour qu’internet et le pire du numérique ne deviennent la vraie raison de la venue des élèves.
Même dans cette librairie d’une grande enseigne de produits culturels, où un étage entier est dédié aux enfants — le paradis du livre pour la jeunesse avec les toutes dernières nouveautés, les grands classiques dans toutes les éditions, les indémodables et les introuvables —, on trouve depuis peu, au centre de l’étage, des iPads mis à la disposition des enfants, qui désormais font la queue pour lancer des oiseaux sur des cochons.
Dans ma bibliothèque municipale, une des bibliothécaires me dit pour me consoler que, de toute façon, ces enfants-là sont perdus pour la lecture.
À vrai dire, je crois bien que c’est le plus triste.