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La réforme de l'évaluation
- Loys
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Doit-on repenser l'évaluation scolaire ? Et comment la repenser à l'heure où la société du service nous incite de plus en plus à distribuer des notes ?
La pratique de la mauvaise note est encore très fréquente en collège et lycée (...). Nous sommes encore sur un système très traditionnel, sur un modèle qui remonte à la fin du 19ème siècle.
P. Merle
Il y a plein de manières d’évaluer, les lettres A, B, C – acquis/ non acquis... mais peut-être préférez-vous les notes sur 20 ? D’ailleurs, depuis quand note-t-on sur 20 ? L’ouvrage dont nous parlons aujourd’hui Les pratiques d’évaluation scolaire, historique, difficultés, perspectives, est une véritable somme, la somme, sur la question. Une somme historique pour commencer car en effet, il faut se plonger dans l'histoire de l'éducation pour comprendre pourquoi et comment l'école évalue les élèves encore aujourd’hui.
Et ce "comment" est primordial car il contient une problématique, LA problématique de l’évaluation : doit-on évaluer d’abord les progrès de chacun ? Ou évaluer les élèves les uns par rapport aux autres, les comparer et les classer ? C’est bien une philosophie de l’enseignement et de la transmission qui est contenue dans la question de l’évaluation et des notes. Question pas tout à fait tranchée à l’heure qu’il est, alors que les pratiques d’évaluation se diversifient à l’école et se répandent, au-delà, dans la société du service, où chacun est appelé à noter les services, les lieux, des individus comme les chauffeurs de VTC ou les agents commerciaux…
L’intérêt de la note, c'est la clarté dans le cadre d'un dialogue avec les familles.
J.-M. Huart
Avec
Pierre Merle, sociologue et spécialiste des pratiques d’évaluation scolaire, pour Les pratiques d’évaluations scolaires, PUF (mai 2018)
Jean-Marc Huart, directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’Éducation nationale (Dgesco)
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- Loys
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Pierre Merle écrit: Aujourd'hui, c'est une étude récente, 75% des collégiens ont peur d'avoir une mauvaise note.
Pierre Merle n'a pas donné la source de ce chiffre mais il s'agit sans doute de l'enquête du CREN dont le rapport a été remis en 2015 au ministère (voir ce fil de discussion ). 354 collégiens ont été interrogés dans cette enquête sur "la peur d'avoir de mauvaises notes OU de mauvais résultats", ce qui n'éclaire pas la réflexion puisqu'il ne s'agit pas d'une peur permanente et générale mais d'une peur éventuelle : les élèves ont peur d'avoir de mauvaises notes... comme ils ont peur que le professeur mette un mot dans le carnet de liaison (64%), ce qui arrive somme toute assez rarement. Qu'ils n'en aient pas du tout peur serait quelque peu inquiétant...
Ce chiffre, qui n'établit pas de causalité entre cette peur (éventuelle donc) et l'échec scolaire (de bons élèves peuvent parfaitement avoir peur d'avoir de mauvaises notes, c'est même souvent le cas...), mérite d'être replacés dans la perspective d'autres chiffres : ("Climat scolaire et bien-être à l'école" en décembre 2015 dans "Education & formations" : voir ce fil de discussion ) : 87% des collégiens des collégiens trouvent que les relations avec les enseignants sont très bonnes ou plutôt bonnes et 86% des collégiens trouvent que les notes sont très justes ou plutôt justes. Dès lors incriminer l'arbitraire des notes ou le manque de bienveillance des enseignants comme fait Pierre Merle ("les petites remarques que les professeurs font toujours, il y en a malheureusement, du style : "Et la copie la plus nulle c'est pour le gros lard !"") semble aussi absurde que caricatural.
Le débat sur les notes, comme j'ai eu l'occasion de le dire dans ce débat, a la vertu, en plus de culpabiliser les enseignants, d'occulter bien d'autres débats scolaires qui ne sont malheureusement pas tenus.
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La conclusion est amusante :
6. Interprétation et conclusion
On peut donc conclure que l’évaluation par compétence n’a pas d’effets statistiquement détectables sur les apprentissages tels que mesurés par les épreuves obligatoires du DNB en fin de collège. Les élèves, qu’ils aient été exposés à l’évaluation par compétence seulement en 6e ou pendant tout ou presque leur scolarité au collège, ont obtenu les mêmes résultats au DNB que les élèves exposés au mode d’évaluation classique par notes chiffrées. Cette absence d’effets sur les résultats au DNB se retrouve chez tous les élèves quelle que soit leur origine sociale. Si quelque chose se passe, il s’agirait d’une légère baisse du taux de non‐admis chez les élèves défavorisés, mais ceci reste davantage une piste à approfondir qu’une certitude. Un tel résultat pourrait être confirmé ou infirmé en prenant des échantillons plus importants, ce qui sera possible dans les années futures grâce à la montée en puissance de l’évaluation par compétence.
L’absence d’effet de l’évaluation par compétence pourrait refléter un manque de transformation profonde des pratiques pédagogiques autour de l’évaluation des élèves. L’une des limites de cette étude est le statut auto‐déclaratif de la pratique de « l’évaluation par compétence ». Les établissements concernés n’évoluent pas dans un cadre défini incluant un référentiel commun et une formation spécifique à destination des enseignants. Cette évaluation d’impact s’est donc attachée à quantifier l’impact de pratiques relativement hétérogènes malgré un affichage uniforme. Il est intéressant de constater qu’en moyenne les pratiques mise en œuvre ne produisent pas d’effets sur les apprentissages en fin de collège, ce qui n’exclut pas bien évidemment que dans tel ou tel cas spécifique – et minoritaire – des effets soient apparus.
De plus, l’évaluation formative est une pratique pédagogique riche qui nécessite une transformation radicale qui va au‐delà d’un changement de métrique, comme le passage de l’échelle de notation sur vingt à des points de couleurs, des mentions « acquis », etc. Comme nous l’avons rappelé en introduction de ce Focus, l’évaluation formative implique un changement radical dans l’objectif même de l’évaluation, en passant d’une évaluation des apprentissages à une évaluation pour les apprentissages, c’est‐à‐dire dont le but premier est de motiver les élèves et de les encourager à progresser. Une recherche complémentaire devrait donc être menée pour évaluer si les établissements qui utilisent l’évaluation par compétence ont réellement changé leurs pratiques d’évaluation dans le sens de l’évaluation formative, ou s’ils sont restés finalement plus proche de l’approche sommative bien qu’utilisant une grille détaillée compétence par compétence. L’évaluation formative requiert une transformation structurelle de la façon d’enseigner qui n’a peut‐être pas eu lieu : mettre en avant les points forts et les points faibles de chacun, renforcer la confiance en soi et le sentiment d’auto‐efficacité, accorder le droit à l’erreur, apporter des conseils individualisés pour progresser. Une méthodologie claire, ainsi que des formations seraient nécessaires pour observer une véritable application de l’évaluation formative. Les collèges engagés dans l’innovation pédagogique devraient pouvoir bénéficier d’un cadre permettant de systématiser l’évaluation scientifique de leurs pratiques et de les disséminer dans d’autres établissements.
L’arrivée de nouvelles cohortes traitées en troisième ainsi que l’institutionnalisation progressive de l’évaluation formative devraient permettre de mener de nouvelles évaluations d’impact et de dépasser les limites évoquées ci‐dessus.
Au passage, la note se réfère à la classe coopérative de Guillaume Caron, militant des classes sans note (avec un suivi des élèves pendant quatre ans et une salle dédiée), et notamment à cette fiche très instructive : eduscol.education.fr/experitheque/fiches/fiche13619.pdf
Résultats scolaires : une évaluation complexe
Quelle efficacité des classes coopératives sur les acquis des élèves ? La question est particulièrement complexe à plusieurs titres :
- Nous avons peu d’éléments de comparaison au fil du collège.
- Qu'appelle-t-on « acquis » ? Se limite-t-on à des savoir-faire scolaires que les élèves seraient capables de reproduire ? Quel impact des classes coopératives sur les compétences orales, globalement peu évaluées dans le cadre scolaire, et assez largement travaillées dans ces classes ?
- S'il est déjà complexe d'évaluer les compétences techniques mesurables, comment mesurer l'impact d'un tel dispositif sur les « soft skills », qu'on peut relier à l'intelligence émotionnelle ou aux compétences psycho sociales. Par définition, elles ne sont pas mesurables mais elles sont pourtant cruciales pour la vie future. Les classes coopératives font le pari du développement de ces compétences qui ne peuvent pas se repérer dans des évaluations standard ou avec une note au DNB.
En revanche, Guillaume Caron insiste sur les nombreuses récompenses attribuées (par lui-même et ses collègues) à ses propres élèves des classes coopératives. De fait, une évaluation assez simple des classes coopératives au brevet a montré en 2019 des résultats inférieurs à toutes les autres classes du même collège...
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