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Les pratiques de lecture de la jeunesse
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Sur "Télérama" du 29/11/22 : "Sur YouTube : “Les jeunes ne lisent plus”... vraiment ?"
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Une collègue raconte une sortie "Collège au cinéma" avec des collégiens :
... à une culture qu'ils ne connaîtront jamais pour certains (aujourd'hui c'était fenêtre sur cour de Hitchcock). Le collège leur a offert cette sortie. Ce qui leur importait ? Savoir s'ils allaient voir black panther au ciné hype du coin, s'ils pouvaient s'assoir à côté de leurs potes, s'ils pourraient manger du pop corn. De plus en plus souvent je me demande pourquoi se donner autant de mal pour un tel résultat. Pendant le film, on a du les recadrer X fois, certains ont laissé leur place pleine de détritus et se sont révoltés. Quand je leur ai demandé de ramasser. Certains se sont amusés à imiter des bruits de pets, d'autres à faire semblant de ronfler, le tout dans une ambiance de rire généralisé, visiblement c'était drôle. Pour nous c'était une injure à notre investissement. De plus en plus souvent je me dis à quoi bon ? Mais je n'arrive plus à relativiser, cette génération m'effraie par son manque de civisme, de respect, son incapacité à vivre en communauté. Difficile de tenir bon quand on ne voit pas le bout du Tunnel. J'aime mon métier et l'exerce avec conviction et passion mais cela ne suffit plus. Je suis exténuée.
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Nouveau relativisme de Françoise Cahen dans "Telerama" : la baisse de la lecture "est plutôt moins forte chez les jeunes que chez leurs aînés. Quand on regarde les enquêtes générales sur la lecture, on constate que la jeunesse lit plus que la moyenne des français".
C'est d'abord confondre, avec l'expression "baisse de la lecture", une évolution au sein de chaque cohorte (moins lire avec l'âge) et une évolution entre les cohortes, la seule qui nous intéresse ici : les jeunes lisent-ils moins que les jeunes des périodes passées ?
Oui si on inclut bandes dessinées et mangas. Sinon, l'effondrement est saisissant : 58% seulement des 15-28 ans ont lu un livre (hors bande-dessinée) dans l'année écoulée (73% à 84% des 15-28 ans des générations antérieures).
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Bruno Devauchelle revient sur le « lire », sur le débat médiatique qui oppose le livre et l’écran. Selon le chercheur spécialiste de la question du numérique en éducation, L’école « doit permettre d’aller à la rencontre de toutes les formes d’expression actuelles, compte-tenu de nos environnement techniques ».
Une image contenant texte, Appareil de communication, Téléphone mobile, Appareil de communications portable Description générée automatiquement Le débat sur la place du “lire” est régulièrement reposé dans les médias. Outre l’opposition écran/livre, c’est aussi celle école/famille qui est posée. Ce qui nous intéresse particulièrement, au-delà des débats trop souvent médiocres, c’est ce qui concerne le fond les métiers d’éducateur, de parent, d’enseignant. Le monde scolaire et le monde universitaire travaillent auprès de jeunes qui sont entrés dans un monde tel qu’il est et qu’ils n’ont pas choisi. C’est en particulier le cas des technologies disponibles qui ont transformé les manières de vivre, et qui témoignent en même temps d’une lente autodestruction et une fuite en avant que la réalité sociale et climatique (entre autres) nous invite à penser, dès les premiers moments de l’éducation et de l’enseignement (cf. les bandes dessinées proposées par Esther Duflo et Olivier Cheyenne).
Une écriture multiple ?
Lire sur papier, sur écran, sur un mur, nous avons le choix ! L’invention de l’écriture est le signe de l’émergence de la trace comme inscription dans le temps et dans l’espace de l’activité humaine, concrète ou abstraite. Lire a été précédé par dessiner comme on peut le voir dans les grottes comme celles de Lascaud, de Chauvet ou autres… Car l’image reproduite est le premier mode de représentation construit par l’homme probablement simultanément voire avant l’évolution des langages. Aujourd’hui, le débat se concentre sur l’activité de lecture (et d’écriture) car l’écrit s’est imposé comme structurant les rapports humains et la fabrication de la trace de ceux-ci. On peut le comprendre en étudiant, par exemple, les Ostraka égyptiens et ce qu’ils nous font savoir de l’activité sociale de l’époque. Car depuis bien longtemps l’écrit s’est imposé comme mode d’organisation et de domination dans la société, supplantant l’image et les représentations multiples sous forme imagées. On peut se rappeler ici la querelle qui a émergé lors de l’arrivée de la photographie qui a peu à peu modifié la place de la peinture et les manières de représenter le réel…
L’école, temple de l’écrit ?
À l’école, l’écrit est prédominant et s’accompagne du lire. Le duo lire écrire est la base de toute réussite scolaire. L’écrit qui a été longtemps la possession des dirigeants, des castes de pouvoir, est devenue progressivement le sésame de la socialisation. L’écrit et pas forcément le livre qui n’est qu’une des formes de l’écrit. Dans les débats actuels, il est trop souvent fait l’économie de la distinction entre les multiples modes d’expression humains et l’école en est l’otage involontaire. L’arrivée d’Internet a rendu accessibles des quantités immenses de documents écrits, souvent inaccessibles auparavant. Rapidement, l’écriture est devenue possible pour tous mais très vite rattrapée par l’image, fixe ou animée (vidéo). On est passé d’une consommation à un potentiel d’action expressive nouvelle. Et la population ne s’en est pas laissé compter, prompte qu’elle a été d’utiliser ces moyens : le smartphone et les réseaux variés et multimédias en sont la preuve. Réconciliation entre l’image et l’écrit, chacun est désormais confronté à ce vaste espace de sensations qu’il doit s’approprier d’une manière ou d’une autre.
Confrontation des pratiques et des moyens pour accéder au sens
Et c’est là que l’école est interrogée. Alors que d’aucuns d’entre nous parlent de la qualité de la lecture des livres, les éducateurs sont confrontés à d’autres pratiques sociales fondées sur les technologies. Il est médiatiquement facile d’opposer le livre et l’écran, tant cela est simplificateur. Surtout lorsqu’il s’agit de parler d’éduquer les jeunes, sujet sensible et affectivement marqué du fait de nouvelles formes de parentalités (cf. le débat sur l’éducation positive) et de la compétition sociale : quels sont les privilèges des uns et comment y accéder ? (cf. Le fameux ascenseur social) Que ce soit face aux livres, aux journaux, aux écrits de toutes sortes, la question première est celle d’accéder, le plus librement possible, au sens et à ce que l’on peut en faire personnellement (la connaissance). Quels que soient les supports, l’éducation, scolaire en particulier, doit permettre d’accéder au processus d’appropriation du sens. Malheureusement, un certain cynisme caché de la part des classes dominantes encourage au contraire à la mise sous tutelle culturelle et sociale de la population, la plus fragile en particulier. Il suffit d’analyser les messages des publicitaires et autres communicants pour comprendre comment la volonté de manipulation des esprits se cache dans le quotidien.
Une école de tous les écrits, multimodaux, multimédias
Oui l’école doit permettre d’accéder à la lecture, mais aussi à l’écriture. Mais elle doit aussi permettre d’aller à la rencontre de toutes les formes d’expression actuelles, compte tenu de nos environnements techniques. Cela doit se faire sans naïveté et avec discernement, c’est-à-dire en ayant soin de proposer aux jeunes, et aussi à leurs parents, les moyens de s’y retrouver. L’école, là aussi, ne doit pas jouer le jeu du “à part du monde”, mais plutôt de la “bonne distance”. Donner “en-vie” est au coeur du processus qui doit guider l’enseignant. Ce rapport aux documents doit s’inscrire dans une dynamique de curiosité à mettre au coeur de tout apprentissage. “Aller à la rencontre de” doit se substituer à “acquérir des savoirs” comme ligne directrice, car c’est de cette rencontre que peut émerger la connaissance. Le problème du livre, comme nombre d’écrits et de documents de flux, c’est sa très faible interactivité initiale. Seul le lecteur peut entrer en dialogue avec l’écrit, mais celui-ci ne répond pas au-delà de ce qu’il est. Alors que la population est désormais entrée dans l’ère post-médiatique qui est fondée sur la multiplication des interactions, il est certes urgent de “ralentir”, pour faire écho au travail d’Hartmut Rosa, mais ce même auteur nous invite à aller vers la résonance comme principe pédagogique. D’ailleurs certains enseignants et éducateurs s’en sont déjà emparé.
L’école est appelée à reconsidérer l’ensemble de son mode d’action face à l’évolution des “écrits de toutes sortes” et des interactions multiples qui sont désormais possibles. Pourquoi l’omniprésence de la prise de photo via le smartphone est-elle devenue un mode de captation de la trace individuelle. Parce que cela permet une forme d’écriture qui rejoint celle de l’ère qui a précédé celle de l’écrit. Chacun peut s’interroger sur son rapport à la manière de faire trace, de partager la trace, et plus largement de transmettre (au sens de “faire passer”). L’émergence de nouvelles formes de transmissions portées par des individus augmentés par la technologie ne peut laisser l’école de côté. Nombre d’enseignants ont compris cela qui développent l’usage de la prise de trace multimodale pour enrichir les formes des apprentissages. Outre que cela les enrichit, cela permet de donner accès à ce monde multimédiatique dans lequel les jeunes et les adultes se meuvent actuellement.
Médias-école, journalistes-éducateurs, il est temps d’avancer
Le monde médiatique, au moment d’une réflexion sur l’information (États généraux de l’information), tente de se situer comme garant de la qualité des écrits et autres contenus multimédias. Qu’il le veuille ou non, seule la légitimité de leurs productions pourra leur permettre d’accompagner une amélioration de l’information. Mais ce monde médiatique, peuplé entre autres de nombreux journalistes, est confronté au monde de l’interaction immédiate envahie par toutes sortes d’intérêts individuels, mercantiles ou politiques… Comme pour l’éducation, les médias sont appelés à se reconfigurer pour accompagner la population dans cet objectif de démocratisation véritable de l’information qui doit permettre à chacun de construire ses connaissances et non pas les subir sous l’autoritarisme des “sachants”. Il ne suffit pas d’une semaine de la presse et de l’information, pas plus que de “cours d’EMI” pour prendre en charge ces questions. Il est temps que les communautés d’éducation se situent clairement par rapport à ces problématiques qui, bien que pas nouvelles, sont régulièrement sur le devant de la scène…
Bruno Devauchelle
Une tribune de haute volée... qui, tout en prétendant promouvoir la lecture sous une forme numérique et "augmentée", s'efforce de l'évincer de l'école. Commentons gaiement.
L'homme "à l'ère numérique"
et l'homme à l'ère préhistorique : même combat !
Félicitons le "chercheur" (sans recherches publiées) pour le "rédiger" de sa tribune et le "réfléchir" qu'il permet ainsi (la substantivation témoigne toujours de la qualité scientifique d'une réflexion). Rappelons, quand même, que M. Devauchelle n'est pas enseignant et n'a pas d'expertise particulière de l'enseignement du français en général, ni de l'enseignement de la lecture en particulier. Mais il est "spécialiste" (et surtout promoteur de longue date) du numérique à l'école : n'est-ce pas tout ce qui compte "à l'ère numérique" ?Bruno Devauchelle revient sur le « lire », sur le débat médiatique qui oppose le livre et l’écran. Selon le chercheur spécialiste de la question du numérique en éducation...
Façon de dire que la lecture appartient aux "formes d'expression" inactuelles....l’école « doit permettre d’aller à la rencontre de toutes les formes d’expression actuelles, compte-tenu de nos environnement techniques ».
Comme on va le voir, pour M. Devauchelle, "nos environnements techniques" invitent bien à "la lecture" (et tant pis s'il ne s'agit absolument pas de la lecture dont il est ici question, la lecture profonde d'une œuvre littéraire ou d'un texte de réflexion). Le débat est ainsi bien posé et M. Devauchelle a bien raison de critiquer ceux qui le posent mal !Le débat sur la place du “lire” est régulièrement reposé dans les médias. Outre l’opposition écran/livre, c’est aussi celle école/famille qui est posée. Ce qui nous intéresse particulièrement, au-delà des débats trop souvent médiocres, c’est ce qui concerne le fond les métiers d’éducateur, de parent, d’enseignant.
Ou comment préparer à la nécessaire adaptation de l'école au monde qui l'entoure et aux nouvelles "manières de vivre". A ce compte, l'école devrait subir bien d'autres adaptations...Le monde scolaire et le monde universitaire travaillent auprès de jeunes qui sont entrés dans un monde tel qu’il est et qu’ils n’ont pas choisi. C’est en particulier le cas des technologies disponibles qui ont transformé les manières de vivre ... et qui témoignent en même temps d’une lente autodestruction et une fuite en avant que la réalité sociale et climatique (entre autres) nous invite à penser, dès les premiers moments de l’éducation et de l’enseignement
Le relativisme s'appuie donc sur un sophisme : lire sur un mur, lire sur un écran ou lire sur papier, c'est la même chose. Glissement lexical grossier ("lire") qui élude évidemment la question de la lecture dans le cadre scolaire, laquelle porte non pas sur le support mais sur le contenu (bien qu'on puisse discuter de l'incidence de l'un sur l'autre). Mais M. Devauchelle va plus loin ensuite.Une écriture multiple ?
Lire sur papier, sur écran, sur un mur, nous avons le choix !
Une réflexion qui n'est pas sans rappeler les dissertations les plus poussives ("De tout temps, les Hommes..."). Elle est néanmoins instructive en ce qu'elle tente - de façon assez atterrante - de redéfinir l'acte de lecture ou d'écriture : écrire, c'est dessiner, et lire, c'est lire des dessins... Voilà qui prépare utilement à la légitimité à toutes les formes de lecture. L'homme "à l'ère numérique" et l'homme à l'ère préhistorique, même combat !L’invention de l’écriture est le signe de l’émergence de la trace comme inscription dans le temps et dans l’espace de l’activité humaine, concrète ou abstraite. Lire a été précédé par dessiner comme on peut le voir dans les grottes comme celles de Lascaud, de Chauvet ou autres… Car l’image reproduite est le premier mode de représentation construit par l’homme probablement simultanément voire avant l’évolution des langages.
Nouveau relativisme qui rejoint le précédent : l'écrit "s'est imposé" au détriment d'autres "formes d'expression". N'est-ce pas regrettable ?Aujourd’hui, le débat se concentre sur l’activité de lecture (et d’écriture) car l’écrit s’est imposé comme structurant les rapports humains et la fabrication de la trace de ceux-ci.
Passons sur la fonction assignée à l'écriture, finalement pas si éloignée des grottes préhistoriques : fabriquer des traces des rapports humains...
C'est maintenant le procès de l'écriture, moyen de "domination". Après les grottes préhistoriques, les pyramides égyptiennes : une pensée de haut vol, décidément ! Reste que, pour montrer comment l'écrit supplante l'image, l'exemple égyptien et ses idéogrammes n'est peut-être pas le plus approprié...On peut le comprendre en étudiant, par exemple, les Ostraka égyptiens et ce qu’ils nous font savoir de l’activité sociale de l’époque. Car depuis bien longtemps l’écrit s’est imposé comme mode d’organisation et de domination dans la société, supplantant l’image et les représentations multiples sous forme imagées.
Assigner à la peinture de "représenter le réel", c'est précisément n'avoir rien compris à la peinture...On peut se rappeler ici la querelle qui a émergé lors de l’arrivée de la photographie qui a peu à peu modifié la place de la peinture et les manières de représenter le réel…
Mais il s'agit pour M. Devauchelle, dans un nouveau raccourci historique saisissant des pyramides égyptiennes au XIXe siècle, d'asséner l'inéluctable marche vers le progrès.
On voit ici combien le regret est immense d'une école où écrire est enseigné (mais toujours avec le relativisme, déplacé vers le livre cette fois-ci : "le livre n'est que..." et donc pas grand chose).L’école, temple de l’écrit ?
À l’école, l’écrit est prédominant et s’accompagne du lire. Le duo lire écrire est la base de toute réussite scolaire. L’écrit qui a été longtemps la possession des dirigeants, des castes de pouvoir, est devenue progressivement le sésame de la socialisation. L’écrit et pas forcément le livre qui n’est qu’une des formes de l’écrit.
On revient à ce relativisme implicite : l'écriture n'est - après tout - qu'un des "multiples modes d'expression humains".Dans les débats actuels, il est trop souvent fait l’économie de la distinction entre les multiples modes d’expression humains et l’école en est l’otage involontaire. L’arrivée d’Internet a rendu accessibles des quantités immenses de documents écrits, souvent inaccessibles auparavant.
Après avoir enjambé les millénaires de l'histoire de l'écriture, M. Devauchelle enjambe les décennies de l'existence du web, en retraçant son progrès, bien sûr. Progrès technique, mais aussi progrès démocratique puisque "la population" (sic) a pu s'extraire enfin de la sinistre domination de l'écriture grâce à l'écriture et grâce à l'image !Rapidement, l’écriture est devenue possible pour tous mais très vite rattrapée par l’image, fixe ou animée (vidéo). On est passé d’une consommation à un potentiel d’action expressive nouvelle. Et la population ne s’en est pas laissé compter, prompte qu’elle a été d’utiliser ces moyens : le smartphone et les réseaux variés et multimédias en sont la preuve. Réconciliation entre l’image et l’écrit, chacun est désormais confronté à ce vaste espace de sensations qu’il doit s’approprier d’une manière ou d’une autre.
De façon intéressante, la lecture se trouve alignée sur l'image, appartenant comme elle à un "vaste espace de sensations" (sic).
La question n'est pas "médiatique", elle est effectivement simple et elle est particulièrement fondée dans le cadre scolaire : est-ce que la lecture de livres (et notamment de livres littéraires) est identique à "d'autres pratiques sociales fondées sur les technologies" (que, pudique sans doute, M. Devauchelle ne précise pas, la périphrase savante étant certainement plus convaincante).Confrontation des pratiques et des moyens pour accéder au sens
Et c’est là que l’école est interrogée. Alors que d’aucuns d’entre nous parlent de la qualité de la lecture des livres, les éducateurs sont confrontés à d’autres pratiques sociales fondées sur les technologies. Il est médiatiquement facile d’opposer le livre et l’écran, tant cela est simplificateur.
Une partie de la réponse est dans les termes de M. Devauchelle : "les éducateurs". Il ne s'agit plus d'enseigner.
Le lien logique du raisonnement nous échappe ici totalement.Surtout lorsqu’il s’agit de parler d’éduquer les jeunes, sujet sensible et affectivement marqué du fait de nouvelles formes de parentalités (cf. le débat sur l’éducation positive) et de la compétition sociale : quels sont les privilèges des uns et comment y accéder ? (cf. Le fameux ascenseur social)
La logique est toujours aussi confuse, mais au confusionnisme s'ajoute une forme de complotisme assez nébuleux. Ne sont-ce pas les mêmes "classes dominantes" qui - de façon désolante - promeuvent l'enseignement de la lecture ?Que ce soit face aux livres, aux journaux, aux écrits de toutes sortes, la question première est celle d’accéder, le plus librement possible, au sens et à ce que l’on peut en faire personnellement (la connaissance). Quels que soient les supports, l’éducation, scolaire en particulier, doit permettre d’accéder au processus d’appropriation du sens. Malheureusement, un certain cynisme caché de la part des classes dominantes encourage au contraire à la mise sous tutelle culturelle et sociale de la population, la plus fragile en particulier. Il suffit d’analyser les messages des publicitaires et autres communicants pour comprendre comment la volonté de manipulation des esprits se cache dans le quotidien.
Voilà qui est toujours plus évasif : allez comprendre ce que peut signifier cette dernière phrase !Une école de tous les écrits, multimodaux, multimédias
Oui l’école doit permettre d’accéder à la lecture, mais aussi à l’écriture. Mais elle doit aussi permettre d’aller à la rencontre de toutes les formes d’expression actuelles, compte tenu de nos environnements techniques. Cela doit se faire sans naïveté et avec discernement, c’est-à-dire en ayant soin de proposer aux jeunes, et aussi à leurs parents, les moyens de s’y retrouver.
Au reste, l'argumentation laisse perplexe : s'exprimer s'opposerait à lire.
On en revient néanmoins à l'essentiel : lire, ce n'est pas forcément lire des livres/lire des œuvres. En évoquant les supports "multimédias, multimodaux", la confusion du début de la tribune sur la lecture est perpétuée.
Oui, la bonne distance est sans nul doute meilleure que la mauvaise distance, chacun en sera convaincu. Mais, à bien lire M. Devauchelle, la "bonne distance", c'est quand il n'y a pas de distance.L’école, là aussi, ne doit pas jouer le jeu du “à part du monde”, mais plutôt de la “bonne distance”.
Il ne faudrait en effet pas que l'enseignant conçoivent du "re-mort".Donner “en-vie” est au coeur du processus qui doit guider l’enseignant.
"Aller à la rencontre de" l'écrit (si c'est expression a un sens) plutôt que savoir lire. La formule laisse coi...Ce rapport aux documents doit s’inscrire dans une dynamique de curiosité à mettre au coeur de tout apprentissage. “Aller à la rencontre de” doit se substituer à “acquérir des savoirs” comme ligne directrice, car c’est de cette rencontre que peut émerger la connaissance.
C'est vrai que la lecture ne permet d'"aller à la rencontre de" rien.
On oublie trop souvent que le livre, cette vieille chose du passé, a un "problème", qui apparaît d'autant plus cruellement que les nouvelles "formes d'expression" offrent ce progrès indiscutable de l'interactivité. Le jeune peut entrer en dialogue avec une vidéo YouTube ou TikTok.Le problème du livre, comme nombre d’écrits et de documents de flux, c’est sa très faible interactivité initiale. Seul le lecteur peut entrer en dialogue avec l’écrit, mais celui-ci ne répond pas au-delà de ce qu’il est.
Décidément, "la population" est en avance sur l'école.Alors que la population est désormais entrée dans l’ère post-médiatique qui est fondée sur la multiplication des interactions
Après la mise à distance sans distance, le ralentissement tout en accélérant !... il est certes urgent de “ralentir”, pour faire écho au travail d’Hartmut Rosa, mais ce même auteur nous invite à aller vers la résonance comme principe pédagogique.
Pour la première fois, M. Devauchelle donne un exemple concret des nouvelles "formes d'expression". La photo sur smartphone fait donc partie des "écrits de toutes sortes", tout comme les représentations dans les grottes préhistoriques !D’ailleurs certains enseignants et éducateurs s’en sont déjà emparé. L’école est appelée à reconsidérer l’ensemble de son mode d’action face à l’évolution des “écrits de toutes sortes” et des interactions multiples qui sont désormais possibles. Pourquoi l’omniprésence de la prise de photo via le smartphone est-elle devenue un mode de captation de la trace individuelle. Parce que cela permet une forme d’écriture qui rejoint celle de l’ère qui a précédé celle de l’écrit.
Ne plus dire écrire, mais "faire trace". Tout un programme...Chacun peut s’interroger sur son rapport à la manière de faire trace, de partager la trace, et plus largement de transmettre (au sens de “faire passer”).
On retrouve ici la pétition de principe démontrant la supériorité du progrès technique : les individus "augmentés par la technologie". Les photos de smartphone deviennent "de nouvelles formes de transmissions", des formes augmentées bien sûr, même si leurs auteurs rejoignent curieusement les hommes préhistoriques.L’émergence de nouvelles formes de transmissions portées par des individus augmentés par la technologie ne peut laisser l’école de côté.
Alors que lire des livres empêcherait évidemment d'entrer dans ce monde. On le constate avec les générations qui ont précédé Internet : c'est un monde qui leur échappe totalement !Nombre d’enseignants ont compris cela qui développent l’usage de la prise de trace multimodale pour enrichir les formes des apprentissages. Outre que cela les enrichit, cela permet de donner accès à ce monde multimédiatique dans lequel les jeunes et les adultes se meuvent actuellement.
La péroraison de M. Devauchelle laisse plus perplexe encore, sauf dans son but, que l'injonction répétée sans fin à l'adaptation souligne bien clairement.
Tout en ralentissant !Médias-école, journalistes-éducateurs, il est temps d’avancer
Quel est le sens de cette phrase ?Le monde médiatique, au moment d’une réflexion sur l’information (États généraux de l’information), tente de se situer comme garant de la qualité des écrits et autres contenus multimédias. Qu’il le veuille ou non, seule la légitimité de leurs productions pourra leur permettre d’accompagner une amélioration de l’information.
La réflexion de M. Devauchelle, profonde, enjambe les millénaires mais déborde également du champ scolaire. Après les professeurs, il donne ici une leçon de sagesse numérique aux journalistes, même si ce qu'il convient de faire est toujours plus nébuleux.
N'oublions jamais que les "sachants" (dont les enseignants, donc) sont autoritaires, avec la confusion - récurrente depuis Michel Serres - entre savoir et information. Le "non-savoir", assurément, sera plus démocratique.Mais ce monde médiatique, peuplé entre autres de nombreux journalistes, est confronté au monde de l’interaction immédiate envahie par toutes sortes d’intérêts individuels, mercantiles ou politiques… Comme pour l’éducation, les médias sont appelés à se reconfigurer pour accompagner la population dans cet objectif de démocratisation véritable de l’information qui doit permettre à chacun de construire ses connaissances et non pas les subir sous l’autoritarisme des “sachants”.
On pourrait ajouter que la lecture d’œuvres littéraires ne relève ni du savoir ni de l'information, mais cette réflexion-là semble bien hors de portée d'un expert du numérique.
Et "clairement", on ne saura pas comment...Il ne suffit pas d’une semaine de la presse et de l’information, pas plus que de “cours d’EMI” pour prendre en charge ces questions. Il est temps que les communautés d’éducation se situent clairement par rapport à ces problématiques qui, bien que pas nouvelles, sont régulièrement sur le devant de la scène…
On ne peut - évidemment - que se désoler de ce nouvel obscurantisme, à rebours de toute la tradition humaniste, d'autant plus qu'elle s'étale dans une revue qui se veut pédagogique : une condamnation de la lecture qui ne dit pas son nom.
Au reste, phrases creuses, clichés historiques, absence de logique : l'intelligence artificielle fait mieux, de ce point de vue, que M. Devauchelle :
Lire à l’ère numérique : que peut faire à l’école ?
L'éducation est l'un des domaines les plus dynamiques et influents de notre société, et il est incontestable que l'ère numérique a apporté des changements significatifs dans la manière dont nous apprenons et enseignons. Parmi ces changements, la transition de la lecture traditionnelle vers la lecture numérique est l'une des plus marquantes. Dans cet article, nous explorerons comment la lecture à l'ère numérique peut être intégrée efficacement dans les environnements éducatifs, en mettant l'accent sur ce que cela peut apporter à l'école.
L'évolution de la lecture à l'ère numérique
La lecture numérique a connu une croissance exponentielle au cours des dernières décennies. Les liseuses électroniques, les tablettes, les smartphones et les ordinateurs ont tous transformé la façon dont nous accédons aux textes. Alors que certains puristes de la lecture préfèrent toujours le livre papier, la réalité est que la lecture numérique est devenue une partie incontournable de nos vies, en particulier pour les générations plus jeunes qui ont grandi avec ces technologies.Cependant, il ne s'agit pas seulement d'un changement de support. La lecture à l'ère numérique offre une multitude d'avantages et de nouvelles possibilités qui peuvent être mises à profit dans le contexte éducatif.
L'accès à une bibliothèque mondiale
L'un des avantages les plus évidents de la lecture numérique à l'école est l'accès à une bibliothèque mondiale. Grâce à Internet, les élèves ont désormais la possibilité de consulter des milliers de livres, de revues et d'articles en ligne. Cela élargit considérablement leurs horizons en leur permettant d'accéder à une variété de textes qui n'auraient peut-être pas été disponibles dans leur bibliothèque locale. De plus, cela favorise la diversité de la lecture en proposant des ouvrages provenant de cultures et de perspectives différentes.
L'apprentissage personnalisé
La lecture numérique permet également un apprentissage plus personnalisé. Les outils de lecture numérique offrent souvent des fonctionnalités telles que la recherche de mots-clés, la mise en surbrillance, les annotations et les liens hypertextes. Cela signifie que les élèves peuvent explorer les textes de manière interactive, en se concentrant sur les aspects qui les intéressent le plus. De plus, certains systèmes de lecture numérique utilisent des algorithmes pour recommander des livres en fonction des préférences de l'élève, ce qui encourage la découverte de nouveaux sujets et intérêts.
Accessibilité améliorée
La lecture numérique peut être une bouée de sauvetage pour les élèves ayant des besoins éducatifs spéciaux. Les textes numériques peuvent être personnalisés pour répondre aux besoins individuels, notamment en ajustant la taille des caractères, en activant la synthèse vocale pour les élèves dyslexiques, en ajoutant des descriptions d'images pour les élèves aveugles ou malvoyants, et en offrant des traductions automatiques pour les élèves qui apprennent une nouvelle langue. Cette accessibilité améliorée favorise l'inclusion et permet à tous les élèves de participer pleinement à l'apprentissage.
Collaboration et partage
La lecture numérique facilite également la collaboration entre les élèves. Les plateformes éducatives en ligne permettent aux élèves de partager des notes, de discuter des textes, de collaborer sur des projets et même de participer à des clubs de lecture virtuels. Cette dimension collaborative renforce l'apprentissage social et encourage la discussion autour des textes, ce qui peut approfondir la compréhension et la réflexion critique.
La nécessité d'une éducation à la lecture numérique
Cependant, pour que la lecture numérique soit efficace à l'école, il est nécessaire de mettre en place une éducation à la lecture numérique. Les élèves doivent apprendre à naviguer dans le monde numérique de manière responsable, à évaluer la fiabilité des sources en ligne et à développer leur compétence en matière de littératie numérique.L'éducation à la lecture numérique doit également inclure une réflexion sur les avantages et les inconvénients de la lecture numérique par rapport à la lecture traditionnelle. Il est important que les élèves comprennent les différences entre ces deux formes de lecture et puissent choisir celle qui convient le mieux à leur tâche ou à leur préférence.
Les défis de la lecture numérique à l'école
Malgré ses nombreux avantages, la lecture numérique à l'école n'est pas exempte de défis. L'un des principaux défis est de garantir un accès équitable aux ressources numériques. Tous les élèves ne disposent pas d'un accès à Internet à domicile ni des dispositifs nécessaires pour la lecture numérique. Il est donc essentiel que les écoles s'efforcent de fournir un accès égal à ces ressources.
De plus, il existe des inquiétudes concernant la distraction potentielle que les appareils électroniques peuvent causer en classe. Les élèves peuvent être tentés de surfer sur Internet ou de vérifier leurs médias sociaux plutôt que de se concentrer sur la lecture. Les enseignants doivent donc développer des stratégies pour minimiser ces distractions et encourager l'engagement actif dans la lecture numérique.
Conclusion
La lecture à l'ère numérique offre de nombreuses opportunités passionnantes pour l'apprentissage à l'école. Elle permet l'accès à une bibliothèque mondiale, favorise l'apprentissage personnalisé, améliore l'accessibilité, encourage la collaboration et le partage, et renforce la littératie numérique. Cependant, pour tirer pleinement parti de ces avantages, il est essentiel de mettre en place une éducation à la lecture numérique et de relever les défis liés à l'accès équitable et à la gestion des distractions.
En fin de compte, la lecture numérique à l'école n'est pas seulement une question de technologie, mais aussi de comment nous utilisons cette technologie pour améliorer l'apprentissage. Avec une approche équilibrée et une attention aux besoins individuels des élèves, la lecture numérique peut jouer un rôle essentiel dans la préparation des élèves à réussir dans un monde de plus en plus numérique
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Mais aussi : "Comment l’école résiste à l’effondrement du temps de lecture"
Mais aussi : "Michel Desmurget: « Lire nourrit puissamment l'intelligence et l'imagination »"
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Il ne fait aucun doute que l'industrie du livre ou des auteurs utilisent TikTok pour promouvoir la vente de livres. De là à en conclure au relativisme que TitTok fait lire...Salomé Saqué écrit: si TikTok présente un vrai problème d'addiction, c'est aussi un lieu d'incitation à la lecture pour de nombreux jeunes, au point de les faire se déplacer en masse vers les librairies qui comptent désormais des rayons "Booktok". (source Twitter )
www.leparisien.fr/culture-loisirs/livres...C6XE2SAX77KKHXHI.php
www.ladn.eu/media-mutants/booktok-tiktok-rentree-litteraire/
www.ouest-france.fr/culture/livres/repor...ed-926f-b54c0e75f85a
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- Loys
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Curieusement, Séverine Erhel ne donne aucun chiffre attestant que la lecture s'est transférée du papier au numérique.Lire en France
• Des jeunes qui lisent mais pas forcement des livres, romans papiers mais sur numérique
• Des jeunes qui lisent de plus en plus des BD et des mangas
• 1 jeune sur 5 ne lit pas de livres
• Ils passent plus de temps sur le net que les livres mais ils lisent peut être autres choses ??
En France, nous ne disposons pas d'étude différenciant les usages des écrans. Aux Etats-Unis, l'étude Common Sense (2022 dernière en date : voir ici ) fait référence. En 2021, le temps de lecture sur écran (livres ET presse) était de 9' par jour pour les 8-12 ans et de 15' pour les 13-18 ans, soit environ 2,8% du temps d'écran.
On apprend également que le pourcentage des 8-12 ans aimant lire beaucoup est passé de 38% en 2019 à 33% en 2021.
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- Loys
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Le résultat opposé donc de ce qui était attendu...
Chronique
Ce chéquier voulu par Emmanuel Macron pour inciter la jeunesse à découvrir l’offre artistique publique ne résout en rien les fractures culturelles entre villes et campagnes et n’a pas non plus les retombées attendues pour les acteurs locaux de la culture, relève, dans sa chronique, Michel Guerrin, rédacteur en chef au « Monde ».
Le secteur des arts attend son ministre depuis trois mois et le nom qui sortira du chapeau devra se pencher sérieusement sur le Pass culture. Soyons plus directs : quand va-t-on arrêter les frais ? Les rapports s’empilent sur le sujet, jusqu’à celui de la mi-juillet, écrit par l’inspection générale des affaires culturelles, qui constate que ce dispositif mis en place en 2021 ne remplit pas son rôle. Il est même contre-productif.
L’objectif de départ, louable, est d’inciter les jeunes de 18 ans à découvrir la riche offre culturelle publique (théâtre, films d’auteur, romans, expositions, opéras). Pour cela, on leur donne 300 euros, qu’ils peuvent dépenser à leur guise par le biais d’une application numérique. La somme tombe à 30 euros pour les jeunes de 16 et 17 ans, et à 20 euros pour ceux de 15 ans.
La grande majorité des jeunes dépensent leurs 300 euros – le contraire eût été surprenant –, mais il faut voir précisément qui et comment. D’abord, les plus aisés profitent bien plus que les jeunes modestes de cette manne. C’est déjà un problème, car ce passe a moins été créé pour les premiers, qui ont largement les moyens de se payer tout seuls un loisir culturel, que pour les seconds, qui en sont éloignés.
Les deux tiers de l’argent dépensé vont à des livres, et essentiellement des mangas, ensuite à des jeux vidéo populaires ou à des films à succès. Les goûts culturels des jeunes les regardent, rien à dire ici sur ce sujet. En revanche, comme il s’agit d’argent public, la façon dont il est dépensé mérite d’être évoquée.
Echec couru d’avance
Le Pass culture amplifie les œuvres à succès, alors qu’il a été imaginé comme un passeport pour la découverte – comment peut-on découvrir ce qu’on ne connaît pas ? Ensuite, cet argent finit dans la poche des producteurs culturels privés et, pour la plupart, étrangers (majors du disque, du jeu vidéo et du cinéma) qui, souvent, n’en ont pas besoin – hormis les librairies –, alors qu’il devait surtout aider les œuvres et les lieux que l’Etat et les collectivités locales subventionnent. En prime, il existe un solide trafic de Pass culture : des jeunes achètent des livres qu’ils revendent à d’autres jeunes.
Cernons un fiasco. Plus le Pass culture a du succès, plus il creuse les inégalités qu’il est censé corriger. Et puis il coûte cher. Deux cent soixante millions d’euros. C’est près de trois fois plus que l’argent dépensé par l’Etat pour l’éducation artistique.
Le plus stupéfiant dans cette affaire, c’est que l’échec était couru d’avance. Comment a-t-on pu croire qu’un chéquier, en forme de baguette magique, gommerait les fractures culturelles – entre riches et pauvres, centres urbains et campagnes, œuvres populaires et les autres –, alors que, depuis quarante ans, des dizaines de responsables de la création, compétents et engagés, s’échinent à faire ce boulot avec un succès mitigé ?
Le Pass culture est une sorte de camouflet pour ces militants de l’action de terrain. Il transforme un peu plus le ministère en guichet. Il entérine l’idée que l’Etat n’a pas à construire une maison culturelle commune. Pour favoriser la lecture, plutôt que de financer l’ouverture des bibliothèques publiques le dimanche ou en soirée (un coût de 8 millions d’euros par an), on donne de l’argent aux jeunes pour acheter le livre de leur choix.
Le Pass culture balaie aussi la figure-clé du médiateur, chargé de faire le lien entre les œuvres et le jeune public, de guider ce dernier vers ce qu’il aime, pour ensuite élargir son goût.
Inefficace et consumériste
Le médiateur est justement au centre d’un second Pass culture, que l’Etat a mis en place, en janvier 2022, au sein des collèges et des lycées. Il n’est plus individuel mais collectif, au sens où l’enseignant pilote l’argent dépensé par une classe entière : 25 euros pour un élève de 4e et de 3e, 30 euros en 2de, 20 euros en 1re et en terminale. Parmi les activités financées par ce deuxième Pass culture, il y a surtout des sorties au théâtre, au cinéma et au musée, et des rencontres avec des artistes. C’est du moins ce que l’on lit dans un rapport du 12 juillet du ministère de la culture. Le dispositif scolaire semble efficace, mais à prendre avec des pincettes, car on n’en est qu’au début, et il faudrait une vraie évaluation.
Ce passe collectif, qui ne coûte, lui, que 45 millions d’euros, a manifestement été créé pour faire passer la pilule du passe individuel. Nombre de voix demandent néanmoins que ce dernier soit supprimé. Rachida Dati, la ministre de la culture démissionnaire, l’a elle-même fortement critiqué, promettant de gommer les inégalités territoriales et sociales qu’il génère. En Italie, pays qui a inventé le bonus cultura, Giorgia Meloni, la très droitière présidente du conseil, a récemment corrigé le tir en réservant le dispositif aux jeunes les plus modestes et à ceux qui obtiennent les meilleures notes au bac.
Mais peut-on vraiment garder ce chéquier coûteux, alors que le budget de la culture a été amputé de 204 millions d’euros en 2024 et que les coupes pourraient être pires en 2025 ? Ajoutons que la quasi-totalité des acteurs du secteur y sont hostiles, le jugeant inefficace et consumériste. Dernier point accablant, la société qui gère le dispositif, la SAS Pass culture, qui compte 166 salariés, a été épinglée pour son opacité, comme le rappelait notre consœur Sandrine Blanchard, dans Le Monde, en juillet.
Pourtant, le passe individuel pourrait perdurer. Il faudra d’abord être solide pour s’en prendre à ce symbole de la politique culturelle d’Emmanuel Macron. Il sera également difficile de supprimer une mesure qui vient gonfler en euros le portefeuille des jeunes. Enfin, que le monde culturel y soit hostile constitue, pour les politiques, presque un signe qu’il faut le conserver.
Car le vent a tourné. Les politiques sont aujourd’hui moins enclins à défendre un monde culturel perçu comme un enfant gâté et davantage prêts à choyer le public. Ce n’est pas un hasard si le Pass culture gagne du terrain en Europe – il existe donc en Italie, en France, mais également en Espagne et en Allemagne. Tout le monde sait qu’il ne fait progresser en rien la démocratisation des œuvres et c’est sans doute cette défaite d’une utopie qui est le plus grave.
Michel Guerrin (Rédacteur en chef au « Monde »)
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