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Du fanatisme à l'école et aux "valeurs de la République"
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Dans "Le Point" du 9/01/15 : "Le désarroi d'une prof qui parle de "Charlie" à ses élèves".
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Voir aussi :
- www.francetvinfo.fr/faits-divers/attaque...colleges_792855.html
- rue89.nouvelobs.com/2015/01/08/parler-ch...igents-eleves-256966
- www.huffingtonpost.fr/2015/01/08/parler-...-prof_n_6437692.html
- www.estrepublicain.fr/actualite/2015/01/...la-minute-de-silence
- tempsreel.nouvelobs.com/charlie-hebdo/20...s-l-ont-cherche.html
- www.lavoixdunord.fr/france-monde/ils-arb...que-je-ia0b0n2594331
- www.saphirnews.com/Charlie-Hebdo-Non-les...ttentats_a20244.html
- madame.lefigaro.fr/societe/evoquer-charl...ont-tue-090115-93697
- www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/01...-dans-les-ecoles.php
- www.europe1.fr/societe/charlie-hebdo-que...ouer-l-ecole-2341827
- blogs.lexpress.fr/le-mammouthologue/2015...ne-voulons-pas-voir/
- www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/01...ion-a-long-terme.php
- leplus.nouvelobs.com/contribution/130424...on-et-moi-aussi.html
- www.atlantico.fr/decryptage/prof-histoir...urgeois-1948918.html
- www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/...566472986798378.aspx
- www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/...566472965425830.aspx
www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/...569041415502674.aspx
- Réaction : www.vousnousils.fr/2015/01/13/attentats-...te-de-silence-560595
- Rectificatif du MEN : www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citati...es-perturbations.php
- et : www.vousnousils.fr/wp-content/uploads/20...urvenus_14012015.pdf
- www.europe1.fr/societe/hommage-a-charlie...et-virulents-2343597
- blogs.rue89.nouvelobs.com/monsieur-le-pr...charlie-hebdo-234073
- www.lemonde.fr/societe/article/2015/01/1...te_4555030_3224.html
- www.lemonde.fr/societe/article/2015/01/1...nt_4555679_3224.html
- www.lemonde.fr/education/article/2015/01...4561829_1473685.html
- www.lexpress.fr/actualites/1/societe/val...retiser_1640525.html
- www.dailymotion.com/video/x2eqa39_incide...ionale-repons_school
- www.slate.fr/story/96799/education-laic-morale
- www.lemonde.fr/education/article/2015/01...4556183_1473685.html
- www.lexpress.fr/actualite/temoignage-enseignante_1639742.html
- www.vousnousils.fr/2015/01/14/education-...ealite-cnesco-560617
- www.lemonde.fr/education/article/2015/01...4556665_1473685.html
- www.lemonde.fr/education/article/2015/01...4557041_1473685.html
- www.lemonde.fr/societe/article/2015/01/1...ie_4557073_3224.html
- www.lexpress.fr/education/quelles-sancti...silence_1641066.html
- www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/...568183773356204.aspx
- www.liberation.fr/societe/2015/01/15/il-...ts-en-classe_1181187
- www.telerama.fr/monde/parler-agir-reagir...s-charlie,121705.php
- www.lepoint.fr/societe/chronique-d-une-r...-2015-1897106_23.php
- www.lexpress.fr/education/attentats-de-p...ebattue_1640803.html
- www.chouyosworld.com/2015/01/14/mes-elev...n-drame-et-des-mots/
- www.marianne.net/agora-monsieur-ils-ont-...rche-1421429745.html
- www.lexpress.fr/actualite/non-l-ecole-n-...-failli_1642409.html
- blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-d...-que-nous-avons-peur
- www.lexpress.fr/education/laicite-a-l-ed...e-vague_1642834.html
- www.marianne.net/perte-valeurs-republica...e-degats-200115.html
- www.marianne.net/agora-ecole-aucune-vale...-sur-socle-ignorance
- www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/01/22/3...lle-de-la-langue.php
- www.telerama.fr/idees/il-faut-donner-la-...nationale,122094.php
- www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/...578541070968987.aspx
- www.lemonde.fr/education/article/2015/01...4567059_1473685.html
- www.cafepedagogique.net/LEXPRESSO/Pages/...572475466588005.aspx
- rue89.nouvelobs.com/2015/01/31/lecole-ap...enage-pervers-257446
- www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/04...paroles-hostiles.php
Voir aussi, sur la responsabilité des enseignants :
- www.europe1.fr/societe/charlie-les-homma...s-des-eleves-2340791
- rue89.nouvelobs.com/2015/01/10/les-profe...hose-a-lislam-257011
- www.slate.fr/story/96689/ecoles-charlie-hebdo
- www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/01...e-fait-secession.php
- www.lemonde.fr/idees/article/2015/01/13/...ns_4555061_3232.html
- rue89.nouvelobs.com/2015/01/13/jenesuisp...omment-reagir-257067
- blogs.rue89.nouvelobs.com/journal.histoi...e-qui-trinque-234078
- www.letudiant.fr/educpros/actualite/vale...i-pour-les-espe.html
- www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/...578541060360715.aspx
- www.afef.org/blog/post-langages-citoyenn...ant-u-p1451-c16.html
- www.lexpress.fr/education/laicite-et-rel...s-profs_1647842.html
- www.cahiers-pedagogiques.com/Esprit-es-tu-la
www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/...574208268420050.aspx
www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/...579397945408647.aspx
pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/
www.telerama.fr/idees/des-eleves-vivent-...rochasson,122051.php
rue89.nouvelobs.com/2015/01/31/lecole-ap...enage-pervers-257446
blogs.mediapart.fr/edition/aggiornamento...toutes-celles-et-tou
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Ce n'est vraiment pas un phénomène isolé, et il ne concerne pas seulement l'école. J'ai reçu un témoignage du comportement déplacé d'un vigile à la Bibliothèque Nationale lors de la minute de silence jeudi.
blogs.rue89.nouvelobs.com/chimulus/2015/...n-de-massacre-234029
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Ce qui est curieux, ce que les causes de ce qu'on entend ne sont jamais analysées dans l'article. Et que l'étonnement des lecteurs devient insensiblement l'étonnement des professeurs...Ne nous étonnons pas de ce que les profs entendent dans les écoles sur Charlie Hebdo
Comme nous allons le voir, le problème est miraculeusement déplacé !
Effectivement... Il serait pourtant bon que certains journalistes aillent voir ailleurs que "là où ils sont, avec les gens qu'ils côtoient"...Les multiples témoignages rapportant des propos odieux sur Charlie Hebdo, affirmant qu'ils ont mérité l'attentat, s'inscrivent dans un problème auquel les profs doivent faire face depuis longtemps.
Parler avec des enfants qui défendent des terroristes est une expérience très violente. Honnêtement, je ne sais pas comment je m’en sortirais. Vous non plus. Mais nous n'avons pas à y faire face quand nous ne sommes pas profs.
En revanche, depuis mercredi matin, beaucoup d'enseignants témoignent de leurs difficultés face à des élèves qui ne partagent pas leur avis, leur profonde condamnation de l'attentat de mercredi 7 janvier, à Charlie Hebdo.
Tout ce que nous ne voyons pas forcément, là où nous sommes, avec les gens que nous côtoyons…
Être choqué, ce n'est pas être surpris.... Heureusement que les professeurs sont "choqués" d'ailleurs : s'ils ne l'étaient plus, la situation serait plus inquiétante encore. Mais pour l'auteur de l'article, ce choc, c'est l'expression d'un décalage, d'une inadéquation, d'une insuffisance des professeurs..[...] Sur France Inter vendredi 9 au matin, Marie-Claire, professeur de français à Reims confiait qu'en voyant une caricature, un élève dit que les musulmans sont traités de cons. Et l’enseignante de se rendre compte qu’il y a «une espèce de front». Ses élèves d’origine maghrébines et turcs disent «ça se fait pas». Pour eux, on ne peut pas rire du prophète. Il y a des sujets dont on ne peut pas rire…et l’enseignante avoue avoir été terriblement choquée par ces échanges.
Si l'on suit ce communiqué, les réactions sont donc ultra-minoritaires. Il n'y a donc pas de problème.[...] Faire confiance aux enseignants
Ce samedi, le ministère de l'éducation nationale a envoyé un communiqué en précisant que malgré ces témoignages, la minute de silence, «dans la très grande majorité des cas» s'était bien déroulée et que «les personnels ont été à l’écoute des élèves»:
«Néanmoins certains cas de perturbations de la minute de silence par des élèves nous ont été signalés. Sur la base de remontées purement déclaratives faites à ce stade, cela concernerait des élèves, généralement isolés, dans environ 70 établissements sur les 64 000 que l'on compte sur tout le territoire. Les services du ministère ont recoupé les remontées de terrain par une veille internet / réseaux sociaux, spécifique à la question du non respect de la minute de silence. Cette veille relève un faible nombre de messages portant spécifiquement sur ce sujet. Les cas de perturbations ont donc été très minoritaires, mais ils ont été pris très au sérieux. Ils ont été traités localement par les équipes éducatives, entre dialogue éducatif et sanctions proportionnées à la gravité des faits, allant du rappel à l'ordre à la convocation de conseil de discipline.»
C'est quand même une curieuse lettre pour rendre hommage à "Charlie Hebdo", journal qui réclamait précisément le droit à l'irrespect, à une "fraternité" non par la communion solennelle mais par le rire. De même la liberté d'expression et de conscience peut précisément être évoquée par les élèves pour refuser une minute de silence ou dire des choses ignobles...Avant même ces incidents, dès jeudi matin, la ministre de l’éducation publiait une lettre; elle y redisait ce qu’on attend d’elle, les grandes incantations sur le rôle de l’école –qui paraissent un peu faciles face à la réalité du terrain– tout en évoquant déjà les «besoins ou demandes d'expression qui pourraient avoir lieu dans les classes»:
L'École éduque à la Liberté: la liberté de conscience, d'expression et de choix du sens que chacun donne à sa vie; l'ouverture aux autres et la tolérance réciproque.
L'École éduque à l'Égalité et à la Fraternité en enseignant aux élèves qu'ils sont tous égaux. Elle leur permet d'en faire l'expérience en les accueillant tous sans aucune discrimination.
Au moment où notre pays manifeste son unité nationale face à l'épreuve, l'École doit plus que jamais porter l'idéal de la République.
Je vous invite à répondre favorablement aux besoins ou demandes d'expression qui pourraient avoir lieu dans les classes en vous laissant le soin, si vous le souhaitez, de vous appuyer sur l'ensemble des ressources pédagogiques que les services du ministère tiennent à votre disposition.
Une abondance de témoignages d'un côté, une petite minorité d'établissements d'autre part. Où est le réel ?[...] Et les éducateurs n’ont pas attendu Najat Vallaud-Balkecem pour s’interroger: que dire aux élèves? Mesure-t-on bien à quel point cette tâche peut être extraordinairement difficile? Comment expliquer et dialoguer avant et après cette minute de silence devant certains élèves récalcitrants par exemple?
Résurgence d'une vieille question
Les témoignages tels que ceux du Point ou de France Inter abondent partout, Rue 89, Le Monde, RMC info.. Face à l'abondance de ces témoignages, nous devrions arrêter d’être surpris. Cela fait très longtemps que le problème se pose.
Notamment ceux qui restent là où ils sont, avec les gens qu'ils côtoient.Olivier, cité plus haut, explique:
«Ils ne se sentent pas Français ces gamins. Dans le meilleur des cas ils s’en foutent. C’est le résultat d’une politique pourrie qui a cru que l’intégration se ferait toute seule, que l’école réussirait à faire partager les valeurs de la République alors qu’on a laissé des collèges ghettos se constituer. Pour protéger l’entre soi qui arrange tout le monde»
Et un début d'analyse de cet échec scolaire (qui a d'ailleurs la forme d'une réussite en trompe-l’œil puisque jamais aussi peu d'élèves n'ont été décrocheurs ou n'ont quitté l'école sans diplôme), ce serait peut-être de chercher les causes. Et la cause est toute trouvée : les professeurs eux-mêmes, de par leur classe sociale ou leur manque de formation !Sur ce sujet, un livre édifiant et inquiétant, Les territoires perdus de la République est paru en 2002… on en a parlé aussi, énormément, après le 11-Septembre: les mêmes questions se sont posées.
Il faut aussi absolument se souvenir de Banlieue de la République, la passionnante étude dirigée par Gilles Kepel sur Clichy-sous-bois et Montfermeil en 2011 et qui est toujours disponible en ligne.
Phrase très rhétorique. Mais soyons concrets : à quoi ressemblerait une bonne formation à "cela" ?Le manque de préparation des profs
Oui, faire face une classe, pour les enseignants, c’est aussi se retrouver à confronter des gens qui ne viennent pas du même milieu, ne pensent pas comme eux, n’ont pas les mêmes références culturelles et peuvent dire des horreurs… Et l’un des problèmes de l’école c’est que, dans leur formation, les enseignants ne sont pas bien, voire pas du tout préparés à cela.
Parce qu'un professeur issu de classe moyenne (contrairement à un journaliste) ne peut concevoir le monde que sous l'angle de la classe moyenne !D’ailleurs les récits de jeunes profs sur leur première expérience au collège montrent en creux le fossé qui sépare ces jeunes profs diplômés issus des classes moyennes ou de la petite bourgeoisie de leurs élèves: c’était le cas de Collèges de France de Mara Goyet, d’Entre les murs de François Bégaudeau pour citer les deux exemples les plus connus. Des ouvrages tenant le même discours sont publiés à chaque rentrée…
Vulgate bourdieusienne qui n'est plus d'actualité. Heureusement que des journalistes comprennent mieux les élèves de loin que les professeurs ne les comprennent de près !Virer l'élève imaginaire
Plus généralement, il demeure que l’élève imaginaire de l’Ecole républicaine est un enfant docile, conforme à ses attentes et ses valeurs, une sorte de mini moi des enseignants.
En l'occurrence, en imposant une minute de silence, c'est l'institution qui crée des "élèves imaginaires", "dociles, conformes à ses attentes". Certains chefs d'établissement ont préféré ne pas l'organiser...
En tout cas c'est un postulat rabâché à l'envi par la vulgate pédagogiste : la nécessité de s'adapter à l'élève. Dans le cas précis de cet attentat et des réactions odieuses des élèves, c'est un postulat qui ne laisse pas d'étonner.Cet idéal reste très vivace, pour ne pas dire central, dans la culture scolaire française.
Il expose les éducateurs à bien des déconvenues. La seule personne qu’il faut virer de l’école c’est cet élève imaginaire qui fait considérer à trop d’enseignants que les enfants ne sont jamais assez bien pour eux.
Il y a des élèves qu'on peut exclure (d'un établissement) pour de faits de violence, accessoirement...
Donc, si l'on suit le raisonnement, si des professeurs (souvent expérimentés par ailleurs...) déplorent que les élèves s'estiment vengés par la mort inhumaine de journalistes, c'est parce que les enseignants sont trop exigeants.
Si ces collègues ont témoigné, ce n'est pas pour renoncer ou avouer leur impuissance, mais pour porter au public la connaissance d'un monde que peu de gens connaissent en dehors de ceux qui y vivent ou y travaillent.Et, pour revenir aux élèves qui rigolent quand on leur parle d’attentat, il va falloir redoubler d’attention, l’école a un immense travail à faire avec eux.
Aucun début d'analyse sur les vraies raisons de ce décalage entre les représentants de la République et ces publics gagnés par des discours obscurantistes. Raisons qui sont en grande partie analysées sur ce forum et sur ce site.
Un film.Après avoir lu tous ces articles déprimants sur le comportement des élèves, j’ai repensé au film de Marie-Castille Mention Schaar, Les Héritiers, sorti il y a un mois. Un joli succès public pour une histoire vraie, celle d’une classe qui participe à un concours national d'Histoire de la déportation. Un exemple formidable de ce qui peut être fait et dit avec des élèves en matière d’éducation à la tolérance et au respect.
Il faut faut renoncer à "l'élève imaginaire"... pour prendre pour modèle des personnages d'un film idéalisé !Dans le film, des gamins qui tiennent des propos extrêmement choquants sur la religion, sont intolérants insolents et violents. L’enseignante, incarnée par Ariane Ascaride et la documentaliste du lycée, inspirées de personnages réels, ne perdent ni leur patience, ni leur foi dans les capacités des élèves. Et ça marche, les élèves comprennent, apprennent, progressent. C’est un ancien élève, Ahmed Dramé qui a écrit le scénario du films. Les éducatrices des Héritiers sont de véritables héroïnes qui mettent leurs actes en cohérence avec la devise de la République et qui, en réconciliant les élèves et leur école, les réconcilient avec la société.
Dans la description de ce film, seule réalité de l'école décrite par la journaliste, les professeurs sont donc donnés en modèle, sans qu'on sache exactement en quoi leurs actes font d'elles des "héroïnes". Comprendre donc que les professeurs ne sont pas capables de "réconcilier les élèves et leur école". Un article qui commence comme un hommage et se termine en vilipendage.
Et pour cela, contrairement au titre de l'article, de toujours s'étonner de ce que pourront dire les élèves victimes d'un obscurantisme hors d'âge. Car quand les professeurs ne s'étonneront plus, les lecteurs des journaux n'entendront plus leurs témoignages et le déni du réel sera enfin complet.C’est aussi la mission de l’école aujourd’hui plus que jamais. On peut le dire avec des grands mots: il s’agit de défendre la liberté, la démocratie, d'essayer de faire en sorte qu’il n’y ait pas de «territoires perdus»
Un très beau témoignage de ce que sans doute ont fait... la plupart des professeurs !...ou le formuler comme «petit prof»:
Parler, écouter, répondre, expliquer, dialoguer, recommencer, encaisser, ignorer provocations, rester calme, être tolérant. Ma matinée.
Bref, ce ne sont pas les réactions des élèves qui sont coupables dans cet article, mais l'étonnement des professeurs.
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Friedrich Nietzsche
Charlie, c'est l'histoire lamentable de la connerie cyclique des tueurs sans esprits et de la déconnade cynique des scribouilleurs sans talents. La merde engendre la merde : c’est un principe humain, trop humain. En tout état de cause, le niveau du « débat démocratique » en Occident se résumait jusqu'alors à la question de savoir si le cul du Mahomet (paix sur le Prophète) était soluble dans le cynisme de nos sociétés marchandes (paix sur les commerces). La « liberté d'expression » triomphait tantôt grâce à l'humour pipi-caca des plus déniaisés contre le sérieux au henné et à la barbe des victimes du blasphème, tantôt grâce aux grandes Loupiotes franchouillardes agitées à l'occasion d'une conférence à l'ULB menée par un sémillant Philippe Val, faiseur de prestige parmi d'autres faiseurs de prestige, animateur des débats grossiers qui font le bonheur de tous les marchands de sagesse. Qu'on l'agrémente de l'interminable litanie sur la « démocratie » qui est ici ou là, ou qui doit venir au terme d'une énième lutte citoyenne, et nous obtenons la rumeur ambiante d'un éternel quotidien politiquement et moralement aliénant. La mécanique bien huilée de production des discours publics se grippe immanquablement sur deux de ses fétiches favoris : liberté d'expression et démocratie ! Sous peine de t'assimiler à la barbarie obscurantiste, répète après moi, mon ami, mon ennemi, mon citoyen, ces deux mots qu'on se chargera de te faire répéter pour la transe : liberté d'expression et démocratie ! Tu n’es pas au courant ? Ces deux mots qui, hier encore, désignaient le pouvoir qu'avait l'intelligence de triompher de l'éternelle idiotie des impuissants, sont devenus la précieuse épice des marchands de valeur en stuc, des spécialistes de la révolte hebdomadaire et du marketing de soi. Mais monsieur, vous charriez ! Non, mon subtil argousin : je comptabilise. Je tiens pour acquis, avec ou sans Bergson, que nul n'est tenu de publier quoi que ce soit. Je tiens également pour acquis, avec un autre ami de la philosophie mais plus sûrement sans lui, que la connerie est une insulte à l'intelligence. A ce titre, les discours les plus cons, les caricatures les plus débiles, les slogans les plus ineptes qui battent le haut du pavé sont complètement injustifiables. Je suis contre cette « liberté d'expression », donc je serais pour la censure ? La censure n'a pas prise sur les manies du présent, c'est-à-dire sur les vastes réseaux de la redondance et de l'identique. En revanche, moyennant la création de dispositifs qui permettront à tout le monde de crier au grand jour sa bêtise et sa fierté d'être de la dernière cause à la mode, ainsi que l’avachissement général du niveau scolaire, la « liberté d'expression » peut effectivement les charrier. Ça ne mange pas de pain ? C'est à voir en caisse.
Nous assistons aujourd'hui, médusés, au spectacle d'un Val tragique à France Inter. 12 morts — dont deux policiers. L'heure est à la gravité et aux bruyants recueillements. Nous avons effectivement, et pour une énième fois, matière à nous solidariser et à nous grouper contre l'infâme qui est à nos portes. Entre solidarisants spontanément solidaires de la solidarité qui solidarise, tout doute porté à l’encontre de ce qui est convenu d’appeler « événement » est contre-nature. La coagulation nationale retrouve une fois de plus son tanin naturel. Le bon démocrate cool et sympa, qui poste d’insignifiants moignons de texte sur Twitter et expose sa rondelle de vie sur Facebook, t'assurera qu'il n'y a pas de mot pour exprimer l'innommable. Mais comme il est aussi en manque de slogans, il a fini par en trouver un pour l'année qui s'annonce : « Je suis Charlie. » A décliner à toutes les personnes. Après tout, nous sommes tous victimes dans cette affaire. Mais pour qui a une bonne oreille, ce slogan ne (ré)affirme pas la réalité de nos valeurs contre celle des autres : il occulte les stratégies politiques et les pratiques sociales qui se prévalent de sordides mythes planétaires pour garantir la paix des commerces. Ce mot d'ordre est là pour assurer la circulation entre la parole autorisée d'en haut et la gamme limitée des échos retentissant d'en bas; de la journaille apointée et des écrivains mercenaires à ta pomme. Cet acte de langage signifie et fait signifier à chacun de nous la débâcle du politique, geste sans cesse répété dans la duplication et la consommation du signifiant. Il dit à quel point nous sommes tous des faux-culs. C'est le mot.
Ois, ois brave bête ! Contemple le slogan, suit en direct des heures de live, de reportages et de contre-reportage ! Le vide, cher téléspectateur, ça s’oublie vite. Alors épouse le flux d'information, connecte-toi, indigne-toi dans un sens ou dans l'autre. Car attention, tout ça pourrait te faire « réagir », t'inviter à « t'exprimer », susciter le « débat ». Un peu irresponsable, le Charlie ? Un peu salaud, mais ça peut se tenir. Ça se discute chez Taddeï. Il va de soi que « ça se discute » se discutera ailleurs également. Et nous regardons, impuissants, tout ce délire occuper la quasi-totalité de l'espace public. Transparence de l'information ? Soit. Continue donc de te divertir de l'emmerdement intégral. Et, par-là même, d'ignorer la logique implacable et marchande (que les racolages médiatiques et l'obscénité des promotions internétiques de soi contribuent pour une part non négligeable à en former la matière) qui, en tournant à vide dans sa forme publicitaire, enfantera les monstres qui assureront sa perpétuation. Deux de ces monstres s'appellent Chérif et Saïd Kouachi, tout deux de nationalité française. J'avoue, sur le bout des lèvres, que l’envergure de cet attentat inspiré par Allah (pourquoi pas ?) ne tient pas la comparaison face à l’autre… tu sais bien, celui qui a été à ce point spectaculaire qu'il a invalidé la loi de la chute des corps… Oui, je sais, mais que veux-tu : c’est du made in France... Au pays des nanars planétaires, on voit les choses en plus grand. Les fausses mais néanmoins lisibles oppositions de valeurs constituant le fond de commerce international des imbéciles, on parlera la main sur le cœur du war against the integrism, avec en vue l'horizon mazouté de l'intérêt bien compris.
Je ne suis pas solidaire de la masse des crépusculeux qui chantent les vertus démocratiques pour continuer d'avoir le cul propre, donc je serai méprisant et hautain ? La belle affaire. Je risquerais par mes propos d'aggraver le chaos social actuel ? Comme si ce n’était pas déjà la merde à tous étages. La messe a été dite depuis longtemps, et c’est pourquoi on préférera encore faire jouer sur les grandes menaces en jonglant avec des catégories grosses comme des dents creuses, pour la faire circuler, la merde — et pour, en fin de circuit, ramasser des pépettes au nom du Pèze, du Fisc et du Saint-Profit. Ce que j'ai, c'est du dégoût pour une situation que nous laissons se répéter en intériorisant (ou en extériorisant, cela revient au même lorsqu’il s’agit de faire tourner), entre autres choses, des syllogismes de cette farine. Ce que j'ai, c'est un malaise vertigineux à la vue d'une éducation nationale toujours plus au rabais, et incapable par-là même d’intégrer les descendants de populations immigrées. Ce que j’ai, c’est de l’écœurement face au culturalisme bon ton des roitelets de la presse. Je prends le droit, en mon nom propre, à ma manière et selon mes propres moyens, de te faire piger qu'on te prend finalement pour un con, et que ce n’est pas forcément l’effet d’un malentendu. L'écart entre ce que nous disons et ce que nous faisons en disant, cette schizophrénie stérile des consciences post-modernes ou hyper-modernes qui aménage l'inconséquence, condamne toute liberté d'expression réellement effective. Aussi sûrement que la « liberté d'expression » des commerces, des bons voisinages et de la bonne communication s’accommodera toujours, et en toute bonne conscience, du sang des hommes d'ici ou de là-bas. The show must go on ! Et nous le réclamons déjà à grands cris, nous autres les intégristes du spectaculaire, les pornographes de valeurs, les cons sensuels. Tu t’en fous ? Mais moi aussi : « Je m’en fous. » A décliner là aussi à toutes les personnes. Tout le monde s’en fout : c’est ça la « démocratie. » On verra, pauvre idiot, jusqu’où tu t’en foutras, face à une pensée qui, pour vouloir la communauté des hommes libres, voudra ta perte.
khaled.djawhar@gmail.com
Paris, le 10 janvier 2015
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On a cependant du mal à suivre où vous voulez en venir et je ne sais pas par où commencer pour vous répondre. Disons seulement par cette énormité, cette mise à égalité des compteurs assez odieuse :
Pour le reste, je vois bien ce que "Charlie Hebdo" a de caricatural mais il faut avouer que cette veine vous inspire également. Vous y voyez, comme Jean-Marie Le Pen, le signe d'une décadence occidentale mais je me demande quel monde a grâce à vos yeux et ce que vous proposez exactement.Charlie, c'est l'histoire lamentable de la connerie cyclique des tueurs sans esprits et de la déconnade cynique des scribouilleurs sans talents. La merde engendre la merde
Hélas.Ce que j'ai, c'est un malaise vertigineux à la vue d'une éducation nationale toujours plus au rabais, et incapable par-là même d’intégrer les descendants de populations immigrées.
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Les effets de mon texte ont été soigneusement calibrés. Mais dites-moi, Loys : cette égalisation paraît odieuse pour qui ? Pour les morts ? Les cadavres ne parlent pas. Pour les familles des morts ? Je saurais y faire face, si tant est qu'on leur ait passé le mot. Ce n'est de toute façon pas un problème personnel qui m'occupe. Bien sûr, je suis celui qui exprimera mon inutile empathie pour eux, sur Facebook ou ailleurs, en créant un slogan qui ira alimenter la coagulation générale et le spectacle de l'attentat. Qu'est-ce que j'appelle spectacle de l'attentat ? Cette manière particulière aux sociétés marchandes et communicantes de faire monter la sauce en se vautrant dans un "événement", et en faisant en sorte, par la production de mots d'ordre politiquement aliénant, que ça dure encore un peu. Le temps, par exemple, qu'un autre attentat arrive. Je suis aussi celui qui, en contrepoint de cela, exprimera son dégoût, et qui te dégoûtera des faux-derches que nous sommes devenus. Pourquoi des faux-culs ? Parce que nous n'avons une fois de plus rien fait contre tout cela. Ceux qui ont de l'engagement et de la responsabilité une conception plus ou moins politique m'entendront plus ou moins bien. Le reste n'existe pas.Disons seulement par cette énormité, cette mise à égalité des compteurs assez odieuse
"Cette veine" ? Laissons tomber ce terme vague mais cependant utile pour disqualifier les intentions qu'on ne voit pas et voyons les choses dans leurs effets, comme vous le faites pour chaque article que vous commentez. Exciterais-je le rire des vaincus ? Est-ce que je fais, moi, commerce de mes images d'Epinal ? Espérez-vous vraiment nous faire croire que les caricatures diffusés en masse des soit-disant mal élevés valent celles du ladre qui, dans son coin, gueule sa colère au petit nombre de ceux qui l'entendent ? En tout cas, "cette veine", si elle existe, est bien inconséquente pour qualifier mon discours. Le rapprochement que vous opérez entre mon discours et les élucubrations d'un Jean-Marie Lepen qui, autant que les autres "responsables" politiques, a participé et participe encore de cette décadence, tient de la même farine.Pour le reste, je vois bien ce que "Charlie Hebdo" a de caricatural mais il faut avouer que cette veine vous inspire également.
Au sens étymologique du terme, tout y conspire. Mais que cela ne prouve pas que les saltimbanques médiatiques doivent être violemment critiqués, ou que nos pratiques sociales doivent changer, c'est, pour ainsi dire, dans l'ordre des choses. Un ordre de choses où (j'insiste) liberté d'expression et démocratie sont devenus de vains mots, de grosses baudruches. Pire : des mots et des baudruches faites pour que nous fondions en pleurs tous ensemble, les larmes coulant sur notre collagène nous empêchant d'y voire plus clair. Il n'y a plus de liberté d'expression là où la manière dont s'impose l'information prime sur le contenu, c'est-à-dire sur sa vérité. Il n'y a plus de liberté de la presse là où tout le monde peut la chanter à longueur de colonnes et d'émissions, en épargnant par-là même ceux qui, de tout temps, s'en sont prévalus pour dire tout et n'importe quoi. Et pour qu'il n'y ait plus que du n'importe quoi, il a d'abord fallut créer les conditions objectives pour que le n'importe quoi reçoive de l'écho. Il a fallut la faillite de l'école. Faillite orchestrée par ce n'importe quoi, auquel l'école n'est pas imperméable. Ce cercle tautologique, c'est l'intégrisme religieux de notre société.Hélas.
Cette situation, Philippe Muray, dans son adresse aux djihadistes comme partout ailleurs, avait su littérairement en développer les effets. Je vous remercie de la comparaison, mais je ne pourrais pas la tenir. Pour ce qui est du talent, je m'incline face à lui. Il y a cependant une différence vraiment déterminante entre lui et moi : c'est que je suis plus ou moins vivant, tandis que lui est mort (et non disparu). Petite différence qui l'immunise contre toutes les formes de malentendus, à l'heure où le festivisme festivisé nous a désappris à lire.
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