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Twitter : modération ou liberté d'expression ?
- Loys
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La question est donc devenue la suivante : une telle demande de modération n'est-elle pas une atteinte à la liberté d'expression ?
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On ne peut pas faire une loi spécifique à Twitter. La loi devrait donc s'appliquer dans un cadre assez large et dépassant largement ce service.
Dans l'état actuel des choses (droit européen et droit français), un hébergeur est un intermédiaire technique, comme un imprimeur. Il n'a aucun rôle de surveillance générale est sa responsabilité n'est engagée qu'une fois informé du caractère manifestement illicite de certains propos, caractère qui (sauf évidence type pédopornographie) est reconnu par un juge.
Réfléchissons maintenant à une modification de la loi qui tiendrait les hébergeurs responsables des excès une fois qu'ils en auront été informés (sans qui soit nécessaire d'établir leur caractère manifestement illicite), voire leur imposant une obligation générale de surveillance. (Il s'agit bien entendu d'une fiction, vu que cela demanderait la révision d'une directive européenne.)
L'intérêt d'un hébergeur sera alors de se "couvrir". Aucune entreprise ne voudra risquer d'être tenu légalement responsable pour les propos d'un client qui ne la rémunère pas (hébergements gratuits) ou pas grand chose (la plupart des hébergements). La conclusion logique serait donc de supprimer les propos à la moindre plainte, surtout si le plaignant a l'air important (on prête plus attention aux menaces de procès d'une grosse société que d'un particulier).
Examiner la licéité des propos n'est d'ailleurs pas chose facile, raison pour laquelle il y a à Paris une chambre (17e) spécialisée dans le droit de la presse. Or, les prestataires techniques d'Internet, pour rester rentables, minimisent les interventions humaines et les qualifications des personnels qui doivent gérer les "hotlines". On voit déjà des services de filtrage (anti-porno etc.) sous-traiter en Inde la constitution des listes de sites à filtrer et les procédures de réclamation. Il est donc à craindre que la licéité des contenus ne soit jugé par des personnels sous-qualifiés et travaillant pour maximiser leur rendement, selon des procédures standardisées et bureaucratiques. On remarquera ainsi que, selon les procédures de Facebook, l'Origine du Monde de Courbet est traitée à l'égale d'une photographie porno trash.
Il me semble que ceux qui défendent la "modération" supposent qu'il est facile de déterminer si tel ou tel propos est licite. C'est faux. Ce n'est pas parce que tel particulier ou telle entreprise s'affirme diffamé, que telle association estime que tel propos relève de la promotion du racisme, que c'est le cas au sens de la loi et qu'un tribunal jugerait en ce sens.
Comme l'indique la citation ci-dessus, je pense que Loys Bonod, qui publie nombre de billets polémiques et mettant en cause des personnalités ou des administrations, n'aurait aucune envie que les personnels de son hébergeur technique (OVH) aient à juger du caractère licite ou illicite de ses propos.
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L'extension de la bureaucratie est souvent justifiée avec les meilleures intentions, par exemple pour « lutter contre les abus » ou « prévenir les dérapages ».
Tenir les gens pour responsables en cas d'errements d'autres personnes revient à leur donner une forte incitation à se « couvrir » en formulant des interdictions plus larges que nécessaire, et à produire des règles rigides que des petites mains de la bureaucratie feront appliquer.
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- Loys
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Bien sûr.DM écrit: Mon point de vue est simple et ne s'intéressera qu'à l'intérêt d'imposer cette modération par la loi.
On ne peut pas faire une loi spécifique à Twitter. La loi devrait donc s'appliquer dans un cadre assez large et dépassant largement ce service.
Ma question est immédiatement la suivante : Twitter est-il bien un simple hébergeur physique, comme peut l'être OVH ?Dans l'état actuel des choses (droit européen et droit français), un hébergeur est un intermédiaire technique, comme un imprimeur. Il n'a aucun rôle de surveillance générale est sa responsabilité n'est engagée qu'une fois informé du caractère manifestement illicite de certains propos, caractère qui (sauf évidence type pédopornographie) est reconnu par un juge.
Il y a plusieurs façons de répondre à cette question mais qui vont toutes dans le même sens :
- Puis-je héberger chez Twitter la même chose que chez n'importe quel hébergeur ? Non.
- Twitter héberge-t-il d'autre services ou d'autres applications que Twitter ? Non.
- OVH publie-t-il des contenus dans un espace public à son nom ? Non.
- OVH exploite-t-il commercialement les contenus qu'il héberge ? Non.
- OVH met-il en valeur les contenus qu'il héberge ? Non.
- OVH influe-t-il sur les contenus qu'il héberge ? Non.
Pour reprendre votre comparaison, Twitter est moins un imprimeur qu'un journal (ce n'est pas un hasard si ce réseau a d'abord été un réseau professionnel utilisé par les journalistes), avec des gros titres (les tendances) et des orientations de contenus (les hashtags) qui lui donnent une responsabilité éditoriale. Les dérapages ont d'ailleurs été occasionnés par ces deux spécificités de Twitter.
Dans mon esprit, les hébergeurs au sens strict ne seraient pas concernés par l'obligation de modération faite à Twitter.Réfléchissons maintenant à une modification de la loi qui tiendrait les hébergeurs responsables des excès une fois qu'ils en auront été informés (sans qui soit nécessaire d'établir leur caractère manifestement illicite), voire leur imposant une obligation générale de surveillance. (Il s'agit bien entendu d'une fiction, vu que cela demanderait la révision d'une directive européenne.)
Encore une fois dans mon esprit un réseau social tel que Twitter n'aurait obligation de modérer des contenus qu'en cas de décision de justice en ce sens, et non de simple plainte. Et sa responsabilité porterait seulement sur son non respect de l'obligation de modération après la décision de justice. Voilà qui me semble une exigence très raisonnable, non ? Or en l'état actuel, en vertu du 1er amendement, Twitter refuse d'admettre cette obligation minimale.L'intérêt d'un hébergeur sera alors de se "couvrir". Aucune entreprise ne voudra risquer d'être tenu légalement responsable pour les propos d'un client qui ne la rémunère pas (hébergements gratuits) ou pas grand chose (la plupart des hébergements). La conclusion logique serait donc de supprimer les propos à la moindre plainte, surtout si le plaignant a l'air important (on prête plus attention aux menaces de procès d'une grosse société que d'un particulier).
A cette obligation peu contraignante pourrait s'adjoindre une obligation de modération spécifique liée à la mise en valeur par l'éditeur de certains contenus (chez Twitter, les tendance et hashtags) : il ne s'agirait pas nécessairement de supprimer des tweets, mais d'empêcher les déchaînements haineux que l'on a pu observer avant qu'ils ne prennent une grande ampleur, et ce le plus tôt possible, ce qui est techniquement très facile : il suffit de surveiller les tendances avant qu'elles n'apparaissent au grand public. Il n'y aurait donc pas au fond d'atteinte à la liberté d'expression.
Enfin, ajoutons l'obligation de communiquer les adresses IP des auteurs de contenus jugé illicites.
Avec l'encadrement que je suggère, le rendement diminuerait avec d'éventuelles amendes. Twitter, entreprise qui dégage d'importants bénéfices en raison de sa notoriété, a largement les moyens d'assurer la modération minimale que j'ai évoquée.Examiner la licéité des propos n'est d'ailleurs pas chose facile, raison pour laquelle il y a à Paris une chambre (17e) spécialisée dans le droit de la presse. Or, les prestataires techniques d'Internet, pour rester rentables, minimisent les interventions humaines et les qualifications des personnels qui doivent gérer les "hotlines". On voit déjà des services de filtrage (anti-porno etc.) sous-traiter en Inde la constitution des listes de sites à filtrer et les procédures de réclamation. Il est donc à craindre que la licéité des contenus ne soit jugé par des personnels sous-qualifiés et travaillant pour maximiser leur rendement, selon des procédures standardisées et bureaucratiques.
Quelle idée aussi de revendiquer sa liberté d'expression et de s'aliéner à un réseau commercial (et pudibond).On remarquera ainsi que, selon les procédures de Facebook, l'Origine du Monde de Courbet est traitée à l'égale d'une photographie porno trash.
Bien sûr mais dans les cas qui nous occupent, le doute n'existait pas.Il me semble que ceux qui défendent la "modération" supposent qu'il est facile de déterminer si tel ou tel propos est licite. C'est faux. Ce n'est pas parce que tel particulier ou telle entreprise s'affirme diffamé, que telle association estime que tel propos relève de la promotion du racisme, que c'est le cas au sens de la loi et qu'un tribunal jugerait en ce sens.
Mon site va passer pour le site du Zorro avec vos propos.Comme l'indique la citation ci-dessus, je pense que Loys Bonod, qui publie nombre de billets polémiques et mettant en cause des personnalités ou des administrations, n'aurait aucune envie que les personnels de son hébergeur technique (OVH) aient à juger du caractère licite ou illicite de ses propos.
Vous avez compris que je ne souhaite pas que mon hébergeur (au sens strict) soit concerné par l'obligation de modération. Par ailleurs je ne m'exprime pas ici anonymement alors que c'est le cas presque neuf fois sur dix sur Twitter.
Mais dans le pire des cas rien ne m'empêche d'être mon propre hébergeur : ma liberté d'expression reste entière.
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- Loys
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Loin de moi l'idée d'étendre la bureaucratie.DM écrit: Plus généralement, cher Loys, je pense que vous qui vous rendez bien compte des ravages de la bureaucratie dans votre travail devriez réfléchir à l'impact de son extension dans d'autres activités.
Mais précisément dans mon travail nous nous rendons compte chaque jour de la nécessité d'une modération salutaire.
Et ce que des patrouilleurs font gratuitement sur des articles d'une encyclopédie libre (alors qu'ils pourraient s'en dispenser si Wikipédia avait un modèle un peu plus fonctionnel), ou des milliers d'équipes de modération bénévoles sur des milliers de forums moins exposés, Twitter, dont les revenus se montent à plusieurs centaines de millions de dollars, peut bien le faire sur ses propres tendances, non ?
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- Loys
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Pourtant voici un document qui vous contredit : www.esen.education.fr/fileadmin/ ... bilite.pdf
En conclusion
- l’auteur d’un message est le premier responsable au regard du droit commun. Il peut également
engager sa responsabilité en tant qu’auteur principal d’une infraction de presse, lorsqu’aucune
modération a priori n’aura été pratiquée sur le forum de discussion ou, en cas de modération a priori,
comme complice de cette infraction ;- le modérateur du forum de discussion peut dans tous les cas être considéré comme complice, voire
comme coauteur de l’infraction, suivant son degré d’implication dans la diffusion du message ;- l’éditeur du site exploitant un forum de discussion s’expose à des poursuites pour les contenus
illicites ou préjudiciables aux tiers, soit en qualité d’auteur principal pour les infractions de presse,
soit, dans tous les cas, en qualité de complice ou de coauteur ;- les fournisseurs de l’hébergement des contenus du forum sont soumis à une responsabilité limitée
en leur qualité de prestataires techniques n’intervenant pas sur la production des contenus.
Et en guise de conseils :
- si vous souhaitez offrir un service de forums, pensez à rédiger et à faire signer une charte d’usage
fixant clairement les règles de fonctionnement ;- désignez un modérateur qui aura la charge de surveiller la qualité des propos échangés.
Dès lors pourquoi Twitter, dont l'activité s'apparente bien à celle d'"éditeur d'un site exploitant un forum de discussion" bénéficierait-il d'un régime d'exception ?
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Directive européenne 2000/31/CE:
Article 14
Hébergement
1. Les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à la demande d'un destinataire du service à condition que:
a) le prestataire n'ait pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n'ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l'activité ou l'information illicite est apparente
ou
b) le prestataire, dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impossible.
[...]
Article 15
Absence d'obligation générale en matière de surveillance
1. Les États membres ne doivent pas imposer aux prestataires, pour la fourniture des services visée aux articles 12, 13 et 14, une obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.
2. Les États membres peuvent instaurer, pour les prestataires de services de la société de l'information, l'obligation d'informer promptement les autorités publiques compétentes d'activités illicites alléguées qu'exerceraient les destinataires de leurs services ou d'informations illicites alléguées que ces derniers fourniraient ou de communiquer aux autorités compétentes, à leur demande, les informations permettant d'identifier les destinataires de leurs services avec lesquels ils ont conclu un accord d'hébergement.
Stocker des informations pour les retransmettre, sans réaliser soi-même de contenu ni procéder à un choix éditorial, voilà ce que fait Twitter.
2) Sur le sujet de la responsabilité de celui qui met en place un forum. Nulle contradiction entre ce que je dis et ce que dit le document que vous citez au sujet du droit.
Je n'ai plus en tête la référence, mais, sauf erreur de ma part, la jurisprudence considère que celui qui met en place un forum non modéré est un hébergeur (car il ne fait pas de choix éditoriaux) mais peut considérer le modérateur d'un forum comme un éditeur (car, justement, il fait des choix éditoriaux), selon son degré d'implication dans la publication ou la republication du contenu incriminé.
Cela peut vous apparaître paradoxal, mais il y a justement avantage à ne pas opérer de contrôle a priori, car on est alors considéré comme un hébergeur, alors que si l'on contrôle a priori on est un éditeur (car ce qui est publié découle d'un choix conscient). Notez comme le document que vous citez distingue bien le cas de la "modération a priori" pour l'attribution des responsabilités.
J'ai eu connaissance d'un cas où une sorte de modérateur n'a pas été condamné pour diffamation, après avoir inséré un contenu diffamatoire rédigé par un tiers, parce qu'il l'avait fait de bonne foi.
Si je suis d'accord avec les éléments factuels du document que vous citez, je ne suis pas forcément d'accord avec la conclusion, qui me semble plutôt s'adresser à des établissements scolaires qu'à des entreprises ou organismes privés proposant des services destinés prioritairement aux adultes.
3) « Encore une fois dans mon esprit un réseau social tel que Twitter n'aurait obligation de modérer des contenus qu'en cas de décision de justice en ce sens, et non de simple plainte. Et sa responsabilité porterait seulement sur son non respect de l'obligation de modération après la décision de justice. Voilà qui me semble une exigence très raisonnable, non ? Or en l'état actuel, en vertu du 1er amendement, Twitter refuse d'admettre cette obligation minimale. »
Cette obligation existe justement déjà en droit français, de part la LCEN, qui transpose la directive européenne sus-citée.
« Enfin, ajoutons l'obligation de communiquer les adresses IP des auteurs de contenus jugé illicites. »
Encore une fois, le droit français leur fait déjà cette obligation.
Comme vous le soulevez, le vrai problème avec Twitter est que c'est une entreprise américaine sans présence en France (il me semble cependant qu'ils vont ouvrir un bureau à Paris?) et qui donc rejette la compétence des tribunaux français. Vous pouvez bien sûr argumenter que leur service est disponible en langue française depuis la France.
Cependant, il vous faut alors vous poser d'autres questions: trouveriez-vous normal qu'un hébergeur français (OVH, Free, que sais-je) soit obligé d'appliquer toute décision d'un tribunal quelconque de tout pays du monde, y compris de pays ne partageant pas nos valeurs de liberté d'expression?
4)
« Mais précisément dans mon travail nous nous rendons compte chaque jour de la nécessité d'une modération salutaire. »
Attention à la déformation professionnelle. Vous vous adressez à un public mineur légalement et immature intellectuellement, d'où une certaine volonté de votre part de contrôler ce qui se passe, ce que vos élèves lisent, etc. Vous ne pouvez pas traiter le public adulte comme cela.
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- Loys
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Typhon, j'aime votre laconisme utile.Typhon écrit: Ce forum a besoin d'un ou deux diplômés en Droit.
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Twitter ressemble de plus en plus par son public (plus de cinq millions de comptes en France) à une grande cour de récréation sans surveillance, au vu et au su de tous, l'anonymat en plus.DM écrit: Attention à la déformation professionnelle. Vous vous adressez à un public mineur légalement et immature intellectuellement, d'où une certaine volonté de votre part de contrôler ce qui se passe, ce que vos élèves lisent, etc. Vous ne pouvez pas traiter le public adulte comme cela.
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