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ChatGPT, nouveau miroir aux alouettes numérique
- Loys
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Un coup de pied dans la fourmilière. C’est ainsi que l’on pourrait résumer l’effet produit, au sein du monde enseignant, par la récente apparition de ChatGPT. Si un outil d’intelligence artificielle, accessible à tous en quelques clics, est désormais capable de répondre à n’importe quelle question de manière construite et pertinente, comment s’assurer qu’un élève n’a pas délégué la rédaction de son devoir au logiciel ? Plus largement, comment maintenir la légitimité de l’évaluation pédagogique, pratique sur laquelle reposent la plupart des systèmes éducatifs dans le monde ? Aux États-Unis, où la plateforme a été lancée en novembre 2022, la question divise. Pour empêcher les élèves de tricher, des établissements scolaires à New York et à Seattle ont décidé de bloquer l’accès à ChatGPT depuis leurs réseaux Wi-Fi. « C’est l’un des paradoxes du monde de l’éducation, commente Sobhi Tawil, directeur du programme consacré à l’avenir de l’apprentissage et à l’innovation du secteur éducation de l’Unesco. On répète qu’au XXIe siècle, il est essentiel que les jeunes acquièrent des compétences numériques et, au moment de la validation d’un parcours éducatif, on interdit d’avoir recours aux outils en question, dont on sait par ailleurs qu’ils sont utilisés à longueur de temps par les élèves pour étudier, se distraire, s’informer et travailler ». Consciente de l’importance de la révolution à l’œuvre, une partie du monde universitaire américain a fait le choix de s’adapter. Partant du principe que les élèves feront toujours preuve d’inventivité lorsqu’il s’agit de contourner les interdictions, plusieurs universités ont donc renoncé aux devoirs à la maison. À la place, les enseignants privilégient les examens oraux, le travail en équipe et les dissertations
manuscrites en classe.
Faut-il s’inquiéter d’une telle évolution ? Pour Sobhi Tawil, au contraire, ce bouleversement provoqué par ChatGPT représente une occasion inédite, qu’il faut saisir. « L’IA nous donne l’opportunité de réfléchir à la finalité du processus pédagogique et éducatif. Que cherche-t-on à évaluer chez un élève ? Il s’agit d’interroger, en creux, notre conception du savoir et de l’intelligence humaine. Est-ce le fait d’être capable d’emmagasiner des connaissances et de les restituer, ou est-ce avant tout le raisonnement critique, la créativité ? », interroge-t-il. L’idée de laisser les élèves avoir librement accès à des outils comme ChatGPT n’est pas impensable, selon ce spécialiste de l’éducation. L’IA deviendrait ainsi un moyen pour le système éducatif d’encourager les élèves à développer de nouvelles qualités. « Le monde dans lequel nous vivons et le type de questions auxquelles nous sommes à présent confrontés en tant que citoyens exige de nous que nous sachions collaborer, mutualiser nos expertises, nos talents et nos efforts ».
Le débat, la controverse et le tutorat entre élèves sont autant de pratiques que préconise Serge Tisseron pour améliorer le système éducatif à l’aube d’une révolution numérique. Car l’univers de l’intelligence artificielle n’a pas attendu ChatGPT pour s’intéresser au milieu scolaire et universitaire. Nombre d’outils ont été mis au point au cours de la dernière décennie dans le but d’améliorer l’apprentissage. C’est le cas notamment des systèmes de tutorat intelligents, imaginés dès les années 1970. Ils sont, à ce jour, les outils d’IA les plus aboutis et les plus utilisés dans le contexte éducatif.
À l’avenir, il est même probable qu’un assistant intelligent nous aide, tout au long de notre vie, à relever des défis, comme celui d’apprendre le suédois ou le jeu d’échecs à cinquante ans, en adaptant l’enseignement à notre personnalité et à nos capacités, traduites en milliards de données accumulées depuis notre enfance. Ces opportunités, principalement individuelles, réjouissent et inquiètent à la fois les spécialistes. « L’éducation a aussi des fonctions collectives, rappelle Sobhi Tawil. C’est un projet sociétal, et il est important de ne pas le perdre de vue. »
Les défis posés par l’intelligence artificielle sont certainement aussi nombreux que ses potentiels. Pour Guillaume Leboucher, président de la fondation L’IA pour l’école, ces risques sont autant de raisons supplémentaires pour enseigner le plus tôt possible les rudiments de l’intelligence artificielle aux élèves, qui devraient pouvoir être rapidement en mesure de « comprendre ce qu’est une IA et de débattre de ses implications au niveau de la société ». Et de conclure : « Nous ne sommes pas en train de vivre une révolution numérique, mais bien une révolution anthropologique. Et la vraie question, c’est : que doit-on apprendre aujourd’hui ? »
Voilà qui mérite bien quelques commentaires.
Commençons peut-être par rappeler que cet article a été écrit au début de la frénésie médiatique ChatGPT, par une journaliste sans spécialisation particulière dans les questions d'éducation.
Cet outil n'est pas capable de répondre à n'importe quelle question, et sa réponse est loin d'être toujours pertinente...Un coup de pied dans la fourmilière. C’est ainsi que l’on pourrait résumer l’effet produit, au sein du monde enseignant, par la récente apparition de ChatGPT. Si un outil d’intelligence artificielle, accessible à tous en quelques clics, est désormais capable de répondre à n’importe quelle question de manière construite et pertinente, comment s’assurer qu’un élève n’a pas délégué la rédaction de son devoir au logiciel ?
Confusion totale : il ne s'agit plus ici de l'IA génératrice mais des "outils" en général, en référence - soyons clairs - au smartphone.Plus largement, comment maintenir la légitimité de l’évaluation pédagogique, pratique sur laquelle reposent la plupart des systèmes éducatifs dans le monde ? Aux États-Unis, où la plateforme a été lancée en novembre 2022, la question divise. Pour empêcher les élèves de tricher, des établissements scolaires à New York et à Seattle ont décidé de bloquer l’accès à ChatGPT depuis leurs réseaux Wi-Fi. « C’est l’un des paradoxes du monde de l’éducation, commente Sobhi Tawil, directeur du programme consacré à l’avenir de l’apprentissage et à l’innovation du secteur éducation de l’Unesco. On répète qu’au XXIe siècle, il est essentiel que les jeunes acquièrent des compétences numériques et, au moment de la validation d’un parcours éducatif, on interdit d’avoir recours aux outils en question, dont on sait par ailleurs qu’ils sont utilisés à longueur de temps par les élèves pour étudier, se distraire, s’informer et travailler ».
Il faudrait d'abord vérifier que ces outils sont utilisés pour "étudier, s'informer et travailler" car ce qui est présenté comme un postulat est plus que contestable : les smartphones, avec leur mille distractions, détournent du travail ou même dispensent de le faire.
Le même postulat s'applique à l'IA génératrice : elle permet d'étudier et de travailler. Curieusement, les enseignements observent tout le contraire : elle dispense de travailler. Mais comme elle est utilisée à cet effet, il suffit en effet de la présenter comme un outil de travail.
Dès lors, en priver les élèves est scandaleux !
Contourner les interdictions, c'est "faire preuve d'inventivité" : encore une vertu, après l'utilisation des "outils" numériques pour se dispenser de faire son travail !Consciente de l’importance de la révolution à l’œuvre, une partie du monde universitaire américain a fait le choix de s’adapter. Partant du principe que les élèves feront toujours preuve d’inventivité lorsqu’il s’agit de contourner les interdictions, plusieurs universités ont donc renoncé aux devoirs à la maison.
Le raisonnement est donc le suivant : puisqu'on ne peut pas lutter contre la fraude (qui n'est donc jamais présentée comme telle dans l'article), il faut donc l'embrasser !
Aucun de ces exercices ne s'oppose à l'utilisation de l'IA génératrice...À la place, les enseignants privilégient les examens oraux, le travail en équipe et les dissertations manuscrites en classe.
Le renversement iconoclaste est radical : il ne s'agit pas seulement d'accepter un "outil" qui permet (permettrait) de se dispenser de travailler, mais d'en faire le fondement de l'école de demain !Faut-il s’inquiéter d’une telle évolution ? Pour Sobhi Tawil, au contraire, ce bouleversement provoqué par ChatGPT représente une occasion inédite, qu’il faut saisir. « L’IA nous donne l’opportunité de réfléchir à la finalité du processus pédagogique et éducatif.
On note que Sobhi Tawil, principale référence de ce article de fond, est le directeur du programme consacré à l’avenir de l’apprentissage et à l’innovation du secteur éducation de l’Unesco : faut-il s'étonner dès lors d'un enthousiasme pour ce qui légitime sa fonction ?
Que serait-ce qu'un raisonnement qui ne serait pas critique ?Que cherche-t-on à évaluer chez un élève ? Il s’agit d’interroger, en creux, notre conception du savoir et de l’intelligence humaine. Est-ce le fait d’être capable d’emmagasiner des connaissances et de les restituer, ou est-ce avant tout le raisonnement critique, la créativité ? », interroge-t-il.
On voit ici que l'IA génératrice est le nouveau levier de la vieille promotion des "soft skills" à l'école. Avec ce paradoxe de promouvoir "la créativité" avec un outil générant des contenus à notre place... Un élève rendait un exposé qu'il a lui-même rédigé à partir des recherches qu'il a lui-même faites serait moins créatif qu'un élève ayant généré son exposé en ligne sans même l'avoir lu ?
Au reste, caricature habituelle de l'enseignement, ici uniquement présenté comme un système d’absorption/résorption des connaissances : dès le primaire, les connaissances sont mises en pratique et le raisonnement est sollicité.
Plus grave et plus édifiant : cette promotion considère que le raisonnement critique peut se dispenser de connaissances. On penserait mieux une question sur l'économie asiatique sans rien savoir de l'Asie. On penserait mieux une question littéraire sans avoir jamais rien appris de la littérature.
Un spécialiste qui n'a jamais enseigné...L’idée de laisser les élèves avoir librement accès à des outils comme ChatGPT n’est pas impensable, selon ce spécialiste de l’éducation.
Tartes à la crème éducatives, en réalité formules creuses vides de sens. On ne voit pas en quoi "le monde dans lequel nous vivons" serait fondamentalement différent à appréhender : aucun exemple n'est d'ailleurs jamais donné à ce sujet. Cette formule a pour seule fonction de créer l'urgence (et d'empêcher tout "raisonnement critique"...).L’IA deviendrait ainsi un moyen pour le système éducatif d’encourager les élèves à développer de nouvelles qualités. « Le monde dans lequel nous vivons et le type de questions auxquelles nous sommes à présent confrontés en tant que citoyens exige de nous que nous sachions collaborer, mutualiser nos expertises, nos talents et nos efforts ».
Pour le reste, quel rapport logique entre l'IA génératrice et ces prétendues compétences de l'école de demain (d'essence constructiviste : "collaborer, mutualiser"), déjà défendues à l'identique depuis des années : l'IA génératrice ne sert qu'à donner un vernis de modernité à un discours ressassé, et parfaitement discutable. En quoi l'IA génératrice, en dispensant de travailler, permettrait mieux de collaborer, mutualiser ?
Serge Tisseron qui n'est pas enseignant non plus, et défend la télévision pour les tout-petits depuis un quart de siècle...Le débat, la controverse et le tutorat entre élèves sont autant de pratiques que préconise Serge Tisseron pour améliorer le système éducatif à l’aube d’une révolution numérique.
Ils ont été "imaginés" mais n'ont guère convaincus depuis un demi-siècle, ce qui permet de relativiser ce qui n'est qu'une énième mode numérique, après bien d'autres qui font sourire aujourd'hui.Car l’univers de l’intelligence artificielle n’a pas attendu ChatGPT pour s’intéresser au milieu scolaire et universitaire. Nombre d’outils ont été mis au point au cours de la dernière décennie dans le but d’améliorer l’apprentissage. C’est le cas notamment des systèmes de tutorat intelligents, imaginés dès les années 1970. Ils sont, à ce jour, les outils d’IA les plus aboutis et les plus utilisés dans le contexte éducatif.
On retrouve les mêmes vieilles lunes éducatives, comme le rêve d'un apprentissage non plus mais tout au long de sa vie, ou le rêve d'un apprentissage idéalement personnalisé ?À l’avenir, il est même probable qu’un assistant intelligent nous aide, tout au long de notre vie, à relever des défis, comme celui d’apprendre le suédois ou le jeu d’échecs à cinquante ans, en adaptant l’enseignement à notre personnalité et à nos capacités, traduites en milliards de données accumulées depuis notre enfance.
Quel rapport logique avec les compétences énoncées précédemment (la pensée critique, la collaboration etc.) ? Et, en bonne logique, à quoi bon apprendre le suédois ou les échecs si l'IA peut nous en dispenser ?
Résumons : l'IA rend l'école inutile, mais il faudrait quand même garder l'école pour voir les copains.Ces opportunités, principalement individuelles, réjouissent et inquiètent à la fois les spécialistes. « L’éducation a aussi des fonctions collectives, rappelle Sobhi Tawil. C’est un projet sociétal, et il est important de ne pas le perdre de vue. »
"défis", anglicisme mélioratif pour "problèmes".Les défis posés par l’intelligence artificielle sont certainement aussi nombreux que ses potentiels.
Au reste, ces "défis" ont été plutôt éludés qu'étudiés ici.
Heureusement, une voix discordante ("La fondation L'IA pour l'école") :
C'est logique : l'IA présentant des risques, il faut donc l'utiliser "le plus tôt possible" à l'école.Pour Guillaume Leboucher, président de la fondation L’IA pour l’école, ces risques sont autant de raisons supplémentaires pour enseigner le plus tôt possible les rudiments de l’intelligence artificielle aux élèves, qui devraient pouvoir être rapidement en mesure de « comprendre ce qu’est une IA et de débattre de ses implications au niveau de la société ». Et de conclure : « Nous ne sommes pas en train de vivre une révolution numérique, mais bien une révolution anthropologique. Et la vraie question, c’est : que doit-on apprendre aujourd’hui ? »
La grandiloquence pousse, comme à chaque "révolution", à l'hyperbole : celle-ci sera "anthropologique", rien moins !
On note que la grave question finale, si elle résume le procès fait à l'école, n'apporte aucune réponse autre que vague.
Voilà donc l'article dépourvu de toute pensée critique qui a été soumis à nos élèves (en lien avec Gargantua). Un transhumanisme, sans doute, mais certainement pas un humanisme.
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- la différence entre "croisade symbolique" et "panique morale" ? J'ai eu de très beaux éléments de langage.
- que faut-il savoir sur Gusfield ? Une porte d'entrée très utile.
- peux-tu me faire le sujet d'une composition de base de données SQL ? Aucune des versions du sujet n'était utilisable, pas même pour reconstruire quelque chose dessus à la main. Ce qui était intéressant, en revanche, c'était l'approche pédagogique, à base de compétences. Et quand je lui ai demandé de corriger ses erreurs, il a produit le corrigé de son sujet.
A noter qu'Open AI a justement commencé dans la production de code SQL, et que chatGPT est massivement utilisé en programmation.
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Journée de mobilisation pour le droit à l’avortement
30 septembre 2024
Et si, à l’heure de l’Intelligence Artificielle, il s’agissait plus que jamais d’enseigner aux élèves l’art du tâtonnement, avec ses difficultés et ses plaisirs, plutôt que la quête de la réponse toute faite, avec ses facilités et ses erreurs ? Cette posture de recherche, progressive, créative, réactive, réflexive, c’est celle qu’ont transmise à leurs 4èmes, au collège Henri Matisse de Grand-Couronne, Claire Ridel, professeure de français, et Emilie Barbe, professeure-documentaliste. Les élèves ont été invités à mettre en images leurs représentations mentales de la patrimoniale nouvelle fantastique de Maupassant Le Horla. Leur travail d’illustration et d’interprétation montre combien l’Intelligence Artificielle peut favoriser l’intelligence sensible d’une œuvre littéraire. Il éclaire aussi combien l’art du prompt est un art de la lenteur, qu’il convient d’acquérir et donc de travailler.
Dans quel contexte ce projet autour de l’IA a-t-il été mené ?
Claire Ridel et Emilie Barbe – Lors de l’année scolaire 2023-2024, tout le collège Henri Matisse de Grand-Couronne a été mobilisé pour travailler sur la thématique du « Fleuve », grâce à un jumelage avec les musées littéraires de la Réunion des Musées de la Métropole de Rouen. C’est dans ce cadre que nos élèves de 4ème A se sont aventurés sur les eaux menaçantes de la Seine en lisant Le Horla de Maupassant. L’occasion pour toute la classe de découvrir comment l’Intelligence Artificielle peut mettre en images leur représentation mentale de l’œuvre, et de motiver un travail collaboratif qui prend place dans une exposition au mois de juin.
Le travail avec l’IA prolonge la lecture en classe de la nouvelle de Maupassant Le Horla : comment avez-vous aidé les élèves à comprendre la nature et le fonctionnement de l’IA ?
Claire Ridel – Ce travail se situe dans une démarche transdisciplinaire lettres / EMI. Nous sommes parties des représentations des élèves sur l’Intelligence Artificielle pour affiner leur point de vue, chasser des représentations erronées et apporter des connaissances nouvelles. Par exemple, l’idée de la « conscience » de l’IA et son anthropomorphisme sous forme de robot ont émergé dès le début de la séance, et ont donné lieu à un débat entre les élèves.
Emilie Barbe – Puis nous avons expliqué ce qu’était l’Intelligence artificielle, et nous avons surtout insisté sur ce qu’était un prompt. J’ai rédigé une synthèse, que nous avons mise à disposition des élèves dans l’ENT pour qu’ils puissent le consulter lors de la création des images.
Quels conseils de rédaction du prompt avez-vous donnés aux élèves ?
1er conseil : « Soyez précis. Plus votre description est précise, plus l’image générée sera proche de ce que vous imaginez. Par exemple, au lieu de dire « un chien », dites « un chiot golden retriever jouant dans un champ de fleurs. »
2ème conseil : « Utilisez des adjectifs. Les adjectifs aident à donner plus de détails à votre description. Par exemple, au lieu de dire « une maison », dites « une grande maison victorienne avec un jardin fleuri ».
3ème conseil : « Soyez créatif. L’IA est capable de générer des images à partir de descriptions très imaginatives. »
4ème conseil, le plus important : « reformulez plusieurs fois votre prompt afin d’obtenir le résultat souhaité et le plus proche de ce que vous avez en tête. »
Il n’est pas facile pour une enseignante de choisir l’outil IA approprié pour la classe : comment avez-vous abordé et résolu ce problème ?
Claire Ridel – Ce qui nous a semblé le plus important, c’est de choisir une IA qui respecte la vie privée de nos élèves, qui ne récolte pas leurs données.
J’ai fait quelques tests de mon côté, tandis qu’Emilie utilisait une autre IA. Bien que Stable Diffusion soit efficace, nous ne l’avons pas gardée car elle nécessitait un matériel performant et était en anglais, et le but de l’exercice était de travailler les compétences d’écriture et réécriture des élèves en français : nous l’avons donc écartée. Ensuite, j’ai laissé de côté l’IA Copilopt de Microsoft, qui était très performante, mais qui nécessitait une connexion avec un compte et proposait un nombre d’essais limité. Or, dans la perspective du tâtonnement qui était la mienne, il fallait laisser la place à l’erreur et à la correction sans avoir à se soucier d’un quelconque quota. Finalement, nous avons opté pour l’Intelligence Artificielle intégrée à l’application Canva : le nombre d’essais est important, la qualité très satisfaisante, et surtout nous disposons de comptes pour les élèves créés par Emilie, ce qui permet de ne pas demander d’inscriptions individuelles aux élèves.
Les élèves ont ainsi été invités à générer des images avec Canva pour donner à voir leur lecture de Maupassant : quelles ont été les consignes et modalités de ce travail ?
Claire Ridel – Mon idée était de dédier un temps de lecture silencieuse et personnelle, suivie par une prise de note qui l’était tout autant. Dans leur carnet de lecture, les élèves étaient invités à relever des indices dans le texte, et des citations éclairantes. Mais à cette moment-là du projet, je ne leur avais pas encore dit que nous utiliserions l’IA ! Ce qui s’est passé, c’est que les journaux de lecture étaient assez incomplets, mais nous les avons laissés en l’état. Nous avons alors fait une séance de présentation du projet, avec ce moment de métacognition dont je viens de parler, puis nous avons donné les consignes suivantes.
« Utiliser l’IA pour illustrer la nouvelle de Maupassant.
Les images produites devront : être dans le style « image conceptuelle » ; « respecter l’époque (19ème siècle) et le design du personnage défini en classe ; recopier dans la marge, en note, le prompt utilisé ; indiquer la date du journal dans le Horla ; être au format carte postale.
A chaque essai, vous collerez votre image dans le document et recopierez le prompt. Le but est de voir votre pensée devenir de plus en plus précise, et de voir l’amélioration de vos images. Créez autant de pages que de tentatives de création de l’image parfaite ! »
Nous avons montré les résultats de nos propres essais avec l’IA, les commandes que nous avions utilisées, et nous nous sommes donnés rendez-vous en salle informatique pour travailler sur la génération d’images pour illustrer la nouvelle de Maupassant. Chaque élève devait illustrer au moins deux dates du journal du Horla, que j’ai réparties au sein de la classe.
En quoi le travail sur le prompt vous semble-t-il particulièrement formateur ?
Claire Ridel – Lors des deux heures en salle informatique, les élèves se sont aperçus que le manque de précision de leurs notes de lecture les empêchait de générer des prompts suffisamment détaillés : il s’en est spontanément suivi un moment de retour au texte de Maupassant, de lecture plus fine à la recherches d’indices pour alimenter la rédaction du prompt. Les 4èmes se sont aussi rendus compte que recopier uniquement la citation prise dans le texte ne permettait pas d’obtenir une image correcte, qu’il fallait donner des précisions spatiales, temporelles, décrire le personnage pour obtenir sur l’écran l’image mentale qu’ils se faisaient du passage lu.
Pouvez-vous donner un exemple ?
On peut prendre l’exemple du travail de Marwa, particulièrement révélateur d’un travail de réécriture réussi. Elle devait illustrer le jour du 19 août, qui est le moment où le narrateur comprend que le Horla est originaire du Brésil, et qu’il prend la décision de le tuer. Le premier prompt qu’elle utilise est « un homme qui lit une revue et apprend quelque chose » : trop vague, pas de notation temporelle ni spatiale, elle décide de changer de prompt. Pour cela, elle opère des choix de plus en plus précis dans le vocabulaire et apporte davantage d’informations. « homme de 50 ans qui vient d’apprendre pourquoi il pensait être fou car un être invisible le suit en 1850 », va être réécrit plusieurs fois pour devenir finalement : « homme de 50 ans qui est dans sa chambre, en face de lui son vieux lit de chêne à colonnes, à droite sa cheminée, à gauche sa porte fermée et un miroir, au 19e siècle ». En affinant peu à peu sa pensée, en l’exprimant clairement et de façon précise, Marwa a vu se concrétiser sous ses yeux ses descriptions grâce à l’IA.
Comment récupérez-vous et partagez-vous les productions des élèves ?
Emilie Barbe – L’avantage de Canva est qu’il permet l’envoi des productions aux professeurs. Il suffisait aux élèves de cliquer et nous pouvions recevoir toutes les productions. Le partage se fera sous forme d’impression en couleur et fera partie de notre cabinet de curiosités.
Au final, quels vous semblent les plaisirs et intérêts d’un tel travail via l’IA de la littérature ?
Emilie Barbe – La majorité des élèves s’est investie dans l’activité et a pris du plaisir à questionner le rapport entre le texte de Maupassant et sa mise en image. L’un des intérêts est d’abord de se représenter mentalement l’œuvre puis de trouver les mots justes pour s’approprier le texte de Maupassant et le mettre en image, sans avoir besoin de technique en dessin ou en peinture. De plus, éduquer à l’IA et avec l’IA offre aux élèves la possibilité de s’éloigner des paniques morales liées à cette avancée technique ou d’écarter tout anthropomorphisme afin de voir l’IA comme un outil qui demande une certaine gymnastique intellectuelle.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
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