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ChatGPT, un nouveau miroir aux alouettes numériques
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By Nejiba Belkadi 5 juin 2024 Aucun commentaire
Selon une étude* réalisée par le Pôle Léonard de Vinci et Talan auprès de 1600 étudiants de 4e année d’études supérieures, les usages des intelligences artificielles génératives sont de plus en plus massifs. À tel point qu’elles sont également en train de bouleverser leurs projections professionnelles. Chiffres clés.
Un fort plébiscite chez les étudiants
Les étudiants de 4e année issus de plusieurs cursus (management, ingénierie généraliste, création & design…) ont massivement intégré l’usage des IA génératives (ChatGPT, Midjourney, Gemini, etc.) : 99 % d’entre eux les utilisent désormais, alors qu’un sondage Ifop pour Talan d’avril 2024 montrait que seuls 22 % des Français de plus de 35 ans ont utilisé une IA générative. La raison est simple : « Les étudiants ont de formidables capacités d’adaptation à cette technologie dans leurs usages et leurs méthodes de travail », explique l’étude.
92 % les utilisent régulièrement
92 % des élèves ont une utilisation régulière de l’IA contre 32 % des Français en général. Cela s’explique notamment par le fait que les IA génératives ont un impact direct sur la pédagogie et la manière de travailler des étudiants. L’IA accompagne désormais les projets, les travaux et toutes les étapes d’apprentissage des étudiants. Parmi les principaux avantages perçus par les étudiants : la diminution du temps de travail (83 %) et de meilleures capacités de résolution de problèmes complexes (79 %).
51 % auraient du mal à se passer de ChatGPT
Autre atout pédagogique de l’usage des IA génératives : l’augmentation de la productivité, observée par 65 % des étudiants. Globalement, 62 % d’entre eux soulignent qu’elles permettent un gain de temps dans la vie quotidienne. Ils sont 51 % à indiquer qu’ils auraient du mal à se passer de ChatGPT et 51 % à reconnaître que ChatGPT les influence dans leurs choix. « Une dépendance qu’il faut interroger tant ces outils sont marqués par des biais culturels ou des erreurs dans la génération des textes », pointe l’étude.
Un tiers des étudiants paye un abonnement ChatGPT 4
20 euros par mois, c’est la somme que les étudiants sont prêts à débourser pour recourir aux fonctionnalités payantes de ChatGPT 4. Ils sont dans le même temps conscients des défauts des IA génératives. D’où la nécessité de former massivement les étudiants et salariés aux usages comme cela est préconisé dans le rapport « IA : notre ambition pour la France » de la Commission de l’intelligence artificielle sorti en mars 2024.
Les IA génératives plus importantes que la politique RSE pour 63 % des étudiants
En plus de son utilisation dans le cadre des études, l’IA est devenue un outil professionnel essentiel pour la plupart des entreprises et leurs futurs talents. De fait, dans le volet « Entreprise » de l’étude, les étudiants sont 92 % à voir leur quotidien professionnel marqué par une présence massive de l’IA. Par ailleurs, 88 % estiment important qu’un employeur mette les IA génératives à la disposition de ses employés et 65 % soulignent que la présence des IA génératives fait partie des principaux critères de choix de leur future entreprise, et ce devant la politique RSE de l’entreprise pour 63 % des étudiants. Résultat : « Les entreprises doivent anticiper l’arrivée de cette génération qui a déjà bien intégré les codes d’usage et les bénéfices qu’elle peut tirer de cette technologie et de ses déclinaisons. Elle en fait un véritable argument de choix d’attractivité pour un futur emploi. »
*Lors d’un Hackathon de 5 jours autour de « L’impact des IA génératives sur les étudiants », 1600 étudiants des 3 écoles du Pôle (EMLV, ESILV, IIM) ont répondu à un sondage autour de l’IA. Il leur a permis de faire connaître leurs usages, leur compréhension et leurs projections à travers près de 150 questions quantitatives et qualitatives.
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Un coup de pied dans la fourmilière. C’est ainsi que l’on pourrait résumer l’effet produit, au sein du monde enseignant, par la récente apparition de ChatGPT. Si un outil d’intelligence artificielle, accessible à tous en quelques clics, est désormais capable de répondre à n’importe quelle question de manière construite et pertinente, comment s’assurer qu’un élève n’a pas délégué la rédaction de son devoir au logiciel ? Plus largement, comment maintenir la légitimité de l’évaluation pédagogique, pratique sur laquelle reposent la plupart des systèmes éducatifs dans le monde ? Aux États-Unis, où la plateforme a été lancée en novembre 2022, la question divise. Pour empêcher les élèves de tricher, des établissements scolaires à New York et à Seattle ont décidé de bloquer l’accès à ChatGPT depuis leurs réseaux Wi-Fi. « C’est l’un des paradoxes du monde de l’éducation, commente Sobhi Tawil, directeur du programme consacré à l’avenir de l’apprentissage et à l’innovation du secteur éducation de l’Unesco. On répète qu’au XXIe siècle, il est essentiel que les jeunes acquièrent des compétences numériques et, au moment de la validation d’un parcours éducatif, on interdit d’avoir recours aux outils en question, dont on sait par ailleurs qu’ils sont utilisés à longueur de temps par les élèves pour étudier, se distraire, s’informer et travailler ». Consciente de l’importance de la révolution à l’œuvre, une partie du monde universitaire américain a fait le choix de s’adapter. Partant du principe que les élèves feront toujours preuve d’inventivité lorsqu’il s’agit de contourner les interdictions, plusieurs universités ont donc renoncé aux devoirs à la maison. À la place, les enseignants privilégient les examens oraux, le travail en équipe et les dissertations
manuscrites en classe.
Faut-il s’inquiéter d’une telle évolution ? Pour Sobhi Tawil, au contraire, ce bouleversement provoqué par ChatGPT représente une occasion inédite, qu’il faut saisir. « L’IA nous donne l’opportunité de réfléchir à la finalité du processus pédagogique et éducatif. Que cherche-t-on à évaluer chez un élève ? Il s’agit d’interroger, en creux, notre conception du savoir et de l’intelligence humaine. Est-ce le fait d’être capable d’emmagasiner des connaissances et de les restituer, ou est-ce avant tout le raisonnement critique, la créativité ? », interroge-t-il. L’idée de laisser les élèves avoir librement accès à des outils comme ChatGPT n’est pas impensable, selon ce spécialiste de l’éducation. L’IA deviendrait ainsi un moyen pour le système éducatif d’encourager les élèves à développer de nouvelles qualités. « Le monde dans lequel nous vivons et le type de questions auxquelles nous sommes à présent confrontés en tant que citoyens exige de nous que nous sachions collaborer, mutualiser nos expertises, nos talents et nos efforts ».
Le débat, la controverse et le tutorat entre élèves sont autant de pratiques que préconise Serge Tisseron pour améliorer le système éducatif à l’aube d’une révolution numérique. Car l’univers de l’intelligence artificielle n’a pas attendu ChatGPT pour s’intéresser au milieu scolaire et universitaire. Nombre d’outils ont été mis au point au cours de la dernière décennie dans le but d’améliorer l’apprentissage. C’est le cas notamment des systèmes de tutorat intelligents, imaginés dès les années 1970. Ils sont, à ce jour, les outils d’IA les plus aboutis et les plus utilisés dans le contexte éducatif.
À l’avenir, il est même probable qu’un assistant intelligent nous aide, tout au long de notre vie, à relever des défis, comme celui d’apprendre le suédois ou le jeu d’échecs à cinquante ans, en adaptant l’enseignement à notre personnalité et à nos capacités, traduites en milliards de données accumulées depuis notre enfance. Ces opportunités, principalement individuelles, réjouissent et inquiètent à la fois les spécialistes. « L’éducation a aussi des fonctions collectives, rappelle Sobhi Tawil. C’est un projet sociétal, et il est important de ne pas le perdre de vue. »
Les défis posés par l’intelligence artificielle sont certainement aussi nombreux que ses potentiels. Pour Guillaume Leboucher, président de la fondation L’IA pour l’école, ces risques sont autant de raisons supplémentaires pour enseigner le plus tôt possible les rudiments de l’intelligence artificielle aux élèves, qui devraient pouvoir être rapidement en mesure de « comprendre ce qu’est une IA et de débattre de ses implications au niveau de la société ». Et de conclure : « Nous ne sommes pas en train de vivre une révolution numérique, mais bien une révolution anthropologique. Et la vraie question, c’est : que doit-on apprendre aujourd’hui ? »
Voilà qui mérite bien quelques commentaires.
Commençons peut-être par rappeler que cet article a été écrit au début de la frénésie médiatique ChatGPT, par une journaliste sans spécialisation particulière dans les questions d'éducation.
Cet outil n'est pas capable de répondre à n'importe quelle question, et sa réponse est loin d'être toujours pertinente...Un coup de pied dans la fourmilière. C’est ainsi que l’on pourrait résumer l’effet produit, au sein du monde enseignant, par la récente apparition de ChatGPT. Si un outil d’intelligence artificielle, accessible à tous en quelques clics, est désormais capable de répondre à n’importe quelle question de manière construite et pertinente, comment s’assurer qu’un élève n’a pas délégué la rédaction de son devoir au logiciel ?
Confusion totale : il ne s'agit plus ici de l'IA génératrice mais des "outils" en général, en référence - soyons clairs - au smartphone.Plus largement, comment maintenir la légitimité de l’évaluation pédagogique, pratique sur laquelle reposent la plupart des systèmes éducatifs dans le monde ? Aux États-Unis, où la plateforme a été lancée en novembre 2022, la question divise. Pour empêcher les élèves de tricher, des établissements scolaires à New York et à Seattle ont décidé de bloquer l’accès à ChatGPT depuis leurs réseaux Wi-Fi. « C’est l’un des paradoxes du monde de l’éducation, commente Sobhi Tawil, directeur du programme consacré à l’avenir de l’apprentissage et à l’innovation du secteur éducation de l’Unesco. On répète qu’au XXIe siècle, il est essentiel que les jeunes acquièrent des compétences numériques et, au moment de la validation d’un parcours éducatif, on interdit d’avoir recours aux outils en question, dont on sait par ailleurs qu’ils sont utilisés à longueur de temps par les élèves pour étudier, se distraire, s’informer et travailler ».
Il faudrait d'abord vérifier que ces outils sont utilisés pour "étudier, s'informer et travailler" car ce qui est présenté comme un postulat est plus que contestable : les smartphones, avec leur mille distractions, détournent du travail ou même dispensent de le faire.
Le même postulat s'applique à l'IA génératrice : elle permet d'étudier et de travailler. Curieusement, les enseignements observent tout le contraire : elle dispense de travailler. Mais comme elle est utilisée à cet effet, il suffit en effet de la présenter comme un outil de travail.
Dès lors, en priver les élèves est scandaleux !
Contourner les interdictions, c'est "faire preuve d'inventivité" : encore une vertu, après l'utilisation des "outils" numériques pour se dispenser de faire son travail !Consciente de l’importance de la révolution à l’œuvre, une partie du monde universitaire américain a fait le choix de s’adapter. Partant du principe que les élèves feront toujours preuve d’inventivité lorsqu’il s’agit de contourner les interdictions, plusieurs universités ont donc renoncé aux devoirs à la maison.
Le raisonnement est donc le suivant : puisqu'on ne peut pas lutter contre la fraude (qui n'est donc jamais présentée comme telle dans l'article), il faut donc l'embrasser !
Aucun de ces exercices ne s'oppose à l'utilisation de l'IA génératrice...À la place, les enseignants privilégient les examens oraux, le travail en équipe et les dissertations manuscrites en classe.
Le renversement iconoclaste est radical : il ne s'agit pas seulement d'accepter un "outil" qui permet (permettrait) de se dispenser de travailler, mais d'en faire le fondement de l'école de demain !Faut-il s’inquiéter d’une telle évolution ? Pour Sobhi Tawil, au contraire, ce bouleversement provoqué par ChatGPT représente une occasion inédite, qu’il faut saisir. « L’IA nous donne l’opportunité de réfléchir à la finalité du processus pédagogique et éducatif.
On note que Sobhi Tawil, principale référence de ce article de fond, est le directeur du programme consacré à l’avenir de l’apprentissage et à l’innovation du secteur éducation de l’Unesco : faut-il s'étonner dès lors d'un enthousiasme pour ce qui légitime sa fonction ?
Que serait-ce qu'un raisonnement qui ne serait pas critique ?Que cherche-t-on à évaluer chez un élève ? Il s’agit d’interroger, en creux, notre conception du savoir et de l’intelligence humaine. Est-ce le fait d’être capable d’emmagasiner des connaissances et de les restituer, ou est-ce avant tout le raisonnement critique, la créativité ? », interroge-t-il.
On voit ici que l'IA génératrice est le nouveau levier de la vieille promotion des "soft skills" à l'école. Avec ce paradoxe de promouvoir "la créativité" avec un outil générant des contenus à notre place... Un élève rendait un exposé qu'il a lui-même rédigé à partir des recherches qu'il a lui-même faites serait moins créatif qu'un élève ayant généré son exposé en ligne sans même l'avoir lu ?
Au reste, caricature habituelle de l'enseignement, ici uniquement présenté comme un système d’absorption/résorption des connaissances : dès le primaire, les connaissances sont mises en pratique et le raisonnement est sollicité.
Plus grave et plus édifiant : cette promotion considère que le raisonnement critique peut se dispenser de connaissances. On penserait mieux une question sur l'économie asiatique sans rien savoir de l'Asie. On penserait mieux une question littéraire sans avoir jamais rien appris de la littérature.
Un spécialiste qui n'a jamais enseigné...L’idée de laisser les élèves avoir librement accès à des outils comme ChatGPT n’est pas impensable, selon ce spécialiste de l’éducation.
Tartes à la crème éducatives, en réalité formules creuses vides de sens. On ne voit pas en quoi "le monde dans lequel nous vivons" serait fondamentalement différent à appréhender : aucun exemple n'est d'ailleurs jamais donné à ce sujet. Cette formule a pour seule fonction de créer l'urgence (et d'empêcher tout "raisonnement critique"...).L’IA deviendrait ainsi un moyen pour le système éducatif d’encourager les élèves à développer de nouvelles qualités. « Le monde dans lequel nous vivons et le type de questions auxquelles nous sommes à présent confrontés en tant que citoyens exige de nous que nous sachions collaborer, mutualiser nos expertises, nos talents et nos efforts ».
Pour le reste, quel rapport logique entre l'IA génératrice et ces prétendues compétences de l'école de demain (d'essence constructiviste : "collaborer, mutualiser"), déjà défendues à l'identique depuis des années : l'IA génératrice ne sert qu'à donner un vernis de modernité à un discours ressassé, et parfaitement discutable. En quoi l'IA génératrice, en dispensant de travailler, permettrait mieux de collaborer, mutualiser ?
Serge Tisseron qui n'est pas enseignant non plus, et défend la télévision pour les tout-petits depuis un quart de siècle...Le débat, la controverse et le tutorat entre élèves sont autant de pratiques que préconise Serge Tisseron pour améliorer le système éducatif à l’aube d’une révolution numérique.
Ils ont été "imaginés" mais n'ont guère convaincus depuis un demi-siècle, ce qui permet de relativiser ce qui n'est qu'une énième mode numérique, après bien d'autres qui font sourire aujourd'hui.Car l’univers de l’intelligence artificielle n’a pas attendu ChatGPT pour s’intéresser au milieu scolaire et universitaire. Nombre d’outils ont été mis au point au cours de la dernière décennie dans le but d’améliorer l’apprentissage. C’est le cas notamment des systèmes de tutorat intelligents, imaginés dès les années 1970. Ils sont, à ce jour, les outils d’IA les plus aboutis et les plus utilisés dans le contexte éducatif.
On retrouve les mêmes vieilles lunes éducatives, comme le rêve d'un apprentissage non plus mais tout au long de sa vie, ou le rêve d'un apprentissage idéalement personnalisé ?À l’avenir, il est même probable qu’un assistant intelligent nous aide, tout au long de notre vie, à relever des défis, comme celui d’apprendre le suédois ou le jeu d’échecs à cinquante ans, en adaptant l’enseignement à notre personnalité et à nos capacités, traduites en milliards de données accumulées depuis notre enfance.
Quel rapport logique avec les compétences énoncées précédemment (la pensée critique, la collaboration etc.) ? Et, en bonne logique, à quoi bon apprendre le suédois ou les échecs si l'IA peut nous en dispenser ?
Résumons : l'IA rend l'école inutile, mais il faudrait quand même garder l'école pour voir les copains.Ces opportunités, principalement individuelles, réjouissent et inquiètent à la fois les spécialistes. « L’éducation a aussi des fonctions collectives, rappelle Sobhi Tawil. C’est un projet sociétal, et il est important de ne pas le perdre de vue. »
"défis", anglicisme mélioratif pour "problèmes".Les défis posés par l’intelligence artificielle sont certainement aussi nombreux que ses potentiels.
Au reste, ces "défis" ont été plutôt éludés qu'étudiés ici.
Heureusement, une voix discordante ("La fondation L'IA pour l'école") :
C'est logique : l'IA présentant des risques, il faut donc l'utiliser "le plus tôt possible" à l'école.Pour Guillaume Leboucher, président de la fondation L’IA pour l’école, ces risques sont autant de raisons supplémentaires pour enseigner le plus tôt possible les rudiments de l’intelligence artificielle aux élèves, qui devraient pouvoir être rapidement en mesure de « comprendre ce qu’est une IA et de débattre de ses implications au niveau de la société ». Et de conclure : « Nous ne sommes pas en train de vivre une révolution numérique, mais bien une révolution anthropologique. Et la vraie question, c’est : que doit-on apprendre aujourd’hui ? »
La grandiloquence pousse, comme à chaque "révolution", à l'hyperbole : celle-ci sera "anthropologique", rien moins !
On note que la grave question finale, si elle résume le procès fait à l'école, n'apporte aucune réponse autre que vague.
Voilà donc l'article dépourvu de toute pensée critique qui a été soumis à nos élèves (en lien avec Gargantua). Un transhumanisme, sans doute, mais certainement pas un humanisme.
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