L'inefficacité du système éducatif français à l'épreuve des chiffres
Quand un sociologue omniprésent dans la sphère médiatique fustige courageusement le « conservatisme » des enseignants sans bien connaître les chiffres qu'il brandit…
Le sociologue François Dubet, auteur de nombreux ouvrages sur l’école et omniprésent dans la presse en cette rentrée 20131, fustige courageusement le « conservatisme » des enseignants, accusés de vouloir confisquer l’école, et appelle les dirigeants politiques à opposer « une légitimité démocratique […] à la légitimité corporatiste » de professionnels de l'enseignement qui ne peuvent – il est vrai – comprendre aussi bien que lui les enjeux de l'école.
Plus concrètement, s'appuyant sur les dernières comparaison internationales PISA 2009 de l'OCDE, voici ce qu’il a affirmé, lorsqu’un journaliste lui a rappelé « l'avis de la Cour des Comptes, qui lie les « résultats insatisfaisants de l'école » à l'utilisation défaillante des moyens existants. »
C'est un fait ! On sait que des pays qui ont de meilleurs résultats scolaires que nous et autant d'inégalités sociales ne consacrent pas plus de ressources à l'éducation.
De cette affirmation pleine d’assurance François Dubet tire évidemment les mêmes conclusions iconoclastes que la Cour des comptes en mettant en cause rien moins que « l’efficacité pédagogique des enseignants ». Et de prôner pêle-mêle l’autonomisation des établissements, la remise en cause des concours de recrutement, de l’affectation et de l’évaluation des enseignants, la mise à bas de leur statut et la redéfinition de leur service, la suppression des notes, l’individualisation de la pédagogie etc. Notre sociologue ne relève évidemment pas la contradiction entre les résultats stagnants de la France à PISA et l'extraordinaire progression de son nombre de bacheliers ainsi que l'inflation des mentions dans la même décennie.
En réalité, il n’y a que quatre pays, dont on sait que les dépenses par élèves sont inférieures à celles de la France tout en réalisant néanmoins une performance meilleure qu’elle (entre 1 et 9% de mieux) : l’Estonie, la Pologne, la Corée et le Japon. Seraient-ce les modèles que François Dubet appelle à suivre ?
Pour le reste des pays les plus performants et dont les dépenses sont connues, observons ce graphique :
Exemple de lecture : pour une performance moyenne de 500 points à PISA 2009, le Royaume-Uni dépensait pour chaque point 51,4$ par élève en 2009 soit 7,8$ de plus que la France. Dit autrement ses dépenses éducatives étaient supérieures de 18% pour un résultat quasiment égal.
Combien coûte un point PISA à la France ? On le voit, pas très cher finalement, ce qui n’a rien d’étonnant quand on connaît les faibles rémunérations des enseignants et le taux d’encadrement des élèves, le plus faible de l’OCDE en 2011.
C'est cette conclusion que devrait méditer François Dubet avant de jeter, une prochaine fois encore, l'opprobre sur le système éducatif français et ses enseignants : pour une performance honorable vis à vis des autres pays de l'OCDE, c'est l'un des plus économiques, et par conséquent – malgré ses handicaps et ses difficultés – l'un des plus efficaces.
Tenons-le nous pour dit, et n'hésitons pas à le répéter, même à ceux qui ne veulent pas l'entendre.
Notes
[1] « Le Monde » du 31/08/13 : « La crise scolaire est politique », entretien avec François Dubet ; « Le Nouvel Obs » du 01/09/13 : « Si l'on ne fait rien, l'école fonctionnera comme un marché ».