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La dévalorisation du baccalauréat
- Loys
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Donc, en définitive, rien que de normal !L'histoire du bac, entre controverse, "massification" et baisse de niveau
Le bac-"bashing" n'est pas un phénomène nouveau puisque dès 1830 sa valeur fut remise en question. Notre contributeur Claude Lelièvre, historien de l'éducation, retrace l'histoire controversée du baccalauréat.
La baccalauréat a presque toujours été la cible de vives critiques, souligne Claude Lelièvre.
C'est un phénomène qui a commencé tôt, dès le XIXième siècle, et qui ne semble pas près de prendre fin.
Claude Lelièvre historien (engagé auprès du PS) devrait quand même relire l'historien Antoine Prost et sa tribune dans "Le Monde" en 2013 : "Le niveau scolaire baisse, cette fois-ci c’est vrai".
C'est sans doute tout à fait la même chose que les élèves actuels.Le ''bachotage''
Alors même qu'il ne s'agissait que de l'élite (1% d'une classe d'âge à la fin du XIX°siècle, pas plus de 3% à la fin de la troisième République) l'examen du baccalauréat a pourtant été vite jugé ''léger'' et ''discutable''. En 1830, l'examen, qui jusqu'alors n'avait été qu'un oral, dispose désormais d'un écrit. Le ministère justifie la réforme par la faiblesse de certains bacheliers en orthographe (un autre trait récurrent): "nous avons reçu des lettres d'individus pourvus de ce grade par voie d'examen, et dont le style et l'orthographe offraient la plus honteuse ignorance".
Puisque Claude Lelièvre en parle, on peut consulter "10 liens pour réviser son bac sur Internet" dans "L'Express" du 02/06/14...De façon générale, il est le plus souvent considéré que l'organisation même du baccalauréat favorise le "bachotage" (titre d'un livre paru en 1910 sous la plume d'un professeur de physique de l'université de Toulouse, Ernest Bouasse).
En 1880, Jules Ferry lui-même tente une réforme de l'examen: "La question du baccalauréat, dit-il, s'est ainsi posée: arracher cet examen aux misères, aux écueils et aux mensonges de la préparation mnémonique et mécanique". Après soixante-dix ans d'existence...
La liste serait longue des âneries de ce genre (voire des applications pour smartphones) qui fleurissent dans la presse et les médias au mois de juin : le "bachotage" a parfois du bon...
Je vois mal en quoi ce reproche s'appliquerait par exemple aux exercices auxquels je prépare mes élèves en français.Mais le résultat de sa réforme est pour le moins incertain car, quatre-vingts ans plus tard, au tout début de la cinquième République, il ne semble pas que l'on ait été beaucoup plus avancé si l'on en juge par le rapport motivant le décret du 18 août 1959 relatif au baccalauréat: "Il est normal qu'un examen de qualité incontestable sanctionne les études de l'enseignement du second degré. Mais il est anormal que ce même examen compromette les études dont il doit couronner le terme [...]. Ces études, qui devraient être uniquement orientées vers l'acquisition de la culture générale, s'orientent de plus en plus vers le ''bachotage'', c'est à dire l'acquisition hâtive, superficielle et indigeste d'un savoir encyclopédique".
Non, on est à 38% et c'est un record dans l'histoire de la République. On observe exactement la même logique que celle de Philippe Tournier : comparer le bac général actuel avec celui de 1995, une excellente année, pour faire croire qu'il n'a pas progressé et dénoncer ainsi le manque de démocratisation du bac général.Les transformations incessantes des modalités du bac dans les années 1960 lors de sa ''massification''
De 1959 à 1969 a lieu le grand moment de la ''massification'' du bac général puisque l'on passe en seulement dix ans de 10% à 20% d'une classe d'âge détenant l'un des baccalauréats généraux (on en est actuellement à 37% d'une classe d'âge, taux maximum obtenu en 1995).
Ce raisonnement sur une progression qui devrait être continue ne manque d'ailleurs pas d'étonner, comme si une proportion pouvait augmenter indéfiniment. Philippe Tournier comparait d'ailleurs cette absence de progression supposée à celle de la croissance économique...
Ce qui est évidemment impossible. On ne l'observe d'ailleurs pas depuis qu'une partie récente du bac s'apparente à une forme de semi-contrôle continu. TPE, EPS, langues vivantes : autant de "disciplines" où les professeurs d'un lycée évaluent désormais leurs propres élèves au cours de l'année, voire en fabriquant leurs propres sujets d'examen maison !De 1874 à 1962, le baccalauréat a été composé de deux parties nettement distinctes: la première partie passée en ''première'', la seconde partie en classe de ''philosophie'', de ''mathématiques élémentaires'' ou de ''sciences expérimentales''. Le nombre des candidats augmentant rapidement à partir du milieu des années ''cinquante'', on supprime en 1960 la seconde session de rattrapage (qui avait lieu en septembre) et on la remplace par un oral de ''rattrapage'' donnant une seconde chance aux candidats qui ont au moins 7 sur 20 de moyenne. En 1962, la première partie du baccalauréat est transformée en ''examen probatoire'' organisé au sein de chaque établissement. Mais la Société des agrégés fait courir la rumeur que les examinateurs ont eu tendance à faire preuve d'une bienveillance coupable.
Les déplorations actuelles ne peuvent donc pas être vraies !La suppression de l'examen'' probatoire'' est décidée dès 1964, et il est finalement remplacé par les ''épreuves anticipées de français'' qui permettent de maintenir une première évaluation en fin de première. En 1965, on dispense de l'oral les candidats ayant obtenu la moyenne à l'écrit.
Des déplorations fort anciennes et récurrentes
Si les admis (et non les "'aspirants") actuels connaissent ne serait-ce que les noms de Bossuet et de Claude Bernard, il faudra se réjouir.1881 :"Nous voudrions simplement rappeler aux candidats que la faculté désirerait ne plus avoir à corriger des fautes d'orthographe aussi nombreuses que stupéfiantes. Elle désire aussi que les aspirants au baccalauréat ne fassent pas prononcer par Bossuet ses oraisons funèbres à la cour de Henri IV, ni prêcher la première croisade par Claude Bernard" (Gaffarel, doyen de la faculté des lettres de Clermont).
On peut tout à fait imaginer que les erreurs actuelles sont les mêmes.1899: "J'estime que les trois quarts des bacheliers ne savent pas l'orthographe" (Victor Bérard, maître de conférences à la Sorbonne)
1929: "Les candidats n'ont ni orthographe, ni vocabulaire exact et varié, ni connaissance grammaticale, ni analyse logique, ni méthode d'exposition écrite ou orale" (Paul Lemonnier, "La Crise de la culture littéraire")
Un exemple concret de la grande réussite de notre école en cycle terminal avec une copie simplement moyenne :
Par ailleurs je vois mal comment on pourrait "bachoter" son orthographe et son expression en général...
Je comprends surtout que les vingt fautes concernaient l'ensemble de la copie.1956: "La décadence est réelle, elle n'est pas une chimère: il est banal de trouver vingt fautes d'orthographe dans une même dissertation littéraire des classes terminales. Le désarroi de l'école ne date réellement que de la IV° République" (Noël Deska, "Un gâchis qui défie les réformes: l'enseignement secondaire")
Une explosion en somme, sans parler des mentions (voir notre article).Des taux de succès en augmentation sensible
Durant le début des années 1960, les taux de succès aux baccalauréats généraux tournent autour de 60%. Puis (à l'exception de 1968 où il grimpe à 80%) le taux de réussite est d'environ 66% jusqu'en 1985. A partir de là (date de l'annonce de l'objectif de 80% d'une classe d'âge au niveau bac pour l'an 2000), le taux de réussite va augmenter de 10% en cinq ans, et rester à cette hauteur de 75% de 1990 à 1997. Puis le taux de succès reprend une ascension à peu près régulière pour atteindre finalement 92% en 2013.
Il est effectivement prudent de ne pas tirer de conclusion trop explicite, comme d'affirmer par exemple et - en bonne logique - que le niveau monte.Bon. A chacun ses conclusions...
Évidemment aucune allusion avec la contradiction apportée par les résultats de PISA 2012 à 15-16 ans et les grandes difficultés de lecture des élèves à cet âge . Claude Lelièvre déplorait pourtant en 2010 des résultats "plus que jamais très moyens globalement" : ne serait-ce pas ce que l'on appelle une baisse de niveau ?
Il appelait alors avec solennité à une prise de "conscience" pour " mettre en œuvre d’autres orientations et d’autres priorités pour l’Ecole française". Mais à quoi bon puisque la "décadence" est purement imaginaire ?
Grâce à Claude Lelièvre, bon petit soldat du ministère, la schizophrénie générale et la grande illusion peuvent continuer ! !
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- Loys
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La logique est difficile à suivre : puisque le problème est dans l'appréhension des merveilleux résultats au bac, pourquoi mettre en cause la notation ?Depuis des siècles, notre système éducatif fonctionne, avec l’accord tacite de l’opinion publique, sur le principe que la valeur d’un niveau scolaire s’exprimait non au travers des connaissances et compétences validées, mais en relation avec le nombre de ceux qui y échouaient. Un enseignant qui donne la moyenne à tout le monde, un examen où la quasi-totalité des candidats sont reçus sont actuellement, comme ils l’étaient il y a 50 ans, sont discrédités par les médias, et souvent l’opinion, ce qui n’est pas le cas dans bien d’autres pays…
C’est cette révolution culturelle qui met en avant l’exigence d’une évaluation basée sur ce que l’élève doit savoir et non comme le dit André Antibi « sur le nombre d’échecs nécessaires pour qu’une évaluation soit crédible », auquel appelle le MCLM.
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- Loys
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- Loys
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C'est vrai ça. Quelle convaincante explication psychanalytique. Finalement tout le monde a peur de la démocratie et de la réussite des élèves !Si le bac suscite tant de constats navrés, c’est qu’il cristallise la terreur de voir l’école se démocratiser
La logique m'échappe ici quelque peu. S'il faut "s'adapter", il y a baisse de niveau ou pas ?Par ailleurs, il n’est pas facile d'admettre que les enfants des classes moins favorisées, aujourd’hui encouragés à passer cet examen par l’élévation générale du niveau de diplomation (due, en partie, à la mondialisation), nécessite que le collège et le lycée s’adaptent.
Certainement mais quel rapport avec le sujet de l'article ?Comme le soulignait François Dubet, sociologue spécialiste de l’école dans une interview accordée au "Nouvel Observateur", la "massification modifie forcément la nature du métier de professeur. (…) Un enseignant ne peut plus continuer à se comporter comme un simple 'savant' de sa discipline qui se cantonne à son excellence académique : il doit faire œuvre de pédagogie, assurer un suivi plus précis de ses élèves." Un constat partagé par la Cour des Comptes et par la plupart des observateurs du système scolaire français.
Ils sont même nettement meilleurs, compte tenu de l'inflation extraordinaire des mentions et de l'absence de baisse des exigences !Résumons : les bacheliers français ne sont pas réellement "moins bons", ils sont simplement plus nombreux.
Mais pourquoi l'institution devrait-elle "tenir compte" de quoi que ce soit si tout se passe merveilleusement bien ?Une bonne nouvelle, ainsi qu'une irréversible évolution... si et seulement si l’institution scolaire en tient compte.
Un bel exemple de schizophrénie, encore une fois.
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- Loys
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La catastrophisme ne sert pas à accuser les nouvelles pédagogies (le socle est en place depuis 2005), mais à les promouvoir.François Jarraud écrit: Le début du 21ème siècle a vu les inégalités scolaires se creuser par l'effondrement du niveau des plus faibles sans progression du nombre ou du niveau des meilleurs. Cet éclatement du système éducatif est de plus en plus visible.
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- Loys
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- Loys
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- Messages : 13
J'adore ces lignes:
"Mais ce n'est pas parce que plus de lycéens obtiennent le baccalauréat aujourd'hui que le niveau de l'examen lui-même a baissé. Si je ne l'avais pas préparé, je ne l'aurais pas eu, même avec mon équivalent de bac + 5. J'invite ces gens-là, même les diplômés, à le repasser, juste pour voir."
Et cet autre conseil est parfaitement pertinent:
"Je leur conseille aussi de gérer le bac comme on gère un marathon"
Je transmets cet article à mon entourage
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- Loys
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Par exemple, j'avais choisi de faire l'impasse sur les mathématiques, ma bête noire. Comme je n'en avais pas fait depuis dix ans, sans surprise non plus, j'ai obtenu un 2/20. [...] Si je ne l'avais pas préparé, je ne l'aurais pas eu, même avec mon équivalent de bac + 5.
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- Messages : 733
Le plan académique pour la période 2011-2014, avec tout un tas d'objectifs chiffrés (les "cibles").
Outre les taux de réussite à divers examens, qui doivent partout monter, on notera parmi les objectifs chiffrés :
1- la baisse du coût de ces examens,
2- la baisse du nombre de d'écoles primaires de petite taille (une à trois classe),
3- l'augmentation de la polyvalence des enseignants,
4- l'augmentation du "taux de rendement du remplacement",
5- la réduction du nombre de conseils de discipline, et du taux d'exclusions définitives.
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