Retour sur une promesse présidentielle20150806

A l'occasion de sa conférence de rentrée 2015, la ministre a pu crier victoire...

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En réalité, il convient de lire attentivement les petites lignes de cette infographie enthousiaste : dans ces 31.600 « postes » budgétaires déjà « créés » (c'est-à-dire supplémentaires), le ministère inclut 24.300 stagiaires dont il a – on peut s'en féliciter – rétabli l’année de formation (sur 27.000 prévus). Malheureusement, une année de stage ne constitue en rien un « poste » supplémentaire face aux élèves dans l’Éducation nationale[1] : un stagiaire ne fait qu’occuper temporairement un demi-poste de titulaire pendant un an, soit l'équivalent de 12.150 postes supplémentaires depuis 2012 : il ne s'agit d'ailleurs pas de « postes » à proprement parler, mais de carrières déjà existantes qui se trouvent augmentées d'un an de formation. Pour prendre une comparaison, rallonger d'un mois un abonnement à un journal, ce n'est pas prendre un abonnement supplémentaire.

Quant aux postes de titulaires véritablement « créés », ils ne sont - à deux ans de la fin du mandat présidentiel - que 4.150... sur les 21.000 prévus  !

Pour savoir donc ce qu’il en est vraiment de ces « 31.600 postes créés » dans nos écoles, on peut aussi bien consulter les propres chiffres fournis chaque année par le ministère[2] :

 

 

2009-10

2010-11

2011-12

2012-13

2013-14

2014-15

Postes d'enseignants

852.907

859.294

849.647

841.700

839.700

855.000

Nombre d'élèves

11.978.820

12.017.495

12.126.278

12.140.900

12.233.500

12.340.000

Taux d'encadrement

14,04

13,99

14,27

14,42

14,57

14,43

 

Par rapport à l’année 2012 (dernier recrutement de la précédente majorité), l'Éducation nationale a gagné… 13.300 postes (ou équivalents en incluant les stagiaires) en 2014. Et, si l'on en croit la ministre, 3.300 de plus en 2015. Dans ces conditions, revendiquer 31.600 « postes créés » en 2015 ne laisse pas de surprendre... car il s'agit plutôt de la moitié.

On se demande d'ailleurs où sont les 4.000 postes de « moyens supplémentaires » promis pour la réforme du collège, d'autant que celle-ci supprime ou recycle des milliers de postes, avec les sections bilangues ou les options de langues anciennes (les professeurs de latin ou de grec ancien étant aussi des professeurs de français). Personne n'a osé poser la question à la conférence de rentrée : trop inconvenant, sans doute.

De façon plus paradoxale encore, les postes créés suffisent à peine à compenser l'accroissement des effectifs : on constate ainsi qu’il y avait beaucoup plus de professeurs et beaucoup moins d’élèves en 2010 qu’il n’y en a en 2014 : pas étonnant que les enseignants ne constatent pas dans leur(s) classe(s) l’effet de ces recrutements mirifiques !

Ce tour de passe-passe médiatique serait sans importance si les chiffres des comparaisons internationales ne classaient pas la France précisément, au moins jusqu'au collège, parmi les pays les moins bien encadrés de l’OCDE et avec les tailles de classe les plus élevées de l'Union Européenne (voir ci-dessous[3].)

@loysbonod


Notes

[1] « Le Monde » du 5 novembre 2014 : « 60 000 postes dans l’éducation, vraiment ? »

[2] Plus le taux d'encadrement est élevé, moins l'encadrement est bon.

Sources : L'Éducation en chiffres 2010 ; L'Éducation en chiffres 2011 ; L'Éducation en chiffres 2012 ; L'Éducation en chiffres 2013 ; L'Éducation en chiffres 2014 ; Conférence de rentrée 2015

Les chiffres pour 2015-2016 n'ont pas encore été publiés.

[3] Voir ces graphiques (et ce fil sur notre revue de web) :