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Carte scolaire et mixité
- Loys
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Dans le "Café pédagogique" du 9/02/24 : "Julien Grenet : L’École publique a-t-elle encore un avenir à Paris ?"
Lors de la soirée débat « Paris mobilisé pour la défense de l’école publique» organisée par la mairie de Paris, Julien Grenet, chercheur spécialiste de la question de la mixité sociale lance l’alerte sur l’avenir de l’école publique à Paris. Il soulève une question politique majeure : à ce rythme, sans action politique, un collégien sur deux sera scolarisé dans le privé d’ici quelques années. L’enseignement privé accueillera quasi exclusivement les catégories sociales favorisées. L’exemple parisien est une loupe, certes extrême, il met en lumière la hausse de la ségrégation sociale et des inégalités qui se creusent et ce sur tout le territoire.
Julien Grenet est directeur de recherche au CNRS, professeur à l’École d’économie de Paris et directeur adjoint de l’Institut des politiques publiques. Spécialiste de l’économie de l’éducation, ses travaux ont porté sur la mixité à Paris, sur les expérimentations des collèges multi secteurs Berlioz et Coysevox comme sur la réforme d’Affelnet pour l’affectation en lycée. Le 6 février, lors de la soirée organisée par la Mairie de Paris «Paris mobilisé pour la défense de l’école publique», il a présenté les résultats de ses travaux statistiques sur les perspectives de l’école publique.
Un tournant historique: une menace de séparatisme social entre l’école privée et publique
Paris se situe à un tournant : un fossé social se creuse entre l’école publique et l’école privée explique Julien Grenet. Les dynamiques de ségrégation s’amplifient, notamment avec la baisse démographique que connaît la capitale. Si au niveau national, les chiffres des élèves inscrits dans le privé sont stables et presque deux fois moins importants qu’à Paris, la part du privé augmente chaque année à Paris. Les statistiques montrent également de manière incontestable que la séparation est sociale entre écoles privées et écoles publiques : la composition sociale des écoles privées est très favorisée à Paris. Beaucoup n’accueillent aucun élève défavorisé, et les écoles privées sous contrat comptent en moyenne 3% d’élèves issus de familles socialement défavorisées contre 24% dans les écoles publiques.
La baisse démographique: un accélérateur de séparatisme social dans l’école publique
Entre 2010 et 2023, le nombre de naissance a diminué de 31% à Paris. Cette baisse démographique a des effets directs sur le nombre d’élèves parisiens. En comparant le nombre des naissances avec le nombre d’élèves inscrits en CP
six ans plus tard, le chercheur souligne que depuis 2016, le nombre des effectifs inscrits en CP a diminué de 22%, répartis de manière très inégale entre le secteur privé et public puisque les écoles publiques absorbent quasiment la majorité de la baisse démographique avec une baisse de 16% en CP. La baisse des effectifs, conséquente de la baisse démographique, pèse quasi intégralement dans l’enseignement public. Avec un nombre stable des effectifs dans le privé, la part du nombre d’élèves scolarisée dans les établissements privés augmente d’un point de pourcentage chaque année.
Si en 2016, 22,7% d’enfants étaient scolarisés dans le privé, ils sont 26,5% à la rentrée 2024. En 2020, 35, 4% des collégiens étaient scolarisés dans le privé, ils sont 38,6% à la rentrée 2024.
Des projections d’apartheid social et scolaire dans 10 ans
Julien Grenet souligne les conséquences alarmantes de la ségrégation sociale à Paris car les établissements privés accueillent les catégories sociales favorisées. Aujourd’hui, plus d’une famille sur 2 (55% à la rentrée 2023) de catégorie sociale favorisée scolarise son enfant dans l’enseignement privé. Ce chiffre atteint, dans les projections démographiques, 76% dans 10 ans, soit une ségrégation extrême. Quant aux collèges publics, ils accueilleraient 1/3 d’élèves de classes défavorisées, 1/3 des classes favorisées et 1/3 de classes moyennes. Cette dernière catégorie semble avoir disparue des établissements scolaires, voire de Paris ce qui n’est, sans doute, pas sans effet sur des compositions sociales aussi clivées.
Julien Grenet démontre avec les projections démographiques et statistiques que l’enseignement privé peut devenir majoritaire à Paris, en l’espace de dix ans sans l’intervention d’une politique en faveur de la mixité sociale qui freine l’appétit du privé et la mécanique d’entre-soi. Sans action des pouvoirs publics, à Paris, 1 enfant sur 2 sera scolarisé dans le privé dans 10 ans.
Comment échapper à ce modèle ségrégatif ?
Selon Julien Grenet, dans l’hypothèse où tous les élèves seraient scolarisés dans leur collège de secteur, la ségrégation sociale des collèges serait divisée de moitié. La concurrence du système scolaire entre les secteurs public et privé est un facteur déterminant dans le phénomène de ségrégation sociale. L’autre moitié s’explique par la ségrégation résidentielle. Limiter la présence des écoles privées serait donc une solution comme celle de répartir les fermetures de classes entre les secteurs privés comme publics.
Des leviers contre le phénomène de ségrégation sociale dans les établissements scolaires parisiens
Au regard des données existantes comme des projections, le conditionnement des financements publics à des critères de mixité permettrait d’endiguer les phénomènes de séparation sociale entre l’école publique et l’école privée. Des expérimentations pour favoriser la mixité sociale et scolaire comme celle de collèges multi-secteurs à l’instar des collèges Berlioz et Coysevox pourraient également se multiplier pour brasser des publics socialement distincts. Afin d’endiguer la hausse de la part du privé, la fermeture de classes dans le privé devrait accompagner les fermetures de classes du public. Enfin, renforcer une étape de contrôle d’accès aux établissements privés serait une garantie de respect de l’article 1 de la loi Debré (qui stipule l’accueil de tous les enfants quelle que soit l’origine sociale, la croyance ou l’opinion). Le contrôle pédagogique et financier des établissements privés doit aussi être renforcé. Julien Grenet propose la création d’une plateforme publique pour recenser les inscriptions dans les écoles privées sous contrat. A ce jour, l’Etat n’a aucune possibilité de comparer la composition sociale des candidats avec les élèves inscrits dans une École et ne peut juger de la non-discrimination, c’est-à-dire de l’égalité de tous les enfants à l’accès à l’école privée, malgré l’esprit de la loi et les financements publics. Pour Julien Grenet, une étape de régulation est nécessaire pour inciter le privé à mettre en place des frais de scolarité progressifs. Le chercheur interroge également la pertinence d’intégrer des lycées privés à Affelnet, tout comme celle d’introduire des quotas selon le profil social et enfin la modulation des dotations publiques selon des critères de mixité.
Ce cri d’alarme fondé sur la recherche sera-t-il suivi d’effet et de décisions politiques courageuses pour empêcher la séparation sociale des enfants dans les écoles avec l’école des riches – les écoles privées, et d’autre part l’école publique, l’école des autres, les pauvres. Finalement, cette question scolaire, le combat pour l’école publique, ne met-il pas en lumière la forte ségrégation sociale, galopante, dont souffre Paris mais aussi les inégalités qui se creusent, sur tout le territoire, avec l’affaiblissement d’une classe moyenne, déclassée et appauvrie…
Djéhanne Gani
Deux articles de 2024 présentant l'économiste Julien Grenet comme un lanceur d'alerte à propos de l'école privée à Paris. Nous suivons ses analyses et ses actions depuis dix ans et pouvons grandement nuancer un tel portrait, qu'il s'agisse du collège, du lycée ou du supérieur...
ou pompier pyromane ?
On se souvient (voir sur le forum ici ou ici ) qu'en 2014, Julien Grenet, économiste et co-auteur d'un rapport pour l’Institut des politiques publiques, se félicite des politiques de "discrimination positive" et de mixité sociale - les effets des bonus boursiers dans Affelnet faisant qu'il y a déjà... plus de boursiers dans les lycées (qui s'en serait douté ?) mais en oubliant de préciser que ce surcroît de mixité ne concerne que les lycées publics recrutant par Affelnet. Peu importe le privé, du reste : il veut aller plus loin en accusant les "lycées très hiérarchisés en fonction du niveau des élèves" (sans distinguer les lycées publics des lycées privés, où la ségrégation scolaire était déjà statistiquement plus élevée).
Selon lui, "ce phénomène tient au fait que la procédure d'affectation prend en compte les notes des élèves" (alors que 2 lycéens sur 5 ne passaient pas par Affelnet : les élèves du privé).
Le positionnement de Julien Grenet débouche, sept ans plus tard, sur la réforme d'Affelnet en 2021 pour éviter les lycées de niveau... dans le public. Il propose d'ailleurs d'ajouter "de l'aléa" (des "loteries") dans la procédure d'affectation. A noter que le système d'Affelnet (les points obtenus à partir des notes réparties en paliers, où 15=20, et des compétence aléatoirement évaluées) réalise, sans le dire, cette loterie depuis 2017.
On se souvient (voir sur le forum ici ) qu'en 2016 Julien Grenet, auteur du rapport "Renforcer la mixité sociale dans les collèges parisiens", pour "éviter de jeter de l'huile sur le feu [de la guerre scolaire] et être réaliste", rejette l'intégration du privé dans le système public d'affectation : "Le grand soir de la mixité sociale, je n’y crois pas. Il faut procéder de manière plus graduelle. [...] Concentrons-nous déjà sur la carte scolaire du public." Il faut croire que maintenant que le feu s'est étendu, on peut jeter de l'huile dessus ! Interrogé sur la fuite dans le privé, l'économiste répond alors qu'elle existe déjà : "Je ne vois pas en quoi la réforme multi-collèges les ferait fuir davantage, sans compter que la capacité d’accueil du privé est largement saturée à Paris."
L'économiste n'avait pas prévu (cf les deux articles supra) que le privé profiterait... de la baisse démographique !
Julien Grenet constatait sans effroi le cynisme du système : "quand Affelnet et son système de discrimination positive pour les boursiers ont été mis en place à l’entrée du lycée [à Paris à partir de 2008], on n’a pas dit tout de suite les choses pour ne pas effrayer les parents de non-boursiers." Il se voulait prudent : "si vous ne laissez pas un peu de choix, vous cabrez les parents les plus favorisés, et vous arrivez à des écoles encore plus ségréguées". Grâce à Julien Grenet, le choix a été grandement réduit dans le public, mais devient désormais la meilleure raison d'être du privé !
On se souvient qu'en 2016 également (voir sur le forum ici ) il dénonce le système "devenu absurde" d'affectation postbac APB avec son... tirage au sort, alors qu'il proposait en 2014 d'introduire de l'aléa dans Affelnet. Ou encore (voir sur le forum ici ) les dérogations au système d'affectation post-bac dont bénéficient les lycées publics Henri-IV ou Louis-le-Grand... bref, d'exceptions marginales du public mais pas de l'exception systémique et grande envergure des lycées privés !
Pour l'économiste (voir sur le forum ici ) toujours en 2016, les expérimentations de secteurs scolaires menées dans les collèges publics ne rencontrent que les limites suivantes : la caractère trop restreint des territoires concernés, l’accueil négatif des parents, le manque d'implication des collectivités et autorités locales. Rien sur la limite liée à l'existence voisine des collèges privés, non concernés.
En 2017, sur une expérimentation de mixité publique parisienne (voir sur le forum ici ), Julien Grenet restait réaliste (sur l'intégration du privé : "En l’état du droit, on ne peut pas forcer le privé à le faire") et se montrait très optimiste sur la fuite dans le privé, une menace dont il ne pensait pas "qu’il faille exagérer la portée", faisant même l'éloge de collèges privés ou se livrant à des prospectives étonnantes :
Au passage, l'absence de mixité scolaire des collèges privés ci-dessus n'était pas mentionnée... et pour cause !Dans le 18e arrondissement, les établissements privés – deux catholiques, un juif - qui accueillent entre 16 et 20% d’élèves d’origine défavorisée, affichent déjà une mixité sociale plus élevée que les collèges publics les plus favorisés de l’arrondissement. Quant au collège privé Saint-Michel des Batignolles (17e), vers lequel pourraient se tourner certains parents du secteur Coysevox, sa capacité d’absorption est limitée et les listes d’attentes y sont déjà très longues. La fusion des secteurs pourrait par ailleurs avoir un effet de sens opposé : les parents qui évitent actuellement Berlioz et inscrivent leur enfant dans le privé pourraient se raviser si ce collège cesse d’être un établissement ghetto
La même année (voir sur le forum ici ), Julien Grenet continuait de se féliciter de la politique de mixité qu'il avait contribué à impulser ("Avec Affelnet, la ségrégation sociale des lycées publics a diminué de 30 % en une décennie") mais s'interrogeait déjà : "Mais en dix ans, les familles se sont adaptées, les boursiers ont intégré le rôle du bonus… Ce sont ces évolutions que le système doit prendre en compte."
Pour APB (voir sur le forum ici ), le chercheur proposait de "prendre en compte l’adéquation entre formation et candidat" ("J’insiste sur le terme d’adéquation et non de résultats scolaires, car on ne prend pas forcément les meilleurs élèves") mais - paradoxalement - il déplorait dans le supérieur "une première année où l'on doit déjà se spécialiser".
En 2018 (voir sur le forum ici ), le chercheur qui a participé au projet de multisectorisation mis en place à la rentrée 2017 : "Des parents qui ont toujours joué le jeu du public et de la mixité se retrouvent dans certains quartiers face à un choix cornélien - ghetto ou privé - à cause d’un manque de coordination de la puissance publique. On ne peut pas leur en vouloir de dire non. Ce qui est choquant, c’est que certains parents, très armés intellectuellement, s’aveuglent et nient la ségrégation avec de faux arguments." Le ghetto relève par ailleurs "des représentations des parents", précise-t-il sans crainte de se contredire.
Après avoir déploré en 2017 que la réforme d'APB se fasse sans les chercheurs (voir sur le forum ici ), Julien Grenet est entré au Comité scientifique et éthique de Parcoursup en 2018 (voir sur le forum ici ).
Les représentations des parents ? En 2018, on peut lire que le chercheur Julien Grenet le reconnaît lui-même : "tout normalien qu’il est [curieuse réserve], il ne mettrait pas son gamin dans un collège affichant 70% d’élèves défavorisés et 55% de réussite au brevet des collèges" (voir sur le forum ici ).
En 2019 (voir sur le forum ici ), il reconnaît "une dynamique d’évitement plus précoce" dès le CM1. Mais en 2021 (voir sur le forum ici), il se félicite du succès de l'expérimentation Coysevox-Berlioz qu'il pilote (et évalue donc...) : "La mixité a bel et bien progressé. Et le taux d’évitement vers le privé est passé de 24 % en 2016 à 16 % en 2019" (mais dans le même article Julien Grenet constate l'augmentation de la part du pivé dans les collèges parisiens...).
Nous avons constaté, pour notre part, que le nombre de collégiens scolarisés dans le privé a progressé de 10% dans l'arrondissement, quand celui du public a diminué sur la période 2017-2021. Au passage, cet aveu quelque peu malheureux : "en améliorant la mixité dans les collèges, on pourrait réduire fortement le nombre d’établissements Rep dans les grandes villes".
En 2020, en partenariat avec Ardian (anciennement AXA Private Equity "110 milliards de dollars d'actifs" dans le monde) et avec la DEPP (MEN), une chaire est créée à la Paris School of Economics sur les politiques d'éducation et la mobilité sociale dont Julien Grenet est codirecteur : "Je pense que la philanthropie peut apporter un grand changement dans le domaine de l’éducation". Julien Grenet se félicite notamment de pouvoir exploiter les nombreuses bases de données de la DEPP : "Nous avons l’intention de profiter du partenariat pour exploiter le mieux possible les données sur l’éducation et le marché du travail et nous permettre de suivre les étudiants depuis leur entrée dans le deuxième cycle jusqu’à leur sortie du supérieur pour entrer sur le marché du travail."
En 2021 (voir sur le forum ici ), Julien Grenet, auteur d'une étude sur le sujet en 2021 ("Quelle démocratisation des grandes écoles depuis le milieu des années 2000 ?"), déplore le manque d'ouverture sociale dans les grandes écoles, malgré la large augmentation du nombre de boursiers : une augmentation biaisée du fait de l’élargissement des critères ouvrant droit aux aides, sans pour autant qu’il s’agisse toujours de jeunes défavorisés. "Il faut agir en amont des écoles, parce qu’on ne pourra rien changer tant qu’il y aura moins de 10 % d’élèves défavorisés en prépa".
En 2021 (voir sur le forum ici ), Julien Grenet préside le Comité de suivi de la réforme d'Affelnet à Paris (le recteur dénonçant : "Affelnet ne saurait être une loterie", ce qui semblait pourtant un objectif louable selon Julien Grenet en 2014 !).
Le recteur Christophe Kerrero, issu du Conseil scientifique de l'iFRAP, se félicite (voir sur le forum ici ) de cette présidence ("L’implication de Julien Grenet est essentielle à mes yeux, car elle constitue une garantie d’objectivité dans l’évaluation des effets de la réforme"). Dans le même entretien, le recteur explique qu'il faut mettre fin à l'existence des lycées "d'élite" et que, pour l'affectation au lycée, "le “mérite”, dans l’absolu, ne devrait pas être pris en compte"... dans le seul secteur public.
En 2022 (voir sur le forum ici ), Julien Grenet, participant au Conseil scientifique de l'Education nationale (CSEN), se félicite d'ores et déjà de la réussite de la réforme d'Affelnet et, oubliant le privé non concerné, justifie ainsi sa généralisation : "L’absence de Louis-le-Grand et d’Henri-IV dans Affelnet pouvait nuire à l’acceptation globale du système". "Dans les années à venir, les comportements vont certainement évoluer" rassurait-il.
A propos du privé dans cette réforme, et à l'occasion du premier bilan, Julien Grenet ne signale pas beaucoup de changement sur le plan des effectifs et, sur le plan de l'évolution sociologique du privé, il déclare n'avoir pas de données (voir sur le forum ici ).
Dans une tribune de 2022 dont il est coauteur (voir sur le forum ici ), Julien Grenet défend la réforme en stigmatisant la dérogation des lycées publics Henri-IV et Louis-le-Grand (3% des lycéens parisiens) et en oubliant celle des lycées privés parisiens (40% des lycéens), se désolant du "poids important des notes de troisième dans le barème d’affectation" expliquant la ségrégation scolaire dans les lycées parisiens (enfin les lycées publics). Il s'attaque à l'argument qui veut que "la disparition de ces filières d’excellence fera le jeu du privé" et se montre rassurant sur les effectifs du privé ou sur les mouvements entre privé et public : l'expression "fuite dans le privé" est mise en guillemets. Autre argument relativiste : "Quant à l’attractivité des lycées H-IV et LLG et à leur position concurrentielle vis-à-vis du privé, on doute qu’elles soient menacées par une diminution de deux dixièmes de point de leur moyenne au baccalauréat." Il s'interroge seulement en fin de tribune sur "les raisons pour lesquelles les efforts en faveur de l’ouverture sociale devraient peser exclusivement sur les épaules des établissements d’enseignement public". Il est temps de le faire, en effet...
Au même moment (voir sur le forum ici ) : "Dans une étude consacrée au bilan de l’expérimentation des secteurs multicollèges à Paris, Julien Grenet et Youssef Souidi ont démontré que la ségrégation scolaire, particulièrement élevée dans les collèges parisiens, était liée pour 46 % à l’évitement vers le secteur privé [...] En matière de mixité, l’Etat « organise donc sa propre concurrence », pointe Julien Grenet".
Sur le site de l'enseignement catholique (voir ici ), Julien Grenet s'inquiète de "certaines situations locales" du privé qui peuvent nuire "à son image". Il affirme que le privé accueille des publics plus favorisés : "S’il accueillait plus de mixité, le privé pourrait mieux faire valoir sa valeur ajoutée". Pour le privé, Julien Grenet n'évoque que des mesures de mixité sociale (une plateforme spécifique de recrutement par exemple : "l’intégration du privé dans les procédures d’affectation préexistantes" est présenté comme un "extrême"), qui réduiraient la ségrégation scolaire. Comme nous l'avons montré ici , davantage de mixité sociale peut parfaitement s'accompagner de davantage de ségrégation scolaire : il suffit de recruter... les bons boursiers !
Le chercheur justifie par ailleurs (voir sur le forum ici ) le bonus accordé aux élèves de certains collèges dans la réforme Affelnet : "L’idée est d’inciter les familles plus favorisées à revenir dans les collèges fortement ghettoïsés en attribuant un avantage à leur enfant au moment de leur entrée au lycée". Mais la logique est contradictoire : à quoi bon ce choix si tous les lycées (publics) se valent ?
Toujours en 2022 (voir sur le forum ici , il plaide pour l'anonymisation des lycées dans les dossiers Parcoursup pour l'accès aux classes préparatoires. La "démocratisation des filières d'élite" n'est envisagée qu'à travers des palliatifs de niveau scolaire.
Fin 2022 (voir sur le forum ici ), découverte : "Il y a de toute évidence un problème dans l’accès à [l'enseignement privé] pour les classes populaires, alors que tout le monde y contribue avec ses impôts », s’alarme Julien Grenet, chercheur au CNRS et professeur à l’école d’économie de Paris, spécialiste de la mixité scolaire".
Au même moment (voir sur le forum ici ), le chercheur conclut à un bilan positif de l'expérimentation Coysevox-Berlioz en se fondant sur le progrès du taux de réussite au brevet de "Berlioz", qui n'a en réalité progressé que mécaniquement, du fait de la hausse continue du taux de réussite au brevet en France et de la fusion avec un autre collège dont la baisse des résultats n'est, elle, pas évoquée...
En 2024, après la démission du recteur de Paris, Julien Grenet démissionne du Conseil scientifique de l’éducation nationale (CSEN) : " On a le sentiment que le CSEN a été instrumentalisé comme caution scientifique pour des mesures qui vont à l’encontre des résultats de la recherche" déclare-t-il dans "Le Monde" .
Résumons : l'économiste qui a piloté et évalué les expérimentations dans le public, a constamment nié ou relativisé leur incidence sur la fuite dans le privé avant de commencer à la reconnaître à demi-mots, deviendrait quelques années plus tard un lanceur d'alerte sur le même sujet. Mieux : il donne en modèle ses expérimentations qui ont accéléré la fuite qu'il dénonce et ne pourront que l'accélérer encore.
Alors, Julien Grenet : lanceur d'alerte... ou pompier pyromane ?
PS :
Avec 174 fermetures pour 37 ouvertures de classes maternelles et élémentaires, la ville de Paris va finalement perdre un total net de 137 classes du premier degré à la rentrée scolaire 2024/2025.
www.bfmtv.com/paris/paris-137-classes-du...AD-202403220885.html
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- Loys
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Ce qui revient à dire que le public verrait son nombre d'élèves progresser !Il ne s’agit cependant pas, selon les deux chercheurs, d’une « fuite vers le privé » qui serait induite par la réforme de la procédure d’affectation des élèves de 3e, conduite depuis 2021 pour introduire davantage de mixité sociale et scolaire dans les lycées publics de la capitale. Seuls 3 % à 4 % d’élèves changent de secteur d’enseignement chaque année à l’entrée au lycée, et ils sont davantage à venir du privé vers le public que l’inverse.
A voir ici les progrès de la mixité dans les lycées publics parisiens : www.laviemoderne.net/veille/orientation-...ixite?start=50#24993
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- Loys
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www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/ppl23-267-expose.html
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- Loys
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Presque 10 ans après avoir été ministre et mené une politique éducative en faveur de la mixité sociale et scolaire, la ministre Najat Vallaud-Belkacem co-signe un ouvrage avec le sociologue François Dubet : «Le Ghetto scolaire. Pour en finir avec le séparatisme». Cet ouvrage, qui sort quelques semaines après les multiples polémiques Amélie Oudéa-Castéra se veut être «un remède au désespoir et un antidote face au renoncement» déclarent les auteurs. Et en effet, «Le Ghetto scolaire. Pour en finir avec le séparatisme» est un véritable plaidoyer pour la mixité. Un livre court, moins de 150 pages, qui a le mérite d’expliquer et analyser les raisons de la ségrégation. Cerise sur le gâteau, il propose même des solutions. François Dubet et Najat Vallaud Belkacem répondent aux questions du Café pédagogique.
Dès l’introduction de votre livre, vous faites le lien entre les inégalités sociales et scolaires et les violences urbaines de l’été dernier. La mixité sociale en milieu scolaire jouerait un rôle dans la capacité des jeunes à trouver leur place dans la société ?
FD: Bien évidement, Najat et moi ne cautionnant pas ces violences, nous tentons simplement de comprendre ce qui se passe. Le sentiment de ghettoïsation des quartiers s’est renforcé au fil des décennies. D’une certaine façon, à cause de la ségrégation scolaire, des établissements se vivent comme des enclaves, des ghettos. Les jeunes ont le sentiment qu’ils ne participent pas de la civilité générale, qu’ils ne sont plus vraiment dans la société. Tout cela engendre un ressentiment, des violences, en dépit de tout ce que font les enseignants. En tant que sociologue, je parlerais d’un phénomène structurel. Depuis quelques décennies, il y a un développement de la scolarisation, ce que l’on appelle la massification. Mais chez beaucoup de jeunes, le sentiment qu’ils sont exclus de ce jeu prédomine. C’est dû à deux mécanismes. Le premier est spatial, avec des établissements où se cultive l’entre-soi et des établissements complément ségrégués. Le second mécanisme est lié au choix des familles. Certains établissements sont fuis par ceux qui peuvent les fuir, des gens qui veulent échapper à cette forme d’enfermement, de ghettoïsation. Et il ne s’agit pas forcément de familles aisées. Si nous utilisons le terme de ghetto, ce n’est pas pour choquer. C’est parce que cela décrit les mécanismes à l’œuvre. Des mécanismes qui ont deux grandes conséquences: le développement des inégalités scolaires et une rupture civique. Pisa nous le rappelle à chacune de ses éditions, nous sommes l’un pays plus inégalitaires scolairement, avec des écarts de performances qui se creusent et impactent nos performances globales. Du côté de la rupture civique, ces jeunes ont le sentiment de ne plus être dans le même monde que « les autres». Ce sont des mécanismes très lourds, dont l’impact saute aux yeux au moment des émeutes – on n’aurait jamais imaginé qu’en France, les écoles puissent être dégradées par les élèves- mais n’est pas moins délétère lorsqu’ils se développent à bas bruit.
NVB: Ces deux mécanismes – le développement des inégalités socioscolaires et la rupture civique – créent aussi, dans les établissements ségrégués « par le bas » une espèce de contre-culture scolaire. On parle souvent de ce que les inégalités font aux destins, dans une espèce de lecture macroéconomique des choses, mais pas assez de ce qu’elles font aux élèves, petit individu par petit individu, tout au long de leur scolarité, sur leur perception de l’école et du sens de l’effort scolaire. Oui beaucoup de ces élèves perdants du système – et n’allez pas croire une seconde qu’ils n’en sont pas conscients, je vous laisse imaginer comment les réseaux sociaux mettent désormais à portée de regards l’ensemble des inégalités crasses qui nous entourent- finissent par vivre avec du ressentiment. Un ressentiment qui, à son paroxysme, peut se traduire par de la violence ou de l’indiscipline, mais qui le plus souvent va se traduire en « A quoi bon ? ». A quoi bon, pourquoi participer à ce simulacre si les dés sont à ce point pipés ? C’est donc aussi cette dimension de découragement, désenchantement et d’une certaine façon défamiliarisation contrainte avec les valeurs de l’école que nous aimons – le goût d’apprendre, le goût de l’effort, le goût de l’émancipation, qui nous inquiète tant.
Le livre s’ouvre sur la question de la rupture de confiance entre les familles et l’École. Vous demandez d’ailleurs : « comment en est-on arrivé là ? ». Alors comment ?
FD: Ce qu’on analyse dans notre livre s’inscrit dans une histoire assez longue, celle des promesses scolaires de la massification. Pendant très longtemps, on attendait de l’école qu’elle donne une culture commune, une civilité, une dignité. Mais on n’attendait pas tout de l’École. On n’attendait pas qu’elle détermine à elle seule l’accès à l’emploi, à la qualification professionnelle, à une position sociale. Avec la massification et la promesse scolaire, on change de système. On dit aux individus que tout se joue à l’École. Que c’est à l’École que l’on acquiert les qualifications, la dignité, la reconnaissance qui va donner accès à un emploi. Tout cela met une pression extraordinaire sur l’École. Ce ne sont plus des destins sociaux des ouvriers, des paysans, des filles qui vont dominer mais ce sont leurs parcours scolaires. Chacun est obligé de jouer le jeu. Et dans ce jeu, il y a des perdants et des gagnants. Pour les élèves dans les quartiers, c’est la désillusion. Ils ne croient plus à cette promesse de l’École. L’École leur enlève tout espoir, toute dignité. Ils vont donc construire, comme l’a dit Najat, une dignité antiscolaire, une culture antiscolaire.
Les enseignants vivent tout cela avec violence, car ils incarnent la culture, le savoir et ils s’intéressent à des élèves qui ne croient plus. Il y a, à ajouter à cela, des mécanismes pervers. Ceux qui réussissent, et il y en a, quittent le quartier. Ceux qui restent se sentent d’autant plus dégradés et humiliés. Cela participe à leur colère. C’est un mécanisme général : si vous réussissez tant mieux, si vous ne réussissez pas, c’est de votre faute. Ceux qui perdent, en veulent à l’école, et au-delà de l’École, aux valeurs de la République.
NVB: Il nous a semblé important dans ce texte de ne pas jeter l’opprobre sur les familles, sur leurs stratégies. Bien sûr les choix de scolarisation des parents viennent amplifier une ségrégation spatiale, et donc contribuent à la situation. Mais on ne peut pas demander aux parents de se comporter de manière plus vertueuse que le système lui-même, et c’est dans ce nœud-là que se situe notre impuissance collective depuis des années sur ce sujet. On se contente de demander aux parents de se comporter en bons citoyens en laissant autour d’eux un cadre dans lequel ils ont le sentiment que cette « bonne citoyenneté » se fera au prix de leur « bonne parentalité ». C’est absolument insupportable comme dilemme. C’est évidemment à la puissance publique de le résoudre, pas aux parents. Lorsque les pouvoirs publics laissent s’installer, perdurer et s’amplifier la ségrégation, alors par définition ils produisent des établissements «de pauvres» marqués du sceau de la dangerosité, et fuis par ceux qui en ont la possibilité. C’est donc le contraire qu’il faut faire. En commençant par cesser de se jeter à la figure des anathèmes qui étouffent la réflexion et concevoir des politiques publiques adaptées.
Najat Vallaud-Belkacem, sous votre ministère, vous aviez lancé des expérimentations pour plus de mixité sociale à l’école. Quel bilan près de 10 ans après ?
NVB: Eh bien justement le sujet à ce moment-là pour moi c’est « qu’est-ce qu’une politique adaptée en la matière? » Puisque tous les « grands soirs » tentés par le passé – et consistant pour l’essentiel à rigidifier ou au contraire à assouplir la carte scolaire – avaient échoué, qu’est ce qui pouvait fonctionner ? Ma conclusion fut que c’est la mesure unique et uniforme destinée à la France entière qui ne marchait pas. Précisément parce que, comme on le raconte dans le livre, il y a dans cette ségrégation, de la réalité géographique, culturelle, psychologique singulière à chaque territoire. Et donc pour améliorer la situation, il faut bien partir de chacun de ces territoires.
L’appel que je lance en 2015 aux départements de France – puisque c’était dans les collèges que nous cherchions à agir – consiste à leur demander de se saisir de ce sujet pour inventer des solutions adaptées dans la dentelle à leur réalité respective, parmi un panel de possibilités que nous avions imaginées. Et à leur apporter l’assurance que les services académiques seraient à leurs côtés pour la mise en œuvre de ces solutions, et des chercheurs mobilisés pour évaluer les effets de ces dernières sur les élèves concernés.
C’était assez nouveau comme façon de procéder et je crois que ça l’est toujours si j’en crois les annonces ministérielles de ces dernières années qui ont un gout prononcé pour les mesures surplombantes, à grands renforts de communication et censées de leur magie régler des problèmes lourds et structurels : ce genre de vision qui fait croire à certains qu’en imposant l’Uniforme scolaire partout on réglera en un claquement de doigts les problèmes de discipline ou d’hétérogénéité des classes par exemple…
Dix ans après, et le bilan de ces expérimentations se retrouve dans le livre, ma conviction est tout simplement renforcée. Si on veut réellement s’attaquer au sujet de la mixité sociale, il faut, à l’image de ce que nous avons initié en 2015, une impulsion nationale, bien évidemment, mais avec des réalisations conçues pour avoir une pertinence territoire par territoire, et donc conçues depuis le territoire. Des réalisations au plus proche des communautés éducatives, permettant d’embarquer les familles associées lors de réunions publiques permettant de répondre à leurs interrogations et lever leurs réserves car sur les enjeux de mixité, ce sont elles avant tout qu’il faut convaincre. Des réalisations qui prennent le temps aussi de faire travailler pour de vrai, et pas seulement en façade, les collectivités locales et les services académiques. Il n’y a rien qui me fasse plus plaisir que de constater que sur les terrains expérimentateurs, ces expériences lancées en 2015 ont vraiment fait bouger les lignes et modifié les choses dans la durée. Dans la façon par exemple dont ces départements mesurent réellement l’impact à venir sur la ségrégation de l’ouverture d’un nouveau collège et en choisissent désormais précautionneusement le lieu, dans la façon dont des observatoires de la mixité sociale ont vu le jour, dans la façon dont les premiers départements à s’être lancés dans ces expérimentations sont aujourd’hui régulièrement sollicités par leurs collègues des autres territoires pour s’en inspirer. Évidemment bien plus décevant est le fait qu’après 2017 en revanche, l’impulsion ministérielle n’a plus été à la hauteur, rendant par définition la tâche plus difficile à ceux qui menaient ce combat de titan sur le terrain.
En fait ce que tout cela montre c’est qu’on a besoin d’une confiance accordée aux territoires mais concomitamment d’une impulsion, d’un cadre, d’objectifs clairs et d’un accompagnement qui doivent, eux, être nationaux et provenir du Ministère de l’Éducation Nationale et de celui ou celle qui en a la charge.
Enfin, autre point important, la dimension scientifique. L’éducation est devenue un sujet tellement passionnel, les débats tellement à l’emporte-pièce, qu’il est important que les sciences, celles de l’éducation mais aussi de la sociologie ou de la géographie, soient associées pour éclairer, objectiver, évaluer. C’est la raison pour laquelle j’avais installé ce comité scientifique national ainsi que des chercheurs associés à chaque territoire.
Lorsque les conclusions de ces chercheurs ont été publiées au printemps 2023 – après 7 ans de travail tout de même…, conclusions particulièrement encourageantes et porteuses de perspectives pour la suite, j’ai halluciné devant le si faible écho qu’elles ont eues. En fait si on veut bien y réfléchir un instant, ce n’est tout simplement pas normal. On ne peut pas passer des décennies à dire que la ségrégation scolaire est en train de nous tuer à petit feux et montrer tant d’indifférence à ce travail et à ces résultats. Cela dit quelque chose de l’absence de volonté politique – et donc de conviction réelle – en la matière. C’est cela qui nous a inspiré ce livre.
FD: Najat sous-estime l’originalité de sa démarche. La tradition française est de tout centraliser, d’avoir quelque-chose d’homogène, de bureaucratique. Là, on a agi à partir des élus locaux, des familles, des professeurs. Ces expérimentations sont, dans l’histoire des réformes scolaires, très originales. On a dit à la société : c’est vous qui allez développer des réponses. Cela suppose bien évidemment que les réponses ne soient pas uniformes, ne soient pas les mêmes partout. C’est une rupture politique.
La seconde originalité de cette démarche, c’est que l’évaluation montre des choses décisives. En particulier que la mixité scolaire ne dégrade pas le niveau scolaire des bons élèves. Or, la peur des parents repose sur l’idée que si leur enfant évolue avec des élèves faibles, ils seront affaiblis. Autre chose que l’on apprend, c’est l’effet positif de ces expérimentations sur les compétences psychosociales, pour tous les élèves. La qualité de la socialisation, des relations, de l’adhésion à des valeurs communes – tolérance, respect, solidarité ne passe pas simplement par l’Enseignement moral et civique mais fondamentalement par la manière dont on vit ensemble.
Ce qui a été fait peut avoir l’air modeste en nombre d’établissements concernés, plusieurs dizaines, mais c’est enraciné, efficace et en rupture. C’est une transformation assez profonde des politiques publiques en matière scolaire.
La courte mandature d’Amelie Oudea-Castéra a mis au centre des débats l’enseignement privé sous contrat. Quel rôle a à jouer le privé dans une plus grande mixité ?
NVB: Le livre aborde l’ensemble du sujet «mixité sociale», le privé en fait partie. Il est un outil d’amplification de ce séparatisme scolaire, et cela de plus en plus car l’entre soi ne cesse d’y progresser malheureusement, mais il n’épuise pas à lui seul le sujet. C’est l’ensemble du système qui est à revoir. Pour résumer notre propos sur le privé, on ne peut plus avoir un privé qui reste à ce point à l’écart de l’objectif de faire grandir ensemble les élèves, qui s’en dédouane comme si ce n’était pas son affaire. Je l’ai dit : nous ne voulons pas jeter l’opprobre sur les parents qui prennent ce qu’il y a à prendre dés lors que cela semble bon pour leurs enfants; En revanche la question se pose du respect des missions de ces établissements privés tout de même largement financés par la puissance publique – c’est à dire nous tous collectivement- lorsque, par leur organisation et la façon dont ils confortent l’entre soi, ils finissent par nuire à notre bien-être collectif, car d’évidence il n’y a ségrégation en bas que parce qu’il y a entre soi en haut. Le laisser-aller/laisser-faire en la matière ampute évidemment la puissance publique -c’est à dire, à nouveau, nous collectivement- de sa capacité à lutter contre le séparatisme. À la fois parce que se développe dans ces établissements cet entre soi qu’on sait délétère donc. Mais aussi parce que la menace de fuite vers le privé met en tension permanente les établissements publics qui, pour se défendre et retenir des familles plus aisées, en viennent à reproduire cet entre soi entre les murs des collèges, avec des classes de niveau qui ne disent pas leur nom. Ce n’est évidemment plus possible. Donc oui, il faut faire preuve d’imagination pour, tout en conservant le caractère propre du privé, trouver les moyens de le faire entrer dans cette indispensable quête de plus grande mixité. Un des leviers évidents, sans que ce soit le seul, est par exemple la modulation d’une partie de ses financements qui seraient conditionnés à une plus grande mixité sociale, et je le précise avec force « et scolaire » – car il ne s’agirait pas de se contenter de recruter les meilleurs élèves boursiers et de laisser le public se débrouiller avec la question de l’hétérogénéité scolaire…
FD: Si le privé pose problème, il ne faut pas s’imaginer que la résolution de ce problème règlera les problèmes de ségrégation car c’est un problème de mécanisme général. Des établissements publics chics fonctionnent à peine de manière plus vertueuse que certains privés.
Dans votre livre, vous préconisiez la fin du stop n’go . On peut s’étonner de ce positionnement de la part d’une femme politique, non?
NVB : Vous dites cela parce que vous avez été plus habituées aux politiques qui cherchaient à faire table rase du passé dès leur entrée en fonction, et c’est vrai que depuis sept ans c’est le règne du « avant moi y’avait pas d’avant » . Mais on n’est pas obligé de faire table rase du passé lorsque l’on arrive dans un ministère, surtout celui de l’Éducation qui est celui du temps long. Je me suis refusée à la facilité de détricoter certaines réformes portées par mes prédécesseurs, d’autres bords politiques, sans les avoir évaluées au préalable. Bien sûr on vient avec une identité politique, qui porte une vision de l’intérêt général, mais ça n’interdit pas de comprendre le temps de l’École et le sérieux des problèmes.
J’espère que ce livre alimentera le débat sur l’absence de mixité sociale et scolaire qui ne s’est évidemment pas éteinte avec la fin des polémiques Oudéa-Castéra, et qui n’a d’ailleurs pas commencée avec elles. Si avec le changement de ministre, on considère que le sujet est derrière nous, cela sera hautement significatif et instructif pour moi. C’est un message qui vaut autant pour les responsables politiques que pour les médias: le sujet est trop grave et le temps presse.
Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda et Djéhanne Gani
Et le 18/04/24 : www.lemonde.fr/idees/article/2024/04/18/...le_6228508_3232.html
Et toujours Najat Vallaud-Belkacem dans "Libération" (abonnés) du 10/05/24 : "Najat Vallaud-Belkacem et Jérémie Fontanieu : «L’entre-soi scolaire du haut est à la source du ghetto scolaire du bas»"
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Les expérimentations de mixité concernent une minuscule poignée de collèges parisiens... mais les politiques de mixité concernent TOUS LES LYCEES parisiens avec Affelnet. L'ex-recteur n'affirmait-ils pas que la mixité scolaire est « un élément fondamental pour favoriser la réussite scolaire de l’ensemble des élèves » ?
Pas dans les classes de collège, semble-t-il...
Résumons : mélanger dans les établissements, mais séparer dans les classes. Ou l'absurdité des politiques éducatives en France.
Sur le blog de Laurent Frajerman du 20/05/24 : www.laurent-frajerman.fr/post/la-guerre-...aire-n-aura-pas-lieu
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Les collèges ont des compositions sociales très différentes, ce qui est régulièrement décrit comme un facteur renforçant les inégalités scolaires. Le niveau et les composantes de la ségrégation sociale varient d’un département à l’autre, compte tenu notamment du degré de ségrégation résidentielle entre communes et quartiers, du poids du secteur privé et des inégalités économiques. Au niveau national, la ségrégation sociale entre collèges a peu varié au cours du temps. Cette stabilité masque cependant des évolutions plus marquées selon le secteur d’enseignement. D’une part, la ségrégation parmi les collèges publics suit une tendance à la baisse, de même que celle entre collèges privés. D’autre part, les écarts de composition sociale entre secteurs public et privé se sont creusés, le secteur privé scolarisant de plus en plus d’élèves de milieu favorisé. Depuis 2014, la ségrégation sociale a sensiblement diminué dans une vingtaine de départements situés majoritairement dans le Nord et l’Ouest, où les écarts entre secteurs public et privé n’ont pas augmenté. Inversement, dans une vingtaine de départements situés plutôt dans la moitié sud, la ségrégation a augmenté, avec une hausse marquée des écarts de composition sociale entre secteurs public et privé.
Extraits :
En se restreignant aux élèves entrant en sixième, pour lesquels des données sur longue période sont disponibles,
la proportion d’élèves de milieu social très favorisé était déjà supérieure de 11 points dans les collèges privés, au regard des collèges publics, en 1989. Cet écart est resté assez stable au cours des années 1990, puis a augmenté fortement à partir du début des années 2000, pour atteindre 20,6 points en 2023.
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* Yannick Trigance dans Libération : Défendre la mixité sociale et scolaire, pour que la République ait encore un sens
(réservé aux abonnés)
* un collectif de députés et de sénateurs PS : « Il est plus qu’urgent de revenir à la vision historique incarnée par notre école de la République »
"Des députés et sénateurs de gauche soutiennent le mouvement de grève des enseignants du mardi 10 septembre contre les évaluations des élèves et déplorent le « virage libéral » des réformes éducatives actuelles".
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Alors que la tendance est d’envier les modèles éducatifs étrangers – autonomie des établissements à l’anglo-saxonne, « méthode de Singapour »… –, le temps est venu de se réapproprier les propos du père fondateur de l’école de la République, Jules Ferry : « Ma prétention est de vous montrer que l’égalité d’éducation n’est pas une utopie ; que c’est un principe ; qu’en droit, elle est incontestable et qu’en pratique, cette utopie apparente est dans l’ordre des choses possibles. »
Difficile d'interpréter la coïncidence de ces deux tribunes. Une offensive coordonnée ? Ou une concurrence entre deux courants au sein du PS ?
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