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Inégalités... et discriminations "scolaires"
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Jamais il ne suppose que les pratiques peuvent simplement avoir d'autres motifs qu'appliquer une idée de justice. Que les notes par exemple peuvent être motivées non par la volonté de sanctionner ou récompenser selon le mérite, mais par leur nécessité pour que le cours puisse se dérouler normalement (silence, attention etc.). Cette sanction peut certes être parfois injuste, et c'est toujours regrettable. Mais sans cette sanction, certains cours ne peuvent avoir lieu. Si l'on n'est attentif qu'à la justice, on renonce à ce qu’ils aient lieu. On renonce à enseigner la littérature au lycée, la langue soutenue au collège parce que, malgré les efforts, il y a des injustices – sociales ou pas d’ailleurs – dans la relation entre les efforts et les résultats. Dubet est-il aveugle à cela? Nulle part je n'ai vu dans ce qu'il écrit autre chose que l'identification de la position des enseignants soit à une conception méritocratique, soit à la défense de leurs propres intérêts ou de ceux de leurs enfants. Ce dernier argument est assez insupportable : lorsqu’on ne comprend pas les raisons d’un désaccord, on les disqualifie.
Ou bien Dubet juge-t-il que tout le système scolaire devrait être orienté par la question de la justice et, lorsque d'autres objectifs contredisent la justice, que la justice doit être première ? C'est faire bien peu de cas de ce qui constitue, autant que la réflexion sur la justice, notre héritage. Si l'on doit renoncer à enseigner la littérature, c'est malheureux pour ceux qui l'enseignent, pour tous ceux qui s'en sont nourris et pour ceux qui ne pourront plus l'être. Réduire la question scolaire à des débats sur la justice, c'est refuser que l'objectif du système scolaire soit aussi de donner les moyens de faire vivre un héritage commun.
Ce qui est plus frappant encore, c'est la réduction de la question de la question de la justice à la question scolaire: l'égalisation des places, des conditions de vue de chacun, rend-elle nécessaire l'accès égal aux études? Les enseignants, contrairement à ce que prétend Dubet, n’attribuent pas comme but à l’école « de répartir les individus dans la société en fonction de leur mérite scolaire ». Leurs objectifs se bornent généralement à répartir les individus dans l’école et non dans la société. Il peut leur arriver sans doute d’ironiser sur l’analphabétisme (parfois) ou le jargon technocratique (souvent) de ceux qui, dans la société, occupent des places enviées, mais cela n’a rien à voir avec leurs revendications dans l’école. Et leurs revendications dans l’école est d’attribuer les places en fonction de la capacité des élèves à suivre certains enseignements, enseignements qui se justifient par leur place dans l’héritage commun de la société.
S’il y a une relation entre les places dans l’école et dans la société, les enseignants eux-mêmes n’y sont pas pour grand-chose. Peut-être faut-il contester cette relation. Que la concierge soit plus, moins ou autant payée que les professeurs (ou les cadres), c’est une question (de justice) qui dépasse largement la question scolaire. C’est une question qui exige de comprendre les déterminants des revenus. Faire du classement scolaire l’origine des différences de places et notamment de revenus, c’est supposer que ces différences de revenu viennent de différences de productivités, qui elles-mêmes viennent de différences de qualifications, exprimées par une hiérarchie des diplômes. Pourquoi Dubet ne conteste-t-il pas ces hypothèses, qui n’ont rien d’évident ? (Les rémunérations des enseignants d’ailleurs devraient nous inviter à nous interroger sur ces relations). Pourquoi renonce-t-il à œuvrer en faveur d’une égalité indépendamment des résultats scolaires ? Pourquoi l’école serait-elle le seul moyen par lequel on peut modifier le monde social ? Parce que l’on renonce à promouvoir autrement l’égalité ? Parce que l’on ne sait comment résoudre le chômage ? C’est faire porter sur l’école le poids de toutes nos insuffisances économiques et sociales. C'est peut-être, paradoxalement, l'expression d'un conservatisme social.
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L'élitisme et la sélection n'ont aucun sens au primaire et c'est pourtant là que les inégalités commencent à se creuser. Ce sont des boucs-émissaires faciles, qui évitent de se poser les vraies questions...Vous montrez que la France est un pays où le système scolaire (donc les inégalités) pèse le plus lourdement sur le destin des individus. Comment expliquez-vous cette particularité ?
Avec Marie Duru-Bellat et Antoine Vérétout [2], nous avons montré que, en France, l’amplitude des inégalités scolaires est supérieure à ce que supposerait l’amplitude des inégalités sociales. Et plus les inégalités scolaires sont grandes, plus elles se reproduisent entre les générations. Ce phénomène peut s’expliquer par plusieurs facteurs.
Le premier est une tradition élitiste obsédée précocement par les notes, les classements, les redoublements, les orientations irréversibles. Tradition dans laquelle le modèle pédagogique et les programmes chargés de sélectionner les élites déterminent la totalité des pratiques pédagogiques en amont des niveaux élitistes eux-mêmes.
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Il n'échappera à personne que ceux qui vous reprochent de méconnaître la "sociologie critique" appartiennent le plus souvent à une certaine élite. L'élite administrative, celle qui perfectionne chaque jour la très moderne "ingénierie" managériale et qui s'emploie à "dépoussiérer" les statuts de la FP, évidemment pour notre bien. L'élite politico-gestionnaire (notamment "de gauche"...) qui conçoit, pour notre bien également, des mesures aussi sociales que les 50 milliards ou les "gels" de toutes sortes. L'élite médiatique enfin, celle des Couturier, des Brizard ou des Davidenkoff, liste non exhaustive, dont le rôle est de faire passer la Vérité dans l'opinion.
La Vérité... Au fait, ça rappelle le titre d'un journal. Au fond, seule une chose compte : éliminer bien proprement ceux qui ne pensent pas comme eux ou, pire, ne filent pas droit.
Mais de quel côté se trouve aujourd'hui l'élitisme ? Il faudrait un jour creuser la question...
EDIT : bravo et merci pour cette étude !
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- Loys
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On cherchera par ailleurs vainement le lien logique avec l'article de "Slate".Laurent Fillion écrit: Alors que certains profs républicains autoproclamés (qui n’ont rien compris à Bourdieu) jouent la complainte de Calimero en se plaignant des méchants sociologues de l’éducation qui ne disent que du mal de notre profession, Louise Tourret sur slate.fr ose un article qui nuance fortement ce qu’on peut lire ici ou là sur notre métier ces derniers temps en proclamant : « Arrêtons de plaindre les profs : ils ne sont pas mal payés et leur métier n’est pas mal considéré ».
Une conclusion qui donne bien raison à mon article.Laurent Fillion écrit: On notera enfin un passage réjouissant : « il existe des enseignants qui font ce métier parce qu’ils y croient, tout simplement ; on ne sait pas s’ils sont majoritaires, mais ils existent. » Il lisent la revue de presse du CRAP, non ?
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