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Les langues anciennes dans la ligne de mire
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Ce qui suscite ce commentaire avisé du "Café Pédagogique" :
Le Journal officiel du 25 avril publie la répartition des postes aux concours de recrutement du second degré. Dans une offre globalement en hausse, on observe des glissements selon les disciplines.
Ainsi au Capes où 7 414 postes sont proposés en 2014 contre 6135 en 2013, certaines disciplines augmentent fortement. C'est le cas en lettres classiques où on passe de 200 à 300 postes, ce qui devrait peut-être désamorcer la campagne plaidant contre la "suppression" de ce capes.
Le Ministère aurait même pu proposer 1000 postes, puisque de toute façon il n'y a plus de candidats. En 2012 il y avait 170 postes au concours, 92 admissibles et 75 admis. En 2013 200 postes et - à ce jour - 108 admissibles...
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Loys écrit: Les termes grec et latin de σχολή et d'otium
Le problème, Loys, c'est que cette façon de présenter les choses est totalement illisible aujourd'hui. Le sens des mots a changé. Les concepts qu'ils véhiculaient hier sont en état de décrépitude avancée. Par exemple lorsque tu écris :
Loys écrit: L'enseignement est en ce sens fondamentalement libéral, au sens où il vise à la formation de l'esprit.
... tu utilises "libéral", dans le sens de "qui donne la liberté". Cela fait référence à un monde où le commun des hommes est enchaîné à son travail, que ce soit par des chaînes, par un statut servile ou par la pauvreté. La possibilité de faire des études est réservée à une minorité.
Tout un tas d'évolutions rendent aujourd'hui ce concept vide de sens. En particulier :
- Le cadre égalitariste de notre conception de la société répugne à penser qu'il y a une élite au dessus des masses laborieuses, et encore plus qu'il revient à l'école de former cette élite.
- Et surtout, le travail intellectuel est devenu un travail comme un autre. Il est toujours plus valorisant de travailler avec sa tête que de vivre du travail de ses mains, mais à cette supériorité n'est plus attachée l'idée de liberté.
S'accrocher à ce concept de liberté me semble gage d'inefficacité. Prenons acte que l'approche par compétence a gagné. L'apprentissage des langues anciennes, si il est mené sérieusement, améliore la compétence à mener des études difficiles, en donnant à l'élève la capacité de travailler sur une matière ardue pour un résultat très différé. La pratique des exercices scolaires traditionnels, version et thème, offre la mesure à la fois du sérieux de l'apprentissage et de sa difficulté.
Ensuite, on demandera : pourquoi le latin et pas le chinois ? Et là, je pense que la réponse est identitaire, et donc aujourd'hui plus difficile à argumenter. En tout cas, je n'ai pas de réponse.
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Mon témoignage sur "France Culture" dans "Rue des écoles" : www.franceculture.fr/emission-ru ... 2013-04-27
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Le Capes de lettres classiques n'existe plus, M. Tresgots. Peu importe le nombre de postes offerts à l'option du nouveau Capes de lettres. Cette curieuse et soudaine augmentation du nombre de postes ne mange pas de pain puisque la filière a été éteinte et qu'il n'y a plus de candidats.
A lire également sur le site du SE-UNSA : "Options au collège : et si on essayait le latin pour tous ?"
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Du point de vue du travail le monde n'a pas tant changé que cela mais au moins cette possibilité d'une formation de l'esprit est-elle offerte à tous grâce à l'école obligatoire jusqu'à seize ans. 85% d'une classe d'âge atteint le niveau Bac (77,5% obtient le diplôme) et plus de la moitié d'une classe d'âge poursuit aujourd'hui des études supérieures : 38% obtient un diplôme du supérieur ( source ).archeboc écrit: Les concepts qu'ils véhiculaient hier sont en état de décrépitude avancée. Par exemple lorsque tu écris :
... tu utilises "libéral", dans le sens de "qui donne la liberté". Cela fait référence à un monde où le commun des hommes est enchaîné à son travail, que ce soit par des chaînes, par un statut servile ou par la pauvreté. La possibilité de faire des études est réservée à une minorité.Loys écrit: L'enseignement est en ce sens fondamentalement libéral, au sens où il vise à la formation de l'esprit.
Elle répugne à le penser mais elle ne répugne pas à le faire.Tout un tas d'évolutions rendent aujourd'hui ce concept vide de sens. En particulier :
- Le cadre égalitariste de notre conception de la société répugne à penser qu'il y a une élite au dessus des masses laborieuses, et encore plus qu'il revient à l'école de former cette élite.
La période de formation de l'esprit l'est encore, dans le cadre de la scolarité : nous devons en avoir conscience, même si cet acquis a perdu son prix à nos yeux habitués à ce que tout soit gratuit (au sens pécuniaire du terme). L'école offre cette occasion unique d'apprendre le latin ou le grec dans le secondaire : il faut la saisir et cette opportunité doit être offerte à tous.- Et surtout, le travail intellectuel est devenu un travail comme un autre. Il est toujours plus valorisant de travailler avec sa tête que de vivre du travail de ses mains, mais à cette supériorité n'est plus attachée l'idée de liberté.
Bien sûr que l'argument utilitaire a sa place pour défendre les langues anciennes, mais c'est une utilité plus diffuse que celle de compétences classées et identifiées. Cette utilité n'est pas nécessairement professionnelle d'ailleurs : la formation de l'esprit est utile en soi et pour soi.S'accrocher à ce concept de liberté me semble gage d'inefficacité. Prenons acte que l'approche par compétence a gagné. L'apprentissage des langues anciennes, si il est mené sérieusement, améliore la compétence à mener des études difficiles, en donnant à l'élève la capacité de travailler sur une matière ardue pour un résultat très différé.
L'un n'exclut pas l'autre.Ensuite, on demandera : pourquoi le latin et pas le chinois ? Et là, je pense que la réponse est identitaire, et donc aujourd'hui plus difficile à argumenter. En tout cas, je n'ai pas de réponse.
Et même une connaissance fine de sa propre langue est un bon moyen d'apprendre les langues étrangères. En Allemagne, les élèves du secondaire ont la possibilité de choisir une langue ancienne au même titre qu'une langue vivante et je ne crois pas que cette possibilité ait nui au commerce extérieur de l'Allemagne.
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Et ce dossier du 27/04/13 : "La Métamorphose du Capes de Lettres Classiques" , toujours par Robert Delord et Marjorie Lévêque.
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- Loys
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L’arrêté du 19 avril 2013 fixant les modalités d’organisation des concours du CAPES (Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement Secondaire, recrutant les professeurs de collège et de lycée) supprime les deux CAPES distincts de lettres (« lettres classiques », recrutant des professeurs de français, latin et grec, et « lettres modernes », recrutant des professeurs de français), et instaure, à la place de ces deux qualifications, un CAPES de lettres unique, avec deux options « lettres classiques » et « lettres modernes ». Cette modification n’a rien d’une simplification administrative anodine qui ne concernerait que les professeurs, elle attente également aux droits des élèves : l’existence d’un CAPES spécifique de « lettres classiques » garantit la nomination d’enseignants de lettres anciennes, latin et grec, dans les collèges et les lycées, et assure aux élèves qui les fréquentent de pouvoir étudier chacune de ces options.
Ce projet de transformer le CAPES de lettres classiques en simple option du CAPES de lettres n’est pas nouveau, puisqu’en 2004, alors que Luc Ferry était ministre de l’Education Nationale, le Haut Comité de Suivi des Concours préconisait déjà cette fusion [1], et l’on peut regretter qu’un gouvernement de gauche réchauffe ainsi les restes de la droite au lieu de s’employer à défendre l’étude conjointe de langues et de cultures qui, issues du monde méditerranéen, ont fécondé tout l’espace européen [2], et à soutenir la filière « lettres classiques », pour laquelle des élèves, des parents, des professeurs, des inspecteurs, des associations se battent et proposent des solutions.
Cette modification du CAPES intervient alors que les politiques ministérielles sont depuis longtemps déjà très défavorables aux lettres anciennes. En effet, les collèges et lycées, depuis 2000, sont soumis au système de la Dotation Horaire Globale (DHG), qui finance en priorité les enseignements obligatoires, et les options (langues vivantes « 3 », arts, latin et grec) seulement en fonction du reste de la dotation ; or les DHG sont en baisse constante depuis plusieurs années, ce qui fragilise considérablement les options telles que le latin et le grec. Les textes officiels qui les règlementent sont ainsi foulés aux pieds : dans nombre d’établissements, les effectifs de collège sont systématiquement minorés, les horaires en lycée arbitrairement diminués, les niveaux regroupés, ce qui provoque des situations pédagogiques ingérables, et dans le pire des cas les sections sont directement supprimées par les rectorats [3]. Souvent des professeurs de lettres anciennes en congé maladie ou maternité ne sont pas remplacés. Depuis de nombreuses années, une logique purement comptable vise, en dépit de la demande sociale [4] et du profond renouvellement des programmes et des méthodes, à décourager les élèves et leurs familles de choisir d’étudier le latin ou le grec, et les professeurs de se battre pour continuer à les enseigner. La difficulté d’identification de leurs professeurs, par effacement des repères dans leur recrutement au CAPES, viendrait encore compliquer la donne.
Avec la dilution du CAPES de lettres classiques, l’existence même de postes de professeurs de lettres classiques est en effet menacée : l’arrêté précise que les deux options (moderne et classique) de ce nouveau CAPES de lettres feront l’objet de deux classements distincts, mais sans indiquer s’il existera un nombre de postes correspondant aux deux filières, comme c’est le cas actuellement, et satisfaisant aux besoins des établissements. Certes, l’option du concours « latin pour lettres modernes » pourra peut-être préserver un certain enseignement de cette discipline : mais cela dépendra d’un pur hasard, et surtout, l’option « grec » ne sera plus assurée, entraînant ainsi une disparition du grec de l’enseignement secondaire, alors que l’étude de la langue et de la pensée grecques au collège ou au lycée offre la possibilité aux élèves d’avoir accès à toute l’étymologie du langage savant international, aux fondements de la réflexion philosophique, politique et scientifique, aux textes fondateurs de l’épopée, de la tragédie, de l’histoire. En outre, alors que les Romains eux-mêmes ont reconnu l’apport qu’a constitué pour eux la rencontre avec la langue et la culture grecques, les professeurs formés aux deux langues anciennes seront réduits à une proportion minuscule, ce qui est un non-sens total sur les plans historique, archéologique, linguistique et littéraire.
On peut en outre être inquiet quant au nombre d’étudiants qui choisiront l’option « lettres classiques » : cette filière est exigeante sur le plan intellectuel, mais l’existence d’un débouché professionnel stable et accessible tel que le CAPES de lettres classiques assorti d’un nombre de postes fixé est un argument qui peut inciter des étudiants à s’orienter dans cette voie et les rassurer.
La boucle est bouclée : comment susciter le désir d’enseigner le latin et le grec, quand la formation secondaire est délibérément sacrifiée ? Comment inciter des étudiants à passer un concours, si tout est fait ensuite pour les empêcher d’enseigner les disciplines qui sont au cœur des études qu’ils ont choisies, et d’être nommés sur des postes correspondant à leur qualification ?
Le latin et le grec survivront certes encore dans quelques collèges et lycées, là où des chefs d’établissement soucieux d’égalité républicaine aideront des professeurs opiniâtres, et où des familles averties les choisiront comme options, mais il y a fort à parier que cela ne concernera que quelques établissements culturellement privilégiés, ou l’enseignement privé qui a déjà trouvé là un bon argument de vente. Cette raréfaction renforcera donc encore l’inégalité sociale et géographique : seul le maintien de professeurs de lettres classiques dans tous les établissements secondaires peut assurer un choix d’options égalitaire pour tous les élèves.
Le collectif Sauver les lettres réclame par conséquent que le CAPES option « lettres classiques » soit un CAPES à part entière, c’est-à-dire assorti d’un nombre de postes publié qui assure la pérennisation et le développement des sections existantes et la présence dans chaque établissement d’au moins un professeur de lettres classiques. Cela doit donc impérativement s’accompagner en amont d’une politique ambitieuse de soutien aux sections de latin et de grec au collège et au lycée, seule capable de garantir à tous les élèves cette offre d’ouverture linguistique et culturelle qui les aide puissamment, par le recul historique unique qu’elle leur donne, à se doter d’outils propres à mieux se situer dans la complexité du monde et donc à éclairer leur jugement.
Collectif Sauver les lettres
Notes
[1] Voir ici
[2] Lire là
[3] Le rapport de l’Inspection Générale de 2011 (Rapport n° 2011-098) met en évidence cette situation désastreuse, et signale la « marginalisation » du latin et du grec qu’elle entraîne.
[4] 20 % des élèves de collège étudient le latin (de la 5e à la 3e) ou le grec (qui débute en 3e) cf. www.sauv.net/effectifsla2011.php .
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Où on apprend que la maquette du concours a encore été retouchée en défaveur des optionnaires de lettres classiques.
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