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Les langues anciennes dans la ligne de mire
- Loys
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Proposition : meditationesantiquitatibus.blogspot.fr/2...et-socle-commun.html
Affiche maison :
Version noir et blanc à télécharger, à imprimer (en A4 ou même en A3) et à afficher : ici .
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- Loys
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C'est vrai qu'une langue "tournée vers le seul apprentissage de la langue", c'est très bête. Avec un horaire mutilé, on doit pouvoir en faire deux et en plus des "cultures de l'antiquité".Le latin, lui, disparaîtrait en tant qu’option pour être intégré dans l’EPI « Langues et cultures de l’Antiquité ». Le ministère espère ainsi rendre plus attractive cette matière « aujourd’hui très tournée vers le seul apprentissage de la langue. L’idée est de le mettre plus en résonance avec d’autres disciplines pour aborder la culture, la civilisation ». Contrairement aux autres EPI, les élèves pourront le suivre de la 5e à la 3e.
Mais avec combien d’heures ? Le ministère n’a pas encore précisé s’il fixerait un horaire ou si ce serait aux établissements d’en décider.
Rien sur le fait que le latin ou le grec seraient pris sur des heures de français...
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- Loys
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M. Watrelot, professeur de sciences économiques et sociales et formateur en ESPE, n'a pas apprécié qu'on lui demande avec insistance la position des "Cahiers", lesquels approuvaient la disparition des langues anciennes sans vraiment le dire : il sort aujourd'hui du bois. Il est amusant qu'un militant professionnel des nouvelles pédagogies fustige aujourd'hui les actions ponctuelles des défenseurs des langues anciennes.Dans le "bloc-notes de la semaine de la semaine du 16 au 22 mars" des "Cahiers" par Philippe Watrelot :
Attention : Spoiler !Le bloc notes revient sur la polémique naissante à propos du latin en essayant de déconstruire le travail de groupe de pression et l’emballement médiatique autour de cet enseignement. La réforme du collège va t-elle se fracasser sur le latin ? Nous verrons en tout cas que l’esprit de la refondation est en train de s’éteindre sous la pression corporatiste et par la logique des appareils institutionnels, syndicaux et politiques. On exhumera aussi un sondage passé un peu inaperçu cette semaine. Et nous dirons bien sûr un petit mot à propos de l’éclipse
Latin et mots grecs
Recette pour assaisonner un débat sur l’école “à la française”...
Choisissez un sujet que tout le monde connait ou croit connaitre et qui vous rattache à une image nostalgique de l’École. Le latin ? Ah oui, c’est bien le latin, tout le monde a des a priori là dessus. On peut chanter “Rosa, Rosa, Rosam...” et réciter des proverbes... Puis, sine die, lancez une alerte, relancez régulièrement, interpellez, sommez chacun de vos interlocuteurs de répondre à vos ultimatum. Vous trouverez bien aussi quelques intellectuels (qui en ont fait durant leur scolarité) pour vous soutenir. Un slogan, un autocollant, sont aussi les bienvenus, pourquoi pas “Je suis latiniste”... ? Deux ou trois articles et interviews pour lancer la machine à fabriquer de la polémique et le sujet peut rentrer dans l’agenda politique. Nul doute qu’un député interpellera ex abrupto la ministre durant les questions au gouvernement. Et si cela persiste et s’amplifie, tout cela remontera au plus haut sommet de l’État avec un arbitrage destiné à ne fâcher personne et à revenir à la situation ex ante...
Cela rappelle furieusement l’épisode de l’histoire-géographie supprimée de la Terminale S et rétablie par François Hollande dès son arrivée au pouvoir. Et bien d’autres polémiques dont notre opinion publique est friande : on joue à se faire peur, on convoque la presse et les intellectuels, on en appelle aux principes intangibles de l’École de la République et, in fine, on en profite pour faire un sort à toute velléité de réforme.
Qu’en est-il exactement ? Il est assez difficile de trouver un article qui décrive simplement le projet dans le foisonnement de tribunes enflammées et partisanes sur le sujet. Sandrine Chesnel dans L’Express s’y risque cependant. Elle nous rappelle qu’aujourd’hui le latin est proposé aux élèves à partir de la classe de cinquième, à raison de 2 heures par semaine (3 heures hebdomadaires en quatrième et en troisième). C’est une option laissée au libre choix des jeunes, et (surtout) de leurs parents. 20% des collégiens suivent une langue ancienne au collège. Florence Robine directrice de la Dgesco présente le projet actuel ainsi : "Oui, la ministre a souhaité que le latin soit accessible à tous les élèves. C’est pourquoi les futurs programmes de Français comprendront des éléments culturels et linguistiques latins, mais aussi grecs, pour éclairer la construction de la langue française". Il s’agit donc, nous dit-on de séduire d’avantage d’élèves. "Le latin ne sera plus une option proposée en plus des autres matières, mais l’un des nouveaux Enseignements pratiques transdisciplinaires (EPI) explique la numéro 2 du ministère. Mais un EPI un peu différent des autres car dérogatoire : contrairement aux autres, l’EPI ’Langues et civilsations de l’Antiquité’ pourra être suivi tout au long de l’année, et même jusqu’à la fin du collège, pour les élèves qui le souhaitent. Même chose pour l’EPI ’Langues et cultures régionales."Le ministère fait donc le pari que cette souplesse contribuera à augmenter le nombre d’adeptes des langues anciennes.
Alors, les professeurs de latin et de grec ont-ils raison de s’inquiéter ? Ce qui est certain c’est que cela va changer le service des "lettres classiques" (LC) qui risquent en effet à terme de disparaitre en tant que CAPES spécifique. Actuellement il y a deux CAPES de Lettres (“classiques” ou “modernes”). Le service sera modifié car au lieu d’avoir par exemple 10h de français et 8 de latin, les enseignants de LC auront dix-huit heures de français dont une partie en EPI. En bref, les professeurs de lettres classiques risquent de se retrouver avec des conditions semblables à leurs autres collègues profs de français.
Dans la mobilisation actuelle pour le latin ce qui est intéressant à analyser c’est la confusion entre la nostalgie (des enfants d’ouvriers, c’est encore plus émouvant, bien sûr...) pour un enseignement dont on ne peut nier qu’il a marqué des générations et eu un effet bénéfique sur les apprentissages et la capacité à imaginer d’autres modes de transmission de cette langue et de cette culture. Car la question, derrière tout ça, est celle de l’apprentissage de la langue latine. Est-elle indispensable pour découvrir les "humanités" ? Il semble utile que tous les élèves aient (dans le cours de français, mais aussi à l’école primaire, et aussi dans plein d’autres cours, et pourquoi pas dans des projets interdisciplinaires ! ) des moments de découverte de ce qui, du latin et du grec, (mais aussi de l’arabe et de l’hébreu, et autres...) a laissé des traces dans notre monde, dans la langue, dans les œuvres littéraires et artistiques, dans les sciences, dans la philosophie, etc. Et, comme pour les langues vivantes, ce qui faisait que les romains, les grecs, ou d’autres, pensaient le monde autrement que nous (ou pareil). On pourrait très bien imaginer une découverte Langues et cultures de l’antiquité (LCA) en collège et un apprentissage de la langue latin au lycée en option comme le russe ou le chinois...
Mais le problème est que la logique qui prévaut aujourd’hui dans la polémique qui s’annonce et qui est largement instrumentalisée, est une logique de “territoire” qui se mesure au nombre d’heures alloué à un enseignement et en termes de statut avec un concours spécifique. En d’autres termes on touche à des questions identitaires pour certains enseignants...
La réforme du collège va t-elle se fracasser sur le latin ?
Rien n'est évidemment dit sur les substantielles économies de postes que permet la suppression des options. Le corporatisme, c'est l'ennemi : le dépouillement de l'école, en revanche...
La défense des langues anciennes est donc associée à une "pression corporatiste". Les professeurs de lettres classiques sont mesquinement inquiets pour leur service, et non pour la défense de ce qu'ils ont vocation à enseigner. Il oublie évidemment de préciser que l'enseignement des langues anciennes était déjà accessible à tous, sous la forme d'option, pour peu qu'on leur propose l'option.
Il est aussi amusant que Philippe Watrelot n'évoque nulle part l'amputation horaire des langues anciennes tout en fustigeant la "logique de territoires". Pudeur sans doute. On peut bien enseigner plus ("langues et cultures de l'antiquité") avec beaucoup moins, n'est-ce pas ?
Il ne dit non plus nulle part que pour faire du latin ou du grec, dans la logique des EPI, il faut renoncer à faire du français. Dons son esprit, apprendre la langue latine ou la langue grecque, c'est faire du français : "les enseignants de LC auront dix-huit heures de français dont une partie en EPI". En réalité, derrière cette confusion étrange, il s'agit d'opposer grossièrement les professeurs de lettres classiques et de lettres modernes.
La réalité, c'est qu'effectivement l'enseignement du latin (le grec est oublié) pour lui-même est ici jugé inutile. Seules comptent les "traces" qui ont été "laissées" et pour cela il suffit de "moments de découverte".
Nous sommes bien dans un anti-humanisme.
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1. Plusieurs des adversaires de Loys évoquent la suppression de l'Histoire-Géo en T S comme exemple de polémique rétrograde et de "faux problème" qu'ils assimilent à la discussion sur la suppression du latin. Il serait intéressant (mais hors sujet ici) de faire le bilan de cinq ans de réformes, à mon avis désastreux : au total, moins d'heures et un programme "infaisable" et incohérent. C'est vrai que ça valait pas le coup de se battre...
2. Actuellement, un élève de lycée fait , en théorie, plus de latin que d'anglais... Je ne juge pas ce fait mais il apparaît évident que s'en prendre au latin permet de faire semblant de donner la priorité aux langues actuelles, tout comme supprimer l'HG en S permettait de faire semblant de faire de la S une classe scientifique sans renforcer les horaires et les exigences en sciences.
3. Depuis longtemps les langues anciennes sont en sursis et en doivent qu'à leur relativement faible coût, et au poids longtemps efficace des pressions (on ne peut pas le nier), de ne pas avoir été emportées plus tôt. Il apparaît évident que dans le marasme éducatif actuel un enseignement aussi exigeant que les langues anciennes finiraient par être jugé ... scandaleux.
4. Ma fille fait du latin et ( -horreur ! - ) est dans une classe bilangue (dans mon département on ne peut faire allemand lv1 que dans les classes bilangues). Pourquoi ? Contourner la carte scolaire ? Non, car elle est dans son collège de secteur. La mettre en capacité de participer aux débats du prochain concile oecuménique ? Non plus. Dans mon esprit priment trois points : renforcer son goût pour la culture et l'histoire; renforcer sa maîtrise du français par une pratique plus raisonnée et exigeante (latin et allemand) que ce qu'elle fait dans un cours de français que je juge d'une grande pauvreté (il me semble pour le moins problématique qu'il faille faire du latin et/ou de l'allemand pour apprendre à reconnaître un COD ou un COI dans une phrase) ; renforcer sa capacité globale de travail en acceptant volontairement des contraintes (plus d'heures et de devoirs que les autres), ce que j'appelle "ne pas avoir peur du travail". Dans les trois cas, le latin m'apparaît comme un moyen de pallier les déficiences de l'école qui ne propose plus qu'un minimum bien insuffisant et leurre les élèves sur leur niveau (ma fille à 19,5 de moyenne en français... et si elle est douée, elle n'est pas - pour le moment - un génie littéraire).
5. L'article de C. Chartreux sur l'allemand et le latin le confirme. Les profs de latin et d'allemand sont trop élitistes et exigeants. Leurs matières sont trop difficiles et pas assez ... fun ! Les artistes à la mode ne chantent pas en latin et l'allemand est peu répandu sur le Web; et comment en vouloir aux élèves - en réalité à ceux qui démolissent l'école - de ne pas avoir envie d'apprendre par coeur des déclinaisons qui renvoient à des concepts grammaticaux hors d'âge . Le rapprochement avec l'allemand est éclairant : ce que l'on reproche à ces deux matières ce n'est pas leur (supposée) inutilité - qui dira que dans l'Europe actuelle, savoir l'Allemand est inutile, économiquement et politiquement, et ne donne pas aux élèves des opportunités* ? - c'est leur (supposée) difficulté qui rend criante l'inégalité ontologiquement scandaleuse des élèves. Pour assurer la réussite de tous, il faut supprimer ce qui n'est pas à la portée de tous...
6. Faire de la teinture de latin dans un enseignement de français déjà indigent apparaît bien comme un enterrement, et plus de l'acabit de celui de Mozart que de Victor Hugo, pas franchement de première classe. En même temps, la finalité, plus que les modalités, de l'enseignement de latin sont à repenser. La capacité à écrire (pour ne pas dire parler) latin n'a sans doute plus beaucoup de sens aujourd'hui : lorsque s'est tenu le concile Vatican II, le latin devait être logiquement la langue utilisée par tous; or on s'est aperçu que, si tous les éminents prélats avaient fait des études poussées de latin, bien peu le maîtrisaient suffisamment bien pour comprendre et s'exprimer facilement. Les éléments de compréhension de la langue, notamment dans ses rapports avec les langues actuelles, et les éléments de civilisation doivent, évidemment être mis en avant, dans une discipline autonome à horaire sans doute allégée (2h/ sem ?) mais qui pourrait être ouverte à plus d'élèves (et pourquoi pas obligatoire, par exemple sur une année de collège ?).
7. Pour se rassurer, on peut se rappeler que le latin en a vu d'autres depuis au moins cinq siècles... A lire d'urgence, l'excellent livre de Françoise WAQUET Le latin, ou L'empire d'un signe (XVIe-XXe siècle) Paris, Albin Michel, 1998. On'est apr contre pas obligé d'être d'accord avec sa conclusion.
* Le directeur d'une prestigieuse école d'ingénieur visitée par mes élèves leur disait que les diplômés germanophones de son école gagnaient en moyenne 1/3 de salaire en plus que les autres...
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- Loys
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Pétition à signer ici : www.change.org/p/madame-la-ministre-de-l...es-langues-anciennes
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Comme vous avez raison !!!Hervé écrit: Quelques remarques sans prétention, en tant qu'enseignant de matières anciennes et de choses mortes.... et père d'élève.
Ma fille fait du latin et ( -horreur ! - ) est dans une classe bilangue (dans mon département on ne peut faire allemand lv1 que dans les classes bilangues). Pourquoi ? Contourner la carte scolaire ? Non, car elle est dans son collège de secteur. La mettre en capacité de participer aux débats du prochain concile oecuménique ? Non plus. Dans mon esprit priment trois points : renforcer son goût pour la culture et l'histoire; renforcer sa maîtrise du français par une pratique plus raisonnée et exigeante (latin et allemand) que ce qu'elle fait dans un cours de français que je juge d'une grande pauvreté (il me semble pour le moins problématique qu'il faille faire du latin et/ou de l'allemand pour apprendre à reconnaître un COD ou un COI dans une phrase) ; renforcer sa capacité globale de travail en acceptant volontairement des contraintes (plus d'heures et de devoirs que les autres), ce que j'appelle "ne pas avoir peur du travail". Dans les trois cas, le latin m'apparaît comme un moyen de pallier les déficiences de l'école qui ne propose plus qu'un minimum bien insuffisant et leurre les élèves sur leur niveau (ma fille à 19,5 de moyenne en français... et si elle est douée, elle n'est pas - pour le moment - un génie littéraire).
En classe de Français, l'abandon de la grammaire classique, explicite et systématique, en collège, au profit d'une grammaire de texte galvaudée a entraîné cette perte de repères. Quand la moitié de mes élèves de lycée s'avère incapable de reconnaître un COD placé avant le groupe verbal, comment peuvent-ils accorder convenablement un participe passé conjugué avec l'auxiliaire avoir ?...
Et ces élèves à qui on a mal appris ou pas assez appris, je ne leur en veux pas, je les plains.
Ils ont été sacrifiés sur l'autel de l'innovation pédagogique. À l'origine de l'irruption de la grammaire de texte, on trouve entre autres Evelyne Charmeux, dont les innovants se réclament toujours...
Un collègue, professeur d'Allemand LV2 en 4°, m'a dit une fois qu'il passait son premier trimestre à faire de la grammaire française pour que les élèves comprennent les cas et les désinences : nominatif, accusatif, datif, génitif, c'est impossible à comprendre si on méconnaît la grammaire ! Comme en latin, je présume...
Bref, pour qu'un élève maîtrise aujourd'hui la grammaire de sa propre langue, mieux vaut qu'il soit latiniste ou germaniste. C'est ubuesque !
Il serait peut-être temps qu'on songe aussi à supprimer les maths, matière de sélection par excellence pour la filière S et en 1ère année de médecine...L'article de C. Chartreux sur l'allemand et le latin le confirme. Les profs de latin et d'allemand sont trop élitistes et exigeants. Leurs matières sont trop difficiles et pas assez ... fun ! Les artistes à la mode ne chantent pas en latin et l'allemand est peu répandu sur le Web; et comment en vouloir aux élèves - en réalité à ceux qui démolissent l'école - de ne pas avoir envie d'apprendre par coeur des déclinaisons qui renvoient à des concepts grammaticaux hors d'âge . Le rapprochement avec l'allemand est éclairant : ce que l'on reproche à ces deux matières ce n'est pas leur (supposée) inutilité - qui dira que dans l'Europe actuelle, savoir l'Allemand est inutile, économiquement et politiquement, et ne donne pas aux élèves des opportunités* ? - c'est leur (supposée) difficulté qui rend criante l'inégalité ontologiquement scandaleuse des élèves. Pour assurer la réussite de tous, il faut supprimer ce qui n'est pas à la portée de tous...
Vivent les matières fun !
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- Loys
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Communiqué de la FCPE : "Réforme du collège, les langues vivantes et anciennes pour tous les élèves : la FCPE est d'accord "
La découverte du latin, du grec et des cultures de l'antiquité doit pouvoir profiter à chaque élève au cours du cycle 4. Les enseignements pratiques Interdisciplinaires (E.P.I.), du domaine "langues et cultures de l’Antiquité" ne doivent pas être réservés à une "élite"
La FCPE défend le principe d'un d'accès de tous les élèves aux connaissances, aux compétences et à la culture. La FCPE s'oppose ainsi au maintien des dispositifs ségrégatifs qui favorisent le tri précoce et la sélection des élèves.
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- Loys
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Najat Vallaud-Belkacem
Présentation de la réforme
[…] Aucune des mesures de cette réforme n’est née dans les esprits de la rue de Grenelle, qui serait complètement en dehors de la réalité ou simplement théorique. Chacune des mesures de cette réforme s’inspire d’expérimentations qui ont été conduites précisément par les équipes enseignantes les plus innovantes en France, qui ont fait leurs preuves, et dont on se dit qu’il est temps aujourd’hui d’en faire bénéficier tous les collégiens de France et pas seulement ceux qui ont la chance d’avoir des enseignants à l’avant-garde.
[…] Pour pouvoir faire ces petits groupes, il faut d’une certaine façon du personnel parce que par définition ça réclame des enseignants supplémentaires. Et bien c’est la raison pour laquelle cette réforme prévoit 4.000 équivalents temps-plein, qui sont créés, qui permettent que puissent se déployer régulièrement dans tous les collèges ce fonctionnement en petits groupes […]
Réponse aux questions des membres de la commission
La ministre commence par répondre à la question la plus souvent posée, celle des langues anciennes :
Sur cette question du latin et du grec, je voudrais juste que vous compreniez bien la démarche de cette réforme du collège.
Je l’ai dit d’ailleurs dans mon introduction : oui pour 20% d’élèves, le collège actuel fonctionne super bien, pour ceux qui, en effet, passent par les classes bilangues, par les options latin… On est tous d’accord : pour eux, il n’y a pas de problème, il n’y a pas besoin de réformer le collège. Le sujet, c’est comment on fait en sorte que tous les collégiens puissent accéder à cet enrichissement que constitue le fait d’avoir une seconde langue plus tôt que d’attendre la 4e, le fait d’être ouvert, en effet, aux cultures et langues de l’antiquité parce que – je suis d’accord avec vous, mille fois d’accord – et alors moi j’en ai fait en plus, je peux vous dire : je sais à quel point ça joue un rôle important dans l’acquisition d’une culture commune, dans la construction de la citoyenneté, dans la dimension linguistique de ce qu’on y apprend, dans l’apprentissage de l’histoire des civilisations. Et pour toutes ces raisons, je ne me satisfais pas que ce soit réservé à quelques-uns.
Donc il ne s’agit pas de supprimer un droit ou une possibilité pour quelques-uns, il s’agit de généraliser cela, comme pour la question des langues vivantes pour tous les collégiens et nous le faisons de deux façons, s’agissant du latin et du grec :
- la première chose, c’est que – chose nouvelle – nous introduisons dans l’enseignement de français une initiation à l’étude des langues anciennes parce que nous estimons que les langues anciennes permettent de mieux comprendre les principes fondamentaux de la langue française, l’étymologie, la composition des mots, les fonctions grammaticales : d’une certaine façon nous mettons l’excellence au service de la réussite de tous les collégiens et de la réduction des inégalités de maîtrise de la langue française.
- Deuxième chose : dans le nouveau collège, comme actuellement, les élèves pourront apprendre le latin de la 5e à la 3e et le grec en 3e, comme ce qui existe aujourd’hui sauf que ça ne s’appellera pas « options facultatives », ce sera un enseignement pratique interdisciplinaire. Pourquoi est-ce que c’est un EPI ? Précisément pour ce que vous disiez M. Hetzel et j’étais étonnée que vous ne fassiez pas le lien. Vous disiez : dans d’autres pays on a su moderniser l’apprentissage des langues et cultures d’origine précisément en donnant d’autres choses à voir que la langue en tant que telle, parler de l’histoire, de la civilisation etc. aux élèves. C’est exactement à cela que sert le format enseignement pratique interdisciplinaire, c’est pouvoir aborder, au-delà de la langue (mais la langue sera préservée évidemment, aura un temps), les questions d’histoire, de civilisation, de culture. Donc cet enseignement pratique interdisciplinaire « Langues et cultures de l’antiquité », je vous confirme qu’il aura le même nombre d’heures que peut avoir aujourd’hui l’option existante : donc les élèves n’y perdent rien.
[…]
Je crois vraiment que sur ces deux points, que ce soit le latin ou les langues vivantes, vous pouvez être assuré que le nouveau collège permettra à tous les collégiens de s’initier et d’approfondir s’ils le souhaitent beaucoup mieux que ce qu’il fait aujourd’hui lorsqu’il ne s’adresse, en réalité, que ce soit le latin ou les classes bilangues ou les classes européennes, que à 15-20% des élèves. Donc, non, je réfute toutes les accusations en nivellement par le bas, c’est au contraire tirer tout le monde vers le haut, vers l’excellence que de veiller à ce que ces possibilités soient offertes à tous.
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- Loys
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Une généralisation abusive
Avec l'intervention de Najat Vallaud-Belkacem devant la Commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblé nationale, le 24 mars 2014, la position du ministère sur les langues anciennes évolue encore un peu.
Les horaires, qui n'étaient jusque ici prudemment pas évoqués (un EPI = 1,5h par semaine), sont désormais garantis dans l'état existant (par exemple 3h en 3e), ce qui constitue un indéniable progrès dans le combat pour sauver l'enseignement des langues anciennes au collège. Mais ce progrès des horaires, en forme de contre-feu médiatique, pose en réalité plus de questions qu'il n'en résout :
- Pourquoi appeler "enseignement pratique interdisciplinaire" ce qui n'en est pas un, puisque ni pratique ni faisant l'objet d'un travail d'équipe ? Dans le discours ministériel la notion d'interdisciplinarité a évolué, la ministre reconnaissant enfin le caractère interdisciplinaire sui generis des langues anciennes.
- Si seul le statut d'option facultative est abandonné, pourquoi l'EPI LCA ne s'intitule-t-il pas EPI latin ou EPI grec ancien ? Il est vrai qu'une certaine ambiguïté sur l'enseignement lui-même est inhérente au discours ministériel : "moderniser", c'est "d’autres choses à voir que la langue en tant que telle"; "pouvoir aborder, au-delà de la langue (mais la langue sera préservée évidemment, aura un temps), les questions d’histoire".
- Ajoutons que si "les programmes découlent du socle", il faut donc en déduire qu'aucun programme n'est prévu pour les langues anciennes...
- L'horaire de 3h en 3e par exemple correspond donc à celui de deux EPI dans l'année. Or les élèves doivent participer à au moins deux EPI : comment résoudre cette contradiction ?
- Les EPI ne sont pas choisis par les élèves or l'EPI LCA serait suivi par les élèves "s’ils le souhaitent" (sic). Comment résoudre cette contradiction (à moins que l'EPI latin par exemple ne soit imposé au lieu d'être choisi comme c'est le cas pour les options) ?
- Mais le plus grave demeure : par principe, l'horaire des EPI est pris sur le temps des enseignements disciplinaires, le français pour les professeurs de lettres classiques. Sur 4h de français, il faudrait donc retrancher 3h de latin ou de grec ancien ?
Pour le reste, l'argument paradoxal de la démocratisation des langues anciennes n'est pas recevable.
- Comment le latin ou le grec ancien pourraient-ils être "généralisés" puisqu'ils ne constituent qu'un EPI parmi huit ?
- A propos d'une introduction dans l’enseignement de français (c'est-à-dire en ajoutant à un programme déjà important et qui devra être suivi avec moins d'heures disciplinaires, en raison de la mise en place des EPI) d'une "initiation à l’étude des langues anciennes", en réalité déjà pratiquée ponctuellement par les enseignants de français, il ne peut s'agir à proprement parler d'un élément de démocratisation d'un véritable enseignement, approfondi et méthodique, des langues anciennes.
- Dans tous les collèges de France, le latin ou le grec ancien n'est pas "un droit ou une possibilité pour quelques-uns". Il est ouvert à tous. Mes élèves de ZEP s'appelaient Chris-Marty, Claire, Charilla, Thomas, Zohra, Audrey, Baskar, Alice, Youssef, Mickaël, Mylène, Ambre, Audrey, Raissa, Sandrine, Abdon... Le discours ministériel est à l'unisson de celui de la FCPE qui estime, au mépris de la réalité, que ces enseignement sont "réservés à une "élite"" et qui s'oppose "au maintien des dispositifs ségrégatifs qui favorisent le tri précoce et la sélection des élèves". Les langues anciennes ne sont pas pratiquées par des privilégiés, mais par des volontaires, des élèves soucieux de progrès ou d'ouverture culturelle, ou à qui leurs parents veulent offrir toutes les chances de réussite, dans les REP comme ailleurs.
On le voit l'improvisation continue au ministère, qui continue par ailleurs d'affirmer, contre l'évidence, que des postes sont créés pour mettre en place la réforme quand en réalité ils sont directement pris aux "options" brutalement supprimées. Il est étonnant que la presse ne souligne pas une si évidente contradiction.
Maintenons notre mobilisation pour que le sort d'un enseignement séculaire ne soit pas réglé dans l'urgence sur le coin de table d'un bureau de la rue de Grenelle.
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