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Autorité et discipline à l'école
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A lire sur "Le Café" du 14/02/13 : "Nouvelles mesures disciplinaires : Bilan négatif de l'Inspection" .
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Une introduction lyrique dans le plus pur style scolaire...De l'ordre
Aux balbutiements d’un XXIe siècle angoissant, chaotique, échevelé...
Quel est le rapport entre "le monde" du "XXIe siècle" et une "salle de classe" ?... nous, parents, élèves, enseignants, citoyens en général, avons tendance à réclamer non pas un ralentissement, non pas du recul, non pas le temps de la réflexion nécessaire à la compréhension d’un monde d’une incroyable complexité, mais de l’ordre pour un monde que nous estimons en désordre.
Quel joli euphémisme, dans "quelque peu agitée" ! Et quel paradoxe courageux dans "concentré idéal de désordre" !Une salle de classe quelque peu agitée est un concentré idéal de désordre parfois.
Tiens, quelques exemples parmi d'autres : www.laviemoderne.net/veille/viewtopic.php?f=3&t=280
Christophe Chartreux devient philosophe !Et au milieu de ce petit chaos, le maitre de cérémonie, le professeur, réclame, intime, impose l’ordre. Il l’obtient souvent. Contrairement aux légendes (le monde et l’esprit ont besoin de légendes pour survivre)...
Oh la belle hyperbole qui empêche de penser ! Car il n'y a pas besoin qu'un un établissement soit "à feu et à sang" pour qu'il soit presque impossible d'y enseigner....nos établissements scolaires ne sont pas à feu et à sang.
Ah les insultes, les menaces, les coups de mon expérience personnelle en ZEP, c'est de la mauvaise foi. Et nous ne parlons pas ici du refus de travail, des absences et retards, de l'absence de matériel scolaire, de l'insolence etc. qui sont autant de petits désordres qui empêchent de travailler etc.Ils ne le sont que dans quelques esprits chagrins portés par la volonté de véhiculer des caricatures faciles, convoquées au banquet des démonstrations hallucinantes de mauvaise foi.
On frôle le point Godwin...Qu’est-ce que l’ordre ? Méfiance ! L’ordre et sa quête peuvent mener aux pires extrémités. Souvenons-nous de Goethe osant dire : « Je préfère une injustice à un désordre. »
Ah, c'est ça la "dangerosité" ? Parce que bien sûr, dans le tumulte d'une classe agitée, l'élève silencieux peut enfin exposer ses soucis. La classe est d'ailleurs le meilleur endroit pour cela.Mais ce Graal, notamment dans nos salles de classes, est d’une dangerosité extrême, car il cache beaucoup plus qu’il ne révèle. Il cache les soucis de cet élève silencieux, si respectueux de l’ordre imposé qu’il ne peut être que « sans souci ».
Une classe ordonnée n'a pas vocation à être silencieuse : la parole est distribuée à tous, précisément. Voilà bien une nouvelle caricature.En tout cas, il n’en pose pas. À vous, le maitre, il dissimule les lacunes passées sous silence. L’ordre et le silence vont si bien ensemble.
Nous y voilà : l'ordre scolaire est d'essence policière.Le professeur est heureux. Il a vaincu le désordre. Il fait du maintien de l’ordre. Il est une force de l’ordre.
Encore une caricature : comme si un professeur pouvait souhaiter ignorer les difficultés de ses élèves et comme si le désordre dans la classe pouvait sauver les élèves du désordre de leurs incompréhensions.Il passe dans les rangs. On entendrait une mouche voler. Il s’arrête un instant, contemple les têtes penchées sur les cahiers. Fier. Derrière lui, ou devant, ou à côté, il ne voit ni n’entend le désordre, le chaos, l’enfer que vivent ces quelques enfants perdus au beau milieu des incompréhensions qu’on leur imposera de retrouver lors des devoirs maison.
Bien sûr que non.Je ne fais pas ici le procès de l’ordre ni l’apologie du désordre.
Ah... C'est bien l'aveu que l'ordre n'y est plus... avec les beaux résultats que l'on peut constater.Mais celui de la bêtise portée par quelques-uns voulant faire croire que la solution des problèmes incontestables de l’école serait d’y ramener l’ordre.
Vouloir obtenir un fonctionnement de classe, c'est donc être inhumain.Ceux-là, en fait, ne veulent qu’une école sans rires, sans pleurs, sans enthousiasme, sans naïveté, sans disputes, sans amours, sans sourires.
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Désolé, ce n'est pas seulement tardif, c'est aussi un peu long.
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En introduction de mon commentaire à cet article, je placerai un avertissement : tout le contenu dont nous discuterons ici n'est reçu que de seconde main. Nous n'avons accès aux résultats de Bernard Moignard que via le compte rendu que nous en fait François Jarraud. Mon commentaire ne doit donc pas être pris pour une critique sur le fond du travail scientifique de Benjamin Moignard.
La première chose qui frappe dans cet article, c'est que la sanction n'est jamais présentée comme la conséquence d'une déviance. On étudie la sanction, jamais son motif. Cette première observation trouve sa place dans un constat plus global : tout le texte est construit pour amener le lecteur à considérer la sanction non comme la conséquence d'une infraction à la règle, mais comme la cause de l'affrontement entre l'élève et l'institution, et finalement une source fondamentale des désordres scolaires. Cette conclusion implicite du travail du sociologue est explicitée clairement dans l'introduction du journaliste.
Nous avons donc ici:Le régime des sanctions peut-il nuire à l'ordre scolaire ? C'est ce qu'a montré Benjamin Moignard, maître de conférences à l'Observatoire Universitaire International de l'Education et de la Prévention, lors d'une conférence donnée à l'Observatoire des zones prioritaires (OZP) le 24 avril.
- l'Observatoire Universitaire International de l'Education et de la Prévention (OUIEP)
- l'Observatoire des zones prioritaires (OZP)
Si nous nous intéressons au premier, nous apprenons que cet OUIEP "s’adosse à des réseaux existants, tel que l’OIVE (Observatoire internationale de la violence à l’école),", et que son action est dirigée par "Eric Debarbieux, fondateur de l’OIVE et membre du Comité d’orientation de l’observatoire national de la délinquance"
Et hop, nous voilà avec deux observatoires de plus ! Mais en resterons nous là ? L'OUIEP "vise à structurer des réseaux pluriels", ne doutez pas, il y a moyen de loger ici quelques observatoires supplémentaires.
Pour y trouver son chemin, ne manquera plus alors que l'Observatoire Universitaire International des Observatoires Universitaires Internationaux.
Tout le fond de l'article est contenu dans ces deux phrases d'introduction :La masse des sanctions, leur concentration sur certains élèves, le sentiment d'injustice que cela crée contribuent fortement à la détérioration du climat scolaire. Certains établissements échappent à cette inflation des peines. C'est donc que des solutions existent...
1- le très fort volume de sanctions, et en particulier celles qui se concentrent sur une petite fraction d'élèves, génèrent un sentiment d'injustice,
2- ce sentiment d'injustice est une source majeure du désordre.
3- certains établissements savent ne pas mettre de sanction. Ils pourraient servir d'exemple pour tout le système éducatif.
Toutes les failles de l'article apparaissent ici aussi :
- Jamais les motifs des sanctions ne sont examinés. A la lecture de l'article, nous pourrons parler d'évitement systématique.
- En conséquence, le champ est libre pour attribuer les désordres scolaires à ce fameux sentiment d'injustice.
- Ne pas mettre de sanction réglerait le problème de l'inflation des sanctions. Mais cela réglerait-il vraiment le problème des désordres scolaires ? Cette question ne sera pas abordée.
- Et surtout, la question de l'efficacité éducative est totalement occultée.
Comment un chercheur peut-il « suivre de près une centaine d'établissements ? »Que sait-on du nombre de sanctions données chaque année dans les établissements scolaires ? Pas grand chose explique Benjamin Moignard. Ce spécialiste de l'ordre scolaire et de ses effets a suivi de près une centaine d'établissements pour recueillir et analyser le nombre et les types de sanctions données sur le terrain. Il a ainsi collecté un matériel tout à fait nouveau et qui éclaire fortement la vie intérieure des établissements.
Les guillemets dont sont affublés "sauvageon" et "violence scolaire" ont été épargnés au cancre et au chahut. Le cancre et le chahut faisait partie du monde réel. Grâce aux guillemets, le sauvageon et la violence scolaire sont présentés ici comme des fantasmes.Longtemps la question des désordres scolaires ne s'est pas posée, rappelle B Moignard. Quand ils existaient c'était dans des formes traditionnelles, celles du chahut. Avec la démocratisation scolaire et la montée du poids de l'Ecole et du diplôme dans le destin social, on est passé à "un nouvel âge du désordre scolaire" avec de nouveaux élèves ne participant pas de l'élève idéal. Au cancre succède le "sauvageon", au chahut la "violence scolaire". Un nouveau régime de sanctions se met en place dont l'estimation reste mystérieuse.
Une enquête de victimation ? Les élèves punis sont-ils des victimes ? « On appelle enquête de victimation un type d’enquête où les personnes répondantes sont interrogées, en face à face, sur certaines infractions dont elles ont pu être victimes au cours d’une période donnée ».Pour connaître vraiment l'importance des sanctions et leur nature, Benjamin Moignard a travaillé sur une centaine d'établissements secondaires répartis sur 3 départements où il a essayé de recueillir le maximum d'informations sur les sanctions données, y compris celles qui ne sortent pas de la classe. Une enquête de victimation a aussi été effectuée dans 15 établissements de l'académie de Créteil. Elle révèle un volume impressionnant de sanctions.
L'utilisation du terme "victimation" tend à présenter les élèves punis comme des victimes, et des victimes d'une infraction. Est-ce raisonnable ? On nous répondra que le sociologue a voulu utilisé ici l'outil de la victimologie (entretien avec un individu) en l’appliquant à une autre thématique.
Mais imaginez un sociologue qui prétendrait faire une enquête de victimation auprès des personnes condamnés par la justice, ou auprès des recalés du permis de conduire. Dans les deux cas, les personnels dépositaires de l'autorité décisionnaire pourraient se sentir blessés. Qui dira qu'un condamné est victime de la justice ?
Emploie-t-on couramment le terme « d'enquêtes de victimation » en dehors des enquêtes auprès de vraies victimes ? Si ce n'est pas le cas, en appliquant exceptionnellement ce terme de victimation à l'élève puni, le sociologue prend le parti du puni contre celui qui a prononcé la sanction.
Il y a aujourd'hui dans le monde enseignant un fort malaise vis-à-vis des autorités ministérielles. Les enseignants se sentent réellement victimes d'une forme de mépris et d'abandon de la part de toute la hiérarchie de l'éducation nationale, jusqu'au plus haut niveau. Gageons que nos sociologues d'observatoire n'auront pas la maladresse d'appeler « enquête de victimation » les enquêtes explorant ce malaise enseignant.
Les devoirs collectifs ne sont pas interdits. Ce qui est interdit, c'est de punir un groupe pour la faute d'un seul élève. De même, la circulaire qui interdit aux enseignants de donner des lignes à copier n'interdit pas les travaux de recopies plus intelligents, par exemple faire recopier un chapitre du cours. Ces travaux de recopies, propices à la bonne mémorisation du cours, sont chargés d'un fort potentiel pédagogique, et ne devraient pas être confondus avec les recopies de lignes interdites. La distinction a-t-elle été faite ici ? Il est difficile de se prononcer.La sanction appelle la sanction
Dans les 15 établissements de Créteil, 26% des élèves ont du dans l'année copier des lignes, une punition interdite. 22% ont fait des devoirs supplémentaires. 10% ont fait des devoirs collectifs, une sanction elle aussi interdite. 60% ont été retenus, 23% exclus de classe, 21% ont reçu un avertissement. Enfin 8,5% des élèves de collège ont été exclus temporairement. Au final seulement 4% des élèves n'ont pas été punis dans l'année.
Mais comme l'objectif de ce texte est de faire passer les élèves pour les victimes du système scolaire, l'auteur avait intérêt à exagérer toutes les irrégularités dans le régime de sanction. Et comme la limite entre punition permise et punition interdite n'est pas correctement tracée, le lecteur aura intérêt à se méfier.
Pour que la comparaison ait un sens, il faudrait que le comptage eût été fait aussi sérieusement à l'étranger qu'il a été mené en France. Si le travail de Bertrand Moignand est si exceptionnel (et il l'est probablement) il offre un point de vue plus détaillé que ce qui est disponible à l'étranger. La comparaison est alors biaisée. Ce biais a-t-il été corrigé ? Là encore, l'information donnée ne permet pas de trancher.On assiste donc à un volume de sanctions impressionnant. Pour un département étudié on compterait de 372 à 1092 exclusions temporaires par jour. Globalement le volume de sanctions est plus important en France qu'ailleurs.
Ici, on ne nous a pas parlé d'incident, mais de rapports d'incident, et le fait que tous les problèmes viennent d'un petit nombre d'élèves n'est pas considéré comme un fait, mais comme un sentiment.On a aussi un cumul des sanctions par quelques élèves. Un tiers des élèves ont été punis plus de 4 fois dans l'année. Ce sont généralement des élèves qui ont de mauvaises relations avec les enseignants, la sanction appelant la sanction. Une étude plus précise dans 3 établissements montre que 6 à 8% des élèves bénéficient de 52% des rapports d'incident en 6ème, 80% en 3ème et de 87% des exclusions de cours. "Plus on monte plus les sanctions sont concentrées. On assiste à la création d'une sorte de casier scolaire", dit B Moignard. Cela entretient dans les établissements le sentiment que tous les problèmes viennent d'un petit nombre d'élèves qui lui même pousse à concentrer les sanctions.
Nous assistons ici encore à une déréalisation du désordre scolaire.
Au premier abord, le discours est conforme aux méthodes de la sociologie : on écoute ce que les interviewés disent, on l'analyse sans prendre partie, et en particulier sans renchérir sur la sanction au moyen d'un jugement moral : « s'ils sont puni, c'est qu'ils l'ont mérité », ce discours primaire et moralisateur peut nous venir facilement aux lèvres, et le sociologue aurait raison de nous le reprocher : neutralité axiologique est le premier commandement du sociologue.Or plus un élève est sanctionné moins la sanction est efficace et moins il la pense juste. Si 40% des élèves jugent les sanctions injustes (ce qui est déjà très important) , c'est 70% des polysanctionnés 4 fois et plus.
Mais a contrario, en masquant totalement le point de vue de l'institution pour qui une infraction aux règles a été commise, la formulation adoptée ici permet de servir un discours aussi primaire que le premier et bien plus loin des faits : « plus on est puni, plus on développe un sentiment d'injustice, donc c'est la punition qui cause du désordre ». Pourquoi cette formulation est-elle beaucoup plus loin des faits ? Tout d'abord parce qu'elle passe sous silence la cause principale de la sanction, qui est le comportement déviant.
Mais il y a pire ! Il faudrait connaître la façon dont les élèves ont été interrogés. En posant adroitement la question, on doit facilement amener l'élève à faire condamner sa punition, et à construire artificiellement le taux de 40% d'injustice. Une chose frappe néanmoins: 60% des élèves punis ne se plaignent pas d'une injustice. Autrement dit, en faisant passer l'élève puni pour une victime, l'auteur de l'article ne donne pas le point de vue de la majorité des élèves, mais seulement d'une grosse minorité.
Encore aurait-on pu explorer un peu plus finement la position de cette minorité. Plus un élève se met hors du système scolaire, plus il va avoir besoin de se justifier au moyen d'un système de valeurs alternatif qui justifie son comportement, et qui lui permet de condamner les sanctions qui le frappent. Il se ment alors à lui même, peut-être, s'il a hérité auparavant d'un système de valeur plus conforme à celui de la société, ou peut-être est-il de bonne foi et croit-il vraiment aux raisons qu'il développe.
Quoi qu'il en soit, en adoptant le point de vue des élèves les plus en marge, qui constituent une minorité, en négligeant celui de la majorité et des auteurs de la sanction, le travail présenté ne s'illustre pas par son impartialité.
Les procédures contradictoires sont un gouffre d'énergie et de temps. Au sein d'une classe, pour les petites entorses à la règle, imposer une procédure contradictoire reviendrait à lier les mains de l'enseignant. Dans le meilleur des cas, si l'équipe d'encadrement est solidaire, le résultat sera une énorme perte de temps pour tout le monde. Dans le pire des cas, l'enseignant est dépouillé de son autorité. Il n'a plus aucun pouvoir sur les élèves, et perd une grande partie des moyens d'exercer sa mission.Des pistes de solutions
Tous les établissements ne sanctionnent pas de la même façon et certains, même en zep, échappent à cette inflation de la punition. Pour B Moignard, ces établissements travaillent sur le sentiment d'appartenance à l'établissement. Ils cherchent à établir des règles claires et partagées développant ainsi un sentiment de justice. Ils respectent des procédures contradictoires dans l'instruction des sanctions. Enfin il travaillent le lien avec l'environnement de l'établissement.
Or de cette mission de transmission, il n'est jamais question dans l'article. C'est particulièrement flagrant dans le paragraphe que nous examinons ici, ou nous aimerions savoir comment se situe les établissements qui sanctionnent peu, en terme de résultats, par rapport aux établissements comparables.
Travailler le sentiment d'appartenance, excellent ; règles claires et partagées, riche idée ; dégonfler le volume de punition, tout le monde agrée. Mais est-ce en soi un objectif ? Il est évident qu'une baisse du nombre de sanction serait le signe d'un climat apaisé, favorable à l'enseignement. Mais s'il faut investir toutes les forces de l'institution dans cet apaisement, au détriment de sa mission officielle de transmission, qu'y gagne-t-on ? L'enseignement se transforme en garderie, l'école publique se transforme en parking, pour le bénéfice à court terme des classes sociales qui l'ont fuie.
Et pour quelles raisons, à votre avis, les chefs d'établissement, responsables de ce type de sanction (conjointement avec les conseils de discipline qu'ils président) ne se sont-ils pas emparés de ces outils aussi massivement que nous le rêvons tous ? il y a à cela plusieurs causes vraisemblables :Dans les pistes évoquées dans la dernière circulaire sur les punitions, les mesures de responsabilisation sont peu utilisées (1 à 2% des établissements) tout comme les mesures de justice réparative.
- ces « mesures de responsabilisation » et cette « justice réparative [sic] » sont inadaptées au profil des élèves sanctionnés
- les personnels ne sont pas formés à l'utilisation de ces outils
- la mise en œuvre de ces actions de réparation nécessite, d'après les textes eux-mêmes, de s'appuyer sur un réseau associatif extérieur à l'école, réseau qui fait souvent défaut ou n'offre pas les garanties suffisantes.
Il y a peut-être d'autres raisons envisageables : les chefs d'établissements seraient-ils des saboteurs ? ou préfèrent-ils par pur sadisme les punitions méchantes aux gentilles ? On ne doutera pas que Bertrand Moignard a abordé cette question dans son travail, et on regrettera que François Jarraud n'ait pas eu la place de la développer
... pour justifier l'existence des observatoires afférents, et orienter vers eux une partie de la manne publique. Ne doutons pas que l'observatoire possède dans ses tiroirs quelques sujets de thèses en attente de financement.Mais le premier pas vers un travail sur le climat scolaire reste déjà l'appréhension du volume des sanctions. Un travail que les établissements devraient tenter de faire.
Synthèse
il ne faudrait pas jeter ici le bébé avec l'eau du bain. Il y a dans le papier de de François Jarraud quelques points sur lesquels il est possible de s'accorder : le taux de 40% d'élèves qui estime la punition injuste, par exemple, est anormalement élevé. Travailler dans chaque lycée le sentiment d'appartenance permettrait de rapprocher élèves, familles et enseignants et de dénouer certains blocages. Si il y a des bonnes pratiques, des recettes qui marchent, il faut en faire la promotion ; tout cela doit servir de garde-fou contre les constructions théoriques et les expériences de laboratoire dont les IUFM ont empoisonné quelques cohortes d'enseignants stagiaires.
Encore faut-il que les critères de réussite soient définis sur un plan éducatif : tout devrait être rapporté à la capacité du système éducatif à transmettre un savoir, un savoir faire ou un savoir être. Il est évident que la lutte contre la sanction ne sauraient être un objectif en soi, et l'on imagine assez facilement comment un objectif chiffré de limitation de la sanction, transformé en critère d'évaluation des enseignants et en outil de pilotage de l'institution, pourrait venir dégrader encore les conditions de travail des enseignants et des élèves, et diminuer toujours plus l'efficacité de notre système éducatif.
A ce titre, l'intitulé même de l'Observatoire de Bertrand Moignard suscite la défiance : observer « l'éducation et la prévention », que cela veut-il donc dire ?
Lorsqu'on fait de la prévention, généralement, c'est pour se prémunir contre un risque particulier : l'INPES est l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, le BRGM a un département qui traite de prévention des risques géologique et miniers. Il existe une science du risque, la cyndinique, qui prétend traiter des risques en général, et de la façon dont les hommes les affrontent. Mais il me semble que ni Eric Debardieux, ni Bertrand Moignard ne soient des spécialistes de cette science, ni que l'OUIEP soit un laboratoire de cyndinique.
Y a-t-il alors une justification scientifique à l'appellation « Education et prévention » dans le nom de cet observatoire ? Ce nom ne trahit-il pas plutôt un organe de promotion de certaines politiques de l'éducation ?
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- Loys
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J'ajouterais que, plus grave encore que le nombre lui-même des sanctions, "l'inflation" des sanctions n'est nulle part étudiée, chiffrée ou sourcée dans cet article dont c'est pourtant le titre. Au sujet des renvois définitifs, c'est l'incertitude sur l'évolution des sanctions depuis 2011, à en croire le Café Pédagogique lui-même : "En fait on ne sait pas trop de quel coté la balance penche puisque les données sont fragmentaires."
En effet, en 2011, de nouvelles mesures disciplinaires ont été mises en place pour précisément réduire ce nombre de sanctions : la multitudes d'étapes intermédiaires avant l’exclusion définitive, voilà ce qui participe davantage de l'"inflation des sanctions".
Avant même ces nouvelles mesures, l'école d'aujourd'hui était bien moins autoritaire que celle d'autrefois : c'est un fait. Si l'on suit le raisonnement de M. Moignard, le climat scolaire, indexé sur la masse et la concentration des sanctions, devrait donc être bien moins "détérioré".
J'ajouterais aussi que la "concentration" des sanctions est un phénomène très nouveau, signe à la vérité très parlant d'un certain renoncement à l'exercice de l'autorité scolaire. J'ai ainsi connu des élèves accumulant jusqu'à 70 ou 80 rapports disciplinaires par an sans être exclu définitivement : est-ce un exemple d'"inflation des sanctions" ?
L'année scolaire suivante, les compteurs sont remis à zéro.
A lire sur le même sujet la mise en cause des exclusions définitives par la médiatrice de l'EN.
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Loys écrit: J'ajouterais aussi que la "concentration" des sanctions est un phénomène très nouveau, signe à la vérité très parlant d'un certain renoncement à l'exercice de l'autorité scolaire. J'ai ainsi connu des élèves accumulant jusqu'à 70 ou 80 rapports disciplinaires par an sans être exclu définitivement : est-ce un exemple d'"inflation des sanctions" ?
La concentration des sanctions est-elle si nouvelle que cela ? Dans la moitié de mes classes, les bêtises et les sanctions étaient collectionnées par une minorité d'individus. C'est aussi cela que montre Pagnol dans ses souvenirs de jeunesse et de lycée.
Un sociologue pourrait d'ailleurs facilement expliquer cela en terme de stratégie de différentiation, de charisme de désobéissance, et de capital de popularité.
Loys écrit: L'année scolaire suivante, les compteurs sont remis à zéro.
Cela, je ne le savais pas. Je veux dire : j'en avais entendu parler, mais je pensais que c'était une excentricité d'un CDE férocement militant. Si tel est la règle, il n'est en tout cas pas étonnant que B. Moignard n'en parle pas : cela va contre son idée que les élèves "polysanctionnés" voient se constituer contre eux un "casier pédagogique".
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- Loys
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Pour le dossier scolaire : www.esen.education.fr/fr/ressour ... ad2dc6f294
Conséquence : en conseil de discipline, il est interdit de mentionner des sanctions des années précédentes.Dans le domaine des punitions et des sanctions : les avertissements, blâmes et mesures de responsabilisation sont effacés du dossier administratif à l'issue de l'année scolaire. Les autres sanctions, hormis l'exclusion définitive, sont effacées du dossier administratif au bout d'un an, jour pour jour.
Sauf pour l'exclusion définitive, l'élève peut demander l'effacement de toutes les sanctions de son dossier lorsqu'il change d'établissement. Si l'effet éducatif de la sanction n'est pas avéré, son effacement pourra être refusé. Les sanctions sont effacées du dossier au terme de sa scolarité dans le second degré.
Voir aussi la circulaire n° 2014-059 du 27-5-2014 :
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