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Autorité et discipline à l'école
- Loys
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C'est une une chose très utile qu'il y ait des représentants des élèves de quatorze ans dans les conseils de discipline, mais pourquoi donc n'ont pas encore le pouvoir décisionnel ?Nanthan (un pseudo), 15 ans, va entrer en seconde. Délégué de classe en quatrième, il avait assisté à un premier conseil de discipline en tant que témoin – c’est l’anecdote de Marc, qu’il rapporte à la fin de son témoignage. En troisième, il était l’un des deux délégués d’établissement de son collège des Hauts-de-Seine, “d’un bon niveau”, quand il a assisté au conseil de discipline de Julie – tous les prénoms ont été changés.
C'est vrai que compte tenu de ce qui fait l'objet de ce conseil de classe, on voit que cette défiance est le premier problème de l'école. Nathan n'est visiblement pas "choqué" par le comportement de Julie.“Choqué” par le déroulement de ce conseil, il a écrit à Rue89. “Ça augmente la défiance des élèves envers l’institution, explique-t-il au téléphone.
Personne n'a jamais prétendu que l'exclusion définitive était une solution. En attendant, on écoutera avec attention les propositions de Nathan.On a un sentiment d’injustice. Je ne veux pas tomber dans la caricature, les profs veulent aussi aider les élèves mais les solutions proposées, c’est punir ou essayer d’éloigner...”
En même temps, une exclusion définitive, c'est simplement une affectation dans un nouvel établissement, pas une peine de mort.Conseil de discipline : Julie est renvoyée et je n’ai rien pu faire
Un fonctionnement normal de classe, quoi.« Donc, reprenons. Pendant la demi-pension, un de vos camarades, Victor, s’est amusé à vous provoquer et vous a poussée. Vous vous êtes battus. La sonnerie a retenti, et vous êtes allés en cours de mathématiques. Mais, pendant la classe, contrairement à Victor qui connaît les limites et qui a su se calmer, vous continuez à l’embêter, voire à chercher à le frapper.
Vous lui criez : “Je vais te frapper à la sortie !”, la professeure vous demande de vous calmer, et vous lui criez : “Toi aussi, je vais te frapper à la sortie.” Ensuite, vous vous enfuyez et nous vous retrouvons en train de pleurer dans un couloir vers 14 heures.
Façon Cahuzac.Reconnaissez-vous les faits, Julie ? »
Julie lève les yeux, secoue la tête. Elle explique qu’elle n’a jamais menacé la prof, qu’elle continuait à parler à l’élève. De toute façon, c’est flou, elle ne se souvient pas bien.
Curieuse hésitation : c'est une chose dont on se souvient pourtant facilement.Sa mère dit qu’elles sont allées voir un psychologue, que sa fille a parfois des crises graves.
Les délégués élèves de cette classe, présents en tant que témoins, hésitent, puis déclarent qu’ils l’ont plutôt entendu menacer la professeure, mais ils ne sont pas sûrs.
Le version de l'accusée, c'est surtout qu'elle ne se souvient pas bien. Ce que soutient donc Nathan, c'est qu'une "bonne partie" (un quart ? la moitié ?) des élèves (dont les témoignages sont anonymes) n'a pas entendu la même chose que les délégués de la classe et que ceux-ci, avec le professeur, mentent donc sur la réalité des faits.La principale continue :
« Très bien, notez que l’élève ne reconnaît pas les faits. »
J’interviens, et explique qu’une bonne partie de cette classe, que j’ai interrogée, est en accord avec la version de l’accusée.
Mais au fait, Nathan ne nous dit pas avec quelle version s'accorde le reste de la classe, puisqu'il l'a interrogée
Surtout par une intervention si vague et brumeuse.La principale sourcille :
« Jeune homme, la version du professeur ne peut être remise en cause. »
Si c'est bien le cas, j'ai rarement vu un élève parler avec tant d'insolence à des adultes : un modèle de délégué, effectivement.L’élève est renvoyée
Fin du débat. L’élève sort, on passe à la délibération à huis clos. Exclusion définitive ? Les profs sont pour, l’administration aussi. Un parent intervient, dit que « ça ne fait que déplacer le problème, sans le résoudre », ce à quoi un enseignant répond de manière assez agressive :
« Très bien, on la renvoie pas. Et vous faites quoi si, demain, y’a des parents en pleurs qui viennent vous voir et vous disent : “Julie a frappé mon fils, pourquoi ne l’avez-vous pas renvoyée” ? »
Je prends la parole et demande à mon tour :
« Très bien, on la renvoie, et qu’est ce que vous faites si demain les parents d’un élève de son nouveau collège viennent vous voir en pleurant et vous disent “elle a frappé mon fils, pourquoi vous nous l’avez envoyée” » ?
Bien sûr le sophisme de Nathan ne tient pas compte du fait que l'élève exclue sait à quelle réponse s'attendre du système éducatif avec un tel comportement.
On dirait une scène d'exécution, façon Le Dernier jour d'un condamné...La principale :
« Oui, mais ça ne sera pas dans notre établissement. »
La principale demande l’exclusion définitive au conseil. On vote à bulletins secrets. Grande majorité pour. L’élève est renvoyée.
Les professeurs ont toujours raison
On ouvre la porte, et Julie entre avec ses deux accompagnants.
« Le conseil de discipline a décidé l’exclusion définitive. Vous pouvez faire appel dans un délai de dix jours. »
L’élève accuse le choc. Ferme les yeux. La mère, regarde les profs, les membres de l’administration, les élèves, les parents, la représentante Atoss (personnels administratifs, techniques, ouvriers, de services, médicaux et sociaux). Elle devine comment se sont répartis les votes. Après un bref « au revoir », elle quitte la pièce, avec sa fille.
Cet élève anonyme manque singulièrement d'expérience dans l’Éducation nationale.Les membres du conseil quittent la salle à sa suite. Personne n’ose adresser la parole à l’élève, ou à ses proches. Elle ne fait déjà plus partie du collège. Le dossier est clos. Une mère d’élève déléguée tient quand même à rappeler à la maman qu’elle peut faire appel. Celle-ci secoue la tête.
« Non, je ne veux pas revoir ces gens. Finalement, c’est mieux qu’on s’en aille, on ne veut pas de nous ici. »
Cet exemple, authentique, résume à lui seul la philosophie des conseils de discipline :
les professeurs ont toujours raison ;
on ne peut pas résoudre le problème, autant le déplacer.
Eh oui : il faudrait qu'il soit à égalité face à l'institution.« Faut pas leur faire confiance »
Les conseils de discipline, représentent, pour moi, l’injustice institutionnalisée : l’élève se retrouve seul face à l’équipe pédagogique et administrative (qui a la majorité).
Il ne s'agit pas d'un procès, et donc pas d'un simulacre. L'école, comme la classe, n'est ni une instance judiciaire ni une instance démocratique.Ces gens organisent un simulacre de procès juste et équitable.
Pour des insultes ou des menaces dans l'exercice de ses fonctions, un fonctionnaire est même fondé en droit à déposer plainte. Voilà ce qui a été épargné à Julie.
Alors que Nathan lui ne croit ni les délégués ni le professeur de la classe.Pourtant, ils ont déjà leur idée sur l’accusé, qui est en fait déjà coupable : leur collègue leur a le plus souvent raconté sa version des faits, et pourquoi ne le croiraient-ils pas ?
Ben voyons, chacun sa vérité. Mais comment le professeur a-t-il pu "se sentir" agressé puisqu'il n'a pas été menacé ?Certes, le prof a pu se sentir réellement agressé par l’élève, et a sans doute été choqué par l’incident, mais chacun interprète les faits.
Nathan oublie de nous dire de quelle "connerie" il s'agit et ce qu'ont dit les délégués au conseil de classe...C’est comme ça qu’un élève, Marc, a été renvoyé, même si la version du professeur (qui affirmait qu’il l’avait violemment frappé, sans aucune preuve comme par exemple un certificat médical) était en complète contradiction avec la version de l’élève, et de l’ensemble des trente témoins. En apprenant son exclusion définitive, la classe avait été profondément choquée. Un camarade, visiblement affecté, m’avait alors dit :
« Faut jamais faire une connerie. Faut pas leur faire confiance. C’est comme ça. »
Il ne s'agit pas d'une décision de justice.Marc a eu le courage de faire appel et la commission d’appel a décidé d’annuler totalement la sanction. L’élève a pu réintégrer son collège. La commission d’appel, composée de membres extérieurs du collège, qui ne connaissent que le dossier, a pu rendre justice.
Et si c'est "vrai", il est visiblement rabaissant de demander pardon.La commission d’appel a mis trois mois à rendre justice. J’ai été profondément choqué par cette façon de juger, totalement arbitraire et partiale.
Reconnais les faits, pleure et demande pardon
Je donnerai trois conseils, si un élève qui va passer en discipline lit ces quelques lignes :
reconnais les faits même si c’est faux ;
pleure ;
et demande pardon.
Ça, ça marche.
Nathan oublie qu'une réforme vise à réduire ces conseils depuis 2011, avec les commissions éducatives intermédiaires.Les textes sont formels, le conseil de discipline est là pour délivrer une sanction existant dans le règlement intérieur : travaux d’intérêt général, exclusion temporaire, exclusion définitive avec sursis, exclusion définitive, parfois assortie d’un sursis.
On peut l'espérer, en effet.Il faut juste espérer que le collégien sera suffisamment affecté par la sanction pour ne pas chercher à recommencer.
Que propose donc Nathan ?Quand il s’avère que l’élève risque de recommencer, l’ensemble de la communauté éducative a le même réflexe : « Pas chez nous. »
Alors, exclusion définitive.
Il faudrait savoir : impossible de le savoir ou pas ?De plus en plus éloigné, révolté
Parfois, ça fonctionne : le collégien fait amende honorable et se calme. Impossible de le savoir pour les élèves renvoyés lors des conseils auxquels j’ai assisté, aucun suivi n’est organisé.
Bien souvent, ça ne fonctionne pas.
Il a déjà bien commencé, visiblement. Mais à lire Nathan : la violence de l'élève vient de la violence de l'institution. A aucun moment Nathan ne condamne, dans sa tribune anonyme, le fait de menacer un professeur.Alors, l’élève, trimballé de collège en collège, sera de plus en plus éloigné des institutions. Sera de plus en plus révolté contre ces institutions.
Un élève qui menace un professeur est donc un "élève en difficulté".Ne s’y reconnaîtra plus. Il passera du stade d’« élève en difficulté » à « élève fortement perturbateur ».
C'est son geste qui ne plaide pas pour lui, pas son renvoi.Lorsqu’il arrivera dans un nouvel établissement, tout le monde – élèves, surveillants, professeurs – l’aura déjà marqué du terrible sceau du « semeur de troubles », du « connard qu’ils nous ont envoyés »...
Renvoyer un élève, c'est donc être coupable de ses actes à venir.Peine appliquée à un ancien coupable qui le condamnera à recommencer ses erreurs et à s’éloigner, chaque jour encore plus, de l’ensemble du système.
Quelles autres possibilités, exactement ?Qui sait si un conseil de discipline, extérieur à l’établissement, ayant d’autres possibilités que la sanction, pouvant juger sans passion, serait-il plus efficace... plus juste ?
Et en quoi permettre à un élève de menacer un professeur et de ne pas être renvoyé est-il "efficace" ?
J'ai surtout le sentiment que Nathan appartient à un établissement privilégié. Pour avoir connu plusieurs établissements difficiles, je peux témoigner de la difficulté à aller jusqu'à l'exclusion définitive pour des actes bien plus graves, par obstruction du chef d'établissement. Les menaces rapportées par Nathan conduiraient en effet à un conseil de discipline par semaine, voire plus.
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Et sur le "climat de discipline", l'un des plus mauvais de l'OCDE selon PISA 2012, noter article : "Petite climatologie scolaire" (26/01/14)
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Dans "VousNousIls" du 26/05/14 : "L'interdiction d'accès à l'établissement "à titre conservatoire" autorisée par décret"
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