Autorité et discipline à l'école

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26 Aoû 2013 17:12 - 30 Aoû 2013 15:09 #7192 par Loys
Réponse de Loys sur le sujet Autorité et discipline à l'école
Quelques commentaires.

Nanthan (un pseudo), 15 ans, va entrer en seconde. Délégué de classe en quatrième, il avait assisté à un premier conseil de discipline en tant que témoin – c’est l’anecdote de Marc, qu’il rapporte à la fin de son témoignage. En troisième, il était l’un des deux délégués d’établissement de son collège des Hauts-de-Seine, “d’un bon niveau”, quand il a assisté au conseil de discipline de Julie – tous les prénoms ont été changés.

C'est une une chose très utile qu'il y ait des représentants des élèves de quatorze ans dans les conseils de discipline, mais pourquoi donc n'ont pas encore le pouvoir décisionnel ?

“Choqué” par le déroulement de ce conseil, il a écrit à Rue89. “Ça augmente la défiance des élèves envers l’institution, explique-t-il au téléphone.

C'est vrai que compte tenu de ce qui fait l'objet de ce conseil de classe, on voit que cette défiance est le premier problème de l'école. Nathan n'est visiblement pas "choqué" par le comportement de Julie.

On a un sentiment d’injustice. Je ne veux pas tomber dans la caricature, les profs veulent aussi aider les élèves mais les solutions proposées, c’est punir ou essayer d’éloigner...”

Personne n'a jamais prétendu que l'exclusion définitive était une solution. En attendant, on écoutera avec attention les propositions de Nathan.

Conseil de discipline : Julie est renvoyée et je n’ai rien pu faire

En même temps, une exclusion définitive, c'est simplement une affectation dans un nouvel établissement, pas une peine de mort.

« Donc, reprenons. Pendant la demi-pension, un de vos camarades, Victor, s’est amusé à vous provoquer et vous a poussée. Vous vous êtes battus. La sonnerie a retenti, et vous êtes allés en cours de mathématiques. Mais, pendant la classe, contrairement à Victor qui connaît les limites et qui a su se calmer, vous continuez à l’embêter, voire à chercher à le frapper.

Vous lui criez : “Je vais te frapper à la sortie !”, la professeure vous demande de vous calmer, et vous lui criez : “Toi aussi, je vais te frapper à la sortie.” Ensuite, vous vous enfuyez et nous vous retrouvons en train de pleurer dans un couloir vers 14 heures.

Un fonctionnement normal de classe, quoi.

Reconnaissez-vous les faits, Julie ? »
Julie lève les yeux, secoue la tête. Elle explique qu’elle n’a jamais menacé la prof, qu’elle continuait à parler à l’élève. De toute façon, c’est flou, elle ne se souvient pas bien.

Façon Cahuzac.

Sa mère dit qu’elles sont allées voir un psychologue, que sa fille a parfois des crises graves.
Les délégués élèves de cette classe, présents en tant que témoins, hésitent, puis déclarent qu’ils l’ont plutôt entendu menacer la professeure, mais ils ne sont pas sûrs.

Curieuse hésitation : c'est une chose dont on se souvient pourtant facilement.

La principale continue :
« Très bien, notez que l’élève ne reconnaît pas les faits. »
J’interviens, et explique qu’une bonne partie de cette classe, que j’ai interrogée, est en accord avec la version de l’accusée.

Le version de l'accusée, c'est surtout qu'elle ne se souvient pas bien. Ce que soutient donc Nathan, c'est qu'une "bonne partie" (un quart ? la moitié ?) des élèves (dont les témoignages sont anonymes) n'a pas entendu la même chose que les délégués de la classe et que ceux-ci, avec le professeur, mentent donc sur la réalité des faits.
Mais au fait, Nathan ne nous dit pas avec quelle version s'accorde le reste de la classe, puisqu'il l'a interrogée

La principale sourcille :
« Jeune homme, la version du professeur ne peut être remise en cause. »

Surtout par une intervention si vague et brumeuse.

L’élève est renvoyée
Fin du débat. L’élève sort, on passe à la délibération à huis clos. Exclusion définitive ? Les profs sont pour, l’administration aussi. Un parent intervient, dit que « ça ne fait que déplacer le problème, sans le résoudre », ce à quoi un enseignant répond de manière assez agressive :
« Très bien, on la renvoie pas. Et vous faites quoi si, demain, y’a des parents en pleurs qui viennent vous voir et vous disent : “Julie a frappé mon fils, pourquoi ne l’avez-vous pas renvoyée” ? »
Je prends la parole et demande à mon tour :
« Très bien, on la renvoie, et qu’est ce que vous faites si demain les parents d’un élève de son nouveau collège viennent vous voir en pleurant et vous disent “elle a frappé mon fils, pourquoi vous nous l’avez envoyée” » ?

Si c'est bien le cas, j'ai rarement vu un élève parler avec tant d'insolence à des adultes : un modèle de délégué, effectivement. :shock:
Bien sûr le sophisme de Nathan ne tient pas compte du fait que l'élève exclue sait à quelle réponse s'attendre du système éducatif avec un tel comportement.

La principale :
« Oui, mais ça ne sera pas dans notre établissement. »
La principale demande l’exclusion définitive au conseil. On vote à bulletins secrets. Grande majorité pour. L’élève est renvoyée.
Les professeurs ont toujours raison
On ouvre la porte, et Julie entre avec ses deux accompagnants.
« Le conseil de discipline a décidé l’exclusion définitive. Vous pouvez faire appel dans un délai de dix jours. »
L’élève accuse le choc. Ferme les yeux. La mère, regarde les profs, les membres de l’administration, les élèves, les parents, la représentante Atoss (personnels administratifs, techniques, ouvriers, de services, médicaux et sociaux). Elle devine comment se sont répartis les votes. Après un bref « au revoir », elle quitte la pièce, avec sa fille.

On dirait une scène d'exécution, façon Le Dernier jour d'un condamné... :mrgreen:

Les membres du conseil quittent la salle à sa suite. Personne n’ose adresser la parole à l’élève, ou à ses proches. Elle ne fait déjà plus partie du collège. Le dossier est clos. Une mère d’élève déléguée tient quand même à rappeler à la maman qu’elle peut faire appel. Celle-ci secoue la tête.
« Non, je ne veux pas revoir ces gens. Finalement, c’est mieux qu’on s’en aille, on ne veut pas de nous ici. »
Cet exemple, authentique, résume à lui seul la philosophie des conseils de discipline :
les professeurs ont toujours raison ;
on ne peut pas résoudre le problème, autant le déplacer.

Cet élève anonyme manque singulièrement d'expérience dans l’Éducation nationale. :mrgreen:

« Faut pas leur faire confiance »
Les conseils de discipline, représentent, pour moi, l’injustice institutionnalisée : l’élève se retrouve seul face à l’équipe pédagogique et administrative (qui a la majorité).

Eh oui : il faudrait qu'il soit à égalité face à l'institution.

Ces gens organisent un simulacre de procès juste et équitable.

Il ne s'agit pas d'un procès, et donc pas d'un simulacre. L'école, comme la classe, n'est ni une instance judiciaire ni une instance démocratique. :roll:
Pour des insultes ou des menaces dans l'exercice de ses fonctions, un fonctionnaire est même fondé en droit à déposer plainte. Voilà ce qui a été épargné à Julie.

Pourtant, ils ont déjà leur idée sur l’accusé, qui est en fait déjà coupable : leur collègue leur a le plus souvent raconté sa version des faits, et pourquoi ne le croiraient-ils pas ?

Alors que Nathan lui ne croit ni les délégués ni le professeur de la classe.

Certes, le prof a pu se sentir réellement agressé par l’élève, et a sans doute été choqué par l’incident, mais chacun interprète les faits.

Ben voyons, chacun sa vérité. Mais comment le professeur a-t-il pu "se sentir" agressé puisqu'il n'a pas été menacé ? :scratch:

C’est comme ça qu’un élève, Marc, a été renvoyé, même si la version du professeur (qui affirmait qu’il l’avait violemment frappé, sans aucune preuve comme par exemple un certificat médical) était en complète contradiction avec la version de l’élève, et de l’ensemble des trente témoins. En apprenant son exclusion définitive, la classe avait été profondément choquée. Un camarade, visiblement affecté, m’avait alors dit :
« Faut jamais faire une connerie. Faut pas leur faire confiance. C’est comme ça. »

Nathan oublie de nous dire de quelle "connerie" il s'agit et ce qu'ont dit les délégués au conseil de classe...

Marc a eu le courage de faire appel et la commission d’appel a décidé d’annuler totalement la sanction. L’élève a pu réintégrer son collège. La commission d’appel, composée de membres extérieurs du collège, qui ne connaissent que le dossier, a pu rendre justice.

Il ne s'agit pas d'une décision de justice.

La commission d’appel a mis trois mois à rendre justice. J’ai été profondément choqué par cette façon de juger, totalement arbitraire et partiale.
Reconnais les faits, pleure et demande pardon
Je donnerai trois conseils, si un élève qui va passer en discipline lit ces quelques lignes :
reconnais les faits même si c’est faux ;
pleure ;
et demande pardon.
Ça, ça marche.

Et si c'est "vrai", il est visiblement rabaissant de demander pardon.

Les textes sont formels, le conseil de discipline est là pour délivrer une sanction existant dans le règlement intérieur : travaux d’intérêt général, exclusion temporaire, exclusion définitive avec sursis, exclusion définitive, parfois assortie d’un sursis.

Nathan oublie qu'une réforme vise à réduire ces conseils depuis 2011, avec les commissions éducatives intermédiaires.

Il faut juste espérer que le collégien sera suffisamment affecté par la sanction pour ne pas chercher à recommencer.

On peut l'espérer, en effet.

Quand il s’avère que l’élève risque de recommencer, l’ensemble de la communauté éducative a le même réflexe : « Pas chez nous. »
Alors, exclusion définitive.

Que propose donc Nathan ?

De plus en plus éloigné, révolté
Parfois, ça fonctionne : le collégien fait amende honorable et se calme. Impossible de le savoir pour les élèves renvoyés lors des conseils auxquels j’ai assisté, aucun suivi n’est organisé.
Bien souvent, ça ne fonctionne pas.

Il faudrait savoir : impossible de le savoir ou pas ? :scratch: :roll:

Alors, l’élève, trimballé de collège en collège, sera de plus en plus éloigné des institutions. Sera de plus en plus révolté contre ces institutions.

Il a déjà bien commencé, visiblement. Mais à lire Nathan : la violence de l'élève vient de la violence de l'institution. A aucun moment Nathan ne condamne, dans sa tribune anonyme, le fait de menacer un professeur.

Ne s’y reconnaîtra plus. Il passera du stade d’« élève en difficulté » à « élève fortement perturbateur ».

Un élève qui menace un professeur est donc un "élève en difficulté".

Lorsqu’il arrivera dans un nouvel établissement, tout le monde – élèves, surveillants, professeurs – l’aura déjà marqué du terrible sceau du « semeur de troubles », du « connard qu’ils nous ont envoyés »...

C'est son geste qui ne plaide pas pour lui, pas son renvoi.

Peine appliquée à un ancien coupable qui le condamnera à recommencer ses erreurs et à s’éloigner, chaque jour encore plus, de l’ensemble du système.

Renvoyer un élève, c'est donc être coupable de ses actes à venir.

Qui sait si un conseil de discipline, extérieur à l’établissement, ayant d’autres possibilités que la sanction, pouvant juger sans passion, serait-il plus efficace... plus juste ?

Quelles autres possibilités, exactement ?
Et en quoi permettre à un élève de menacer un professeur et de ne pas être renvoyé est-il "efficace" ?
J'ai surtout le sentiment que Nathan appartient à un établissement privilégié. Pour avoir connu plusieurs établissements difficiles, je peux témoigner de la difficulté à aller jusqu'à l'exclusion définitive pour des actes bien plus graves, par obstruction du chef d'établissement. Les menaces rapportées par Nathan conduiraient en effet à un conseil de discipline par semaine, voire plus. :fur
Dernière édition: 30 Aoû 2013 15:09 par Loys.

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27 Aoû 2013 10:55 #7203 par Top
Réponse de Top sur le sujet Autorité et discipline à l'école
Ce qui me désolé, c'est le tribune donnée à ce "Nathan". Symptomatique de la presse moderne.

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30 Aoû 2013 15:07 #7259 par Loys
Réponse de Loys sur le sujet Autorité et discipline à l'école
Il y a une suite sur "Rue89" du 30/08/13 : www.rue89.com/2013/08/30/conseil-discipl...ve-tout-monde-245253

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31 Aoû 2013 00:03 #7270 par Frist
Réponse de Frist sur le sujet Autorité et discipline à l'école
Poursuivons le "façon Cahuzac" : Il n'y a pas eu insulte, il y a eu échange de mots.

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08 Sep 2013 13:37 #7420 par Loys
Réponse de Loys sur le sujet Autorité et discipline à l'école
A lire dans "L'Express" du 02/09/13 : "Education: "Les élèves difficiles sont trop souvent soutenus par la hiérarchie"" .

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01 Fév 2014 13:02 - 09 Jul 2019 00:03 #9432 par Loys
Réponse de Loys sur le sujet Autorité et discipline à l'école
A lire, ce communiqué de la FCPE : "Quand procédures disciplinaires riment avec exclusions" (26/01/14)

Et sur le "climat de discipline", l'un des plus mauvais de l'OCDE selon PISA 2012, noter article : "Petite climatologie scolaire" (26/01/14)
Dernière édition: 09 Jul 2019 00:03 par Loys.

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15 Mai 2014 21:36 - 15 Mai 2014 21:37 #10516 par Loys
Réponse de Loys sur le sujet Autorité et discipline à l'école
Dans le "Café" du 15/05/14 : "Conseils de disciplines : De nouvelles circulaires en préparation".

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A lire ou relire en relation : www.laviemoderne.net/grandes-autopsies/4...-trait-de-mediatrice
Dernière édition: 15 Mai 2014 21:37 par Loys.

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27 Mai 2014 14:34 #10657 par Loys
Réponse de Loys sur le sujet Autorité et discipline à l'école
Le décret : "Décret n° 2014-522 du 22 mai 2014 relatif aux procédures disciplinaires dans les établissements d'enseignement du second degré "
Dans "VousNousIls" du 26/05/14 : "L'interdiction d'accès à l'établissement "à titre conservatoire" autorisée par décret"

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27 Mai 2014 14:46 #10661 par Loys
Réponse de Loys sur le sujet Autorité et discipline à l'école
Dans le "Café" du 26/05/14 : "Conseil de discipline : Un décret autorise l'interdiction provisoire d'accès à l'établissement" .

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02 Jui 2014 14:36 - 02 Jui 2014 14:39 #10748 par Loys
Réponse de Loys sur le sujet Autorité et discipline à l'école
Dans le "Café" du 02/06/14 : "A quoi sert le conseil de discipline ?"

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Dernière édition: 02 Jui 2014 14:39 par Loys.

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