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L'anti-"déclinisme" : Chroniques d'hier et d'aujourd'hui
- Loys
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Cet article, publié peu avant les résultats de PISA 2018, appelle quelques nécessaires commentaires.
Le titre de l'article donne le ton. Il s'agit moins d'un niveau qui serait mauvais que d'un "grand écart" (dont nous verrons la réalité). A nous d'analyser les invariants d'un discours scolaire qui interdit toute lucidité sur l'école.
Le "déclinisme" contre les bonnes nouvelles de l'école
Pour "Le Monde", les évaluations montrent simplement "un niveau général moyen" : cette formulation relativiste (pas "si mauvais"), outre qu'elle est en réalité bien vague (moyen... par rapport à quoi ?) occulte le plus important : l'évolution des performances car, au fond, la comparaison la plus pertinente est celle du système éducatif avec ce qu'il était il y a seulement trente ans par exemple. Mais curieusement cette évolution sur cette période très précise n'est pas mentionnée dans l'introduction de l'article (elle l'est pourtant dans l'article), si ce n'est pour récuser le constat de cette évolution, qui relèverait d'une "forme de « déclinisme »" : allez comprendre !
Bizarrement, le quotidien bat sa coulpe dans ce "déclinisme" : les médias n'évoqueraient pas assez les nouvelles scolaires positives, comme l'envol du nombre de bacheliers ou la baisse du nombre de décrocheurs. Mais à vrai dire, de si bonnes nouvelles sont en réalité alarmantes quand on les met en regard de l'évolution du niveau : c'est démontrer une volonté délibérée d'occulter cette baisse par une réussite artificielle et factice à tous les niveaux de la scolarité.
Le meilleur exemple est celui de l'évolution en Terminale scientifique, comme nous l'avions montré avec TIMMS 2015 Advanced . Un graphique vaut, en effet, mieux que tous les discours :
Les bonnes nouvelles sont donc plutôt... de sinistres nouvelles.
D'impossibles comparaisons
Les classements sur l'école, comme PISA, n'ont en effet que peu d'intérêt comme nous le disions déjà à propos des éditions 2012 et 2015 : "Pourquoi PISA ne veut rien dire" Mais réfuter, à juste titre, ces classements ineptes - comme fait Stéphane Crochet du SE-Unsa - ne doit pas exonérer d'un regard lucide sur la dégradation plus que préoccupante des performances scolaires en France depuis plusieurs décennies, que précisément PISA ne montre pas réellement.
Si l'on peut tirer quelques enseignements (limités) de PISA, il y a, en effet, bien d'autres évaluations plus pertinentes, nationales et internationales, qui sont d'ailleurs recensées dans l'article du "Monde" et même analysées dans cette section du forum ( "Les grands indicateurs" ) : DEPP, TIMMS, CEDRE, JAPD etc.
"Comparaison n'est pas raison" (avec d'autres pays ou avec notre propre système éducatif passé), affirme la directrice de la DEPP mais il ne faudrait pas qu'une telle précaution vaille refus de comparer. Les tenants (jusque là) du "niveau qui monte" restent d'ailleurs toujours les interlocuteurs privilégiés du "Monde" (cf supra dans ce fil sur l'anti-"déclinisme"), même s'ils n'osent plus que rarement faire leur cette formule. Ils deviennent désormais des champions du relativisme :
Pierre Merle écrit: Le niveau peut monter dans certaines disciplines et baisser dans d’autres. A l’intérieur de chaque discipline, certaines compétences peuvent être moins maîtrisées – par exemple l’orthographe – et d’autres mieux, comme la compréhension de l’écrit. Ces dynamiques s’accommodent mal de diagnostics à l’emporte-pièce.
Si l'on en croit Pierre Merle, qui milite par ailleurs pour la fin de la notation des élèves, tout peut donc s'équivaloir.
Les précautions méthodologiques très vagues ("certaines compétences") et très théoriques ("peuvent") de Pierre Merle sont en réalité assez intéressantes : les compétences en orthographe sont bien moins bien maîtrisées entre 1987 et 2015 à l'issue du CM2 (la dégradation est même saisissante)... tout comme le sont les compétences de lecture entre 1987 et 2007 ( DEPP 2008 ).
Le relativisme de Pierre Merle est donc aussi grave qu'il est atterrant...
Des impressions non fondées ?
Autre forme de relativisme : "tenir à distance l’expérience que chacun a de l’école". L'article évoque alors les années 1960 ou - plus bizarrement pour notre "expérience" - l'école de Jules Ferry, qui serait "en réalité bien plus élitiste qu’on le dit". Le système scolaire était en effet plus élitiste dans son ensemble avant 1975, mais pas dans le primaire.
Le renvoi aux années 1960 ou à Jules Ferry (pour récuser un âge d'or de l'école qui n'a jamais existé) est de toute façon non pertinent : la dégradation des performances dans l'ensemble du système s'observe bien après la démocratisation du système scolaire. Les comparaisons chiffrées dont nous disposons remontent au plus tôt à 1987 ! De ce point de vue, rappeler l'avertissement en 2000 du Haut Conseil de l’évaluation de l’école ("les jugements portés sur le niveau et l’évolution des compétences des élèves sont trop souvent fondés plus sur des impressions, voire des souvenirs personnels, que sur des données objectives") est assez cocasse : toutes les évaluations négatives ont été publiées en effet... après 2000 ! Les enseignants qui constataient dans leurs classes la dégradation du niveau ne se fondaient pas que sur des "impressions" et étaient plus lucides que ce Conseil chargé d'évaluer l'école...
Un "grand écart"... qui n'a rien de nouveau
On trouve aussi un relativisme plus récent et plus subtil : l'accent mis sur les inégalités (le "grand écart" du titre), pour faire oublier une dégradation... générale.
Bien sûr, les inégalités existent et sont un grave problème, mais elles ne s'aggravent pas nécessairement, comme on le constate dans quatre domaines sur cinq renseignés dans l'infographie du "Monde" (anglais, sciences, histoire-géographie) en se fondant sur les études CEDRE : on constate même que le "grand écart"... diminue en fin de primaire en français entre 2003 et 2015 (le ministère parle d'un "resserrement des performances" ! En réalité, le "grand écart" ne se creuse que dans un seul domaine entre 2008 et 2014 : en mathématiques.
En affirmant que "l’école française sait propulser vers les scores les plus élevés" les bons élèves, on se trompe donc grandement, comme en atteste l'effondrement du niveau en Terminale scientifique (TIMMS 2015 Advanced cf supra). Non, ce n'est pas seulement l'écart de réussite "qui doit retenir notre attention" si l'on veut comprendre les difficultés de l'ensemble de notre système éducatif. L'article cite d'ailleurs Stanislas Dehaene à propos des mathématiques en CM2 : "Les meilleurs élèves d’aujourd’hui sont au niveau des pires d’hier". L’école française ne sait même plus propulser les bons élèves vers les scores les plus élevés.
Un constat... sans cause
Évoquant de même les difficultés en orthographe à l'issue du primaire, l'article mentionne curieusement "une langue réputée parmi les plus compliquées" : elle n'a pourtant guère changé en trente ans ! De même en mathématiques, additions et divisions seraient-elles devenues plus compliquées en 2017 qu'en 1987 ? Du moins l'article rend-il compte de la dégradation objective des compétences des élèves à l'issue du primaire avec cet intitulé très relativiste : "des points... de vigilance". Comment l'article en arrive-t-il dès lors, malgré l'effondrement - un taux de réussite divisé par deux à propos des divisions, par exemple -, à affirmer que le niveau n'est pas "si mauvais" ?
"L’école accueille des profils d’élèves très différents d’il y a vingt ans" observe une directrice : le propos est vague et peine à convaincre du seul point de vue sociologique. A moins qu'il ne s'agisse d'évoquer la ségrégation scolaire de plus en plus marquée entre le privé et le public, ou bien le rapport plus général entretenu par les parents avec l'école, ou encore le rapport entretenu par les enfants avec les écrans, ce qui peut convaincre davantage, en effet... mais pas que le niveau n'est pas "si mauvais" ! Ces éléments ne sont pas le moins du monde évoqués dans l'article, non plus que les âpres débats pédagogiques qui opposent les enseignants, car il y a bien des pédagogies plus efficaces que d'autres, mais pas celles qui, comme le constructivisme, ont été imposées dans les écoles/instituts de formation des enseignants depuis trente ans, bien au contraire.
On a désappris à enseigner.
Lire, écrire, calculer : à quoi bon ?
L'article du "'Monde" devient alors problématique, voire coupable, non seulement en passant ces questions sous silence mais en donnant la parole - après Pierre Merle - à des acteurs de l'école bien particuliers, tous rattachés à une même mouvance pédagogique pseudo-progressiste, qui a d'ailleurs sa responsabilité dans le naufrage pédagogique qui est le nôtre..
D'abord à une autre directrice d'école : "Est-ce si grave de ne pas savoir, à 11 ans, le passé simple sur le bout des doigts ? Ou de ne maîtriser l’accord du participe passé qu’à 12 ans ?" Il ne s'agit plus de montrer que le niveau n'est pas "si mauvais" mais que ce n'est pas grave ! Caractéristique de ce déni : les exemples pris (participes passés, passé simple) sont des caricatures des difficultés en réalité bien plus élémentaires des élèves : l'accord du sujet avec le verbe, par exemple.
Puis à un professeur de collège à Lyon qui va plus loin que Pierre Merle :
L'argument des autres ou des nouvelles compétences permet en effet de relativiser un niveau très mauvais qu'il n'est plus question de nier. Il s'agit tout simplement d'en relativiser l'importance, quitte à tenir - au nom de la modernité - des propos atterrants : "Au XXI siècle" des compétences comme lire, écrire ou calculer ne seraient donc plus fondamentales. Comment des éducateurs peuvent-ils en arriver à souscrire à de telles aberrations?On se focalise sur le lire-écrire-compter, souligne un professeur de collège à Lyon. Sans contester leur importance, n’est-il pas temps de requestionner les compétences au XXIe siècle ? Certains de mes élèves, même à 14 ans, peinent encore sur les divisions, reconnaît-il. Mais ils peuvent me surprendre dans les liens qu’ils tissent entre les disciplines ou dans leur prise de parole.
Dans la même mouvance pédagogique, Claude Lelièvre dénonce des inquiétudes non fondées : "Aujourd’hui, l’orthographe, le calcul, l’histoire sont devenus des “totems” sur lesquels se reporte la peur de l’avenir". Il s'agit encore une fois de récuser les "fondamentaux" et de convoquer d'autres compétences (l'histoire-géographie, l'anglais, l'informatique) dans lesquelles le niveau ne serait pas "si mauvais" (en réalité le niveau des meilleurs élèves a baissé en histoire-géographie et en sciences, selon CEDRE, et n'a progressé en anglais qu'à l'oral : il a baissé à l'écrit).
A vrai dire, si l'attention publique se focalise sur ces "totems" (irrationnels donc pour M. Lelièvre), c'est bien parce qu'il semble proprement incroyable que l'école ne parvienne même plus à assurer une mission d'instruction fondamentale.
Ainsi les mêmes qui prônent une fondamentale éducation aux médias à l'école trouvent en revanche peu fondamental de savoir lire ou calculer. On ne peut être qu'horrifié d'entendre un tel discours relativiste, présenté d'ailleurs comme général par l'article ("c’est dommage, soufflent les enseignants" : non, certains enseignants particuliers, promoteurs d'une conception pseudo-progressiste de l'école et de la pédagogie).
L'article se termine d'ailleurs par une revendication classique de cette mouvance pédagogique : renverser le statut de l'erreur dans le système scolaire, qui expliquerait les non-réponses des élèves dans les évaluations internationales et donc les résultats décevants. Comme pour la langue ou les opérations mathématiques, on a du mal à comprendre en quoi le statut de l'erreur deviendrait plus problématique aujourd'hui qu'hier. Des systèmes éducatifs bien plus sévères de ce point de vue (en Asie) obtiennent des résultats bien meilleurs dans les évaluations internationales...
En résumé : dans cet article, la baisse du niveau a été relativisée, les vraies causes occultées et les responsables du désastre consultés pour proposer les mêmes "solutions". Bref, le niveau ne monte pas, bien au contraire... mais finalement tout va bien !
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- Loys
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Militer pour une école qui fonctionne mieux (comme celle de 1987 par exemple), c'est - très logiquement - être opposé au progrès et être élitiste. Les pseudo "progressistes", grandement responsables de la dégradation sans précédent que nous connaissons depuis plusieurs décennies, continuent leur hold-up d'un "progrès" scolaire dont ils seraient les seuls promoteurs.
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- Loys
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On voit que le texte d'une dictée des années 20 encourageait les petits paysans à rester à leur place. Et non, leur orthographe n'était pas irréprochable. (Cahier d'écolier appartenant à mon grand-oncle Charles).
Curieuse induction de niveau collectif ("les petits paysans", "leur orthographe") à partir d'une copie particulière. Classe non indiquée mais orthographe bien meilleure que dans des copies de bac...
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- Loys
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Une façon de dire sans le dire que le niveau ne baisse pas.[...] on peut ergoter longtemps sur ce qu'est le "niveau" qui est quelque chose de très fluctuant tout comme la notation (il n'y a pas un "10" étalon déposé au pavillon de Sèvres). [...] Le "niveau" est une notion très relative…
C'est donc une réussite au bac (le niveau) et un échec à Parcoursup (les vœux d'affectation) : Philippe Watrelot ne s'interroge pas sur la disjonction entre les deux. Rappelons que Philippe Watrelot a applaudi la mise en place de Parcoursup.Riss et bien d'autres sont dans le mythe d'un bac qui serait toujours le rituel qu'ils ont connu. Ils pensent que le fait de "trop faire réussir au bac" ne confronte pas à l'échec. C'est faux ! Le prof de Terminale que je suis peut dire que l'échec est bien présent et qu'il est plus insidieux : il est dans les refus sur ParcoursSup que se prennent dans la figure mes élèves dès le mois de mai... J'ai aussi écrit sur le caractère très opaque des critères de ParcourSup et la nécessité de s’en préoccuper mais c'est là encore un autre sujet.
Fustiger le déclinisme, c'est bien postuler la réussite de l'école et la hausse du niveau.Il y en a un peu marre de ces polémiques construites par des vieux "scrogneugneux" déclinistes…
On ne peut ensuite qu'être d'accord : l'échec scolaire est aussi en grande partie un échec social. Mais il y a aussi des pédagogies qui sont responsables d'un échec qui était moins marqué en 1987.
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- Loys
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Faire barrage au fascisme
En tout cas, le lien est fait : le climat engendré par les pratiques éducatives de l’extrême droite, on le connaît, or ces pratiques éducatives passent par des éléments précis, qu’on retrouve dans le texte de l’appel : “maîtrise des savoirs fondamentaux”, “faiblesse du niveau des élèves”, “inanité des innovations pédagogiques”, les “hussards noirs”, les “méritants”, l’ “excellence” tout y passe.
D’une certaine façon, cette tribune nous rend service : les éléments de langage dont elle est gavée ne nous sont pas inconnus, et ne sont pas réservés aux courants d’extrême droite. Ils forment même une vulgate omniprésente dans le discours sur l’éducation, y compris à l’intérieur de la machine, parmi des collègues pourtant insoupçonnables idéologiquement. Ne faudrait-il pas en profiter pour, enfin, réfléchir aux étranges exigences que nous avons parfois trop intériorisées sur l’école, en se demandant, chaque fois, quelle est l’autre face. L’excellence, c’est l’exclusion, même l’étymologie en témoigne. Faire monter les élèves méritants, soit, mais, sans même parler des ambiguïtés de ce fameux mérite, celleux qui ne sont pas méritant·es, on en fait quoi ?
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- Loys
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La dégradation des compétences des élèves ne serait donc qu'"une idée reçue" ?
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- Loys
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A tout prix, il faudrait désormais convaincre les électeurs que la France du général de Gaulle ou celle de Michel Sardou était un pays heureux et prospère, un paradis perdu qu’il s’agirait de recréer. Que les archives de l’INA et les photos de nos vieux albums reflètent une société insouciante, où un emploi attendait chacun, où les familles communiaient devant leur poste de télé, où les professeurs étaient considérés et la France respectée dans le monde.
Que chacun, au fil des ans, puisse être enclin à se pencher sur des épisodes de son passé n’a rien de nouveau et s’explique parfaitement. La « distorsion nostalgique », qui consiste à embellir ce qui est révolu par le jeu d’une mémoire sélective, est un phénomène humain, constate Christophe André. Le psychiatre opère une distinction entre cette perception subjective, émotionnelle et la réalité historique, attestée par les statistiques, qui veut que le monde progresse dans tous les domaines (santé, éducation, paix), même si c’est avec des à-coups et très inégalement.
Difficile de comprendre la logique de Philippe Bernard : pourquoi prendre des boucs émissaires quand les problèmes n'en sont pas ? comment l'explication psychologique de la nostalgie touche-t-elle des jeunes "confrontés au chômage, à la précarité, à la fracture urbaine et aux inquiétudes climatiques" ?
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- Loys
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Le point de départ de l'article : des candidats réactionnaires de droite ou d'extrême-droite (et d'extrême-gauche : ce n'est pas clair) à la présidentielle pointent le déclin scolaire de la France. Il s'agit donc de relativiser "les propos déclinistes", "la rhétorique du déclin", "la petite musique décliniste", la "complainte" du "c'était mieux avant" (et tout ce qui ne relèverait donc que d'un discours dépourvu de toute réalité).
A ces "Cassandre" (dans la mythologie Cassandre était condamnée à prédire l'avenir sans jamais être crue...), l'article oppose les candidats qui mettent "en sourdine le refrain du niveau" et proposent des pédagogies alternatives, ce qui semble étonnant puisque le niveau serait satisfaisant.
L'article se réfère d'abord au précédent de Baudelot et Establet, Le Niveau monte (1989). Et effectivement il s'inscrit dans le même déni : si on dénonçait le déclinisme en 1989, c'est qu'on peut le dénoncer de la même façon en 2022. Le raisonnement - le discours sur la baisse du niveau a toujours existé donc la baisse du niveau n'existe pas - laisse perplexe : comme si crier au loup supprimait l'existence du loup.
Si l'article reconnaît que ce discours gagne "tous les cercles" politiques, il n'en tire aucune conclusion sur son éventuelle réalité. Ceux qui tiennent ce discours sont - encore et toujours - caricaturés comme les tenants d'un âge d'or de la IIIe république.
L'article concède l'existence d'"une crise de l'école [...] désormais documentée" mais c'est pour mieux la réfuter immédiatement : pas de "déclassement" ou de "dégringolade" mais ce seul constat qu'elle "peine à compenser les inégalités". Et de saluer les réussites, pourtant très artificielles, de l'école actuelle : "la progression continuelle du nombre de bacheliers" ou la baisse (tout aussi artificielle) du taux de décrochage. On pourrait ajouter les taux de mentions records au brevet ou au baccalauréat : le niveau monte en effet !
Mais, curieusement, ces indicateurs nationaux enthousiastes ne semblent pas satisfaire l'auteur de l'article, qui détaille longuement les résultats des évaluations internationales PISA : les résultats sont dans la moyenne, les écarts se réduisent. Et tant pis si les compétences évaluées chez des lycéens sont des compétences très limitées, de niveau primaire et dans trois champs seulement : PISA ne permet pas d'évaluer le niveau scolaire de nos élèves vis à vis de nos attendus scolaires, simplement de comparer des compétences de base entre pays. Il est d'ailleurs amusant que les résultats moyens et stables des élèves français dans PISA depuis 2000 servent aussi bien les discours qui dénoncent la baisse du niveau que son déni.
Mais le plus amusant est à venir. L'article évoque néanmoins d'autres enquêtes (PIRLS, TIMSS, Cèdre…) où apparaissent "de nouvelles faiblesses" :
"des voyants au rouge" en fin de primaire en français et en mathématiques, "un plongeon" à l'avant-dernière place des pays de l'OCDE en mathématiques en fin de collège : rien d'alarmant en effet, et un discours décliniste décidément dépourvu de toute réalité ! On aurait pu ajouter la dégringolade internationale des résultats de mathématiques et de physique en Terminale scientifique (TIMSS), rigoureusement opposée de la progression fulgurante... des mentions au baccalauréat scientifique.En fin d’école primaire, en mathématiques comme en français, les voyants sont au rouge. Pour une dictée équivalente d’une dizaine de lignes, les élèves de CM2 ont fait, en 2015, 17,8 erreurs, contre 14,3 en 2007, et 10,6 en 1987.
Additions, soustractions, divisions, résolution de problèmes mettent aussi à la peine nombre d’enfants de cet âge. Ou plus âgés : l’enquête TIMSS, réalisée en mai 2019 sur un échantillon d’élèves de CM1 et de 4e, a révélé une stabilité des résultats des écoliers mais un plongeon des collégiens, passés au dernier rang des pays de l’Union européenne et à l’avant-dernier des pays de l’OCDE.
Et, de fait, l'article relativise ces reculs en les circonscrivant à des "totems" disciplinaires (l'expression est de Claude Lelièvre) "sur lesquels la nation concentre son angoisse scolaire" ce qui a pour effet de "nourrir la machine à polémiques". Et l'article de les relativiser avec des bonnes nouvelles qui les contrebalanceraient, comme "le niveau en culture numérique ou en langues vivantes".
L'article se termine bizarrement avec un autre "niveau" : celui du recrutement et du salaire des enseignants (et d'autres indicateurs sur les ressources humaines et les dépenses d'éducation). Au passage, l'article mentionne des conditions de travail plus difficiles en France (bruit et désordre en classe, temps perdu au maintien de l'ordre).
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- Loys
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Je vais vous dire pourquoi ce genre de tweet me donne envie de foutre la feu à une salle des profs. Déjà parce qu'ils ne servent à rien, ne démontrent rien et ne politisent rien. C'est juste du bashing "ouin ouin les élèves sont cons" qui n'a aucune utilité à part donner du grain à moudre aux réacs qui en profitent pour pleurer sur l'effondrement fantasmé de notre civilisation Ensuite parce qu'il montre juste (grâce aux lumières des linguistes qui commentent) la stupidité de ce qu'on demande à nos élèves.
"quoi tu sais pas conjuguer un verbe au futur simple alors que tu l'as presque jamais entendu à l'oral ? Et je devrais être bienveillant ?" Bref, si vous voulez critiquer une baisse de niveau bougez vous le cul pour demander des moyens, parce qu'en attendant on est un corps de 800k personnes qui se fait serpiller depuis 30 ans et c'est pas en affichant nos élèves sur Twitter qu'on changera la donne. Je rappelle d'ailleurs que nos élèves ne reflètent scolairement que ce qu'on leur offre, ni plus ni moins. Et que élèves dans le même contexte, on produirait les mêmes résultats.
Alors soufflez un coup, arrêtez de prendre les "perles" de vos élèves en photo et prenez ce que cette génération a à vous offrir. Parce que y a deux trois collègues qui gagneraient à considérer leurs élèves comme des êtres doués de raison. (au hasard faites ce qu'iels vous demandent et arrêtez de faire la police du vêtement dans vos bahut, par exemple)
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Arrêtons d'exhiber les travaux de nos élèves pour se foutre d'elleux. Éthique niveau 0! Comprenons que la langue française est fabriquée pour ne pas être accessible à toustes! Les élèves sont censés apprendre avec nous. C'est notre métier! Vous foutez la honte les collègues!
Et si un élève arrive au lycée sans maitriser certains savoirs (tant mieux si vous les maitrisez), on fait quoi? On le laisse dans sa galère et on exhibe ses erreurs sur internet? On le vire de l'école? Ou on lui file un coup de main? Je ne comprends pas cette idée qu'il y aurait des moments pour apprendre et si on les rate, c'est foutu. on peut apprendre tout au long de la vie non?
Alors pourquoi ne pas aider à comprendre/apprendre les principes de la conjugaison en 2nde, à la fac ou même à 75 ans?
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