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Enseigner l'informatique à l'école
À force de vouloir mêler à tout prix torchons et serviettes dans de fumeuses activités inter-trans-pluridisciplinaires, certains en arrivent à des rapprochements qui confinent à l'absurde ou à la poésie surréaliste...
Certains rapprochements artificiels ou ubuesques devraient interroger, et pourtant non...
D'un point de vue rationnel, c'est assez déroutant...
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Pourquoi avoir choisi d'initier les élèves au code informatique plutôt que de leur donner une culture générale du numérique, plus large?
Réfléchissons a contrario. Ne pas initier les élèves au code, c'est leur donner des outils informatiques sans qu'ils sachent comment cela fonctionne. C'est ne pas émanciper les élèves. Or, l'émancipation est une mission fondamentale de l'école. A terme, ce sont les outils numériques et les grands entreprises du secteur qui risquent de diriger nos vies à l'heure où l'on confie ces dernières (nos données personnelles, nos recherches, nos codes, notre intimité...) aux ordinateurs et aux applications.
Pour ne pas être dominé par la machine, il faut dominer la machine, c'est la condition de l'autonomie. Et coder, c'est dominer la machine. Il faut vraiment considérer le code comme un langage. Enfin, quel que soit le métier exercé demain par ces enfants il y aura une part de numérique. Autant créer chez eux les réflexes et la curiosité pour aller plus loin.
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L’éducation nationale a-t-elle saisi les enjeux de l’enseignement de l’informatique ?
Je n’en suis pas certain. L’objectif premier de cet enseignement n’est pas de former des informaticiens, c’est de former des citoyens conscients de ce qu’est l’informatique, des mécanismes de pensée et des évolutions de pratiques que cela suppose. Et de découvrir un art qui a emmené l’humanité sur les chemins d’une révolution. Tous nos enfants doivent apprendre la Révolution française en classe d’histoire, car cela a joué un rôle majeur sur le pays dans lequel nous vivons ; de même, tous nos enfants doivent apprendre ce que c’est qu’un programme informatique, car cela a changé la marche du monde. Et le meilleur âge pour apprendre cela, c’est quand on est jeune et que la programmation est un jeu. Initiation à la programmation pour tous, dès l’âge de 10 ans : voilà ce qui serait une ambition appropriée au sujet.
Le plan Numérique, doté d’1 milliard d’euros sur trois ans, ne suffit-il donc pas ?
Le plan Numérique qui se déploie à la rentrée financera notamment l’équipement en tablettes des élèves de 5e. Mais pour l’informatique comme champ disciplinaire, il n’y a pas grand-chose. Des tablettes, les élèves en ont à la maison ! Savoir se servir d’une tablette, ce n’est pas cela l’enjeu : un enfant un tant soit peu curieux apprendra cela tout seul, sans aide. En éducation, l’enjeu, c’est d’apprendre à penser, ce qui est bien plus difficile. Très peu d’enfants auront la possibilité d’apprendre l’informatique, l’algorithmique en famille. C’est le rôle de l’école. De la même façon que l’on apprend l’art des démonstrations mathématiques à l’école plutôt qu’en famille. Ce n’est donc pas pour des tablettes que l’éducation nationale doit donner de l’argent : la valeur ajoutée de l’école est dans la relation cruciale enseignant-élèves.
Il faudrait donc créer un Capes d’informatique ?
Dans l’absolu, ce serait certainement très bien. Mais en termes de démographie des enseignants, créer un Capes d’informatique maintenant, d’un coup, serait intenable. Pour pourvoir aux besoins, on dit que l’éducation nationale devrait recruter uniquement sur cette discipline pendant trente ans… Ce n’est donc guère réaliste. Pour combiner ambition et réalisme, on pourrait imaginer une période de transition avec un Capes de mathématiques où il y aurait une option informatique, puis des situations plus mélangées ensuite, allant vers une spécialisation. À cet égard, on peut s’inspirer, soit pour la période transitoire, soit pour le long terme, de l’enseignement professionnel, où la bivalence des professeurs a été maintenue.
N’oublions pas non plus que les maths sont la discipline la plus touchée par la pénurie de candidats et que la pyramide des âges des enseignants n’est pas favorable. Il est très dur de faire une politique de ressources humaines quand on est en situation de pénurie, et c’est exactement ce qui nous arrive.
Le manuel d’informatique à destination des enseignants que publie la Fondation La main à la pâte* peut-il répondre aux attentes [lire encadré] ?
Il y avait de nombreux manuels individuels pour apprendre à programmer ; moi-même je me souviens d’en avoir étudié plus d’un. Mais il n’y en avait aucun pour donner aux enseignants une méthode pédagogique. Cela comble un créneau véritable. Ce qui explique le succès aussi foudroyant du projet “1, 2, 3… codez !” : 9 400 enseignants sont déjà inscrits sur un projet de formation [lancé par l’Académie des sciences, ndlr] il y a quinze jours seulement. L’objectif était de 10 000 enseignants en deux ans, il a été atteint en deux semaines !
Au-delà du codage lui-même, quel peut être l’apport de l’informatique pour les élèves ?
Évidemment, l’informatique se fait majoritairement sur un ordinateur. Mais ce qui compte, c’est la démarche de l’algorithmique, de la mise en programmation de la réflexion structurée, à laquelle on peut s’initier, même sans ordinateur. On est à l’opposé d’une conception qui a envahi le monde de la pédagogie de manière un peu pernicieuse, selon laquelle “on va habiller la pédagogie de numérique pour la transmettre aux enfants”. Cette vision a fait son chemin, même dans les déclarations du Président Obama. Or après quelques années de ce régime, on voit qu’il n’y a guère de gain pédagogique à cet ajout d’une couche numérique (cela a été bien analysé par l’OCDE, dans une étude datant de la fin 2015). Mais la démarche dans laquelle s’est investie La main à la pâte, c’est de comprendre le cœur de la démarche de programmation, et cela tient du raisonnement et des habitudes mentales. Finalement, ce n’est pas l’outil numérique qui compte le plus, c’est bien l’enseignant. Ce n’est pas la familiarité avec la machine, mais l’habitude de la démarche, de la réflexion, de la pensée informatique. En outre, je le répète, c’est une aventure intellectuelle passionnante.
Il existe donc une “pensée informatique” ?
Bien sûr. Sans elle, on n’aurait jamais pu mettre en œuvre les algorithmes qui sont si utiles dans tous les secteurs de l’informatique. Les révolutions techniques sont toujours précédées de révolutions conceptuelles, et ce sont ces dernières qu’il est difficile et important de saisir. En même temps, mathématiques et informatique sont très liées. Pour les mathématiciens, l’informatique est une belle caisse de résonance pour illustrer des concepts : vous pouvez programmer telle fonction mathématique et jouer avec. Mais plus encore, le simple fait de s’entraîner à l’esprit de programmation vous apprend à structurer votre pensée. Vous vous posez la question sur le statut des objets : où est la variable, où est la fonction ? Quel rôle ont-ils les uns par rapport aux autres ? C’est de la logique, c’est presque une question de grammaire.
Poincaré prônait l’enseignement du latin pour tous, pour apprendre à penser. L’informatique, c’est encore mieux que le latin dans cette optique : parce qu’il n’y a pas d’exceptions, parce que la structure d’un programme est en gros celle d’une démonstration mathématique, mais aussi parce que, en programmation, l’élève peut essayer et recommencer, améliorer, se corriger lui-même — si le programme ne fonctionne pas, c’est qu’il est faux ! Alors qu’en maths, si votre démonstration est fausse, vous n’avez guère de moyens de le voir par vous-même, vous avez besoin du regard de l’enseignant.
L’algorithme d’Admission post-bac (APB), lui, n’a pas précisément la réputation d’être pur et parfait…
Une admission, c’est très multifactoriel et il est normal que ce soit résolu avec un algorithme ad hoc, avec des recettes de cuisine. Mais vouloir un système parfait, ce serait un leurre. Briser le côté très directif de l’ensemble du système français n’est pas une mauvaise chose : il est normal qu’il y ait des situations laissées sans déterminisme. De plus, l’algorithme est indispensable car le volume à traiter est énorme. Mais il est améliorable, c’est vrai, en ce qu’un regard humain doit pouvoir venir par-dessus le logiciel pour examiner des recours et donner plus de droits à l’humain. C’est une question délicate parce que l’on dira “si l’algorithme a fait cela, de quel droit modifierait-on le résultat ?” Il faut réfléchir à cela. Des gens m’écrivent pour me signaler des situations aberrantes dans l’algorithme APB. Certains cas sont simplement révoltants. Des cas hors norme, où on se dit qu’il pourrait y avoir un peu plus de marges de manœuvre au niveau humain. J’imagine que cela s’améliorera progressivement.
Propos recueillis par Soazig Le NevéUn manuel pour apprendre aux profs à enseigner l’informatique
“C’est un outil clé en main pour les enseignants qui n’ont jamais fait d’informatique”, expose l’un des auteurs de 1, 2, 3… Codez !, David Wilgenbus, formateur et responsable de la production de ressources à la Fondation La main à la pâte, portée par l’Académie des sciences. “Les professeurs n’ayant pas de formation en informatique, il fallait trouver des outils pédagogiques.” Avec ce nouveau projet, associé à une offre de formation à l’enseignement de l’informatique, La main à la pâte vient combler “une carence” dans la formation initiale et continue des professeurs, que l’éducation nationale a bien du mal à organiser, tant “le corpus d’enseignants à former est gigantesque”.
Il y a vingt et un ans, l’Académie avait lancé l’opération La main à la pâte après avoir constaté que seuls 3 % des enseignants du primaire enseignaient les sciences à leurs élèves. “On estime que 50 % des enseignants de primaire pratiquent des sciences aujourd’hui, précise David Wilgenbus. On a donc fait la moitié du travail. Il reste l’autre moitié à toucher et c’est le plus difficile.” L’apparition de l’informatique dans les nouveaux programmes scolaires est aussi une formidable opportunité pour inciter les enseignants à faire des sciences tout court.
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Trois remarques sur cette "réflexion" aussi provocatrice que saugrenue :Loys écrit: Clé utilisateur/ secrète de la configuration non valide
1. "hacker" signifie stricto sensu "pirater", autrement dit "voler". Faut-il être pirate ou voleur pour ne pas être "analphabète" dans le monde moderne ? Étrange éthique...
2. Que peut signifier "savoir coder" dans ses traductions scolaires ? Écrire quelque lignes de commande-machine dans un langage basique pour déplacer une brique sur un écran ? C'est comme savoir dévisser-revisser un écrou en mécanique... On est bien loin du démontage-remontage d'un moteur !
3. Enfin, quel rapport y a-t-il entre "savoir coder et hacker" et les "idéaux démocratiques" ? Là, il y a franchement de quoi s'interroger...
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Stricto sensu, «hacker» ne signifie justement pas du tout «pirater». Un hacker est un bidouilleur, un bricoleur passionné qui va comprendre comment fonctionne un système afin de se l'approprier. Si récemment le terme est de plus en plus utilisé comme un mauvais synonyme de «pirate informatique», ce n'est pas son sens premier, particulièrement il y a quarante ans. Ce glissement est dû à ce que les pirates sont des hackers, mais la réciproque n'est pas vraie. Puis vous glisser de pirate à voleur, ce qui est non-sens et d'une mauvaise foi terrible. Si les activités d'un pirate sont répréhensibles, illégales, et dans la grande majorité peu morales, ça n'a rien à voir avec du vol.1. "hacker" signifie stricto sensu "pirater", autrement dit "voler". Faut-il être pirate ou voleur pour ne pas être "analphabète" dans le monde moderne ? Étrange éthique...
Après je pratique le code depuis 20 années et ne me considère pas comme un «hacker». Et la citation (est-elle apocryphe?) est fortement discutable dans son absolutisme. On peut certes remettre en cause le détournement des pensées de Flusser: Non seulement le visage et la manière dont fonctionne l'informatique aujourd'hui a pris une direction que peu de penseurs avaient anticipé. L'informatique s'est adaptée pour que tout le monde y ait accès sans connaissances très avancées. Quand au «code» qui ressort souvent chez Flusser, il est plus question des connaissances, règles et conventions d'un domaine plutôt que de «programmation informatique»
Le lien aux «idéaux démocratiques» est effectivement faible. Si je suis d'accord qu'une meilleure compréhension de l'informatique est un plus pour la démocratie. Mais c'est vrai pour bien d'autres domaines, sûrement plus déterminants: qui dans la population y comprend quelque chose aux: systèmes monétaires, financiers, sociologie, systèmes juridiques, législatifs, etc.
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Ce que je veux dire c'est qu'il n'est pas rare de voir des personnes, particulièrement ceux qui baignent dans l'informatique ( tools.ietf.org/html/rfc1392#page-21 ), utiliser ce terme sans la connotation péjorative que lui prêteront des journalistes. Cette connotation étant plutôt réservée à «cracker»
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