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Inégalités... et discriminations "scolaires"
Une autre explication provient du fait que les populations d'origine immigrée, qui constituent désormais massivement les classes populaires, ont un niveau scolaire fortement inférieur à ce que l'on constate dans les pays comparables, phénomène attesté par les statistiques de l'OCDE. Il ne semble pas aberrant qu'il y ait alors un effet statistiquement exponentiel d'enfermement culturel (pauvreté+immigration+illettrisme) alors que les comparaisons internationales (PISA en tout cas) n'envisagent que des effets cumulatifs.Loys écrit:
La ségrégation résidentielle et le financement de l’enseignement privé ségrégatif ?Sinon, comment expliquer les records d'injustice que bat la France ? Notre système éducatif est l'un des plus inégalitaires de l'OCDE. Rares sont les pays développés où les résultats scolaires des élèves sont aussi fortement déterminés par leur origine sociale. Oui, cette prouesse froisse sévèrement notre ego républicain. Elle laisse pantois, aussi : qu'a-t-on fait pour produire cela ?
Surtout, il y a ici une confusion entre "relever le niveau général" et "relever le niveau des plus faibles". Je ne connais pas d'étude fiable permettant d'affirmer que mélanger les élèves permet de relever le niveau général. Il y a bien quelques articles (dont un de Duru-Bellat) datant de plusieurs années et portant sur des années encore plus vieilles, mais ils souffrent tous d'une difficulté épistémologique fondamentale.Pas d'enseignement privé en Finlande. La Norvège et la Suède ne sont pas des modèles, si l'on en croit PISA.Le meilleur moyen de relever le niveau général ? Toutes les études sont formelles, il faut mélanger les élèves, comme le font les Scandinaves...
Il est en effet très difficile de dire ce qu'est le niveau général d'une classe d'age : si je permets à Jean de passer au dessus de la moyenne à une dictée d'un vieux recueil du certificat d'étude, est-ce que je peux le rendre commensurable, dans le niveau générale, avec le fait que Jacques devient capable de lire Ovide en VO ? La moyenne PISA est déjà très problématique, même si les comparaisons y ont un sens, mais comment dire que monter de dix points les 10% les plus faibles équilibre une baisse de 10 points des 10% les plus forts ?
De toute façon, les quelques études récentes que j'ai pu lire évitent de traiter sérieusement la perte de chance que constituent les mauvais élèves pour leurs condisciples, pour estimer si ces pertes sont compensées par un gain.
Totalement faux. Plusieurs résultats, déjà anciens, montrent le contraire. L'optimisation scolaire règne à Rueil, ou à Paris VIIIe, et bien plus rigoureusement qu'ailleurs.Rectifions : toute la France n'est pas engagée dans une quête effrénée de l'établissement socialement compatible. Dans les beaux quartiers, où l'on vit en vase clos, la carte scolaire — qui contraint les élèves à intégrer l'école de leur secteur — préserve de toute « invasion barbare ».
Ce qui la rend accessible au plus grand nombre. Faudrait-il ne l'autoriser qu'aux riches ?Avec plus d'un élève sur cinq, la ségrégation de l'enseignement privé est d'autant plus intolérable qu'elle est financée par l'EtatMais surtout on maîtrise mal les combines qui permettent de contourner les règles.
Tu voudrais la supprimer, mais les parents y sont massivement attachés : même pour des parents d'enfants scolarisés à 100% dans le public, le privé apparaît comme une sécurité, la bouée de sauvetage si le système public devient trop inhumain.Des stratégies d'évitement diverses : mais il serait facile de contrer l'une d'entre elle.C'est dans les territoires où se côtoient ouvriers, profs et cadres que la question de la mixité sociale se pose le plus. Les classes moyennes supérieures sont passées maîtres en stratégies d'évitement : déclaration d'une fausse adresse ou achat d'un studio près de l'école convoitée, inscription dans le privé ou, plus radical, déménagement de toute la famille.
Dans la capitale, mais dans le public ? Ou bien dans les établissements privés ?« Près d'un enfant sur trois échappe au collège public de son quartier, constate Arnaud Parienty, professeur et auteur d'un ouvrage sur les dérives de notre système éducatif (2) . Et ces moyennes sont largement dépassées dans certains endroits. La ville de Montreuil, qui jouxte Paris à l'est, ne compte par exemple que vingt-deux classes de seconde, alors que cette commune de cent mille habitants en recenserait le double si tous les jeunes y étaient scolarisés. Où sont passés les élèves manquants ? » Dans la capitale, sans doute, qui offre une palette de collèges et de lycées autrement fréquentés.
Il y en a un paquet qui disent : je suis un bon citoyen, puisque je mets mon enfant dans le privé, à l'abri des délires du MEN. Assurer l'avenir de mon enfant, c'est aussi travailler au bien commun.nombreux sont ceux tiraillés par ce dilemme : « soit je suis un bon parent, je privilégie la réussite individuelle de mon enfant en le plaçant dans le meilleur établissement possible ; soit je suis un bon citoyen, je le mets dans l'école du quartier quitte à sacrifier sa scolarité ».
Plusieurs fois l'année dernière, mon fils est rentrée du collège disant : "papa, aujourd'hui, en cours de XXX, c'était scandaleux".Dramatisent-ils quelque peu la situation ?
Il a les moyens de compenser, mais pour une large frange de la population, la fuite est une option plus que raisonnable. Curieusement, Télérama s'abstient de répondre à cette intéressante question.
"Autre que celui de leur secteur", je pense que c'est celui de leur secteur d'habitation.Il faut dire qu'inscrire son enfant dans l'établissement où l'on enseigne... Et par quel passe-droit ?Reste que leur choix est vite fait — à commencer par les enseignants, deux fois plus nombreux à scolariser leurs enfants dans un collège public autre que celui de leur secteur.
Plus fondamentalement, l'école du socle a cessé de viser à former une élite. Dubet et Duru-Bellat sont ici dans le mythe.En quoi "disqualifie"-t-elle plus que les parents ou la société ? Au contraire, de nombreux enseignants sont attentifs à valoriser des compétences qui ne sont pas nécessairement académiques.Le problème n'est pas que l'école ait le souci, légitime, de former une élite, affirment Dubet et Duru-Bellat [..] mais qu'elle oriente tout son fonctionnement en ce sens, en disqualifiant ceux qui n'excellent pas dans les disciplines qu'elle privilégie. »
Le pire, c'est qu'il y a des moyens d'inverser la tendance, sans démolir l'enseignement privé. Si en particulier toutes les options étaient réservées au public, cela équilibrerait avec le privé. Le gros problème, c'est que les parents bardés de diplômes, de relations et de décorations, parents d'enfants scolarisés dans le privé, vont faire pression pour augmenter la dotation horaire de leurs établissements, et qu'ils l'obtiendront plus facilement que les parents du public.C'est exactement l'inverse qui va se produire.« Assurer une égalité de la qualité de la scolarisation et des chances de réussir dans tous les établissements est la meilleure manière de tuer dans l'œuf les "bonnes raisons" qu'ont les familles de fuir certains établissements, ceux où pas un enseignant n'imaginerait scolariser son enfant. »
Je fais actuellement le pari que le collège privé de mon coin sauvera beaucoup plus facilement ses bilangues que les collèges publics qui l'entourent. Pourquoi ? Parce qu'il fait commencer les bilangues en primaire.
En attendant, la ruée vers l'enseignement privé a commencé - article du parisien relayé sur néoprofs :
m.leparisien.fr/societe/education-le-pri...-08-2015-5045151.phpLe Parisien écrit: Un enseignement plus personnalisé, des établissements plus autonomes... Cela pourrait être le slogan de la réforme du collège engagée par la ministre de l'Education nationale, mais c'est avant tout ce qui incite toujours plus de parents à se tourner vers l'enseignement privé. Mardi prochain, il y aura quelques milliers d'élèves supplémentaires à faire leur rentrée dans une école, un collège ou un lycée privé. Une augmentation constante « depuis une dizaine d'années », selon Claude Berruer, secrétaire général adjoint de l'Enseignement catholique.
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- Loys
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Je n'ai pas de chiffres à ce sujet. Une chose est sûre : la ségrégation existe bien dans l'accueil des migrants !archeboc écrit: Une autre explication provient du fait que les populations d'origine immigrée, qui constituent désormais massivement les classes populaires, ont un niveau scolaire fortement inférieur à ce que l'on constate dans les pays comparables, phénomène attesté par les statistiques de l'OCDE. Il ne semble pas aberrant qu'il y ait alors un effet statistiquement exponentiel d'enfermement culturel (pauvreté+immigration+illettrisme) alors que les comparaisons internationales (PISA en tout cas) n'envisagent que des effets cumulatifs.
Sur les 16 up2a de l'arrondissement de Nanterre, aucune dans l’enseignement privé (22% des élèves).
Ajoutons que les conditions d'accueil, quand elles existent, sont largement insuffisante, en durée et en qualité.
C'est une question terrible pour les "bons élèves" de l'éducation prioritaire, ces ghettos de la difficulté scolaire. C'est pour cela que je regrettais que l'étude du CNESCO ne prenne en compte que les "bons élèves" pour évaluer la ségrégation.De toute façon, les quelques études récentes que j'ai pu lire évitent de traiter sérieusement la perte de chance que constituent les mauvais élèves pour leurs condisciples, pour estimer si ces pertes sont compensées par un gain.
Question pertinente. Notez que, dans les établissements d'élite, cette ségrégation est de fait réservée aux plus riches tout en étant financée par l'Etat (cf les exemples de l'école EAB ou de certaines sections internationales ).archeboc écrit:
Ce qui la rend accessible au plus grand nombre. Faudrait-il ne l'autoriser qu'aux riches ?Loys écrit: Avec plus d'un élève sur cinq, la ségrégation de l'enseignement privé est d'autant plus intolérable qu'elle est financée par l'Etat
Non, la liberté scolaire doit pouvoir exister, mais pas au prix d'une dégradation de l'école publique comme c'est le cas actuellement. Il y a un rééquilibrage à faire.archeboc écrit: Tu voudrais la supprimer, mais les parents y sont massivement attachés : même pour des parents d'enfants scolarisés à 100% dans le public, le privé apparaît comme une sécurité, la bouée de sauvetage si le système public devient trop inhumain.
Oui, ce serait intéressant de le savoir.archeboc écrit:
Dans la capitale, mais dans le public ? Ou bien dans les établissements privés ?« Près d'un enfant sur trois échappe au collège public de son quartier, constate Arnaud Parienty, professeur et auteur d'un ouvrage sur les dérives de notre système éducatif (2) . Et ces moyennes sont largement dépassées dans certains endroits. La ville de Montreuil, qui jouxte Paris à l'est, ne compte par exemple que vingt-deux classes de seconde, alors que cette commune de cent mille habitants en recenserait le double si tous les jeunes y étaient scolarisés. Où sont passés les élèves manquants ? » Dans la capitale, sans doute, qui offre une palette de collèges et de lycées autrement fréquentés.
Sur le "bon citoyen", pas d'accord : bon parent, je veux bien.
C'est juste, mais ce serait poser des questions inconvenantes sur le climat de discipline...archeboc écrit: Plusieurs fois l'année dernière, mon fils est rentrée du collège disant : "papa, aujourd'hui, en cours de XXX, c'était scandaleux". Il a les moyens de compenser, mais pour une large frange de la population, la fuite est une option plus que raisonnable. Curieusement, Télérama s'abstient de répondre à cette intéressante question.
Ma question est pertinente : par quel passe-droit ?archeboc écrit:
"Autre que celui de leur secteur", je pense que c'est celui de leur secteur d'habitation.Loys écrit:
Il faut dire qu'inscrire son enfant dans l'établissement où l'on enseigne... Et par quel passe-droit ?Reste que leur choix est vite fait — à commencer par les enseignants, deux fois plus nombreux à scolariser leurs enfants dans un collège public autre que celui de leur secteur.
Quelle étude sociologique confirme cette affirmation par ailleurs ? Je serais curieux de la consulter.
C'est le genre de solutions auxquelles on devrait songer. Et ouverture dans le privé de sections pour traiter la difficulté scolaire.archeboc écrit: Le pire, c'est qu'il y a des moyens d'inverser la tendance, sans démolir l'enseignement privé. Si en particulier toutes les options étaient réservées au public, cela équilibrerait avec le privé.
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Sur ce point précis : on peut obtenir (facilement) une dérogation (et non pas un passe-droit parce que c'est une procédure légale, connue et ouverte) auprès de l'Inspection d'Académie pour faire venir ses enfants dans l'établissement où l'on travaille. C'est d'ailleurs mon cas, la raison principale (et celle qui justifie la dérogation) étant une gestion plus simple des allers-retours familiaux. Je sais que de nombreux collègues sont dans mon cas, ce qui se comprend dans un département très rural où les collèges peuvent être très éloignés les uns des autres. Je précise d'ailleurs que le collège de mon secteur d'habitation, auquel j'ai "échappé", recrute sur le centre-ville et n'est absolument pas un collège réputé "difficile".Loys écrit:
Ma question est pertinente : par quel passe-droit ?archeboc écrit:
"Autre que celui de leur secteur", je pense que c'est celui de leur secteur d'habitation.Loys écrit:
Il faut dire qu'inscrire son enfant dans l'établissement où l'on enseigne... Et par quel passe-droit ?Reste que leur choix est vite fait — à commencer par les enseignants, deux fois plus nombreux à scolariser leurs enfants dans un collège public autre que celui de leur secteur.
Maintenant j'aimerais assez savoir d'où vient le chiffre évoqué dans l'article.
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- Loys
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- Loys
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Si dans l'ensemble le constat sociologique de la ségrégation est frappant, l'analyse de ses causes est pour partie problématique et les remèdes proposés au mieux vains et inutiles, au pire catastrophiques...
S'appuyant sur l'étude du CNESCO (voir notre analyse de ses graves limites) , Pierre Merle n'observe pas que (contrairement à lui) cette étude fait abstraction de l'enseignement privé et il oublie de plus qu'elle porte sur l'ensemble du secondaire. La ségrégation scolaire intra-établissement étant "faible au collège" (avec peu de classes de niveau), il est aberrant de la désigner (et donc avec elle les sections bilangues) comme principale cause de ségrégation au collège. Dans les réformes approuvées par Pierre Merle, rien ne concerne l'enseignement privé ou la politique de la ville : le problème reste donc entier ! La ségrégation risque même de s'aggraver avec de moins bonnes conditions d'enseignement dans le public.
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- Loys
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Précisément l'Allemagne ne fait que suivre l'exemple français quarante ans plus tard... Si le modèle est celui de la seule "scolarité commune", l'Allemagne est encore très en retard vis à vis de la France : c'est un comble de la donner en modèle de scolarité non ségrégative !Les comparaisons internationales permettent de présenter un second constat. Suite aux premières évaluations PISA, plusieurs pays ont mené dans les années 2000 une politique volontariste pour améliorer leur système scolaire initialement fortement ségrégué et moyennement performant. L’Allemagne a réduit la place des filières courtes de scolarisation (Realschule, Förderschule et surtout la voie professionnelle Hauptschule), au profit d’une scolarité commune des élèves dans des Gesamtschule, incluant notamment les élèves du premier cycle du Gymnasium (Merle, 2012).
D'ailleurs les cursus sont toujours différents d'un Land à l'autre.
En Pologne le collège commence à 13 ans et se termine par un important examen de sélection à 16 ans, l'âge des tests PISA.La Pologne a suivi une politique de même type avec la création d’un collège unique – la création d’un gimnazjum équivalant d’un lower secondary – et une orientation en second cycle repoussée d’un an (Le Donné, 2014).
A noter qu'en Pologne de nombreuses écoles privées ne sont pas subventionnées par l'Etat et que le financement ne peut dépasser 50%.
www.eurorai.org/PDF/pdf%20seminar%20Karl...LEN_definitiv_FR.pdf
En Allemagne et encore plus en Pologne, ces politiques dites d’inclusion, c’est-à-dire d’homogénéisation des cursus scolaires, ont produit des effets bénéfiques. De 2003 à 2012, l’école polonaise recueille les fruits de sa réforme avec une baisse de sa proportion d’élèves peu performants (passant de 22 % à 14%), une augmentation de sa proportion d’élèves très performants (passant de 10% à 17%) (Pisa, 2012).
Les inégalités scolaires ne sont pas des fatalités. Scolariser les élèves de niveaux scolaires différents dans des cursus communs ne provoque pas un « nivellement par le bas », dénoncé à tort, mais une hausse des performances moyennes et une réduction des inégalités sociales d’accès.
L’école suédoise est un contre-modèle instructif. Elle s’est éloignée du modèle nordique du collège unique pour favoriser la différenciation des cursus scolaires, notamment grâce au développement des écoles privées financées par des vouchers (des chèques éducation dont bénéficient les parents). L’esprit de la réforme était d’adapter les établissements à « la diversité des talents » de chaque élève. Cette politique éducative de différenciation des cursus est un échec. Le niveau moyen des élèves suédois a baissé, l’origine sociale détermine plus souvent qu’auparavant le destin scolaire, les élèves des milieux défavorisés ont été particulièrement pénalisés (graphique 3). En matière éducative, la liberté se construit contre l’égalité des chances [3]. Tout comme l’école suédoise, l’école française constitue un contre-modèle caractérisé par des phénomènes d’élitisation.
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www.cairn.info/la-segregation-scolaire--...07171160.htm#summary
Il a juste ajouté un petit couplet de soutien à la réforme.
Ce livre de 2012 est intéressant, d'abord parce qu'il tente de donner une base théorique solide à la critique de la notion de mérite, et qu'il y échoue magnifiquement. Je ne résiste pas au plaisir de donner cet extrait :
En rabattant les dispositions de chaque enfant sur des "inégalités de nature", au passage en faisant dire au texte de VGE le contraire de ce qu'il dit (voir les deux passages que j'ai mis en gras), Pierre Merle donne un coup d'épée dans l'eau. La vérité est que malgré l'égale dignité des futurs citoyens, les enfants de 3 ans qui entrent à la maternelle n'ont pas les mêmes dispositions : ils ont déjà des histoires différentes. Le fossé se creuse petit à petit au cours de la scolarité, et il advient un moment où il devient pédagogiquement intenable pour tous les acteurs du système, en dehors évidemment des hiérarques et des experts.La référence à des différences naturelles interindividuelles est une des spécificités de cette idéologie qui jalonne, avec constance, les discours d'une partie des élites politiques : « Il naît des hommes, il naît des femmes, il naît des filles uniques et des familles de dix enfants, il naît des enfants doués pour les études et d'autres doués pour les travaux manuels. Ce ne sont pas des inégalités de la Nature, ce sont des disparités, des différences neutres par rapport à tout sentiment de justice ou d'injustice. Trente ans après leur naissance, certains travaillent de leurs mains, d'autres s'occupent de leur foyer, d'autres accèdent à des postes de commandement, d'autres tournent des films, d'autres enseignent à la génération nouvelle. Leurs vies sont différentes, leurs modes de vie sont différents : là encore, des disparités sont inévitables » [Valéry Giscard d'Estaing, 1970, cité par Merllié, 1975].
Les « inégalités de nature », censées distinguer les « enfants doués pour les études » de ceux qui ne le seraient pas, constituent une façon de légitimer les inégalités scolaires de réussite [Bourdieu et Passeron, 1964]. Cette explication naturaliste des inégalités de réussite est invalidée par les travaux des psychologues [Monteil, 2010] et les spécialistes des neurosciences [Dehaene, 2003].
Plusieurs autres points intéressants dans ce livre méritent d'être référencés ici :
- A côté de la mixité sociale des élèves, la mixité de niveau dans une classe s'appelle, dans le vocabulaire OCDE, "mixité académique". Il faudrait systématiquement préférer ce terme à celui de "mixité scolaire", utilisé par Li&Riegert et portant à confusion.
- les effets de pairs, qui nous sont vendus avec enthousiasme (les bons élèves tirent vers le haut les mauvais), sont difficiles à vérifier. Il semblerait en particulier que si on met des bons élèves avec des mauvais élèves, sans élèves moyens au milieu pour faire le liant, la mixité est sans effet.
- un chapitre entier sur le secteur privé : vous devinez ce qu'il y a dedans. On y retrouve en particulier les exemples et les figures de l'article de la vie des idées.
- une conclusion qui propose de moduler les ressources des établissements en fonction de leur mixité, sur le modèle de la loi SRU (explicitement cité).
L'inconvénient de cette proposition, c'est sa faisabilité. Pour la loi SRU, la densité de HLM peut être assez facilement calculée et vérifiée par l'administration. Pour la mixité sociale à l'école, c'est plus difficile. Dans le meilleur des cas, l'administration fiscale fera le lien entre les enfants et le dossier fiscal de leurs parents. Les enseignants échapperont alors largement au classement en CSP+. Ce qui est sûr, c'est que si on conserve le mode déclaratif actuel, certains CDE truqueront leur déclaration comme ils peuvent truquer aujourd'hui les validations de compétences.Pour favoriser la mixité sociale, il serait possible de moduler les dotations financières et en personnels des établissements selon les caractéristiques de leur recrutement. Les établissements scolarisant des élèves d'origine aisée et d'un bon niveau scolaire feraient l'objet de dotations moindres compte tenu d'une population d'élèves qui rend les apprentissages scolaires plus accessibles. En conséquence, le nombre d'élèves par classe serait accru dans ces établissements favorisés et, en contrepartie, le nombre d'élèves par classe serait réduit dans les établissements qui scolarisent des élèves au recrutement populaire et d'un niveau scolaire faible.
- Au sujet de l'Allemagne, dont tu dis, Loys "D'ailleurs les cursus sont toujours différents d'un Land à l'autre.", Pierre Merle en conclut : "Cette croissance de la Gesamtschule est d'autant plus remarquable qu'elle n'est pas une politique nationale mise en œuvre dans tous les Länder qui disposent d'une grande autonomie en matière de politique éducative".
- Malgré son chapitre sur le secteur privé, Pierre Merle classe la France dans la catégorie "carte scolaire avec dérogations", et non pas dans la catégorie "libre choix peu ou non régulé". Il me semble que le libre choix concerne en France des effectifs plus importants (20% d'élèves dans le privé, plus tous les élèves du public qui ont été refusés par le privé ou qui, ayant le choix, ont fait celui du public) que l'usage de la dérogation (" seulement 8 % à 20 % d'entre eux, selon les contextes scolaires locaux, ont sollicité une dérogation au collège de leur secteur").
- Quant à la catégorie "carte scolaire sans dérogation", il précise qu'elle inclut des pays qui pratiquent "des dérogations limitées et encadrées, par exemple par des examens d'entrée". On aimerait en savoir plus sur ces systèmes élitistes.
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On fait un papier scientifique avec tout cela ?
Il faudrait s’entendre sur une terminologie :Loys écrit:
Oui mais la confusion est celle de François Jarraud. Pour ma part, je distingue, suivant la méthodologie du CNESCO, ségrégation sociale et ségrégation scolaire (ie par le niveau scolaire) au début de l'article.archeboc écrit: Attention, "ségrégation scolaire" a deux sens : ici, il faut le comprendre comme la ségrégation entre les catégories sociales au sein de l'école.
Ségrégation scolaire : tout ce qui se passe à l’école. On la décompose en :
Ségrégation sociale : le mélange des classes sociales
Ségrégation académique : le mélange d’élèves de niveaux différents.
Non, là tu te trompes. Au contraire, ils disent bien que les deux ségrégations sont corrélées.Loys écrit:
Pourtant, pour autant que je me souvienne, les deux ségrégations, sociale et scolaire (= académique), sont bien additionnées dans l'étude et jamais celle-ci n'étudie la relation qui unit l'une à l'autre. Or la scolarité ne commence pas au collège.archeboc écrit: Jamais ils ne disent que les deux "ségrégations" sont indépendantes. Comme dit plus haut, ce sont deux mesures d'un même phénomène. Ce qui est indépendant et qui s'additionne, c'est la ségrégation inter-établissement avec la ségrégation intra-établissement.
(Du moins il me semble).
Le gros problème, c’est que lorsqu’on arrive à les décorréler, en 2nde à Paris avec la procédure AFFLENET, en améliorant fortement la mixité sociale, ils continuent à considérer que la ségrégation de niveau scolaire (la ségrégation académique selon l’OCDE) est un problème. Autrement dit, pour eux, même si toutes les classes sociales sont correctement mélangées dans chaque classe (du secteur public, évidemment), le fait qu’il y ait des classes de niveau leur pose un problème.
OK. Je comprends, mais cette critique me semble moins essentielle que les autres.Loys écrit:
J'ai voulu attirer l'attention sur le choix de l'expression "les bons élèves"... qui exclut, par sa méthodologie (20% des élèves obtenant les meilleures notes), des élèves pourtant jugés bons au regard des résultats du brevet. L'étude ne devrait utiliser que l'expression "les meilleurs élèves".archeboc écrit:
Je ne comprends pas ta critique.Loys écrit: 3)[..] L’étude définit les « bons élèves » (appelés aussi « meilleurs élèves ») à partir des meilleurs résultats au brevet[6]. La conséquence de ce choix est que le niveau des élèves ainsi évalué est relatif, et non absolu : un élève n’est bon que s’il est meilleur.
Expérience de terrain difficilement accessible au statisticien.Loys écrit:
Je n'ai pas dit que ce n'était pas un bon indicateur, mais qu'il n'était pas suffisant. S'agissant de mixité, on ne considérerait pas identiques un établissement avec une forte proportion d'élèves en difficultés et un établissement avec une faible proportion d'élèves en difficultés. On ne réussit pas de la même manière dans une classe tirée vers le haut par de nombreux bons élèves... ou tirée vers le bas par de nombreux élèves en difficultés.archeboc écrit: Je commence par les CSP+ : ils sont généralement utilisés comme un bon indicateur de la mixité sociale : ce sont eux qui partent en premier. C'est un peu comme les canaries que les mineurs emportaient avec eux dans des cages pour détecter les gaz dangereux au fond de la mine. Par corrélation, je pense que les auteurs te répondraient que les "meilleurs élèves" sont eux-aussi un bon indicateur. Peut-être ont-ils fait une étude de sensibilité, accessible dans une publi scientifique. En tout cas, sur toute cette partie, je ne suis pas d'accord avec ta critique.
Pas seulement. Tout leur jeu de données est une mine statistique, de laquelle ils vont pouvoir faire plusieurs articles qui fera briller leur CV d’un éclat renouvelé. Lis leurs remerciements.Loys écrit:
Les données sur l'enseignement privé (proportion de CSP+ ou de "meilleurs élèves") à tout le moinsarcheboc écrit: En revanche, on pleurera sans doute longtemps pour avoir les données sur les CSP des parents d'élèves de chaque établissement, sur lesquelles travaillent Li & Riegert.
De nombreux résultats montrent que la mixité sociale d’un établissement (la mixité des catégories sociales dans un établissement) est inférieure à la mixité sociale des résidents de son bassin scolaire. Les gens acceptent plus facilement d’habiter dans la même zone que de mélanger leurs enfants au collège.Loys écrit:
Je dis bien dans l'article que cette acception du terme "ségrégation" est sociologique (avec la définition). Et que ce terme est problématique puisque source de confusion lorsqu'il est utilisé hors du champ de la recherche.archeboc écrit: Modulo l'usage du terme ségrégation qui me gêne autant qu'il te gêne, mais dont l'usage est établi dans le monde de la recherche, la ségrégation scolaire est plus forte que la ségrégation résidentielle : c'est un résultat désormais établi par de nombreuses statistiques et plusieurs publications importantes.
Pour le reste, quel sens donnes-tu à "ségrégation scolaire" ici ? Peux-tu reformuler très explicitement ce que tu veux dire par "la ségrégation scolaire est plus forte que la ségrégation résidentielle" ?
Oui, je crois que oui. Le problème, c’est que c’est aussi une ségrégation à l’échelle des régions, et pas seulement à l’échelle des quartiers. Il faudrait reprendre les chiffres de Li&Riegert pour affiner cela.Loys écrit: Nous sommes d'accord que la ségrégation résidentielle est la première cause de ségrégation sociale (la seconde étant vraisemblablement l'enseignement privé) ? Et donc scolaire (au sens du niveau scolaire), indirectement ? Mon propos soulignait surtout la responsabilité limitée des établissements dans l'ensemble de la ségrégation (inter et intra-établissements).
Et passer par un SIG ? Tu connais QGIS ?Loys écrit:
Pour l'étude de cas, c'est de l'artisanal. Avec un simple tableur et un logiciel de graphisme : j'y ai passé du temps.archeboc écrit: Je rappelle, après toutes ces critiques, que je trouve ton article excellent. Comment as-tu fait l'étude de cas sur l'arrondissement de Nanterre ? Avec quel logiciels ? Quels données ?
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L’enquête OCDE sur le niveau scolaire des migrants s’appelle DIOCLoys écrit:
Je n'ai pas de chiffres à ce sujet.archeboc écrit: Une autre explication provient du fait que les populations d'origine immigrée, qui constituent désormais massivement les classes populaires, ont un niveau scolaire fortement inférieur à ce que l'on constate dans les pays comparables, phénomène attesté par les statistiques de l'OCDE. Il ne semble pas aberrant qu'il y ait alors un effet statistiquement exponentiel d'enfermement culturel (pauvreté+immigration+illettrisme) alors que les comparaisons internationales (PISA en tout cas) n'envisagent que des effets cumulatifs.
www.oecd.org/els/mig/databaseonimmigrant...ecdcountriesdioc.htm
Il faut agréger les données pour obtenir la proportion d’allochtone dans la catégorie la moins éduquée.
Pour l’indice de niveau social de l’OCDE, il s’appelle SESC. Il faudrait se pencher dessus.
Encore une très belle carte !Une chose est sûre : la ségrégation existe bien dans l'accueil des migrants !
Cela, c’est le principe. Le réalisme commande de ne pas affronter de front le secteur privé. Pour les raisons susdites, toute tentative de châtrer le secteur privé est vouée à l'échec. Le taxer selon le mode SRU serait politiquement plus facile.Loys écrit:
Non, la liberté scolaire doit pouvoir exister, mais pas au prix d'une dégradation de l'école publique comme c'est le cas actuellement. Il y a un rééquilibrage à faire.archeboc écrit: Tu voudrais la supprimer, mais les parents y sont massivement attachés : même pour des parents d'enfants scolarisés à 100% dans le public, le privé apparaît comme une sécurité, la bouée de sauvetage si le système public devient trop inhumain.
Pas d’accord. Si tu considères que le MEN fait une politique néfaste pour l’avenir du pays, en particulier une politique qui va le priver de ses cadres, il est citoyen d’aller-là contre, et mettre tes enfants à l’abri n’est pas seulement un acte de bon père de famille, c’est aussi celui d’un citoyen soucieux de l’avenir du pays.Loys écrit: Sur le "bon citoyen", pas d'accord : bon parent, je veux bien.
Grâce à [Merle 2012], j’ai trouvé :Loys écrit: Quelle étude sociologique confirme cette affirmation par ailleurs ? Je serais curieux de la consulter.
www.orientation-paysdelaloire.fr/mediath...php?explnum_id=21195
Les chiffres trouvés dans cette note se retrouvent dans le livre de Merle, mais avec quelques petites imprécisions (assimilation « d’enfant d’enseignant » à la catégorie donnée par la profession du chef de famille, et confusion entre enseignant et enseignant du secondaire). Mais le principal est là.
Plus difficile sans rallumer la guerre scolaire.Loys écrit:
C'est le genre de solutions auxquelles on devrait songer. Et ouverture dans le privé de sections pour traiter la difficulté scolaire.archeboc écrit: Le pire, c'est qu'il y a des moyens d'inverser la tendance, sans démolir l'enseignement privé. Si en particulier toutes les options étaient réservées au public, cela équilibrerait avec le privé.
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A lire sur du 24/09/15 sur le site du Centre de l'observation de la société : "Pourquoi les enfants d’ouvriers réussissent moins bien à l’école ?"
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