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La réforme de l'orthographe
- Loys
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Oui mais Delphine Guichard oublie certaines précisions données plus haut.Kustolovic écrit: Sur le sujet, un article intéressant : "J'enseigne en nouvelle orthographe et... tout va bien" par Charivari (4/02/16)
Numérique scolaire , nouveaux rythmes , nouveau jargon grammatical (le prédicat) , nouvelle orthographe : pour Delphine Guichard, qui montre la voie à ses collègues sommés de faire "un effort", toute réforme est bonne à prendre !J'enseigne en nouvelle orthographe et... tout va bien.
Par Charivari dans Idées en vrac le 4 Février 2016 à 23:50
En l'occurrence, elle a évidemment toute liberté d'enseigner avec l'orthographe rectifiée : le problème n'est pas là...
Affirmation non étayée : on pourrait aussi bien affirmer le contraire. D'ailleurs, quand on consulte le compte Twitter de Charivari, on s'aperçoit que le respect des rectifications est très variable : il est vrai que rien ne l'y oblige mais curieux d'applaudir à des rectifications harmonieuses... sans les appliquer soi-même.Comme énormément de mes collègues de primaire (et la plupart des profs blogueurs), j’écris en nouvelle orthographe et je l’enseigne, depuis sept ou huit ans.
Sur le même problème de perspective, on pourrait rappeler que la grande majorité des PE étaient hostiles ]à l'aberrante réforme des rythmes scolaires.
Affirmation parfaitement subjective : de tous les éditeurs scolaires, seul Hatier a adopté les rectifications à partir de 2010 pour le primaire, et encore : pas dans toutes ses publications !De plus en plus de mes manuels sont déjà à jour.
Bien sûr, elles sont minimes. Mais certaines sont aberrantes, parce qu'elles ne respectent pas les usages et parce qu'elles ne sont pas pertinentes en elles-mêmes.Cela passe quasiment inaperçu tant ces rectifications sont légères, très loin de l’hystérie collective qui s’est emparée des réseaux sociaux ces jours-ci.
Sauf que les programmes de 2008 ne respectaient pas eux-mêmes l'orthographe de référence. On trouve dans ces programmes plus de 700 rectifications non appliquées. C'est d'ailleurs la raison qui a conduit les éditeurs à rester prudents.Comme mes collègues (lisez Mistinguette, ici), j’applique les programmes qui, depuis 2007, puis 2008, puis 2015*, demandent aux profs d’adopter comme référence l’orthographe révisée de 1990.
Il y a quand même visiblement de quoi écrire un long article de blog.Ce blog est écrit en nouvelle orthographe, depuis 2008, et, soyez honnête, est-ce qu’il vous pique les yeux ? Est-ce que la langue française vous semble défigurée ? Alors on respire un coup, on ne se laisse pas manipuler par les lanceurs de psychodrames, TF1 et autre BFM en tous genres, et on se documente avant de faire une crise d’hystérie... (et ensuite on passe à autre chose parce qu’il y a bien d’autres dossiers plus importants concernant l’orthographe de nos élèves que ces quelques millepattes sur leur nénufar).
Drôle de façon de "faire vivre notre langue" en imposant des usages au lieu de les suivre.À l’IUFM, j’ai eu un professeur de français qui nous a expliqué les raisons de ces rectifications. J’ai compris qu’il ne s’agissait pas de simplification, ni de nivèlement par le bas, mais seulement de faire vivre notre langue, comme l’ont fait les académiciens durant les siècles passés.
Le travail de l'Académie était relativement différent : il s'agissait de rationaliser des usages hésitants, ce qui est loin d'être le cas dans la plupart des rectifications proposées en 1990.En effet, au cours des siècles, l’orthographe française n’a cessé d’évoluer. Par exemple, y a-t-il encore un seul enseignant qui écrirait :
En sortant de la chosrale du collége, les enfans sont allés rue du Roy, pour veoir leur grand’mère et lui ont donné un poëme.
Non, n’est-ce pas ?
C'est qu'il y avait deux graphies concurrentes pour "enfant" : on a d'ailleurs gardé celle qui permettait d'établi un réseau lexical à partir du latin. De même, pour les deux usages concurrents de "poème".Si vous n’écrivez plus le français ainsi, c’est parce que l’Académie française a, une fois ou deux par siècle, proposé un "toilettage" de la langue et que les instituteurs de nos grands-parents ont accepté de les appliquer. Ils ont accepté d’écrire désormais voir et non veoir (clic), de remplacer l’apostrophe de grand’mère par un trait d’union (1932), d’abandonner ce joli tréma sur poëme (1878), de changer l’accent aigu de collége (1878) en accent grave, d’écrire enfants et non enfans (1835)...
Pour "voir", l'Académie n'a fait que suivre l'usage dominant.
Le trait d'union de "grand-mère" a bien été imposé en revanche, mais difficile de voir dans l'apostrophe une marque de sens.
Bref les comparaison choisies ne semblent pas très pertinentes. Il n'y a pas deux graphies concurrentes de "île" aujourd'hui, même si "ile" est autorisé depuis 26 ans.
La seconde "rectification" suit du moins un usage oral.Aujourd’hui, depuis les rectifications de l’orthographe de 1990, l’Académie française* nous demande :
- d’écrire assoir et non plus asseoir (comme on écrit aujourd’hui voir au lieu de l’ancien veoir)
- d’écrire évènement et non plus événement (comme on écrit collège au lieu de l’ancien collége [1878])
...
PS : l’Académie française ne "demande" pas : elle propose. C'est l'autorité politique qui, précisément, veut imposer ces rectifications.
Tout dépend des mots considérés. S'agissant des circonflexes, par exemple, les sources imprimées sont sans appel...Certains profs prétextent que ces règles sont peu employées. Cela justifierait, selon eux, qu’ils ne les enseignent pas.
Première chose : ce n’est pas vrai.
Ce quiz porte sur dix mots, toujours les mêmes : les rectifications concernent 2400 mots...Vous utilisez au quotidien l’orthographe rectifiée sans même le savoir. La preuve, ce test du Figaro (qu’on ne peut guère soupçonner de complaisance à l’égard de ces rectifications) dans lequel les lecteurs devaient choisir entre deux graphies pour une dizaine de mots. À la fin du test, le site indiquait s’ils avaient utilisé en majorité l’orthographe traditionnelle ou l’orthographe rectifiée :
Capture d’écran du 20/2/2016 - Quiz "Traditionnelle ou rectifiée ? Testez-vous pour savoir quelle orthographe vous utilisez" Site du Figaro en ligne
Aucun de ces dix mots ne fait partie des plus fréquents et il n'y a qu'un circonflexe... sur un mot rare. Quatre mots suivent un usage oral ou un usage écrit bien antérieur à 1990. Le quiz ne donne pas le détail par mot (comme si on avait adopté la graphie rectifiée à 100% : quel résultat pour "ognon" par exemple ?) mais le résultat brut, peu nuancé.
Bref le quiz aurait sans doute donné des résultats bien différents avec deux ou trois autres mots. "Une preuve" plus que discutable, en somme.
Dans le détail, les mots du quiz
- "scénarios" n'a fait que suivre l'usage
- "mille-cent-trente-deux" : ngram viewer montre que la règle est respectée de manière erratique
- "épître" continue de l'emporter largement dans les sources imprimées
- événement" continue de l'emporter largement dans les sources imprimées , mais l'usage oral justifie la nouvelle graphie "évènement".
- "a capella"
- "oignon" : la graphie est tout à fait nouvelle. On aurait d'ailleurs aussi bien pu écrire "onion" : choix purement arbitraire.
- des "après-midi"
- "nous cèderons" cède à l'usage oral.
- "aigüe" est une nouvelle graphie.
- "référendum" : graphie concurrente largement majoritaire depuis les années 40.
Pas dans les manuels et pour les enseignants. Il s'agit donc de créer un double usage : l'un naturel, l'autre artificiel. Très pratique pour les élèves.Deuxième chose : il est normal que les adultes ne les utilisent pas (toutes). En effet, on ne le leur demande même pas puisque les deux orthographes restent acceptées.
On aurait donc dû voir des évolutions dans les sources imprimées... ce qui n'a pas été le cas, comme le montre "boîte" depuis 1990.Le correcteur d’orthographe de Word est à jour depuis la version 2007, celui d’OpenOffice également, les dictionnaires commencent à y venir (Hachette depuis 2002, Larousse depuis 2012). Des livres de références comme le Littré, le Grevisse (Du bon usage) ou plus simplement la collection "Les Dicos d’or" font tous référence aux nouvelles règles. Sur le site www.nouvelleorthographe.info , menu 13, on peut voir 150 titres de livres écrits conformément à l’orthographe rectifiée.
Donc "personne" sauf... les professeurs.Personne n’est obligé d’utiliser la nouvelle orthographe (l’ancienne orthographe reste admise) mais les textes officiels demandent aux professeurs de l’enseigner en classe.
La formule était plus lâche dans les programmes du secondaire ("Pour l’enseignement de la langue française, le professeur tient compte des rectifications").
Dans ce cas précis, la rectification suivait un usage...Cela vaut le coup, si le sujet vous intéresse, de lire Maurice Druon (secrétaire perpétuel de l’Académie française à l’époque), présentant ces rectifications de l’orthographe au Premier ministre, en 1990 (c’est là : clic). Il disait, notamment :
Tout est dit."Il a été entendu que les propositions des experts devraient être à la fois fermes et souples : fermes, afin que les rectifications constituent une nouvelle norme et que les enseignants puissent être informés précisément de ce qu’ils auront à enseigner aux nouvelles générations d’élèves ; souples, car il ne peut être évidemment demandé aux générations antérieures de désapprendre ce qu’elles ont appris, et donc l’orthographe actuelle doit rester admise. La situation est en fait la même qu’en 1835, quand la graphie oi fut remplacée par la graphie ai conforme à la prononciation d’usage dans les mots j’avais, j’aimais, français. Chateaubriand approuva cet ajustement, tout en continuant d’écrire comme il en avait l’habitude."
Les élèves vont surtout apprendre des graphies qui ne sont pas dans les usages...On peut approuver le principe d’un toilettage de la langue, sans les appliquer soi-même, mais en laissant aux professeurs le soin d’enseigner les nouvelles règles aux enfants. Les enfants vont les apprendre. Ils grandiront et, dans dix ou quinze ans, ils écriront comme ils l’ont appris. C’est comme cela que les réformes précédentes se sont diffusées, peu à peu.
Les enseignants du XIXe siècle ont soit suivi des usages (oraux par exemple), soit suivi une rationalisation entre plusieurs usages. C'est sans rapport avec certaines rectifications arbitraires de 1990.C’est parce que les enseignants de nos grands-parents ont accepté de jouer le jeu, accepté de ne pas enseigner "comme ils avaient appris"...
C'est ici sous-entendre que le refus serait lié à la mauvaise volonté des enseignants, ce qui est assez contradictoire avec l'affirmation préliminaire que les enseignants appliquent déjà ces rectifications....que notre langue est ce qu’elle est aujourd’hui et que nous la trouvons belle. Aujourd’hui, c’est à nous, professeurs, de faire le même effort.
L'opposition peut parfaitement être rationnelle, comme nous nous efforçons de le montrer ici. De fait, c'est l'imposition de certaines de ce rectifications qui est irrationnelle, voire idéologique.
L'harmonisation est en effet bienvenue ici. A noter que la simplification aurait obligé à changer tant d'autres mots que ce n'aurait pas été une simplification.De mon côté, comme vous, j’imagine, j’ai eu peur, au début, de participer à une dégradation de la langue, à un nivèlement par le bas. Mais il n’en est rien.
D’abord ces rectifications sont mineures. Il y a encore beaucoup d’occasions de faire des erreurs. Mais surtout ces rectifications ne visent pas la simplicité, elles visent l’harmonie.
Prenons l’exemple des mots souffler et boursoufler. Si on avait vraiment cherché à simplifier, on aurait écrit les deux mots avec un seul f. Au contraire, l’Académie française demande qu’on écrive désormais deux f à boursouffler, pour que l’on retrouve dans ce mot sa famille de souffler : souffle, soufflet, essoufflé… boursouffler.
Affirmation tout à fait abusive : tous les mots en -aître portent le circonflexe, par exemple. Il s'agit bien d'une simplification (arbitraire).Toutes les rectifications relèvent de ce même objectif...
On a vu que la comparaison n'était pas pertinente dans de nombreux cas....tout comme les rectifications des siècles précédents.
Curieuse façon d'être plus harmonieuse en privant les mots dont le s est tombé de faire famille avec ceux qui ont conservé le s : goût, dégoût/déguster, gustatif (et l'anglais disgusting).À ce titre, elles s’inscrivent vraiment dans l’histoire de notre langue. Une langue plus harmonieuse, c’est une langue qui a plus de « tenue », une langue plus belle.
Dans les usages, "nénuphar" s'est toujours imposé avec ph (fautif étymologiquement mais ce sont les usages). La preuve par les sources imprimées :... et cette remarque vaut même pour nénufar. Savez-vous que ce mot s’est toujours écrit avec un f jusqu’en 1935 ? (Je le prouve : ligne 9 de cette édition originale de Chateaubriand, ou encore ici chez Mallarmé). Ci-dessous, dictionnaire de 1878 (Source : clic)
Dès lors, affirmer de façon aussi péremptoire que "ce mot s’est toujours écrit avec un f jusqu’en 1935"...
Est-ce si sûr ?Oui, Victor Hugo, Monet, Zola... écrivaient nénufar.
Dans la dernière édition des "Châtiments" (édition de 1870) revue et corrigée par l'auteur :
Ou dans "Une farce" (édition de 1888) de Zola :
Il semblerait que ces deux monuments de la littérature aient été enrôlés un peu trop légèrement dans cette polémique...
De même que dans les éditions des œuvres de Chateaubriand on trouve les deux graphies.
Atala, édition de 1801 : gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6511552f/...mage.r=n%C3%A9nuphar
Atala, édition de 1830 : gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5618942n/...r=n%C3%A9nuphar.zoom
Oeuvres complètes (édition de 1838) : books.google.fr/books?id=dewMAQAAIAAJ&pg...ge&q=nenufar&f=false
On a surtout suivi les usages (cf supra)...Mais en 1935, on s’est trompé en pensant que le mot était de la famille du mot grec nymphéa, alors on a décidé de l’écrire avec ph. Depuis lors, on s’est rendu compte de l’erreur. Le mot vient du persan et le ph n’est pas du tout justifié. On réserve la graphie ph aux mots qui viennent du grec (lettre phi). Donc on écrira nénufar, mais on ne touche pas à éléphant ni à philosophie !
Peu importe en l'occurrence : aucun autre mot français de la famille de coutume n'a conservé le s. Ce qui importe dans le circonflexe, c'est moins de rappeler une étymologie que de faire réseau.Et l’accent circonflexe, me direz-vous ? C’est vrai que l’accent circonflexe avait souvent pris la place d’un ancien s, mais cette règle n’était même pas constante. Pourquoi coût et pas coûtume (qui vient pourtant de l’ancien français coustume et du latin consuetudo) ?
On remarquera que les trois derniers exemples ne sont pas "rectifiés"...Pourquoi jeûner mais déjeuner, dûment mais éperdument, grâce mais gracieux, fantôme mais fantomatique, mêler mais mélange, bête mais bétail (...) ?
La graphie "déjeûner" (même étymologie que "dîner") a été abandonné dans les usages au début du XIXe siècle, ce qui n'est pas le cas des mots concernés par la réforme. L'exemple est d'ailleurs mal choisi car précisément l'accent circonflexe de "jeûne" est conservé...
Le circonflexe de "dûment" n'est pas lié à un s. Le mot n'a aucun rapport étymologique avec "éperdument".
Tel est l'état de la langue aujourd'hui...Pourquoi pas moûche (qui vient de musche et musca) ni soûtenir (qui vient de sustinere) ?
Hasard ? Il y a très peu d'autres mots de la même famille en français ("sustenter").
Pour d'autres raisons, comme pour "dûment". Et encore une fois ces mots ne sont pas concernés par les "rectifications". Donc, quand le circonflexe fait sens sur le î ou le û, on le supprime, et quand il ne fait pas sens sur d'autres lettres on le conserve : belle "harmonisation" en effet !Pourquoi les mots drôle, extrême, théâtre, symptôme (...) portent-ils un accent alors qu’il n’y avait aucun s dans leur mot d’origine ? Décidément, rien de constant dans cet accent.
Le "c'est pourquoi" est ici très mystérieux.C’est pourquoi le Conseil Supérieur de la Langue française propose de le retirer sur les i et les u (sauf lorsqu’il y a risque de confusion), c’est à dire sur les lettres où ces accents ne se prononcent pas.
Pourquoi pas, en effet.J’écris aussi, désormais, un millepatte, même si la bébête a beaucoup de pattes, tout comme vous écrivez aujourd’hui un portefeuille ou un millefeuille, parce qu’il n’y a qu’un seul objet, qu’un seul gâteau. D’ailleurs, cette règle de l’orthographe des noms composés était terrible : un chausse-pied ou un chausse-pieds ? On chausse un pied à la fois, mais on a deux pieds, alors... -s ou pas ? Même les grands auteurs se contredisaient. Désormais, unijambiste ou pas, j’écris un chausse-pied, des chausse-pieds.
Dans ce cas, pourquoi imposer une graphie ?Certains ont peur que les élèves soient perturbés d’apprendre une orthographe et d’en lire une autre dans leurs revues ou romans. C’est oublier que nos élèves ont bien d’autres chats à fouetter en orthographe, et surtout que beaucoup de mots avaient déjà deux orthographes possibles, même dans mon enfance, sans que personne n’ait été empêché de dormir (clé/clef, pic-vert/pivert, cuillère/cuiller, lys/lis, saouler/soûler, tsigane/tzigane, gaiement/gaîment, resto/restau [il y en a beaucoup d’autres]...
A noter que c'est très différent dans le cas qui nous occupe : il s'agit de créer des doublons artificiels...
Donc les élèves ne seraient pas perturbés par deux graphies différentes mais ne pourrait pas apprendre celle qui correspond aux usages ?Rassurez-vous, nous sommes très nombreux, dans les classes de primaire, à enseigner ces nouvelles règles et cela se passe vraiment sans aucun souci. Quand, dans le meilleur des cas, un élève remarque deux graphies différentes, cela donne l’occasion de parler un peu de l’histoire de la langue et de son évolution.
En attendant ils ne le font pas. Pire, comme l'annoncent certains éditeurs : dans les manuels, on peut rencontrer l'orthographe traditionnelle quand il s'agit de textes littéraires...On lit aussi, ici et là, que certains éditeurs rechigneraient à appliquer la nouvelle orthographe sur les textes classiques. Pourtant, même ces éditeurs-là publient déjà aujourd’hui les textes classiques dans une orthographe différente de celle que l’auteur avait utilisée, puisque d’autres réformes de l’orthographe ont été, elles, appliquées.
D'une époque où l'orthographe n'était pas fixée. La première édition du Dictionnaire de l'Académie date de 1694 : elle est postérieure à cette fable...Jugez plutôt de ce que donnerait une fable de La Fontaine en orthographe d’origine :
La Cigale ayant chanté
Tout l’Esté
Se trouva fort dépourveuë
Quand la Bize fut venuë.
[Non, non, il n’y a pas d’erreur, il s’agit bien de l’édition originale ! Voir ici]
La vraie question est différente : pourquoi changer des graphies sans aucune nécessité et selon des choix arbitraires ?Cela ne choque personne que l’on ne publie pas les fables de la Fontaine telles que le fabuliste les avait écrites. Les élèves, même lycéens, ne lisent ni Ronsard, ni Hugo, ni Maupassant dans leur orthographe d’origine. Alors, si on applique bien les réformes précédentes sans sourciller, pourquoi faudrait-il refuser d’appliquer la dernière ? Pourquoi faudrait-il figer la langue dans son état de 1935 [date de la réforme précédente) ?
On a vu qu'il écrivait "nénuphar"...On peut, bien sûr, publier Victor Hugo en nouvelle orthographe. Les modifications, en plus, seront tellement minimes que peu d’élèves s’en apercevront.
Argument contradictoire avec celui de "l'harmonisation" nécessaire.Car oui, ces modifications sont minimes. Antoine Fetet (l’auteur de la méthode Cléo, aux Éditions RETZ) a compté : Dans son Cléo CE1, qui fait 128 pages, 21 mots ont été touchés par la réédition en nouvelle orthographe. Seulement 21 mots sur 128 pages de manuel... C’est dire si la nouvelle orthographe ne "défigure" en rien la langue française.
Effectivement...Rien à voir avec le "langage SMS" ou une transcription phonétique, comme on le lit parfois.
Sauf quand elle "défend la langue" en soulignant que les graphies autorisées ne sont pas rentrées dans les usages depuis un quart de siècle...En conclusion ? Pour tous les visiteurs de ce blog qui ne sont pas professeurs, soyez rassurés : on peut faire confiance à l’Académie française pour défendre la langue.
L'argument du "changement" laisse pantois : l'innovation pour l'innovation, en somme.Et pour tous mes lecteurs enseignants qui n’ont pas encore sauté le pas, un peu de courage. Osez le changement, faites confiance aux experts de la langue et enseignez ces quelques règles.
La procédure ne laisse pas le choix des formes.Cela se fait très facilement, en configurant, par exemple, le correcteur de votre traitement de texte pour qu’il n’accepte que les nouvelles règles (clic pour la procédure pour Microsoft Word).
Comme quoi.J’ajoute un dernier mot à l’intention de nos IEN : quand j’ai commencé à enseigner, en 2008, notre IEN avait rappelé à tous que le programme était le programme et qu’il attendait donc que nous adoptions comme référence ces fameuses rectifications de l’orthographe ("dans les leçons des cahiers, au tableau et sur vos affichages"). Il n’en avait pas fait une montagne non plus (même à cette époque, il y avait bien d’autres sujets à traiter)...
C'est tellement mieux d'enseigner contre les usages...... mais nous avait demandé de faire passer le miniguide de l’orthographe recommandée dans tous les cahiers de liaison. Cette directivité assumée nous a, finalement, facilité la tâche. Aux parents grognons ou inquiets, il nous était plus facile de répondre "c’est le programme, et l’Inspecteur qui y tient" que si nous avions eu à assumer et justifier une décision individuelle.
Mais comment se fait-il que des parents aient été "grognons" contre des modifications aussi minimes et harmonieuses : "J'enseigne en nouvelle orthographe et... tout va bien" ?
C'est le moins qu'on puisse dire... Et surtout qu'une grande partie des "rectifications" sont en réalité aberrantes. On notera à ce sujet que Delphine Guichard ne formule AUCUNE critique, si minime soit-elle, des rectifications.Il me semble que, si le sujet a autant de mal à passer, c’est aussi que les consignes n’ont pas partout été aussi explicites.
En somme, tout le monde aurait le choix, élèves compris... mais pas les enseignants !D’ailleurs, ce n’est pas un service à rendre aux IO que de laisser entendre que leur application serait optionnelle, à mon avis.
On notera la contradiction avec le caractère facultatif des rectifications comme argument rassurant.
Les rectifications ont été proposées par le CSLF, sur demande politique : elles ne sont pas le fait de l'Académie qui a d'ailleurs soumis les nouvelles graphies "à l'usage du temps". On a vu ce qu'il en était depuis un quart de siècle...(*) Puisque certains disent que l’Académie française ne serait pas d’accord avec ces rectifications, je redonne le lien que tout le monde peut aller lire : clic
En résumé, que d'affirmations gratuites, des généralisations abusives, d'informations erronées ainsi que de contradictions dans ce long billet ! Et surtout un regard critique... dans une seule direction : quand Delphine Guichard critique les circonflexes, elle oublie de signaler qu'une grande partie d'entre eux sont conservés.
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- Loys
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- Messages : 18191
Sur "Europe 1" du 16/02/16 : "Orthographe : Vallaud-Belkacem ou l'Académie française, qui a raison ?"
Voir aussi cette synthèse : line.do/fr/lorthographe-et-son-histoire/a3z/vertical
Trois nouveaux articles dans "Le Monde" :
Un éditorial : "Guerre de l’orthographe, angoisse existentielle typiquement française"
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Toujours dans "Le Monde" : "Orthographe : Mme Vallaud-Belkacem fait part de son « étonnement » à l’Académie française"
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Et les "Décodeurs" : "« Réforme » de l’orthographe : l’Académie comptait bien faire appliquer ses « rectifications » en 1990"
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- Loys
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- Messages : 18191
Le tri aurait déjà pu être fait, depuis 26 ans... D'ailleurs les rectifications étaient déjà censées entériner en 1990 des usages qui n'existent pas.Le Monde écrit: A la longue, dans l’orthographe, l’usage triera ce qui est secondaire et ce qui relève de l’immarcescible
Pourquoi dès lors les manuels se l'imposent-ils ?Mais rien d’essentiel n’est ici en jeu et, d’ailleurs, rien n’est vraiment obligatoire : « l’ancien » coexistera avec le nouveau.
Parce que c'est un tout. Ces rectifications aberrantes s'ajoutent à bien d'autres réformes scolaires idéologiques en 2016.Plus que de cet ajustement mineur, on devrait s’inquiéter de la permanence d’une forme d’illettrisme, de la dégradation générale de la langue écrite et parlée ou de la progression des anglicismes (notamment dans ces colonnes). Voire, comme l’écrit dans Le Figaro, l’académicien Marc Fumaroli, de « l’angoisse existentielle » que révèle le débat provoqué dans le pays par cette mini-réforme (ici, on gardera le tiret, mais pas à chauvesouris ni à croquemonsieur).
Sauf que c'est précisément l'inverse ici...Du XVIIe siècle, qui vit le premier dictionnaire de la langue française, au XXe, la langue et son orthographe n’ont cessé d’évoluer, le plus souvent sous la pression de l’usage plus que de l’Etat. C’est le propre d’une langue vivante.
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- Loys
- Auteur du sujet
- Messages : 18191
Dans "Le Monde" : "Najat Vallaud-Belkacem : « La réforme de l’orthographe n’existe pas ! »"
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Dans "Le Point" : "Hélène Carrère d'Encausse : "L'orthographe n'a pas à être imposée par un pouvoir politique""
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Dans "Télérama" : "Réforme de l'orthographe : “Les langues appartiennent à ceux qui les parlent !”" avec Louis-Jean Calvet
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Dans "Libération" avec Fabrice Jejcic : "Notre orthographe si compliquée ? «C’est un choix politique»"
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- Loys
- Auteur du sujet
- Messages : 18191
Sur "France Culture" : www.franceculture.fr/emissions/la-grande...he-un-enjeu-national
Et aussi : "Pour ou contre la réforme de l'orthographe ?" avec Jean-Rémy Girard et Pierre Encrevé
Dans "Le Monde", Cécile Ladjali : "Oublier l’histoire des mots, c’est renoncer à nous-mêmes".
Dans "L'Express" : "Polémique sur l'orthographe: Najat Vallaud-Belkacem s'en prend à ses prédécesseurs de droite"
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Ce n'est pas comme si le MEN version PS avait supprimé, en catimini, le Capes de lettres classiques en 2013…
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- Messages : 733
A partir de là, quoi d'étonnant ?
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- Loys
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- Messages : 18191
"The Conversation" : "Réforme ou rectification de l’orthographe ? Le point sur la question"
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25 février 2016
Dans "La Fabrique de l'Histoire" ("France Culture") : "Débat historiographique : « Réformer l’orthographe : toute une histoire »"
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- Loys
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- Messages : 18191
"Secret des sources" du "France Culture" : "Réforme de l'orthographe : les journalistes sont-ils pro-circonflexe ?"
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- Messages : 112
Mais si l'ancienne graphie est conservée, on n'a rien simplifié, on n'a que complexifié... apprendre qu'il existe deux orthographes, c'est plus compliqué que d'en apprendre une, me semble-t-il. Et si on dit : "libre choix", alors c'est la fin d'une certaine idée de la norme linguistique (déjà bien mise à mal à vrai dire). Après-tout si "nénufar" est plus logique, régulier, simple, moderne, swag que "nénuphar", pourquoi pas "fare" (pour phare) ?
Il me semble donc que l'incertitude est la pire des solutions. Quitte à proposer les nouveaux usages, il faut les imposer avec plus de forces que ce que l'on fait en ne cessant d'osciller entre contrainte et tolérance. Mais comme la contrainte est difficile à tenir, alors... c'est une mauvaise réforme.
Mais pendant qu'on parle de ça, on ne parle pas d'autre chose.
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- Loys
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Jean-Marie Rouard, académicien, dans "Paris match" : "La guerre de l’orthographe n’aura pas lieu"
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