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La réforme de l'orthographe
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Début de dissertation laborieux.L’invention de l’écriture représente une avancée technologique majeure ayant révolutionné la pensée humaine.
Une trentaine de phonèmes/graphèmes en finnois plutôt (28 exactement). Et en rappelant que l'anglais offre une complexité bien supérieure avec... plus de 1100 graphèmes pour 40 phonèmes ! Alors "la complexité de l'orthographe française"...En conséquence, cela a effectivement permis de représenter tous les sons mais au prix d’une complexité énorme : plus d’une centaine de possibilités pour coder 36 sons alors qu’une langue comme le finnois en possède seulement une vingtaine.
L'harmonisation est tout ce qu'il y a de plus logique : elle permet de distinguer une unité grammaticale, ici un groupe nominal. Rien d'opaque ou de difficile. Il est utile de distinguer : "un paquet de cigarettes abîmées/abîmé".On se retrouve alors avec des cas comme le suivant où il y a une seule marque de pluriel à l’oral (la différence de prononciation entre le et les) pour cinq à l’écrit: Le_s_ joli_s_ petit_s_ tableau_x_ multicolore_s_. L’orthographe française est donc très peu transparente c’est-à-dire que le passage du français parlé au français écrit est extrêmement complexe et difficile à prévoir à partir de règles.
Parce que c'était l'usage le plus répandu... C'est tout le paradoxe de ceux qui veulent simplifier la langue au nom de son évolution mais en définissant arbitrairement son évolution contre les usages.Pourtant, l’orthographe est une construction issue de choix explicites d’un petit nombre de personnes et non d’une évolution naturelle. L’orthographe, ce n’est pas la langue mais seulement sa codification écrite. En 1835 par exemple, l’Académie française a proposé et obtenu la modification graphique de plusieurs milliers de mots dont la suppression du h ou la substitution de ph par f dans certains mots comme fantaisie, flegme et trône (qui précédemment s’écrivaient phantaisie, phlegme et thrône). Et nénufar n’est devenu « officiellement » nénuphar qu’en 1935.
M. Benzitoun ne songe pas le moins du monde à rappeler que l'orthographe permet d'éclairer les liens grammaticaux, de distinguer les homophones, de garder une trace de l'histoire des mots et d'établir des réseaux lexicaux dans la langue.Bref, les choix d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes que ceux d’hier ou de demain, comme le montrent ces deux extraits des « Observations de l’Académie Françoise sur les Remarques de M. de Vaugelas » (1704) qui exhibent les formes recommandées à l’époque : du parti de ceux qui cro_yent__ et ne sont plus employ_ez_. Mais, si cela dépend de choix, pourquoi avoir conservé une orthographe aussi compliquée ?
Ce qui est étonnant, à vrai dire, c'est que cela pose problème en 2017 (beaucoup plus qu'en 1987) mais M. Benzitoun ne s'interroge guère à ce sujet.Les raisons de la complexité
De manière assez étonnante, l’orthographe du XVIIe siècle, élaborée par et pour les lettrés connaissant le latin, n’a pas été repensée à l’époque de la démocratisation de la scolarité en France, période durant laquelle l’école représentait le seul contact avec le français pour des millions d’enfants. On a donc conservé des conventions fort complexes et depuis 1835 aucun changement notable n’est intervenu.
Parce qu'aujourd'hui ils sont plus incapables qu'hier.Cette situation a pour conséquence qu’aujourd’hui l’orthographe pose des problèmes dans l’apprentissage de l’écriture et de la lecture, avec un nombre élevé d’enfants dyslexiques ou dysorthographiques et d’adultes en situation d’illettrisme.
Pour supprimer l'échec scolaire, supprimer la difficulté : il fallait y penser !De plus, le français écrit est central dans la scolarité. C’est lui qui donne accès aux autres matières. Il est donc la cause d’une part importante de l’échec scolaire.
Dans les examens, plus vraiment : c'est d'ailleurs sans doute une des causes de la dégradation constatée entre 1987 et 2015. Meme à L'ENA l'orthographe n'est plus prise en compte !Par ailleurs, l’orthographe sert d’outil de sélection dans le cadre d’examens, de concours, de recrutements professionnels voire même de rencontres amoureuses.
Contresens complotiste : pour fixer l'orthographe, en choisir une plutôt qu'une autre (ou plutôt que bien d'autres)...Or, l’aspect discriminant n’est pas, comme on pourrait le penser, un dommage collatéral. C’est au contraire une conséquence tout à fait voulue, comme l’atteste la célèbre citation de Mézeray (1673), membre de l’Académie française:
«[L’Académie] déclare qu’elle désire suivre l’ancienne orthographe qui distingue les gens de lettres d’avec les ignorants et les simples femmes.»
La langue est le fruit d'un complot de l'Académie : les Illuminati de la Coupole. Mais alors, qui sont les ténébreux responsables de la monstrueuse langue anglaise, qui ont réussi à l'imposer à l'ensemble de la planète ?Tout ceci explique pourquoi, quand on écrit en français, on a l’impression que celui-ci a été truffé de pièges, de formes les plus éloignées que possible d’une écriture à base de règles intuitives, à l’image de sonneur qui prend deux n et sonore qui n’en prend qu’un.
Toujours pas d'interrogation à ce sujet ?Cette situation oblige à consacrer un temps considérable à l’enseignement de l’orthographe du français, au détriment des autres matières et des autres compétences langagières (savoir structurer un texte, présenter de manière claire et ordonnée une argumentation). Et cela pour un résultat somme toute assez modeste et qui empire dans le temps.
Elle n'est pas beaucoup plus transparente, elle est transparente. Ce serait tellement plus simple si les petits Français apprenaient le finnois !Par comparaison, les petits Finlandais obtiennent des résultats meilleurs que les Français en lecture pour un temps d’enseignement de l’orthographe nettement plus faible, le finnois étant une langue beaucoup plus transparente que le français.
A noter que M. Benzitoun ne s'insurge pas contre la baisse des horaires en français, les méthodes d'enseignement constructivistes, contre l'enseignement de l'anglais en primaire : sa cible est l'orthographe française, coupable de tous les maux.
Une langue évolue naturellement : ce que souhaite M. Benzitoun est tout sauf une évolution. Il veut un élagage brutal et arbitraire.L’orthographe n’est pas intouchable et elle n’a pas atteint une sorte de perfection indépassable, ce qui n’aurait aucun sens. Heureusement, le français n’est pas une langue morte et continue d’évoluer.
Il ne tient évidemment pas compte du fait que la plupart des grandes œuvres de la littérature ont été composées dans une orthographe très proche de la nôtre, ce qui contribue à expliquer l'admirable permanence de la langue française depuis plusieurs siècles : les changements qu'il évoque ont été tout à fait mineurs...
Argument ridicule quand on constate que la langue dont l'orthographe est une des plus complexes - l'anglais - s'est imposées partout dans le monde...Il est donc important de lancer un grand débat sur le rôle que la société souhaite assigner à l’orthographe (outil de sélection ou moyen d’accès facilité vers l’écrit). Cela conditionnera notre capacité à améliorer l’apprentissage des élèves et à amplifier la diffusion du français à l’étranger.
Peut-être que la question du temps est à poser en effet...Le perfectionnement des méthodes d’enseignement seul ne permettra pas d’avancées significatives. Le temps consacré à l’orthographe, aussi important soit-il, est insuffisant et le restera si l’on continue à enseigner sa forme actuelle.
Il est très souhaitable de supprimer l'enseignement de l'anglais en primaire, au contraire.Sauf à diminuer le temps dévolu aux autres matières, ce qui n’est pas souhaitable.
A ce compte il faudrait simplifier aussi les mathématiques...Il faut donc une réflexion sur les conventions orthographiques elles-mêmes, dont la complexité doit être étudiée avec toute la rigueur nécessaire.
Pour qu’une grande langue comme le français puisse apporter toutes ses richesses au plus grand nombre, pour que l’apprentissage de ces formidables outils que sont la lecture et l’écriture ne soit plus synonyme de supplice...
La conception de M. Benzitoun est très condescendante, voire méprisante pour tous ceux qu'ils n'estiment pas capables d'apprendre la langue française....il est urgent que la société s’empare de ce sujet, sans se laisser aveugler par une conception élitiste de la langue.
D'où ce très logique renoncement.Il en va de notre capacité à partager ce bien commun que représente l’écrit, d’autant plus dans le monde contemporain où nous n’avons jamais autant eu besoin de savoir lire et d’écrire.
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- Loys
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tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/onpc-naja...7-a674-5c9ba05fdcbf/
www.lepoint.fr/medias/fake-news-najat-va...2017-2129129_260.php
www.leparisien.fr/people/video-onpc-la-c...-05-2017-6969009.php
www.marianne.net/politique/video-moment-...e-news-najat-vallaud
francetvinfo.fr/politique/ps/najat-valla...elkacem_2200902.html
lelab.europe1.fr/video-najat-vallaud-bel...es-fake-news-3336845
tempsreel.nouvelobs.com/en-direct/a-chau...sociaux-apres-m.html
www.liberation.fr/france/2017/05/21/vall...es-fake-news_1571110
www.liberation.fr/desintox/2017/05/21/le...t-pas-couche_1571120
www.lemonde.fr/actualite-medias/article/...em_5131376_3236.html
Et mon billet à contre-courant : www.marianne.net/debattons/blogs/lutte-d...en-impose-la-reforme
Oui, le ministère de l'Éducation nationale a bien imposé la réforme de l'orthographe
Publié le 21/05/2017 à 12:15
Quand Najat Vallaud-Belkacem n'assume pas la réforme de l'orthographe imposée par ses propres programmes scolaires
Au cours de l'émission "On n'est pas couché" (ONPC) du 20 mai 2017, l'ex-ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem, interrogée sur la réforme de l'orthographe dans les nouveaux programmes, l'a assuré : "Je n'ai jamais mené de réforme de l'orthographe : c'est une fake news !"
Bien sûr, le Ministère de l'Éducation nationale n'est pas l'auteur des rectifications orthographiques proposées par l'Académie française en 1990, rectifications qui ne sont, pour la plupart d'ailleurs, jamais entrées dans le mœurs depuis un quart de siècle : dans son autobiographie parue récemment, l'ex-ministre de l’Éducation nationale ne les applique pas elle-même !
Mais ce qui importe pour les élèves, c'est bien l'application soudaine de ces rectifications dans leur classe ou dans leurs manuels en 2016.
En 2008, sous un ministère de droite donc, les nouveaux programmes faisaient de l'orthographe révisée "la référence" en primaire et demandaient aux professeurs, pour l’enseignement de la langue française, d'en tenir compte (seulement). Mais, de fait, les programmes eux-mêmes ne respectaient pas les rectifications de 1990 : on y trouve 238 fois le mot "maître" (et apparentés) avec l'accent circonflexe qui devait pourtant disparaître ! Et, de fait encore, les éditeurs scolaires n'ont pas appliqué ces rectifications.
Mais en 2016 et pour la première fois, les rectifications orthographiques sont appliquées par les programmes eux-mêmes et la consigne devient la même en primaire et au collège ("L'enseignement de l'orthographe a pour référence les rectifications orthographiques publiées par le Journal officiel de la République française le 6 décembre 1990"). Ce n'est d'ailleurs pas sans mal : les deux premières versions des programmes ne respectaient pas les rectifications, preuve de leur caractère artificiel, et il a fallu une relecture attentive de la troisième et dernière version des programmes pour qu'elles soient enfin appliquées.
Mais le plus important est que les éditeurs scolaires ont, pour la première fois en 2016, reçu des consignes pour appliquer les rectifications de 1990, comme l'indique l'enquête d'"Arrêt sur image" en 2016 qu'on peut difficilement considérer comme un site de "fake news" :
"Contactée par @si, Elina Cuaz, responsable du département primaire
aux éditions Bordas qui intervient dans le sujet de TF1, explique : "En 2008, on était mal à l'aise car les nouveaux programme préconisaient l'orthographe rectifiée mais les programmes eux-mêmes n'étaient pas rédigés en orthographe rectifiée. Dans les évaluations de CE1 et CM2, les exercices étaient rédigés en orthographe traditionnelle. Donc on pouvait se poser des questions sur les motivations du ministère". Bordas a donc décidé de ne pas appliquer la réforme en 2008, contrairement aux éditions Hâtier qui l'ont appliqué pour le primaire, mais pas pour le collège ("car il n'était pas logique de mettre des explications en orthographe rectifiée pour commenter des textes classiques écrits en orthographe traditionnelle", nous dit-on chez Hâtier). Pourquoi Bordas et Nathan ont-ils changé d'avis en 2016 ? "Dans les nouveaux programmes applicables en 2016, il est recommandé d'enseigner l'orthographe rectifiée en primaire et en collège, nous explique Elina Cuaz. Et les programmes, ainsi que les documents émanant du ministère ont été écrits en orthographe rectifiée. On s'est donc dit qu'il y avait cette fois-ci, une cohérence". Un simple choix d'éditeur donc ? Pas tout à fait. Car l'application de la réforme de 1990 serait une demande expresse du Conseil supérieur des programmes. "En juin/juillet, les groupes d'experts du CSP nous ont sensibilisé sur le sujet", précise Cuaz."
L'Académie française a bien proposé, en 1990, d'écrire au choix "goût" ou "gout" (en laissant l'usage trancher). Mais c'est bien le ministère de l'Éducation nationale qui, en adoptant les programmes du Conseil supérieur des programmes (malgré leur rejet par le Conseil supérieur de l'Éducation en 2015), a imposé, vingt-cinq ans plus tard, l'usage de la seule orthographe "gout" aux enseignants.
De fait, quel intérêt, pour les élèves, de comprendre que "déguster" en français, "gustar" en espagnol, "gusto" en italien ou "disgusting" en anglais sont liées à la même racine latine "gustus", dont notre petit circonflexe sur "goût" garde la jolie et fragile mémoire ?
@loysbonod
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Sur "Arrêt sur images" du 22/05/17 : www.arretsurimages.net/contenu.php?id=9881
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Extraits éloquents :
S'affranchir de l'orthographe, c'est sortir du domaine de la "loi", c'est une transgression, un espace de création" (Aurore Vincenti, linguiste
Heureusement les enfants refusent de plus en plus les règles qu'ils ne comprennent pas. "C'est tout le paradoxe de l'éducation : on veut que les élèves aient l'esprit critique mais on se plaint qu'ils ne soient plus dociles dans leur apprentissage." Entre les anglicismes, le langage Web et l'écriture inclusive, pourquoi ne pas se réjouir de la vivacité de la langue et de l'orthographe ? "L'écriture est un lieu où les gens font preuve de liberté, conclut Arnaud hoedt. Cela rappelle que l'orthographe est un outil qui peut être modifié en fonction d'objectifs personnels, politiques ou collectifs. On peut s'en emparer sans demander la permission." Car, à la fin, c'est toujours l'usage qui gagne. Bah ouais.
Et un autre article qui mêle confusément lecture et écriture : www.20minutes.fr/societe/2535779-2019060...ier-langue-francaise
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Le lien entre simplification de la langue et fin de l'illettrisme laisse pantois...
Dans certains pays, la langue est transparente phonétiquement, comme en Finlande. A noter que la linguiste ne déplore pas l'enseignement d'une langue encore moins régulière du point de vue morpho-phonologique dès le primaire : l'anglais.Dans certains pays, l’apprentissage de la lecture ne commence que vers 7-8 ans. », poursuit la chercheuse, rejoint par Maria Candea.
Experte qui confond donc lecture et écriture : quel rapport logique entre "l’envie de lire" et "le souci absolu d’éviter les fautes ou la maîtrise parfaite de l’orthographe ou de l’exception grammaticale" ?« Il faudrait davantage orienter les programmes vers la lecture plaisir, transmettre l’envie de lire plus que le souci absolu d’éviter les fautes ou la maîtrise parfaite de l’orthographe ou de l’exception grammaticale. Et augmenter le nombre de dictées n’y changera rien », assure l’experte.
Il est intéressant de noter qu'aucun de ces experts ne s'interroge sur la dégradation des compétences de lecture depuis 1987 par exemple et sur la conclusion qu'il faut en tirer : que la langue est tout sauf responsable des difficultés de lecture. "Simplifier la langue française" est une solution à contre-sens. Les enseignants savent d'expérience que les fautes les plus graves constatées ne sont pas que d'orthographe lexicale...
Ces "règles de conversion" sont inchangées depuis plus d'un siècle, sauf à la marge : pourquoi leur complexité pose-telle problème plus aujourd'hui qu'il y a trente ans ? D'ailleurs, à de nombreux points de vue, l'écrit offre précisément plus de clarté que l'oral (les homophones par exemple, mais également les accords).Exit les dictées, exit l’apprentissage à tout prix. Car malgré les efforts de l’Education nationale, resteront les mots de la langue de Molière qui, selon Fanny Meunier, n’est pas la plus simple à restituer sur papier ou clavier. « Le français est une langue à l’orthographe non-transparente, c’est-à-dire qu’il ne s’écrit pas forcément comme il se prononce. C’est donc une langue complexe à pratiquer, contrairement à l’espagnol ou à l’italien. Surtout, les règles de conversion entre l’oral et l’écrit ne sont pas régulières, ce qui complexifie encore la lecture », abonde Saveria Colonna, maîtresse de conférences en sciences du langage à l’université de Paris 8.
Pour le reste, "Exit les dictées, exit l’apprentissage à tout prix" (sic), voilà comment s'explique en partie la dégradation des compétences des élèves sur la même période. On pourrait d'ailleurs faire les mêmes observations en mathématiques.
Mais Mme Candea ne donne aucun exemple concret de ces "difficultés artificielles" et de ce "décalage total"...Maria Candea assure que les difficultés ont augmenté au fur et à mesure que l’écart entre le français écrit et parlé s’est creusé. Pendant que l’écrit est resté figé, l’oral, lui, a évolué, ce qui rendrait aujourd’hui plus complexe encore la compréhension d’une écriture presque… anachronique. « On a une bonne centaine d’années de retard sur les réformes de la langue pour mettre l’écrit à jour de l’oral, avance la sociolinguiste. Il faudrait enlever les difficultés artificielles et éliminer les exceptions orthographiques en total décalage avec la langue parlée car leur apprentissage prend un temps fou que l’on pourrait largement mieux utiliser ailleurs. »
Pour le reste, si l'on suit la langue parlée, "ils" remplacent bien souvent "elles"...
L'exemple d'"oignon" est intéressant, d'abord parce qu'il montre que la rectification proposée n'a été suivie par personne ou presque depuis 1990 et qu'il semble aberrant de l'imposer. Mais surtout parce que ce mot est très secondaire dans les difficultés rencontrées par les élèves : ce sont les limites d'un diagnostic qui n'est pas apposé par des enseignants de terrain du primaire ou du secondaire...
L'utilisation du mot "bouquin" montre bien en quelle estime sont tenus les efforts des enseignants de terrain...Restera alors à combattre, selon l’experte, cette ancrage de la lecture dans un prisme uniquement scolaire : « Il faut faire de la lecture une activité de réussite. Les progrès sont réels quand la lecture est pratiquée. Et avec les nouvelles technologies, il est tout à fait possible d’imaginer des applications permettant de lire dix minutes par jour pour s’améliorer plutôt que de forcer quelqu’un à lire trois heures un bouquin qu’il ne finira jamais.
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- Loys
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Arnaud Hoedt, comédien, ancien professeur de français
Jérôme Piron, comédien, médiateur culturel, ancien professeur de religion catholique
L'étymologie a bon dos
Samedi 13 juillet 2019
Où l'on découvre, grâce à Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, qu'il est absurde d’imaginer que l'orthographe du français est parfaite, et que l'étymologie, cette science de l'origine des mots, est elle aussi un mythe !
Bonjour à toustes !
Bien campée sur les lois de la phonétique historique et sur l’évolution sémantique des termes, voici l'étymologie dans toute sa splendeur ! Une science qui assène des vérités souvent figées, surtout en orthographe, là où chacun cherche le mode d'emploi d'un outil de communication partagé.
Dans cette chronique, nous découvrirons que le sens d’un mot n’est pas dans le mot lui-même, mais dans l’utilisation qu’on en fait, que les mots n’ont pas un seul sens, et pour finir, qu'en linguistique, quand tout le monde a tort, tout le monde a raison !
il s'agit tout simplement de l’usage !
Beaucoup d'erreurs factuelles dans cette courte chronique se voulant iconoclaste, mais la plus grave et la plus atterrante est celle qui dénie à l'étymologie de se constituer en science ("Aujourd'hui on voulait vous parler d'un grand mythe qui passionne tous les francophones : l'étymologie."). De fait, si la science étymologique "est un mythe", quel intérêt alors de vouloir rectifier l'étymologie de tel ou tel mot ?
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La grammaire, cauchemar de générations entières ?
La grammaire, cauchemar de générations entières ? © Getty / Isabelle Solano
Historiquement, c'est le dix-neuvième siècle qui voit la sacralisation de l'orthographe.
Dans son ouvrage remarquable, Et il fallut apprendre à écrire à tous les petits Français, le linguiste André Chervel retrace l’histoire de la grammaire scolaire du début du dix-neuvième siècle à nos jours et éclaire certains aspects de notre rapport conflictuel à la langue française.
André Chervel, chercheur en histoire au sein du Service d'Histoire de l'Éducation, s'exprime ainsi :
La grammaire scolaire utilise des méthodes terroristes pour faire taire toute forme de réflexion grammaticale critique au profit d’une prière républicaine fondée sur le par cœur !
Bibliographie
Chervel A. Et il fallut apprendre à écrire à tous les petits Français : histoire de la grammaire scolaire. Paris: Payot; 1977. 306 p. (Langages et sociétés).
Wilmet M. Petite histoire de l’orthographe française. Bruxelles, Belgique: Académie royale de Belgique; 2015. 80 p. (L’Académie en poche).
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Commentons :
Le ton est donné par une citation sonore décontextualisée : il s'agit du linguiste Alain Bentolila en janvier 2017, à l'occasion de la polémique sur le prédicat dans les nouveaux programmes de collège : pour Alain Bentolila précisément, le prédicat "interdit l'analyse"..."La grammaire et l'orthographe grammaticale portent l'intelligence" "Tu parles, bla bla bla..."
Cette polémique suffit d'ailleurs à montrer que la grammaire scolaire est bien soumise à des réformes, dont le prédicat n'est qu'un exemple...
Petite confusion d'emblée ("on appelle grammaire la langue elle-même") : la "grammaire immanente", telle que la définissent les auteurs de la Grammaire méthodique du français (7e édition 2018) ne désigne pas la langue elle-même, mais ses principes d'organisation...Aujourd'hui on a choisi de vous parler d'un grand mythe fondateur de l'école républicaine : la grammaire scolaire. Alors tout d'abord il faut s'entendre sur les mots : on confond souvent la grammaire et la grammaire. On appelle grammaire la langue elle-même et la description de la langue mais il ne faut pas confondre la carte routière et la route elle-même. Il y a d'une part la grammaire qui désigne les structures, et qui fait qu'on se comprend quand on communique. Et d'autre part la grammaire comme modèle de description de la langue, donc le bouquin, qui tente de décrire ces structures et qui est par définition imparfait.
Bref, la distinction vieille comme le monde entre grammaire descriptive et grammaire prescriptive, avec cette idée que la norme, c'est le mal...Parmi ces bouquins il en existe deux sortes. D'une part les grammaires des linguistes qui décrivent par l'observation objective et qui proposent régulièrement de nouveaux modèles pour s'adapter aux évolutions de la langue. Et d'autre part la grammaire scolaire ou normative, celle que vous connaissez ou plutôt que vous aimeriez connaître et qui décrit la langue non pas telle qu'est mais telle que l'école la conçoit, celle qu'on interroge lorsqu'on se demande "Est-ce que j'ai le droit ? Est-ce que c'est correct ? Est-ce que c'est français ?" Est-ce que c'est français...
Les grammaires scolaires sont descriptives : il s'agit bien de faire comprendre la langue aux élèves, même si la description est simplifiée (les grammaires scientifiques, au delà des controverses entre linguistes, présentent une complexité qui n'a pas sa place à l'école). Pour le reste, cette compréhension n'exclut pas une volonté prescriptive (pour partie du moins car une grande partie du travail en grammaire n'a aucun rapport avec des "règles"), en référence à une norme sociale que les enseignants présentent comme telle : par exemple, savoir utiliser "dont" plutôt que "que" dans une relative est bien dans l'intérêt des élèves, à l'écrit comme à l'oral.
Et ces outils changent sans cesse dans les programmes scolaires : on a parlé de l'absurde "prédicat" plus haut, mais on pourrait parler des "compléments de phrase", des "propositions complétives", des "déterminants"...Or cette grammaire scolaire n'est qu'un modèle de description de la langue. Changer ce modèle, ce n'est pas changer la langue, c'est changer les outils qui permettent de la décrire.
Cette affirmation est fausse pour deux raisons : le modèle de description scolaire a - évidemment - beaucoup évolué depuis deux siècles (les étudiants préparant les concours de l'enseignement en lettres le savent bien puisqu'on leur demande de connaître les derniers états de la recherche linguistique) et la grammaire immanente de la langue française a, au contraire, peu évolué depuis le début du XIXe siècle. Arnaud Hoedt et Jérôme Piron se gardent d'ailleurs de donner le moindre exemple d'une évolution de "la logique intrinsèque de la langue"...Et le modèle de description que nous utilisons à l'école aujourd'hui date du début du XIXe siècle, c'est-à-dire avant l'invention de la la linguistique elle-même.Il ne correspond pas à la logique intrinsèque de la langue. En gros, la carte ne correspond plus au territoire.
Cette thèse volontairement polémique - quelque peu datée d'ailleurs puisque exhumée de 1977 - est évidemment excessive ("n'est que") donc ridicule par elle-même. La grammaire est évidemment au service de l'expression écrite mais aussi orale (le "dont" précédent), en référence à une norme qui dépasse l'école, mais la grammaire telle qu'elle est enseignée vise tout autant à la compréhension de la langue et des textes (le choix d'un temps, le sens d'un pronom indéfini, la distinction entre relatives explicatives et déterminatives...), évidemment dans une mesure qui est celle de l'école. Les élèves, même au lycée, ne sont pas des chercheurs en linguistique. Il est d'ailleurs amusant que la citation d'un linguiste en début de chronique fasse référence à l'enseignement du prédicat, une tentative de simplification de la grammaire allant à l'encontre de la compréhension de la langue (la distinction entre attribut et complément du verbe par exemple)...Et c'est ici que les recherches d'André Chervel peuvent bouleverser en profondeur notre rapport à la langue. Dans un livre incontournable qui s'intitule Et il fallut apprendre à écrire à tous les petits Français, André Chervel retrace l'histoire de la grammaire scolaire du début du XIXe siècle à nos jours et démontre à quel point cette grammaire n'est en réalité qu'un manuel d'orthographe.
Mais - on le voit bien - la portée prescriptive (caricaturée en seule "orthographe") est méprisable en elle-même.
La grammaire a préexisté à la grammaire scolaire : il suffit de lire l'ouvrage d'André Chervel pour le savoir...En un mot, c'est l'école qui a inventé la grammaire pour enseigner l'orthographe, pas pour comprendre la langue.
Pour le reste, il est évident que les enseignants s'efforcent tous les jours de faire en sorte que leurs élèves ne comprennent pas la langue... Quel dommage pour les élèves qu'Arnaud Hoedt et Jérôme Piron ne soient pas restés des enseignants et soient devenus de brillants chroniqueurs radio !
Comme si les deux concepts s'opposaient... En réalité, il est aussi absurde vouloir faire apprendre sans faire comprendre que faire comprendre sans faire apprendre...Il ne s'agit pas de comprendre, mais d'apprendre.
L'étiquette "complément d'objet direct" est toujours la référence en vigueur dans la dernière édition de la Grammaire méthodique du français : on voit mal en quoi elle serait "mal pensée"...Alors on me au point une batterie d'étiquettes mal pensées, entièrement dédiées à la graphie. Le complément d'objet direct, par exemple, on ne l'utilise que pour faire ce fameux accord du participe passé avec avoir, ça ne sert qu'à ça.
Par ailleurs, l'accord du participe passé est très secondaire dans l'identification du complément d'objet direct : celle-ci permet par exemple de distinguer un complément du verbe et un attribut du sujet ou bien encore, de comprendre la flexion des pronoms (pourquoi "il" devient "le"). Ce dernier point permet d'ailleurs d'entrer dans d'autres langues subissant les mêmes flexions, y compris l'anglais.
Au delà de la caricature brutale de M. Chervel (ici euphémisée : il n'est pas fait mention des "méthodes terroristes" des enseignants), les élèves ne sont pas évidemment des scientifiques à qui il conviendrait de décrire la langue dans toute sa complexité puisque les linguistes eux-mêmes n'y parviennent qu'imparfaitement : les élèves n'apprennent en effet de la grammaire que ce qui peut être utile (pour l'expression autant que pour la compréhension des textes qu'ils abordent). Le temps de l'enseignement est compté, et à vrai dire bien réduit en français depuis 1977 ...Et le jugement d'André Chervel est sans appel : "La grammaire scolaire fait taire toute forme de réflexion grammaticale critique au profit d'une prière républicaine fondée sur le par-cœur." Marc Wilmet, le spécialiste mondial du participe passé [...] n'est pas plus tendre : "Le jacobinisme centralisateur assigne à cette entreprise utilitariste la mission d'inculquer l'orthographe. La grammaire cesse d'être une science".
On retrouve ici une déclinaison de la pensée constructiviste opposant l'activité de l'enfant-chercheur avec sa caricature : l'élève ânonnant sans comprendre. Les modes pédagogiques constructivistes (refus de l'apprentissage systématique et de la répétition, interdisciplinarité de la langue, observation réfléchie de la langue, dictée négociée etc.) ont précisément fait beaucoup de ravages dans la maîtrise de la langue. Les effets sont d'ailleurs documentés scientifiquement .
De quelles exceptions - si nombreuses - parle-t-on ici dans l'enseignement de la grammaire ? On voudrait bien le savoir.C'est vrai qu'on imagine mal Albert Einstein en chaire universitaire qui affirme "E=MC2 sauf..." Et Bam ! Vingt pages d'exceptions.
Curieuse analogie par ailleurs... D'abord parce que les grammaires descriptives, si elles n'emploient pas le terme "exceptions", montrent précisément la langue dans un infinie complexité qui n'a pas sa place à l'école. Mais surtout parce que précisément - et de façon contradictoire - l'analogie scientifique suppose la simplicité de la langue, réduite à une expression simple et mathématique. La langue n'est pas simple, elle est parfois illogique. C'est en réalité trahir, de la part des auteurs, leur volonté de simplifier la langue, déjà rencontrée à l'occasion d'une chronique précédente (décrivant l'étymologie comme un "mythe" également cf supra).
Au demeurant, la théorie de la relativité restreinte est assez complexe et n'est pas enseignée dans le secondaire : faut-il aussi la simplifier ?
Dommage que MM. Hoedt et Piron ne donnent pas des exemples concrets de cet "illogisme" : la grammaire scolaire est plutôt fonctionnelle... dans son propre intérêt. L'accusation d'"inefficacité" contredit par ailleurs quelque peu l'accusation d'utilitarisme...Franchement, tous les jours, aux quatre coins de France, des élèves, des parents d'élèves ou même des enseignants sont confrontés à l'illogisme et à l'inefficacité des étiquettes de la grammaire scolaire mais ils se disent que c'est peut-être eux qui sont trop bêtes pour les comprendre.
Le mépris du travail quotidien des enseignants en une seule phrase, sur le service public...La grammaire scolaire est une insulte à l'intelligence de nos enfants. [Et re-Bam !]
Quel rapport ?Et du coup, aujourd'hui, quand tous les linguistes défendent un nouveau modèle d'accord du participe passé, par exemple, des gens se plaignent en disant : "Mais alors on ne saura plus ce que c'est un complément d'objet direct !"
On voit bien, en tout cas, qu'il ne s'agit plus ici de décrire la langue de façon scientifique : nos deux chroniqueurs se font ici prescripteurs, à l'instar de la grammaire scolaire qu'ils fustigent tant : les deux cartographes se voulant scientifiques deviennent paysagistes-élagueurs. Et - ultime paradoxe qui ne manque pas de sel - réclamant une simplification qui - il ne faut pas en douter - ne serait pas une remise en cause de l'intelligence de nos élèves !
Dans cette analogie, plus aucun rapport avec la grammaire, puisqu'il s'agit d'orthographe lexicale, qu'il faut également et évidemment simplifier par respect de "l'intelligence de nos enfants"... A croire qu'expliquer l'orthographe des lettres muettes par leur étymologie ne ferait pas appel à leur intelligence ! La simplification proposée ici est d'ailleurs d'une grande naïveté (les lettres qu'on n'entend pas) puisque ce qu'on n'entend pas, on peut précisément le voir à l'écrit : écrire "c'est" au lieu de "ses" par exemple...Ce genre de réflexion me rappelle une petite histoire : une maîtresse proposait aux enfants de mettre des points sous les consonnes muettes pour les identifier. Comme dans le mot "poids", un point sous le "d", un point sous le "s". Un jour une petite fille lève la main et demande : "Madame, pourquoi on les écrit si on les entend pas ?" Et le petit garçon à côté qui lui répond : "Ben parce que, si on les écrit pas, on ne saura plus ou mettre les points".
L'étymologie est une insulte à l'intelligence, la grammaire scolaire est une insulte à l'intelligence, l'orthographe non simplifiée est une insulte à l'intelligence, et même l'orthographe elle-même (sic) : à croire que pour nos deux chroniqueurs iconoclastes la langue elle-même est une insulte à l'intelligence. En tout cas, les voilà qui s'évertuent - avec bien d'autres - à la déconstruction et au mépris de l'école avec une constance qui force l'admiration !
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- Loys
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Avec la grammaire scolaire, donc... Décidément, l'école insulte beaucoup l'intelligence.«L'orthographe est une insulte à l'intelligence»
A défaut de l'ouvrir (la porte).Un spectacle hilarant sur des dogmes linguistiques qui pousse la porte à un débat passionnant.
Le malentendu serait surtout de construire cette représentation naïve d'une orthographe "sacrée"...Véritable passion pour les uns, chemin de croix pour les autres, l'orthographe de la langue française est sacrée pour tous. Et pourtant, il ne s’agit peut-être que d’un énorme malentendu.
La langue est ce qu'elle est...Dans leur spectacle «La convivialité», ce vendredi soir pour une dernière représentation au Kinneksbond à Mamer, Jérôme Piron et Arnaud Hoedt, des anciens professeurs de français, portent un regard critique, rafraîchissant et décomplexant sur l'orthographe, ce dogme intime et lié à l'enfance.
Deux professeurs belges qui critiquent la langue française – mais qu'est-ce qui vous a pris?
Quel rapport avec les difficultés orthographiques, et avec l'orthographe tout court ?Notre objectif est de distinguer la langue de l’orthographe – tout ce qui fait partie de la conjugaison, de la syntaxe, du vocabulaire, cela fait partie de la langue. Nous ne voulons dans aucun cas critiquer l’évolution de la langue. Elle évolue, il y a des choses qu'on n'écrit plus, qu'on ne dit plus, comme la marque de négation «ne» qui disparaît surtout à l'oral.
Venue du langage enfantin, cette disparition de la négation (affaiblissement en réalité puisque la "disparition" n'est que partielle à l'oral) n'est de toute façon propre qu'aux registres familiers et parfois courant et - à vrai dire - elle est très ancienne. Mais même dans ces registres, la négation s'emploie toujours (avec un sujet lexical ou dans certaines tournures d'insistance par exemple) et elle s'emploie toujours systématiquement dans le registre soutenu (entendrait-on un discours "Les Français veulent pas que..." ?).
Dans un souci de description de la langue, l'enseignement de la grammaire ou du lexique distingue toujours les registres : faudrait-il qu'il renonce à enseigner le registre soutenu, à plus forte raison à l'écrit, que d'ailleurs les deux comédiens ne se privent pas d'utiliser. Dans cet entretien, ils ne disent pas "Nous voulons dans aucun cas cas critiquer l'évolution de la langue"...
Les élèves comprennent facilement que "reum" et "mère" ne s'emploient pas dans le même contexte. A croire, les deux comédiens l'école ne devrait plus enseigner que "reum"...
Renvoyer à la subjectivité, c'est nier l'existence de différents registres selon les situations d'énonciation. Curieuse position linguistique...Cela fait pourtant mal à l'oreille d'entendre «j’aime pas» au lieu de «je n’aime pas».
Ah, c’est vous qui dites ça. Cela relève du subjectif.
Quel rapport avec les registres de langue ?La femelle d’un crapaud est une crapaude. Est-ce que cela ne fait pas plus mal à l'oreille?
Le "ne " n'est pas "devenu superflu". D'abord parce que son affaiblissement à l'oral est très ancien (le jeune Louis XIII déjà omettait très souvent le "ne" à l'oral au début du XVIIe siècle cf le corpus Héroard). Ensuite parce qu'il s'emploie encore dans de nombreux cas, même dans les registres familiers ou courants...En français on met le «ne» parce qu’au Moyen Âge on avait une unité de mesure qui suivait tout ce qu’on niait. On disait «je ne marche pas», «je ne mange mie», «je ne cous point», «je ne bois goutte», «je ne bataille guère». Sans la marque négative «ne», toutes ces exclamations ne seraient pas des négations. Depuis, le «ne» est devenu superflu. On comprend la négation, on a gardé le «pas» qui prend en charge la négation, mais on pourrait se débarrasser facilement du «ne».
Que signifierait ici l'évolution ? Autoriser, voire contraindre les élèves à ne pas utiliser "ne" dans leurs écrits ?Dans le cas du «ne», la langue pourrait donc selon vous évoluer. Pourquoi elle ne le fait pas?
C'est souvent le cas... dans le registre enfantin ou familier. L'école a pour but de porter une autre exigence, exigeant des réponses sous forme de phrases par exemple au lieu d'un mot jeté sur le papier...Parce qu'elle est sacrée. Pour certains l'oubli du «ne» relève de la paresse, d'autres parlent de perdition. Mais voyons, c’est de l’économie: on va au plus rapide.
Ce sont donc également les terminaisons verbales qu'il faudrait "simplifier".Autre chose: Au départ, la deuxième personne du singulier n'existait pas. Pour «tu aimes» on disait il y a mille ans «amas», proche du latin et donc sans le pronom «tu». Depuis ça a donné «aimes», toujours avec «s». La deuxième personne du singulier, le pronom «tu», s’est peu à peu mise en place, pourtant on a gardé «tu aimes» avec «s», une lettre en somme superflue.
A ce compte, puisque "ai", "es" se prononcent comme "es", pourquoi des graphies superflues ?
Parce qu'en français le s dans le graphème st se prononce (seul exception "est") ?Par contre, les accents circonflexes font l'inverse en marquant des «s» qui ont disparu de l’écrit...
Attention: certains «s», pas tous. Pourquoi n’a-t-on pas laissé ces «s» dans «fenêtre», «hôtel», «hôpital»?
Ce s est final : aucun rapport donc. La terminaison des mots masculins de la seconde déclinaison ne gardent jamais le s du nominatif puisque le français se forme à partir de l'accusatif...On a laissé le «g» dans doigt (vient du latin «digitus»), alors on aurait pu garder aussi les «s».
La circonflexe est apparu au XVIe siècle.Au Moyen Âge on écrivait cet «s» rapidement, il manquait peut-être de l'espace dans la ligne et donc peu à peu les moines copistes l’ont fait glisser vers le haut de la lettre précédente du mot – en créant l'accent circonflexe.
Son but : marquer l'amuïssement de la lettre s tout en conservant le réseau lexical du mot (forêt pour forest en lien avec forestier).
Pourquoi "malheureusement" ?Malheureusement cet outil linguistique a été utilisé pour d’autres choses, notamment pour allonger une voyelle, comme dans «dôme».
Cette explication médiévale est totalement fantaisiste. Malgré certaines incohérences, il y a par ailleurs de grandes régularités dans l'utilisation de l'accent circonflexe, qui permettent d'ailleurs d'unifier les réseaux lexicaux dans notre langue. L'expression "chaos généralisé" est donc une grossière caricature : on comprend qu'il faudrait également, après les terminaisons verbales muettes, supprimer les circonflexes.Mais à chaque fois que l'accent circonflexe intervient, l'application de celui-ci se fait sans cohérence. Et puisqu’il y a eu autant de systèmes graphiques que de monastères, cela a donné un chaos généralisé.
Arnaud Hoedt et Jérôme Piron ne sont pas des linguistes : leur manque de compétence est d'ailleurs souvent criant, comme on l'a pu voir...Et comme l’orthographe est réservée depuis plus de 400 ans à des incompétents que l’on appelle les académiciens – mais qui ne sont pas du tout linguistes – on a toujours l’orthographe la plus bête du monde.
Encore une caricature grossière du métier d'enseignant (que pratiquaient les deux comédiens). Les enseignants ont grand plaisir, pourvu qu'ils en aient le temps, d'expliquer l'orthographe des mots et les élèves ont grand plaisir à la découvrir.Aux élèves on dit «cela s’écrit ainsi, ne demande pas la raison, il n'y en a pas». Est-ce que l'orthographe mène au conformisme?
Seule une simplification arbitraire et autoritaire peut mener au "conformisme"...
L'apprentissage comme violence symbolique... Le débat dépasse ici la simple question de l'enseignement du français.Absolument. Si l’élève se pose des questions, il ne saura écrire correctement. L’apprentissage de l’orthographe à l’école est l’apprentissage de la docilité. Notre orthographe est une insulte à l’intelligence des enfants.
Pour écrire correctement, l'élève doit évidemment sans cesse se poser des questions : les accords, par exemple, sollicitent l'intelligence. Le problème est plutôt qu'aujourd'hui les élèves ont tendance à ne plus se poser de questions, confondent être et avoir, n'accordent pas le verbe avec le sujet ou ne cherchent plus à distinguer participe passé, infinitif et imparfait... Les subtilités des accords complexes du participe - le cheval de bataille des deux comédiens - sont bien éloignées de préoccupations beaucoup plus élémentaires des enseignants...
Arnaud Hoedt et Jérôme Piron ont dû être de bien médiocres enseignants pour répondre ainsi à leurs élèves.Lorsque le cerveau de l'enfant se manifeste et met en doute ou demande le pourquoi, on dit: ne cherche pas, c’est comme ça! Donc, on coupe la créativité et l’esprit critique.
Pour le reste, l'injonction à la "créativité" laisse perplexe. On y retrouve le fond constructiviste des deux chroniqueurs : la langue est à inventer comme le reste !
Le constructivisme est souvent démagogique.L’enfant qui dit, ce n’est pas cohérent, a tout à fait raison – il est intelligent.
Le propos est ici très vague : qu'est-ce qui n'est pas cohérent ? Il y a bien sûr des incohérences dans la langue française (qui font d'ailleurs une partie de son histoire et de son charme), mais dans l'ensemble beaucoup de cohérence, sauf si l'on veut faire fi de son histoire par exemple.
Pure construction des deux chroniqueurs : il est plus simple de s'en prendre à une caricature qu'à la réalité.L’outil n’est plus au service de la langue, l’élève doit respecter quelque chose qui est vénéré, sacralisé et dogmatique.
Parce que c'est souvent le cas, sauf à ne pas considérer l'étymologie comme une richesse de la langue. Écrire "lontan" est un enrichissement ?Dès qu’on parle de changer l’orthographe, on entend systématiquement la réplique «appauvrissement».
Le marteau illustre bien la violence symbolique dans l'enseignement de l'orthographe...L'outil ne fonctionne plus et la langue n'est pas conviviale. Est-ce la raison pour laquelle votre spectacle s’appelle «La convivialité» et que l'affiche montre un marteau?
En effet. Les débats sur l’orthographe sont toujours clivés et bagarreurs, alors qu’il s’agit d’un malentendu.
C'est vrai qu'insulter le travail au jour le jour des enseignants est très convivial.Si on sépare la langue de l’orthographe, on peut discuter, on peut réconcilier la langue autour de l’orthographe, d’où le titre du spectacle «La convivialité». Les deux doivent vivre ensemble.
Une Société sans école (1971).Il y a aussi un concept philosophique derrière ce titre. Le philosophe Ivan Illich disait: «Quand un outil n’est plus au service de l’homme, mais que c’est l’homme qui est au service de l’outil, il a alors dépassé son seuil de convivialité.»
Qu'est-ce qu'une orthographe conviviale ? A ce stade, rien n'est clair : les circonflexes ne le sont pas, les lettres muettes ne le sont pas...D'ailleurs, avoir une orthographe conviviale, c’est une manière de défendre le rayonnement de la langue française à travers le monde.
Quel rapport avec l'orthographe ?Vous croyez que la France ne se rend pas compte que sa langue nuit à ses propres intérêts?
La langue appartient à tous les francophones, les Français ne représentent que 20 % de la francophonie. Donc, l’idée de décentrer le regard de la France sur la francophonie est un enjeu fondamental pour la survie et la bonne santé de la francophonie. Il faudrait souhaiter que la France rentre une fois pour toute dans la francophonie. Au Québec, on a féminisé les noms des titres et de profession depuis plus de 30 ans.
Arnaud Hoedt et Jérôme Piron n'ont visiblement pas eu connaissance des programmes d'enseignement en France.En Belgique, on utilise beaucoup plus la nouvelle orthographe, l’enseignement l’a décrite comme prioritaire. Il n'y a que la France qui résiste systématiquement, et là où la francophonie avance, la France bloque parce qu’elle a conservé une institution d’Ancien Régime grotesque, l’Académie française.
Quant au pouvoir prêté à l'Académie, il l'est ridiculement : les rectifications proposées depuis trente ans par l'Académie ne sont, pour la plupart, jamais entrées en usage (nous l'avions constaté chiffres à l'appui pour les accents circonflexes ). Cet usage que M. Hoedt et Piron défendent et qui leur pose ici problème : l'usage n'a pas à "résister" à des rectifications. Dans l'article de "Elle Magazine" de février 2019 (cf supra), M. Hoedt regrette d'ailleurs qu'il n'existe pas en France "une instance juridique" ayant "le pouvoir de simplifier l'orthographe.
Ce besoin d'unifier à la langue est-il bien conforme aux aspirations de liberté que nos chroniqueurs lui souhaitent ?Faudrait-il supprimer la Coupole?
Oui, il est grand temps. Il faudrait créer une Académie francophone composée de représentants de tous les pays francophones, dont le Luxembourg.
Un minuscule exemple (rebattu) qui ne prouve pas grand chose : les deux graphies existaient du temps de Proust, mais déjà la graphie -ph était très majoritaire depuis la fin du XVIIIe siècle . L'Académie n'a fait qu'entériner un usage en 1935.La raison pour cette rigidité, n'est-elle pas aussi liée à la littérature à laquelle on ne veut pas toucher?
Faux! On a touché aux œuvres. Proust écrivait nénuphar avec un «f».
A rebours, on peut lire une proposition de réécriture d'un poème de Victor Hugo dans un français phonétique (parmi d'autres possibles).
Il faut l'exemple (qui ne montre rien) du "nénuphar" pour arriver à cette conclusion ?On pense n'avoir qu’une orthographe unique et indivisible à l’image de la République, mais il en existe une multitude. On entretient un mythe.
Dommage que MM. Hoedt et Piron n'enseignent plus pour appliquer leur pensée iconoclaste. En revanche, ils pourraient témoigner davantage de respect à ceux qui continuent d'enseigner chaque jour l'orthographe aux élèves...Dans votre spectacle, vous entrez en scène comme professeurs ou comme comédiens?
On est nous-mêmes: des citoyens qui se posent des questions.
Cette bizarrerie trouve une explication par l'étymologie. Mais, de toute façon, les difficultés de nos élèves sont bien plus élémentaires. Il suffit d'enseigner pour s'en rendre compte...Comment avez-vous trouvé toutes ces absurdités de l'orthographe?
Chez les linguistes. Cela fait des années qu'ils le disent. Depuis belle lurette Maurice Grévisse s'est moqué des Français et de leurs pluriels en «x»: hiboux, genoux, cailloux, joujoux, poux. Mais qu'est-ce que c'est que ce grigri auquel les gens s'accrochent et avec lequel ils font souffrir leurs enfants?
Pourtant, hiboux, joujoux, poux et ainsi de suite cela s'apprend vite...
Attendez! Pris individuellement, tout s'apprend vite, mais il y a beaucoup. Il faut 80 heures de cours uniquement pour enseigner le participe passé et l'accord du complément d'objet direct. Avec cinq leçons par semaine, cela fait un cursus de 17 semaines seulement sur le participe passé. Mais c'est délirant pour un truc qui n'a pas de valeur. Et si après les élèves le maîtrisaient encore!
Aucun enseignant dans le primaire ou le secondaire ne consacre un temps pareil aux subtilités des participes passés, qui paraissent anecdotiques en comparaison des difficultés des élèves confondant participe passé, infinitif et imparfait. Dans les programmes, il suffit de savoir accorder "avoir" avec le COD placé avant...
Et un reproche encore plus ridicule quand on enseigne...Allez, expliquez-nous enfin la différence entre confiture de groseilles avec «s» et gelée de groseille sans «s».
C'est une des règles les plus absurdes.
Quel enseignant apprend une telle distinction à ses élèves en 2019 ?Au lieu de dire que l'orthographe peut être variante, les académiciens ont inventé une sémantique en disant que dans la confiture on peut voir des bouts de groseilles, mais non pas dans la gelée. Mais on prend l'enfant pour un imbécile. On lui dit, «on fait de la confiture avec des groseilles, et on fait de la gelée avec de la groseille». Et l'enfant dit: «Oh, c'est intelligent cela!». Non, c'est idiot. Les immortels ne veulent pas détruire leur chapelle.
A voir également cette conférence TedX publiée le 21/06/19 :
Nous avons été prof de français. Sommés de nous offusquer des fautes d'orthographe, nous avons été pris pour les curés de la langue. Nous avons écrit pour dédramatiser, pour réfléchir ensemble et puis aussi parce qu'on a toujours pensé que l'Académie Française avait un vrai potentiel comique.
"Les deux belges qui veulent simplifier la langue française" : tout est faux dans cette phrase. Pas "simplifier" mais bien faire preuve d'esprit critique, se demander si tout se vaut dans notre orthographe. Pas deux belges, mais bien deux curieux qui veulent transmettre le travail des linguistes de toute la francophonie, pas même la "langue française", seulement son orthographe. Car l'orthographe, c'est pas la langue, c'est juste le code graphique qui permet de la retranscrire. Passion pour les uns, chemin de croix pour les autres, elle est sacrée pour tous. Et pourtant, il ne s'agit peut-être que d'un énorme malentendu. Arnaud Hoedt et Jérôme Piron sont linguistes de formation. Ils ont vécu 25 ans sans se connaître, mais c’était moins bien. Ils ont ensuite enseigné pendant 15 ans dans la même école. Quand Arnaud participe à la rédaction des programmes de français en Belgique, Jérôme se spécialise en médiation culturelle. En 2016, ils écrivent et mettent en scène le spectacle « La Convivialité », au Théâtre National de Bruxelles. Ce spectacle conférence qui traite de la question du rapport dogmatique à l’orthographe tourne depuis 3 ans dans toute la francophonie. Dans la foulée, ils publient l’ouvrage « La faute de l’orthographe », aux éditions Textuel. Ils se définissent comme suit : « Linguistes dilet(t)antes. Pédagogues en (robe de) chambre. Tentent de corriger le participe passé. Écrivent des trucs. Vrais-Faux Comédiens. Bouffeurs d’Académicien ».
A la question « est-ce que ça se dit ? « , Arnaud et Jérôme répondent invariablement « oui, tu viens de le faire ».
Commentons cette présentation d'abord :
Quel est l'intérêt d'un tel "esprit critique", consistant à railler les incohérences (ou supposées telles...) de la langue sans aller au delà ? En réalité, MM. Hoedt et Piron ne cessent d'aspirer à une réforme de la langue. M. Hoedt a même regretté que n'existe pas une instance juridique pour le faire..."Les deux belges qui veulent simplifier la langue française" : tout est faux dans cette phrase. Pas "simplifier" mais bien faire preuve d'esprit critique
Contradiction flagrante dans le même paragraphe, qui souligne toute la confusion du propos de nos deux chroniqueurs : il ne s'agit pas seulement de libérer l'orthographe (à l'écrit donc) mais également de libérer la langue à l'oral...[...] pas même la "langue française", seulement son orthographe [...] A la question « est-ce que ça se dit ? « , Arnaud et Jérôme répondent invariablement « oui, tu viens de le faire »
Comment une formation en linguistique permet-elle de devenir professeur de français ? Il est vrai qu'ils se présentent comme " Linguistes dilet(t)antes" et "pédagogues en (robe de) chambre".Arnaud Hoedt et Jérôme Piron sont linguistes de formation.
Au demeurant, dans la conférence, Jérôme Piron est présenté comme professeur de philosophie. Il est présenté sur France Inter comme professeur de théologie, et ailleurs comme professeur de français...
Les deux chroniqueurs se présentent comme enseignants, alors qu'on apprend ailleurs qu'ils ont cessé d'enseigner. Ils viennent d'une institut privé catholique (Don Bosco) en Belgique.
La citation de Voltaire qui ouvre la vidéo ("L’orthographe de la plupart des livres français est ridicule. L’habitude seule peut en supporter l’incongruité") est une citation très tronquée si l'on se réfère à l'article "Orthographe" du Dictionnaire philosophique portatif (1771).
Ils ne savent pas que le double V allemand, qu’on écrit ainsi W, est notre V consonne, et qu’en Allemagne on prononce Vétéravie, Virtemberg, Vestphalie, Visigoths.
Ils impriment Altona au lieu d’Altena, ne sachant pas qu’en allemand un O surmonté de deux points vaut un E.
Ils ne savent pas qu’en Hollande oe fait ou ; et ils font toujours des fautes en imprimant cette diphthongue.
Celles que commettent tous les jours nos traducteurs de livres sont innombrables.
Pour l’orthographe purement française, l’habitude seule peut en supporter l’incongruité. Emploi-e-roi-ent, octroi-e-roi-ent, qu’on prononce octroieraient, emploieraient ; pa-on, qu’on prononce pan ; faon, qu’on prononce fan ; La-on, qu’on prononce Lan, et cent autres barbaries pareilles, font dire : Hodieque manent vestigia ruris. (Hor., liv. II, ep. i, vers 160.)
Cela n’empêche pas que Racine, Boileau et Quinault, ne charment l’oreille, et que La Fontaine ne doive plaire à jamais.
La première partie ne concerne que la transcription malvenue de sons étrangers. La seconde s'appuie sur des exemples en partie inactuels.
La comparaison orthographe/langue et partition/musique (1'45) oublie que l'écrit, en littérature, est aussi une musique...
A quoi sert cette remarque si ce n'est à réformer l'orthographe, contrairement aux affirmations précédentes ?Si l'orthographe est un outil, est-ce que c'est un bon outil ?
Les comédiens cherchent à montrer qu'on peut écrire le son s comme dans "régisseur" de douze façons différentes. En plus des graphèmes s, ss, c, ç, t ou sc :
- "dix", "six" sont avec "soixante" les trois seuls exemples dans les noms propres. De même pour "quartz" ou "aztèque" (avec "tzigane"), mots venant de l'étranger ; "il acquiesça" est un exemple unique.
- Dans "isthme" ou "asthme", le "th" ne se prononce pas ; "succion" se prononce en réalité [syksjo~] ; "forsythia" est unique et se prononce en réalité [fORsitja] (de l'anglais Forsyth)
En somme, leur question, visant à montrer l'absurdité de la langue, est en réalité en partie absurde elle-même : ils choisissent - c'est de bonne guerre - un phonème français correspondant à un grand nombre de graphèmes en français, mais au lieu de se contenter des six graphèmes qui correspondent à la quasi-totalité de la langue, ils doublent artificiellement - pour leur effet de scène - ce nombre avec trois graphèmes constituant des ensembles anecdotiques (de une à trois occurrences), d'emploi d'ailleurs le plus souvent rare, et avec trois graphèmes... qui ne correspondent pas à ce phonème.
Peu importe de plus que les six graphèmes réguliers obéissent à une logique qui fait qu'on ne peut pas écrire "régiseur", "régiteur" par exemple. Ou que "-isseur" se trouve en position de suffixe correspondant l'agent d'une action (punir>punisseur, avertir>avertisseur, rôtir>rôtisseur etc.).
Leur approche rationaliste est par ailleurs purement rationaliste et quantitative, comme si à un son devait correspondre une et une seule graphie. Significative de leur rejet de l'histoire de la langue est d'ailleurs leur démonstration suivante : "En français, si on inventait un mot qui n'existe pas..." (4'31). Ils s'appuient d'ailleurs sur un algorithme purement combinatoire pour générer 240 graphies (de "chraiffisciont" à "kraifition") d'un mot qui n'existe pas pour prouver l'absurdité de la langue. Au lieu de critiquer la réalité de la langue, les deux comédiens - pour un effet comique plus sûr - en critiquent une version théorique ("Il existe 240 manières différentes...")...
Leur modèle : les langues à l'orthographe purement phonétique, comme le turc, entièrement et autoritairement réformé à partir de 1928 dans une perspective politique. L'alphabet latin turc est d'ailleurs un alphabet né de rien, obéissant à la volonté d'un homme, Mustapha Kemal, conçu par la raison et non par l'histoire pour se substituer à l'alphabet turc ottoman (rendant ainsi inaccessible tous les écrits antérieurs). Le finnois a certes été façonné plus tôt, au XVIe siècle, mais de même : par un seul homme.
Pourquoi ces exemples (radicaux) de simplicité s'il n'est pas question de simplifier l'orthographe et la langue française ? Les deux comédiens s'arrêtent toujours au seuil de cette question. Par ailleurs, avec l'exemple autoritaire du turc, on voit bien que la liberté promise ("Est-ce que ça se dit ? Oui, tu viens de le faire") est bien illusoire... sans oublier qu'il faut toujours rappeler qu'à l'arbitraire de l'histoire les réformistes veulent substituer un autre arbitraire puisque toute nouvelle graphie simplifiée procède d'un choix arbitraire et que ces choix peuvent être très nombreux, d'où les nombreux systèmes de français "simplifié". Ajoutons enfin qu'il est amusant que l'Académie soit leur principale cible, elle qui a précisément prétendu par le passé rationaliser l'orthographe de la langue !
L'orthographe de la langue française est imparfaite : mais c'est le principe de tout ce qui est vivant.
D'ailleurs, le français, malgré ses incohérences et ses bizarreries, offre une relative régularité grapho-phonologique, comparé à l'anglais : en français 130 graphèmes pour 34 phonèmes contre... 1120 graphèmes pour 62 phonèmes en anglais ! Dans l'article tronqué, Voltaire confirme : "Les Anglais sont bien plus inconséquents ; ils ont perverti toutes les voyelles ; il les prononcent autrement que toutes les autres nations." Mais Arnaud Hoedt et Jérôme Piron ne prenne jamais en exemple la langue vivante qui s'est imposée jusque dans les classes de primaire française, au détriment d'ailleurs... de l'enseignement du français.
Avec l'incohérence "abri/abriter" contre "bruit/bruiter" (brugitum) "crédit/créditer" (creditum) "édit/éditer" (editum), les deux comédiens soulignent, sans aucune explication, un arbitraire comique, alors que l'incohérence s'explique tout simplement par l'histoire et surtout... par l'usage ! "abri" s'est écrit depuis le Xe siècle ainsi puisque venant de "abrier" : "abriter" n'est apparu que tardivement et ne s'est imposé qu'à partir du XVIIIe siècle. Que fallait-il faire dès lors ? Aller contre l'usage et imposer "abrit" ?
Ils rient de "dix"/"dizaine"/"dixième" mais ne proposent pas de solution : de fait "dis" ne se prononce pas comme "dix". Faut-il écrire "disse" ou au contraire écrire "dis" mais "paradi" ou "tu di" ? Et en ce cas comment écrire le pluriel de "radi" ? Les deux comédiens passent sous silence les problèmes en cascade d'une "simplification" de l'orthographe. Une langue réformée est condamnée aux incohérences, mais à des incohérences totalement arbitraires !
L'explication toute monastique de l'accord du participe passé avec l'auxiliaire avoir placé avant semble tout à fait fantaisiste.
Caricature de l'enseignement.Jérôme Piron écrit: Pourquoi est-ce que l'esprit critique s'arrête au seuil de l'orthographe ? Eh bien c'est parce qu'on a tous appris à ne plus se demander pourquoi.
L'orthographe est au contraire une belle occasion d'aiguiser l'intelligence des élèves, et pas seulement pour sa partie grammaticale. Si certaines difficultés de la langue exigent des connaissances un peu difficiles ("abri/abriter" s'explique par "abrier" que les élèves ne connaissent pas puisqu'il a disparu), d'autres sont éclatantes et ravissent les élèves puisqu'elles construisent un réseau dans la langue ("doigt/digital", "pied/pédestre") ou se réfèrent à des étymons communs (athée, panthéon). Il est facile d'expliquer par l'étymologie et les déclinaisons pourquoi "camp", "champ" n'ont pas de s et "temps" ou "corps" en ont un. Mais il est vrai que l'enseignement des langues anciennes est-lui même condamné aujourd'hui.
"L'esprit critique", serait-ce d'exiger une langue rationnelle, c'est-à-dire purement arbitraire et sans mémoire ?
"Avant le XVIIe siècle, tout le monde écrit comme il veut" (8'55) : curieux comme ce temps béni d'avant l'Académie contraste avec la volonté d'uniformisation et de rationalisation (à l'image des langues phonétiques) ou les possibilités graphémiques infinies tournées en ridicule...
Mais lequel ?D'ailleurs Molière écrivait "orthographe" sans h
Cette façon de laisser penser que Molière écrivait déjà dans une orthographe réformée, avec les exemples de "misantrope" ou "d'orthografe" chez Molière (ou plutôt chez son éditeur), est tout aussi absurde (sous réserve que la seconde soit d'ailleurs avérée) : l'orthographe n'était alors pas fixée et des graphies se concurrençaient comme l'avaient déjà observé pour "orthographe" Vaugelas dans ses Remarques sur la langue française en 1654 ("quelques-uns écrivent la dernière syllabe des deux façons phe et fe"). D'ailleurs, les exemples choisis sont ceux d'une graphie "simplifiée" : les deux humoristes se gardent bien d'indiquer que la même édition de 1667 présente les graphies "traitter" et "traitent" ou bien "home" et "homme" dans la scène 1 de l'Acte I (cf Gallica )...
Les deux comédiens vantent l'adaptation des œuvres de Molière dans l'orthographe moderne : c'est encore une façon d'appeler - sans le dire, comme à chaque fois - à une simplification de la langue : mais pour la simplifier comment ? En écrivant "disse" pour "dix", ou bien "ciance" pour "science", ou bien encore "réjiseur" pour "régisseur" et en ce cas "provizeur" et "lé zeur" etc., c'est-à-dire en imposant des graphies qui ne correspondent à aucun usage ?
Sans en rester à des déclarations de principe sans suite ou à considérations évasives, nous avions proposé en 2012 un exemple d'un texte célèbre retranscrit dans un français simplifié :
L'orthographe peu à peu imposée par l'Académie à partir du XVIIe siècle correspondait bien, malgré des choix critiquables, à des usages. Les "rectifications" de 1990 sont, elles, imposées trente ans après dans l'école, contre les usages, comme en atteste par exemple et de façon amusante les réécritures successives et rectifiées des programmes de collège.
MM. Hoedt et Piron se moquent de la centralisation de l’État français au XVIIe siècle, incarnée par l'Académie puis du nationalisme au XIXe siècle ("On veut un français pour tous, unique et indivisible...") ... alors qu'ils ont donné précédemment en exemple la centralisation et le nationalisme turcs du XXe siècle, autrement plus autoritaires : cette absence de logique élémentaire laisse perplexe...
Les "linguistes dilettantes" que sont les deux humoristes se moquent de l'incompétence linguistique de l'Académie, découvrant que les académiciens sont des écrivains en habit vert et non des linguistes. Mais comment des linguistes, prétendant décrire scientifiquement la langue, pourraient-ils la prescrire ? Demande-t-on aux astrophysiciens de changer le cours des astres, aux historiens de modifier les évènements historiques, aux géologues de tailler des pierres précieuses ?
La comparaison de l'Académie avec un garage sans mécanicien fait rire le public mais elle est instructive quand on y réfléchit plus avant : dans l'analogie, les linguistes ne seraient plus des scientifiques mais des techniciens au service d'autrui...
Les mots "empruntés" (au sens linguistique) ne constituent qu'une fraction de la langue (si l'on exclut les mots empruntés au latin, moins de 20% selon Le Robert 2010 ), et même dans cette petite fraction, le grec ancien est prépondérant puisqu'il occupe la première place avec 34,5% des mots empruntés. Suivent l'anglais (22,9%), l'italien (10,9%), l'allemand (5,4% avec 598 mots), les langues sémitiques (4,8%) etc.Arnaud Hoedt écrit: Mais cette histoire [de la langue française] est largement fantasmée. D'abord, pourquoi on a conservé ou introduit uniquement les consonnes étymologiques issues du latin et du grec ? Bah parce que ça fait classe. Parce qu'on aimerait croire que le français ne descend que de l'Antiquité mais en réalité on a évacué sans hésiter toutes les consonnes étymologiques issues des langues germaniques, de l'arabe, de l'italien. Rien que ces mots-là, c'est déjà 30% de tous les mots qu'on a empruntés en français.
Mais d'un point de vue étymologique, 80% des mots de la langue française tirent leur origine - par évolution ou emprunt - du latin (80%) - ce qui fait d'elle une langue romane. Et le grec suit : une histoire "largement fantasmée", donc...
M. Piron prend un exemple d'étymologie irrégulière ("style" influencé par le grec στῦλος qui a donné "péristyle") pour invalider toutes les étymologies régulières : le upsilon du grec ancien a presque toujours donné le y (analyse, cycle, syndic, tyrannie etc.), au point qu'il est appelé (abusivement il est vrai) le i grec.
M. Piron donne l'exemple de l'italien "filosofo" : il ne s'agit donc plus de corriger des incohérences (puisque l'étymologie est très cohérente dans ce cas précis), mais d'effacer l'étymologie au nom d'une autre cohérence : l'uniformité phonétique, à appliquer aux milliers de mots français comportant ce graphème sans suivre aucun usage (ce qui n'était pas le cas de l'italien). A noter, que dans l'édition citée plus haut du Misantrope (1667), Philinthe évoque "ce chagrin philosophe"...
Pour moquer la dimension esthétique/compliquée de la langue française, les deux humoristes recourent encore une fois à une orthographe imaginaire, celle du collège de Pataphysique. Après le mot inventé, les graphies inventées : la logique est en effet celle de l'absurde.
Enfin M. Piron raille "le sens de l'effort" qui serait exigé avec cette orthographe trop compliquée : "Les gens ont l'impression que si on simplifie, on va faire moins d'effort". Mais MM. Piron et Hoedt ne prétendaient pas simplifier, simplement "faire preuve d'esprit critique" (et sans effort, qui plus est). Allez comprendre...
"On va pas faire moins, on va faire mieux". Mais ce mieux reste toujours très évasif...
Du temps gagné pour d'autres choses, comme la connaissance de l'histoire de la langue... "La simplification constitue bien un nivellement par le haut". L'orthographe est "sacrée" : "le Grévisse devient la Bible".
L'orthographe est présentée comme une "discrimination" absurde. "Quand vous faites une faute d'orthographe, on ne juge pas votre orthographe, on vous juge" : à vrai dire, on juge surtout la volonté de se soumettre à une norme commune. Un peu comme la qualité de la graphie ou le soin apporté à une copie.
Citation altérée : la célèbre phrase tirée du projet de Mézeray en 1673 ("la compagnie déclare qu'elle désire suivre l'ancienne orthographe qui distingue les gens de lettres d'avec les ignorants et les simples femmes") est suffisamment polémique pour qu'il ne soit pas besoin de l'altérer davantage : la relative n'est pas finale mais explicative. Elle s'inscrit dans un contexte qui est d'une part celui de la querelle de l'orthographe, à laquelle les Précieuses prennent part (les "simples femmes"), d'autre part celui de pratiques erratiques des imprimeurs ou éditeurs "ignorants" (Le Misantrope) : pour défendre une orthographe étymologique, le premier dictionnaire de l'Académie se propose de donner en modèles les "gens de lettres" qui, eux, la connaissent ou la défendent.Jérôme Piron écrit: En 1694, dans les cahiers préparatoires du tout premier dictionnaire de l'Académie française, il est écrit : "L'orthographe servira à distinguer les gens de lettres des ignorants et des simples femmes."
Mais la vraie question est la suivante : quel sens de citer cette phrase en 2019, sinon de laisser penser que tous les artisans de l'orthographe, d'hier à aujourd'hui, seraient partisans d'une sorte de grand complot linguistique et œuvreraient pour la discrimination sociale et le sexisme ? Voilà qui serait plus odieux qu'une odieuse citation d'il y a trois siècles...
En somme, quand les enseignants qui font tous leurs efforts pour enseigner l'orthographe à leurs élèves en démontrant ce qui en fait, malgré certaines incohérences, un ensemble régulier, les deux humoristes s'attachent au contraire à en effacer toute intelligence pour n'en montrer, à un public avide de caricature, que les incohérences, en en inventant si nécessaire et sans jamais tirer les conséquences concrètes de leur iconoclasme facile.
Avec la plupart de leurs exemples, les deux anciens enseignants sont de toute façon bien éloignés des difficultés réelles des élèves...
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