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La réforme de l'orthographe
J'arrive un peu comme les carabiniers, mais je me permets d'ajouter une référence qui complète ce que j'avais dit à Loys sur Neoprofs à propos de « l'usage ». Il y a quelque chose qui me gêne dans l'utilisation que vous en faites pour refuser certaines modifications de 1990.
Pour être tout à fait clair, je précise avant tout que je ne suis pas favorable à l'ensemble de ces rectifications, loin de là. J'aurais laissé de côté les modifications sur l'accent circonflexe (en contradiction avec les mots de Druon sur « les scories de la langue qui ne servent ni la pensée ni l'imagination »), sur le pluriel des noms composés (là aussi, l'orthographe traditionnelle a à voir avec la pensée, quoique de manière incohérente parfois), sur la soudure de certains mots comme pot-pourri ou haut-parleur, sur la francisation de certains mots étrangers (je pense aux peu élégants diésel et allégro) et sur le participe passé de laisser suivi d'un infinitif.
J'ai retrouvé sur Wikisource un texte d'Émile Faguet de 1905 qui exprime très clairement ce que je pense du concept d'usage appliqué aux modifications de 1990. Voyez plutôt :
(texte complet disponible ici )L’édition de 1878 fit quelques concessions à cet avis : rythme au lieu de rhythme, phtisie pour phthisie, etc. ; mais en petit nombre. L’Académie, depuis le XIXe siècle, est très timide, pour une raison bien simple : c’est que depuis le XIXe siècle l’orthographe est devenue une superstition ; on écrit d’après le Dictionnaire de l’Académie avec scrupule. Dès lors l’Académie ne peut pas s’appuyer sur l’usage pour réformer. L’usage lui permettant de réformer n’était tout simplement qu’un certain nombre de désobéissances à ses propres ordres ; donc depuis qu’on ne lui désobéit plus, elle ne peut pas s’autoriser des rébellions pour s’amender. Elle est comme un souverain constitutionnel qui serait devenu absolu ; elle dit : « Je ne puis pourtant pas être plus révolutionnaire contre moi-même qu’on ne l’est contre moi. Je suis toute prête à autoriser les réformes que le suffrage universel aura faites ; mais encore, qu’il les fasse. Or il n’en fait aucune ». — L’autorité acquise par l’Académie a pour effet singulier, mais naturel, de lui lier les mains.
De plus, il n'y a pas grand chose à tirer, selon moi, des statistiques que vous avez faites à partir des sources imprimées : comme je l'ai écrit sur l'autre forum, le refus d'élaguer les î et les û et quelques autres absurdités de 1990 ont conduit les éditeurs à ne pas adopter les rectifications les plus sensées, pourtant utilisées allègrement par bien des francophones.
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- Loys
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Notez que le fil de discussion n'est pas consacré aux rectifications, d'où son titre.
Peut-être. Il n'en reste pas moins que ces usages éditoriaux sont bien restés les mêmes, et rien ne permet de penser qu'ils ne correspondent pas aux autres usages : les sources imprimées sont bien, pour limité qu'il soit, notre meilleure indice des usages. Les discordances des usages dans l'édition avec les autres usages (si tant est que ceux -ci se soient imposés) doivent être peu nombreuses et pourraient se recenser ici.De plus, il n'y a pas grand chose à tirer, selon moi, des statistiques que vous avez faites à partir des sources imprimées : comme je l'ai écrit sur l'autre forum, le refus d'élaguer les î et les û et quelques autres absurdités de 1990 ont conduit les éditeurs à ne pas adopter les rectifications les plus sensées, pourtant utilisées allègrement par bien des francophones.
Il est intéressant de noter, au sujet des éditeurs, ce point dans la réponse du Premier ministre en 1990 :
Michel Rocard écrit: Mais l’enseignement ne saurait être le seul lieu où ces rectifications s’utilisent. Je demande donc à Monsieur le ministre délégué chargé de la francophonie de réunir, conjointement avec le vice-président du Conseil, l’ensemble des responsables des dictionnaires, de la presse écrite et de l’édition, ainsi que les correcteurs professionnels et tous les spécialistes concernés pour envisager avec eux les moyens de faire passer ces aménagements de l’orthographe dans l’usage ordinaire. Afin que chacun puisse en prendre connaissance, le texte définitif du rapport sera publié au Journal officiel et au Bulletin officiel de l’éducation
nationale.
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Absolument, et il me semble que cela va plutôt dans le sens de ce qu'écrit Faguet dès 1905. Tout son texte, d'ailleurs, est d'une limpidité et d'une honnêteté touchantes.Loys écrit: J'expliquerais pour ma part les réticences de l'Académie par la relative stabilité de la langue depuis que l'essentiel a été fait pour construire une norme.
C'est vrai.Loys écrit: Notez que le fil de discussion n'est pas consacré aux rectifications, d'où son titre.
Merci pour la citation de Michel Rocard. Il faut bien reconnaître que l'objectif qu'il se fixait n'a pas été atteint.
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Or, tout cela a été gommé dans le récent débat sur l'adoption des rectifications de 1990 par les manuels. Je ne défends pas nécessairement une orthographe qui reflète toujours rigoureusement l'étymologie grecque ou latine, mais j'aurais apprécié que les linguistes et les « lettrés » qui sont intervenus soient plus honnêtes dans leur opposition. On n'a pas assez souligné que non seulement le français est complexe et tordu, mais que sa subtilité peut être en quelque sorte une menace pour elle-même. Je ne vais prendre qu'un seul exemple, mais je crois qu'il est assez révélateur d'une certaine paresse intellectuelle :Typhon écrit: Je reproche à un système justifié par l'étymologie de faire apparaître une parenté inexistante, et de dissimuler des parentés étymologiques existantes, parce que c'est en contradiction avec la logique qui sous-tend supposément ce système.
Regardez ce débat entre les linguistes Alain Bentolila et Bernard Cerquiglini sur LCI, notamment à partir de 15:50 :
J'en ai voulu à Cerquiglini d'avoir touché au circonflexe, mais il s'est quelque peu repenti depuis et j'ai presque envie de le défendre contre les sous-entendus de Bentolila. C'est encore une fois l'exemple de ce pauvre nénufar qui est évoqué à partir de 15:50, mais je crois qu'il y a un enjeu plus général autour de la question du « système ». J'ai l'impression que Bentolila fait semblant de ne pas comprendre que, si on remplace -ph- par -f- dans ce mot, c'est au contraire pour renforcer la distinction générale ph/f fondée presque à 100% sur l'étymologie (attention, je sais qu'il y a des f qui pourraient être des ph en français mais, au moins, quand il y a un ph, on sait à peu près à quoi s'en tenir). Son exemple de phare est très mal choisi et ce qu'il dit ensuite sur « le système » est ahurissant ! Comment peut-il ne pas voir sa propre contradiction ? Je trouve Cerquiglini d'une patience remarquable, pour le coup, encore que je ne voie pas très bien où il veut en venir avec son far breton. Encore une fois, je sais qu'il n'y a pas correspondance parfaite entre rh/th/ph et l'étymologie grecque, mais nénufar va précisément dans le sens du sous-système ph/f. Il ne s'agit pas de gommer tous les ph... Le message d'Ivan Rioufol qu'on aperçoit dans la vidéo est tout aussi navrant.
Ainsi, donc, quand on voit que la plupart des opposants à la « réforme » de 1990 se piquent de défendre l'histoire de la langue, de défendre le bon vieux circonflexe « pierre tombale du s » (Bernard Fripiat dans le texte, sic), on comprend mal pourquoi ils ne s'extasient pas devant le sort réservé à notre chère plante aquatique.
Je suis un peu peiné de voir que des spécialistes de la langue se complaisent dans l'opposition simpliste entre « défenseurs du bon vieux français comme on l'a appris à l'école, du bon vieux temps » et « vilains réformateurs qui veulent niveler par le bas et gommer les traces du passé ». Qu'on y ait droit sur TF1, YouTube et les réseaux sociaux, cela ne me surprend pas, mais j'attendais autre chose de gens comme Bentolila. J'avais un peu d'estime parfois pour la prose de Rioufol, mais le voir céder à la moutonnerie facebooko-twitterienne avec son #JeSuisCirconflexe me désole.
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- Loys
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Le débat sur "nénuphar" est agaçant d'abord :
- parce que c'est un mot peu fréquent.
- parce que c'est un cas très particulier qui occulte des rectifications plus problématiques comme les circonflexes
- parce que les promoteurs de la rectification "nénufar" font fi des usages : certes le mot ne devrait pas comporter de -ph-... mais il comporte un dans l'usage établi depuis bien longtemps ! L'Académie n'a pas inventé cet usage en 1935.
La correspondance est remarquable, au contraire (voir sur ce post ). Pour le reste, bien sûr qu'il ne s'agit pas de gommer tous les -ph- avec ces rectifications mais notez que certains en parlent régulièrement. C'est le cas de Linguisticae par exemple , mais de bien d'autres encore.Encore une fois, je sais qu'il n'y a pas correspondance parfaite entre rh/th/ph et l'étymologie grecque, mais nénufar va précisément dans le sens du sous-système ph/f. Il ne s'agit pas de gommer tous les ph...
J'admets volontiers la contradiction à vouloir conserver un -ph- qui ne soit pas étymologique (au nom des usages !) mais j'observe surtout que les détracteurs de l'étymologie dans l'orthographe justifient précisément la nouvelle graphie "nénufar" par l'étymologie. En somme, les mêmes qui refusent que l'Académie impose des usages veulent en imposer un.
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Nous sommes d'accord. Je dirais comme Faguet au début de son bref essai : « Je commence par dire, comme je l’ai dit ailleurs, que j’attache très peu d’importance à cette question ».Loys écrit: Le débat sur "nénuphar" est agaçant d'abord :
- parce que c'est un mot peu fréquent.
Non, non, ce n'est pas ce que je veux dire. J'ai lu tous vos posts, Loys, et c'est justement sur vos statistiques (pour lesquelles je vous remercie, au passage) que je m'appuie. Je sais très bien que la correspondance est remarquable, mais j'ai bien écrit « pas correspondance parfaite », ni dans un sens ni dans l'autre (c'est-à-dire, ni pour passer du mot grec à th/ph/rh en français, ni pour remonter de th/ph/rh en français à un mot d'origine grecque). La modification de 1990, humblement, ne touche qu'au domaine où la correspondance est la plus proche d'être parfaite, à savoir la remontée de -ph- en français au phi grec. Et je trouve cela louable, en conformité avec le principe de Sainte-Beuve cité par Faguet :Loys écrit:
La correspondance est remarquable, au contraire (voir sur ce post ).Encore une fois, je sais qu'il n'y a pas correspondance parfaite entre rh/th/ph et l'étymologie grecque, mais nénufar va précisément dans le sens du sous-système ph/f. Il ne s'agit pas de gommer tous les ph...
Nous sommes tous d'accord pour dire qu'au fond nous discutons du sexe des anges depuis des semaines. Dans le domaine de l'éducation, il est évident que l'essentiel des efforts doit porter sur la syntaxe, sur les relations entre les mots, sur leur sens précis, sur leur découpage au sein de la chaîne écrite. Mais précisément, je trouve que de corriger quelques incohérences lexicales sans intérêt, de tenter quelques insurrections contre l'esbrouf(f)e à la Robert Estienne, de réduire peut-être d'un degré l'arbitraire de la langue, cela permet de se concentrer sur le plus important, et de réduire l'impression parfois justifiée que « de toute façon, le français est un n'importe quoi élitiste savamment entretenu par des pignoufs qui n'ont rien d'autre à faire ». Les corrections des listes E et H, par exemple, renforcent la cohérence d'un système déjà suffisamment subtil à mon goût.Émile Faguet écrit: il ne faut pas, comme l’a très bien dit Sainte-Beuve, si hardi, vous l’avez vu, mais qui est le bon sens même, « introduire d’un seul coup trop de différences entre les textes déjà imprimés et ceux qu’on réimprimerait à nouveau » ; il ne faut pas trop étonner. Encore Sainte-Beuve. Il n’y a que lui : « L’Académie, après avoir écrit phantôme, phrénésie, phantastique, a osé écrire fantôme, frénésie, fantastique. Osera-t-elle, appliquant la même réforme à d’autres mots, écrire nimfes, ftisie, diftongues ? Je vois d’ici l’étonnement sur tous les visages… Ce sont des questions de tact et de convenance où il importe d’avoir raison avec sobriété ».
Émile Faguet écrit: Et maintenant je vais m’occuper de choses un peu plus sérieuses
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Jusqu'au commencement de ce siècle, son Dictionnaire [celui de l'Académie], moins répandu, n'avait pas acquis l'autorité dont il jouit universellement ; de sorte qu'il restait à chacun quelque liberté pour modifier l'orthographe, soit dans le manuscrit, soit dans l'impression. C'est ainsi qu'avaient pu et que pouvaient encore se faire jour les préférences en matière d'écriture de ceux qu'on nommait alors « les honnêtes gens » et dont la manière était désignée sous ce nom : l'Usage.
Mais l'Usage, que l'Académie invoquait jusqu'en 1835 comme sa règle, n'a plus aujourd'hui de raison d'être ; le Dictionnaire est là qui s'oppose à tout changement : chaque écrivain, chaque imprimerie, s'est soumis à la loi : elle y est gravée ; les journaux, par leur immense publicité, l'ont propagée partout ; personne n'oserait la braver. Ainsi tout progrès deviendrait impossible, si l'Académie, forte de l'autorité qu'elle a justement acquise, ne venait elle-même au devant du vœu public en faisant un nouveau pas dans son système de réforme
Non seulement certaines rectifications correspondent à des usages bien ancrés (j'ai déjà donné quelques exemples), mais même sans cela, vous négligez l'auto-censure du francophone qui, face au doute, tremble de passer pour un plouc et se précipite dans le dictionnaire pour vérifier que oui, serpillière « s'écrit bien avec un i après les deux l ». « Ça s'écrit avec deux i » parce que le dictionnaire le dit, mais si l'Académie avait été un peu plus loin dans son travail d'harmonisation au fil des siècles, nous n'en serions pas là. En ce sens, il y a d'ailleurs un certain culot à dire que « ce n'est pas au pouvoir politique ou à l'Académie d'imposer des usages » : l'Académie a progressivement contribué à donner sa cohérence au français, c'est elle qui a façonné la norme, et je ne vois pas bien pourquoi elle devrait s'arrêter en si bon chemin pour ce qui est de l'élimination des incohérences les plus aberrantes. Encore une fois, je ne parle pas du circonflexe, qui était une erreur, ni du pluriel des noms composés, dont la complexité reflète en partie celle du réel lui-même.
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- Loys
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Les incohérences les plus aberrantes, pour reprendre vos termes, sont assez peu nombreuses, non ? Il serait intéressant d'en dresser la liste. Les aberrations les plus faciles à identifier sont celles qui ont trait à un écart entre la prononciation et la graphie ("oignon"). Mais même dans ce cas, que n'écrit-on pas "solan(n)el" ou "fa(m)m(e)" !
Le problème est que, sur ce qu'il faut considérer comme aberrant, il y aurait matière à discussion.
1) Parce que ce qui peut sembler aberrant se discute : pourquoi "île" serait-il aberrant et pas "âne" ou "tôt" ? Pourquoi la cohérence serait-elle uniquement dans la graphie quand la cohérence peut l'être dans le réseau lexical (dans notre langue et avec les langues étrangères) ?
2) Parce que la "rectification" (mot si mal choisi) peut elle-même paraître aberrante.
Prenons l'exemple des verbes en -eler ou -eter, un vrai casse-tête orthographique puisque la plus grande part de ces verbes suivent un modèle de conjugaison (appeler et jeter) mais qu'existent de nombreuses exceptions (geler/acheter).
Avec les "rectifications", les exceptions... deviennent la règle. Mais pourquoi n'avoir pas aligné les exceptions sur le modèle le plus répandu afin de ne pas "trop étonner" (pour reprendre Faguet) ? Pourquoi "il renouvèle" ou "il chancèle" plutôt que "il halette" ou "il modelle" (quatre exemples choisis à dessin pour nous heurter)? Le rapport de 1990 justifie d'une façon qui ne laisse pas d'étonner : "la graphie avec è présente l’avantage de ramener tous ces verbes au modèle de conjugaison de mener" qui n'est pas un verbe en -eler/-eter. Certes une aberration est supprimée (un modèle et de nombreuses exceptions) mais en réalité le choix pour harmoniser la langue semble lui-même très contestable. Aberration supplémentaire : ce choix maintient des exceptions avec les anciens modèles (appeler, jeter) et leurs composés, qui sont des verbes très courants !
Autres exemples, pris au hasard : On francise l’orthographe des mots étrangers pour respecter la prononciation avec une cohérence variable : "babyboumeur" mais "football". Dans ce dernier cas, on ne considère pas "foot" comme une anomalie puisque "On tiendra compte cependant du fait que certaines graphies étrangères, anglaises en particulier, sont devenues familières à la majorité des utilisateurs du français". Comme quoi l'usage familier "à la majorité" peut-être respecté (...mais pas pour "nénuphar").
Pire : avec "jazzmans", on crée tout simplement deux prononciations pour une même graphie en français (mamans, caïmans, musulmans, romans, ottomans, talismans d'une part, rugbymans, caméramans, gentlemans, barmans d'autre part). Drôle d'harmonisation, non ?
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J'ai le sentiment que vous bottez en touche, mais je n'insiste pas sur le problématique concept d'usage car nous pourrions tourner en rond pendant longtemps. En outre, vous ne semblez pas prendre en compte la possibilité pour l'Académie (ou le CSLF...) d'aller ponctuellement contre un usage précis hérité de ses propres erreurs, pour mieux assurer la cohérence générale de la langue et limiter les variantes d'un même mot.Loys écrit: Peu importe que les usages soient en référence au dictionnaire ou non : ce sont les usages.
Je préfère déjà cet argument, mais je parlais aussi du cas général avec cette citation, pas seulement de 1990 — et même pour 1990, il faut prendre en compte la grande auto-censure entretenue par les dictionnaires : pardon pour la référence, mais je lis ici que Le Petit Robert 2010 ne donne que 61% des graphies rectifiées, et Le Petit Larousse 39%... Vous chercheriez en vain serpillère, modification non dénuée de bon sens, dans le dictionnaire en ligne Larousse, pour ne prendre qu'un exemple parmi d'autres. Sans compter que dans les dictionnaires comme Littré ou celui de l'Académie, beaucoup de graphies de 1990 ne sont pas présentées en entrée principale mais reléguées au rang de simples variantes, ce qui contribue à laisser entendre qu'il y a, au fond, une « bonne » orthographe et une « mauvaise » qu'on peut à la rigueur tolérer pour faire plaisir aux petits-nenfants-qui-nont-du-mal-à-écrire. Idem pour certains correcteurs d'orthographes, qui oublient des modifications intéressantes alors qu'ils décapitent sans vergogne les î et les û...Loys écrit: Et l'affirmation de Firmin-Didot n'est précisément pas recevable puisque les rectifications de 1990 sont proposées depuis longtemps dans de nombreux dictionnaires.
Tout cela me fait aussi penser à un texte de Marie-Anne Paveau dont vous aviez donné le lien il y a quelques années sur un autre fil. Le mot auto-censure prend tout son sens à la lecture de ces lignes : « Quand j’ai ouvert mon premier blog, je me suis posé la question des rectifications. Mais on sait à quel point les commentaires sur les fautes de langue sont nombreux dans les commentaires, quel que soit le thème abordé : qu’il s’agisse de blogs de shopping ou de littérature, de politique ou de course à pied, les commentaires finissent toujours par trouver le chemin de la grammaire, de l’orthographe, ou du vocabulaire. Langue et métalangue alternent constamment. J’aurais eu constamment des commentaires de ce type, donc j’y ai renoncé. Pour l’instant je n’envisage pas d’appliquer les modifications dans mes écritures en ligne ». J'ai lu vos commentaires sur cet article, mais je pense que ce passage précis apporte de l'eau à mon moulin.
C'est un peu ce que nous faisons depuis quelques jours, au fond. Je n'ai pas dit qu'elles étaient nécessairement très nombreuses. Je crois qu'avec ce que j'ai écrit jusqu'ici, vous entrevoyez plus ou moins la « réforme » que j'aurais souhaitée, qui n'est pas celle de 1990 mais qui la recoupe en partie. Je tiens en particulier à la plupart des modifications des listes D, E et H, qui reposent essentiellement sur des séries désaccordées relativement simples à harmoniser et déjà dans le viseur en 1975 voire bien avant (mais je garde eczéma) ; à la régularisation du tréma (oui, je trouve que « gageüre » a de l'allure : notez qu'on rajoute ici des accents, contrairement à l'image que la regrettable règle 4 a donnée à la « réforme » dans son ensemble) ; à la généralisation du trait d'union dans les numéraux, non pas parce que la règle traditionnelle est difficile (ce n'est pas le cas), mais rien que pour ne plus voir ces irritants « vingt et un », « trente et un » et ainsi de suite, qui selon moi ne vont pas dans le sens de la langue (un nombre comme 21 est presque un concept à part entière, ce n'est pas seulement « vingt » et « un » reliés par « et » : il n'a pas à être dilué ainsi dans la chaîne écrite comme « Philippe et Martine » ou « ma tante et ma sœur », et je préfère donc le voir soudé comme vingt-deux) ; à la fusion des mots composés avec des préfixes latins comme extra-ou infra- (extraterrestres était donné comme exemple censément horrifiant dans certains reportages sur le sujet le mois dernier, mais je ne vois pas ce que cette variante a de choquant ; au fond, on s'en moque pas mal, de ce point, les formes avec et sans trait d'union pouvant cohabiter sans problème pour bien des mots) ; et à quelques autres modifications que je n'ai plus en tête au moment où j'écris.Loys écrit: Les incohérences les plus aberrantes, pour reprendre vos termes, sont assez peu nombreuses, non ? Il serait intéressant d'en dresser la liste.
Je ne vais pas vous faire l'injure de croire que vous ignorez pourquoi on touche plus facilement à oignon qu'à d'autres mots où subsiste un décalage entre la graphie et la prononciation. C'est encore une histoire de série brève à harmoniser sans bouleverser le système, sans « ébouriffer » (cf. Faguet). Les -e- de femme ou de solennel s'inscrivent dans une configuration bien plus complexe. Je n'ai entendu personne, sur les ondes, rappeler l'histoire pourtant délicieuse du trigramme -ign-. C'est d'une certaine manière la même chose pour nénuphar. Évidemment, il était plus simple pour les Finkielkraut, les Fripiat, les Zemmour, les Enthoven, les Onfray et les Rioufol de se complaire dans l'idée bien confortable qu'ils défendaient le bon vieux françois contre les vils partisans de « l'écriture phonétique »... Il y a eu entourloupe. Qu'on adopte la modification ou non, elle avait le mérite de rouvrir une belle page d'histoire de la langue que ces zintellectuels ont préféré refermer en prenant les gens pour des poires, en glorifiant l'attachement superficiel du « peuple » à l'apparence tout sauf éternelle des mots, plutôt que de rappeler quelques évidences sur les errements du français à travers les siècles.Loys écrit: Les aberrations les plus faciles à identifier sont celles qui ont trait à un écart entre la prononciation et la graphie ("oignon"). Mais même dans ce cas, que n'écrit-on pas "solan(n)el" ou "fa(m)m(e)" !
Onfray, France Culture, 5 février : « j'entends bien les arguments, nénuphar avec ph c'est compliqué » ( lien ) : ça, c'est malhonnête. A-t-il au moins lu le rapport de 1990 ? Il s'agit plus, pour la liste H, d'harmonisation que de simplification ou de retrait de lettres (on en rajoute à sotie, persiflage, innomé...).
S'il vous plaît, j'ai déjà dit clairement que les modifications sur le circonflexe me laissaient perplexe. Vous prêchez un converti. Si je suis intervenu, c'est justement pour discuter de ce qui est aberrant et de ce qui ne l'est pas. Cela dit, si vraiment il faut revenir sur le cas du châââpôôô (imaginez Bernard Fripiat en train de parler), j'ai envie de dire : rajoutons-en. Rajoutons des circonflexes pour harmoniser les séries désaccordées autour de grâce, fantôme, infâme... Ce que ne font pas les ajustements de 1990, comme vous l'aviez fait remarquer quelque part.Loys écrit: Parce que ce qui peut sembler aberrant se discute : pourquoi "île" serait-il aberrant et pas "âne" ou "tôt" ? Pourquoi la cohérence serait-elle uniquement dans la graphie quand la cohérence peut l'être dans le réseau lexical (dans notre langue et avec les langues étrangères)
La modification des verbes en -eler et -eter n'est pas celle qui me convainc le plus, en effet. Je n'aurais peut-être pas touché à cette catégorie. Il faut néanmoins remarquer deux choses : à la rigueur, on peut considérer que l'Académie serait là dans son rôle d'arbitre entre des graphies concurrentes (le rapport précise que les dictionnaires ne sont pas d'accord sur certains verbes), et que deux exceptions à une règle uniformément appliquée par ailleurs valent mieux que l'anarchie ; et sur le fait que ce soit deux verbes très courants qui fassent exception, il me semble que c'est justement parce qu'ils sont très fréquents qu'on n'y a pas touché. Mais encore une fois, ce n'est pas moi qui cautionnerais une telle modification si on me demandait mon avis.Loys écrit: Avec les "rectifications", les exceptions... deviennent la règle. Mais pourquoi n'avoir pas aligné les exceptions sur le modèle le plus répandu afin de ne pas "trop étonner" (pour reprendre Faguet) ? Pourquoi "il renouvèle" ou "il chancèle" plutôt que "il halette" ou "il modelle" (quatre exemples choisis à dessin pour nous heurter)? Le rapport de 1990 justifie d'une façon qui ne laisse pas d'étonner : "la graphie avec è présente l’avantage de ramener tous ces verbes au modèle de conjugaison de mener" qui n'est pas un verbe en -eler/-eter. Certes une aberration est supprimée (un modèle et de nombreuses exceptions) mais en réalité le choix pour harmoniser la langue semble lui-même très contestable. Aberration supplémentaire : ce choix maintient des exceptions avec les anciens modèles (appeler, jeter) et leurs composés, qui sont des verbes très courants
Et où voyez-vous babyboumeur dans le J.O. ? On le trouve peut-être dans des « guides de la nouvelle orthographe », mais concernant les manuels 2016, les textes ne disent que ceci : « l'enseignement de l'orthographe a pour référence les rectifications orthographiques publiées par le Journal officiel de la République française le 6 décembre 1990 ».Loys écrit: Autres exemples, pris au hasard : On francise l’orthographe des mots étrangers pour respecter la prononciation avec une cohérence variable : "babyboumeur" mais "football".
Cela dit, comme je l'ai déjà écrit, je ne suis moi-même pas toujours convaincu par la francisation des mots étrangers. Il y aura toujours des incohérences, tous les termes venus d'ailleurs n'ayant pas le même degré d'intégration à la langue.
La différence de prononciation est assez dérisoire en comparaison de l'harmonisation générale des pluriels étrangers, d'autant qu'elle ne fait que reproduire une différence qui existe déjà au singulier (un barman vs. un caïman)... Le tout est qu'il y ait harmonie à l'intérieur du sous-système. Personne ne prétend proposer une harmonisation à la fois de toutes les prononciations et de toutes les graphies d'un même ensemble de mots. Le rapport est assez modeste et honnête sur ce point.Loys écrit: Pire : avec "jazzmans", on crée tout simplement deux prononciations pour une même graphie en français (mamans, caïmans, musulmans, romans, ottomans, talismans d'une part, rugbymans, caméramans, gentlemans, barmans d'autre part).
Au passage, en tant qu'angliciste, je me passerais bien de certains de ces faux emprunts en -man, au singulier comme au pluriel (tennisman ).
Mais encore une fois, vous comprenez que je me fais advocatus diaboli, pour reprendre le nom d'une de vos rubriques, et que je n'aurais pas été aussi loin que le rapport de 1990. Je m'étais déjà formé un avis il y a très longtemps sur ces modifications orthographiques et ce n'est plus vraiment le sujet de mes interventions. Depuis le mois dernier, je réagis davantage à la façon dont les différents acteurs de la vie publique ont traité la question : je ne partage pas l'ardeur réformatrice (ni la façon de s'exprimer) de Linguisticae, que vous évoquez plus haut, mais il a entièrement raison d'insister sur le ridicule de la tempête médiatico-politique déclenchée début février. Je sais que votre « combat » à vous, Loys, est ailleurs, et je comprends que pour des questions de lisibilité idéologique vous préfériez diriger vos critiques avant tout contre ce que vous voyez comme un enfumage de la part des institutions ; mais il faut bien avouer qu'il y a un autre combat à mener : contre la paresse (voire la malhonnêteté) intellectuelle de certains qui, par peur d'être associés de près ou de loin aux pédagogistes ou au « nivèlement » par le bas, ont hurlé avec la meute, jeté en pâture un pauvre ognon et un nénufar au peuple en manque de francitude et entretenu les confusions entre orthographe, intelligence et « génie de la langue ». J'ai découvert jour après jour l'ampleur de la moutonnerie et je n'en reviens toujours pas.
Encore une fois, il y a de quoi se mordre les doigts qu'Encrevé & co. aient touché à notre chevron adoré. Ma conviction est que sans cela et quelques autres modifications difficiles à justifier, l'impression de nivellement n'aurait pas été aussi forte ; l'étêtement de î et û a entaché tout le reste d'un soupçon de mépris pour la subtilité et la francité de la langue, alors que la rectification des anomalies va le plus souvent dans le sens de l'étymologie et a le mérite d'attirer l'attention sur l'histoire des mots. Je vois de plus en plus le circonflexe non comme un chapeau, mais comme un boomerang que le CSLF a lancé au loin et qui nous revient maintenant en pleine tête. Quelle histoire.
Quoi qu'il en soit, je tenais à vous dire que j'apprécie beaucoup de pouvoir échanger avec vous de cette manière. Quand d'autres préfèrent clore tout débat, ne même pas lire l'extrait du J.O. concerné, compter comme une faute pure et simple « évènement » dans les copies de leurs élèves et bloquer les membres d'un forum qui ont l'audace de nuancer leurs propos, on est soulagé de voir que tout le monde n'a pas l'esprit aussi obtus. Je vous titille sur des vétilles, mais c'est plus par intérêt pour la langue et pour le débat qu'autre chose.
Dites-moi, Loys, que vous grimacez autant quand vous voyez la vidéo suivante que quand vous lisez « maitre » ou « connaitre »... s'il vous plaît.
(J'ai cru à une parodie mais non, ce monsieur aspire bel et bien à des responsabilités politiques).
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Elle prend le temps de préciser le sens de sa démarche, même si elle sait que le sujet est, au fond, assez dérisoire : c'est tout à son honneur, quoi qu'on pense de son choix, pourquoi laisser entendre qu'il y aurait contradiction ?Loys écrit:
Il y a quand même visiblement de quoi écrire un long article de blog.Ce blog est écrit en nouvelle orthographe, depuis 2008, et, soyez honnête, est-ce qu’il vous pique les yeux ? Est-ce que la langue française vous semble défigurée ? Alors on respire un coup, on ne se laisse pas manipuler par les lanceurs de psychodrames, TF1 et autre BFM en tous genres, et on se documente avant de faire une crise d’hystérie... (et ensuite on passe à autre chose parce qu’il y a bien d’autres dossiers plus importants concernant l’orthographe de nos élèves que ces quelques millepattes sur leur nénufar).
On en revient bien souvent aux circonflexes.Loys écrit:
Tout dépend des mots considérés. S'agissant des circonflexes, par exemple, les sources imprimées sont sans appel...Certains profs prétextent que ces règles sont peu employées. Cela justifierait, selon eux, qu’ils ne les enseignent pas.
Première chose : ce n’est pas vrai.
Cela commence tout de même à faire un certain nombre de rectifications qui suivent « les usages »...Loys écrit:
Ce quiz porte sur dix mots, toujours les mêmes : les rectifications en concernent 2400 mots. Aucun de ces dix mots ne fait partie des plus fréquents et il n'y a qu'un circonflexe... sur un mot rare. Quatre mots suivent un usage oral ou un usage écrit bien antérieur à 1990. Le quiz ne donne pas le détail par mot (comme si on avait adopté la graphie rectifiée à 100% : quel résultat pour "ognon" par exemple ?) mais le résultat brut, peu nuancé. Bref le quiz aurait sans doute donné des résultats bien différents avec un autre choix de mots...Vous utilisez au quotidien l’orthographe rectifiée sans même le savoir. La preuve, ce test du Figaro (qu’on ne peut guère soupçonner de complaisance à l’égard de ces rectifications) dans lequel les lecteurs devaient choisir entre deux graphies pour une dizaine de mots.
Dans le détail, les mots du quiz
- "scénarios" n'a fait que suivre l'usage
- "mille-cent-trente-deux" : ngram viewer montre que la règle est respectée de manière erratique
- "épître" continue de l'emporter largement dans les sources imprimées
- événement" continue de l'emporter largement dans les sources imprimées , mais l'usage oral justifie la nouvelle graphie "évènement".
- "a capella"
- "oignon" : la graphie est tout à fait nouvelle. On aurait d'ailleurs aussi bien pu écrire "onion" : choix purement arbitraire.
- des "après-midi"
- "nous cèderons" cède à l'usage oral.
- "aigüe" est une nouvelle graphie.
- "référendum" : graphie concurrente largement majoritaire depuis les années 40.
"oignon" : la graphie est tout à fait nouvelle. On aurait d'ailleurs aussi bien pu écrire "onion" : choix purement arbitraire.
Non. La graphie n'est pas « tout à fait nouvelle » (voyez la section prononciation et orthographe du TLFi et les occurrences d'ognon dans de vieux ouvrages sur Google Livres) et le choix du -gn- n'a rien d'arbitraire, bien qu'aujourd'hui -gnon et -nion aient la même prononciation chez la plupart des locuteurs : les mots ayant eu le trigramme -ign- ont évolué vers -gn- (montagne, rognon, cogner...).
Vous allez un peu vite en besogne. Les ph et th étymologiques rajoutés de manière aléatoire en 1835, c'était de la rationalisation ? Les asyle, aphthe et autre diphthongue ? J'ai sous les yeux un mémoire de recherche (qui vaut ce qu'il vaut, ce n'est certes qu'un mémoire), où je lis ceci : « Selon cette idée de retour aux sources, l’Académie s’attache à revenir, dans sa sixième édition (1835), à un « étymologisme outrancier » C’est peut-être la première réforme de l’orthographe qui va résolument contre l’usage, et qui joue la carte de l’élitisme. »Loys écrit:
Les enseignants du XIXe siècle ont soit suivi des usages (oraux par exemple), soit suivi une rationalisation entre plusieurs usages. C'est sans rapport avec certaines rectifications arbitraires de 1990.C’est parce que les enseignants de nos grands-parents ont accepté de jouer le jeu, accepté de ne pas enseigner "comme ils avaient appris"...
Pour être tout à fait honnête, il n'y a pas nécessairement contradiction : Delphine Guichard peut très bien dire qu'il y a des professeurs qui appliquent déjà les rectifications et regretter qu'il n'y en ait pas plus.Loys écrit:
C'est ici sous-entendre que le refus serait lié à la mauvaise volonté des enseignants, ce qui est assez contradictoire avec l'affirmation préliminaire que les enseignants appliquent déjà ces rectifications....que notre langue est ce qu’elle est aujourd’hui et que nous la trouvons belle. Aujourd’hui, c’est à nous, professeurs, de faire le même effort.
Il est faux de dire que nénuphar s'est toujours écrit avec un f jusqu'en 1935, mais il est assez vain de s'acharner à prouver que Hugo n'a pas toujours écrit nénufar. Il faut et il suffit que de grands auteurs comme Proust aient employé cette forme pour qu'on puisse se permettre de la favoriser, quand bien même elle ne serait pas majoritaire, au nom du principe étymologique qui a poussé le français à se doter de cet attirail de ph-. La forme nénufar ne sort pas de nulle part. Un peu de bon sens ne nuit pas.Loys écrit:
Dans les usages, "nénuphar" s'est toujours imposé avec ph (fautif étymologiquement mais ce sont les usages). La preuve par les sources imprimées :... et cette remarque vaut même pour nénufar. Savez-vous que ce mot s’est toujours écrit avec un f jusqu’en 1935 ? (Je le prouve : ligne 9 de cette édition originale de Chateaubriand, ou encore ici chez Mallarmé). Ci-dessous, dictionnaire de 1878 (Source : clic)
Dès lors, affirmer que "ce mot s’est toujours écrit avec un f jusqu’en 1935"...
Est-ce si sûr ?Oui, Victor Hugo, Monet, Zola... écrivaient nénufar.
En êtes-vous sûr ? Pourquoi coutume ne pourrait-il pas « faire réseau » avec costume ? Ou avec la variante désuète consuétude, ou les lointains cousins mansuétude et... désuet, descendus eux aussi de la racine indo-européenne -s(u)e ? Lointains, trop lointains, me direz-vous.Loys écrit:
Peu importe en l'occurrence : aucun autre mot français de la famille de coutume n'a conservé le s. Ce qui importe dans le circonflexe, c'est moins de rappeler une étymologie que de faire réseau.Et l’accent circonflexe, me direz-vous ? C’est vrai que l’accent circonflexe avait souvent pris la place d’un ancien s, mais cette règle n’était même pas constante. Pourquoi coût et pas coûtume (qui vient pourtant de l’ancien français coustume et du latin consuetudo) ?
Quid, alors, de moutarde avec moût, dont il est directement dérivé ? Ou, puisque vous rappeliez l'existence de réseaux avec les langues étrangères, avec le mostarda des langues romanes ? Sans cautionner la modification de 1990, on peut tout de même le dire clairement : il est bien dommage qu'il n'y ait pas de correspondance univoque sur ce point non plus.
Pas vraiment. L'harmonisation, comme nous l'avons vu avec le texte de Faguet, peut se concevoir comme une succession de petites retouches dont aucune ne doit défigurer la langue aux yeux d'une génération donnée. Impossible de tout harmoniser d'un seul coup « sans ébouriffer ».Loys écrit:
Argument contradictoire avec celui de "l'harmonisation" nécessaire.Car oui, ces modifications sont minimes. Antoine Fetet (l’auteur de la méthode Cléo, aux Éditions RETZ) a compté : Dans son Cléo CE1, qui fait 128 pages, 21 mots ont été touchés par la réédition en nouvelle orthographe. Seulement 21 mots sur 128 pages de manuel... C’est dire si la nouvelle orthographe ne "défigure" en rien la langue française.
Là encore, je trouve que vous lui faites dire ce qu'elle ne dit pas : ce n'est pas parce qu'elle utilise le mot changement qu'elle recourt à l'argument du changement pour le changement, même si vous la soupçonnez (peut-être à raison, je n'en sais rien) d'être une moderniste partisane de l'innovation pour l'innovation.Loys écrit:
L'argument du "changement" laisse pantois : l'innovation pour l'innovation, en somme.Et pour tous mes lecteurs enseignants qui n’ont pas encore sauté le pas, un peu de courage. Osez le changement, faites confiance aux experts de la langue et enseignez ces quelques règles.
En dehors de tout cela, je regrette comme vous l'absence de recul critique vis-à-vis des modifications dans l'article de Charivari.
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