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L’orthographe à l'école
- Loys
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Un bon élément d'explication avec cette "action formation" : "enseigner la grammaire aux cycles 3 et 4" (de CM1 à la 3e) diffusée par EduScol :
"rien ne va de soi dans l’enseignement de l’orthographe"
"L’orthographe = une codification, qui n’est pas nécessaire" ;
"Mettre les élèves en situation de construire une réflexion critique, et non d’appliquer une règle d’accord."
"faire percevoir la façon dont fonctionne ce système graphique, et non demander d’accepter des règles"
"Conclusion : l’essentiel pour faire progresser les élèves en orthographe n’est pas de faire fréquenter la règle aux élèves; il faut les faire entrer dans la compréhension du système graphique."
On le voit : vingt ans après, "l'observation réfléchie de la langue" (programmes de 2002), ou l'enfer constructiviste, continue, avec :
- ses recherches chronophages (la fameuse "mise en activité" avec un relevé interminable de 48 mots, puis un classement tout aussi interminable) pour transformer les élèves en grammairiens avertis,
- ses observations qui réinventent l'eau chaude (distinction orthographe lexicale et grammaticale : au collège encore ?)
- ou bien dépourvues de sens pour des élèves de cycle 3-4 (les principes phonologique, morphogrammatique, étymologique, différentiel ou traditionnel construisant la complexité d'un "plurisystème orthographique" : si ces termes doivent êtres réservés aux experts enseignants, quelle utilité dans une "action de formation" ?)
- voire dépourvues de sens pour toute personne normalement constituée (quel rapport entre ces principes et "l'archiphonème /E/" ? En quoi le s dans "c'est" a-t-il une "fonction grammaticale" ?).
Pour justifier un bel idéal pédagogique (comprendre intelligemment plutôt qu'apprendre bêtement), une perspective (pseudo-)savante, voire jargonnante (on ne parlera d'ailleurs pas d'orthographe mais de "système graphique"), un pseudo-progrès dans l'acquisition de la langue (une fois fait le constat basique opposant orthographe lexicale et grammaticale - pardon "fonction grammaticale", l'élève n'apprend pas grand chose d'autre), une absence de pédagogie (la nécessaire adaptation au niveau des élèves, des liens logiques qui doivent être... logiques), une déconnexion symptomatique de ce qu'est une classe (faire rechercher et classer 48 mots...).
Mais plus grave à nos yeux : le relativisme orthographique, puisque - c'est tout l'implicite de cette "action de formation" - les "règles" ne montrent (supposément) aucune intelligence. Et pourtant "appliquer une règle d’accord" relève bien d'une intelligence de la langue, moins noble sans doute qu'une prétention à "mettre les élèves en situation de construire une réflexion critique" mais qui dépasse de loin la pauvreté de la conclusion - malgré toute sa grandiloquence - de cette "réflexion critique" : les élèves ne sachant pas plus choisir la bonne orthographe, mais ayant la conscience éclairée que ce n'est après tout qu'une "codification non nécessaire". Et après tout ": je me comprends" (même si comprendre qu'être compris des autres est précisément un enjeu de la grammaire et de l'orthographe, mais pas de "réflexion critique" à ce sujet) !
Un résultat célèbre de ce genre de dé-formation, popularisé au moment de la réforme du collège et de ses formations : "la sensation du pluriel", à laquelle l'évaluation doit évidemment s'adapter :
En effet plus "rien ne va de soi dans l'enseignement de l'orthographe" !
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Est-ce utile de commenter ce que nous avons déjà commenté plus haut ? Nous allons noter quelques petites évolutions amusantes.
Nous retrouvons les mêmes tortillements sur la baisse du niveau qui n'existe pas ("on entend parler du thème de la baisse alarmante du niveau en orthographe chez les étudiants et plus largement des difficultés que rencontrent les élèves en français") ou qu'il faut relativiser ("cela fait bien longtemps que l’on déplore en France l’absence de maitrise de l’orthographe").
Mais il y a un progrès de M. Benzitoun : il cite enfin l'étude de la DEPP sur la période 1987-2015 et il concède enfin que "le niveau a régulièrement baissé". Normal, donc, que l'on en "entende parler"...
M. Benzitoun explique tout ce qui la complexité - volontaire puisque "élaborée pour une élite" - de l'orthographe depuis la fondation de l'Académie française. L'orthographe n'était donc "pas adaptée à ce nouveau contexte" qu'est l'école de Jules Ferry obligatoire pour tousLa cause de cette situation est connue et dénoncée par des linguistes depuis plus d’un siècle : c’est l’orthographe elle-même.
Nouveau tortillement de M. Benzitoun, qui concède que les élèves ont pu atteindre "un niveau convenable" dans l'école en France mais pour aussitôt dénoncer les efforts nécessaires pour l'atteindre.Dès lors, aucune réforme significative n’a été appliquée et l’orthographe française nécessite un temps d’apprentissage considérable. Bon an mal an, une partie des élèves ont eu un niveau convenable durant quelques décennies, mais cela se faisait au prix d’un très grand nombre d’heures et au détriment d’autres compétences comme la rédaction.
M. Benzitoun change donc de cheval argumentatif.
Curieux d'opposer la dictée et la rédaction, comme si la seconde pouvait ne pas être concernée par l'orthographe...Ainsi, on faisait de quelques élèves des virtuoses de la dictée, sans pour autant leur apprendre à rédiger des textes personnels. Et seuls les meilleurs en dictée étaient présentés au certificat d’études vers l’âge de 12-13 ans avec, par voie de conséquences, des résultats appréciables. Les autres élèves (la majorité) arrêtaient leurs études à cet âge.
M. Benzitoun commet toujours la même erreur grossière : 55% des élèves d'une génération passaient le certificat d'études à la fin des années 30 (et 15% qui étudiaient en collège s'en dispensaient).
Au début de l'année 2022, M. Benzitoun était beaucoup plus railleur : "La faible maîtrise de l’orthographe est l’un des épouvantails des débats sur l’école. Et dans ce domaine comme dans d’autres, il se dit que c’était forcément mieux avant.Cependant, avec la réduction du temps scolaire (de 1338 heures par an au début du XXe siècle à 864 heures aujourd’hui et la diversification des matières enseignées, le niveau a régulièrement baissé.
Reste un nouveau grand écart logique : poue expliquer cette baisse, M. Benzitoun incriminait plus haut... l'orthographe. Il est vrai que celle-ci est restée la même...
De fait, au lieu de s'attaquer aux causes ici citées (il écarte par ailleurs toute considération pédagogique puisqu'il postule, assez curieusement "l’amélioration des méthodes d’enseignement"), M. Benzitoun propose sa solution peu coûteuse : "intervenir sur l’orthographe elle-même".
Ou bien une orthographe modernisée réservée au peuple, incapable - semble-t-il - de conjuguer un verbe à l'imparfait, ce temps si complexe.Il faut choisir entre, d’un côté, une orthographe réservée à une élite de plus en plus réduite, une discipline de luxe, jouant le rôle sélectif autrefois dévolu au latin, ou une orthographe pour tous.
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Dans le "Café pédagogique" du 8/12/22, comme d'habitude, on relativise : "Orthographe : La baisse continue interroge son statut"
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Dans "Marianne" du 10/12/22 : "Orthographe, grammaire, calculs… Chez les aspirants professeurs aussi, le niveau a baissé"
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Relativisme de Claude Lelièvre le 12/12/22 : "L'orthographe magnifiée au nom de la ''rationalité''
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On aurait pu espérer qu'après la troisième chute consécutive du niveau d'orthographe depuis 1987, M. Benzitoun dénoncerait moins "l'épouvantail" (sic) de cette chute. Il n'en est rien :
Cependant, derrière ce constat sans appel, un éclairage s’impose.
Cet éclairage commence en rappelant que "l’orthographe française est une des plus complexes au monde" : elle ne s'est pourtant pas complexifiée depuis 1987...
Au demeurant, la plus complexe du monde est plutôt l'orthographe anglaise : mais on enseigne pourtant l'anglais dès le primaire en France !
M. Benzitoun, plutôt que de considérer les difficultés des élèves, préfère donc considérer les difficultés de la dictée elle-même !
Très curieux de considérer que "tombait" et "inquiets" auraient une finale homophone...En français écrit, les marques grammaticales sont majoritairement muettes et de nombreuses finales se prononcent pareillement mais ne s’écrivent pas à l’identique. En linguistique, on parle de mots homophones hétérographes. Et dans la dictée ci-dessus, il y a une concentration importante de ces difficultés. Par exemple, les lettres finales des mots tomb-ai-t, inqui-et-s, demand-ai-ent ne se prononcent pas et leur finale prononcée est homophone. Il en est de même pour les mots rentr-é-s, retrouv-é, arriv-er, fatigu-é-s, téléphon-er, aboy-er.
Ce qui s'appelle l'intelligence de la langue : mais il faut croire que ce n'est plus de saison...Cela suppose un haut degré d’abstraction et de raisonnement pas évident à solliciter durant une activité de dictée. [...] On imagine donc la complexité de la tâche pour des enfants d’une dizaine d’années.
Ou sur la pertinence d'enseigner désormais si tard ce qui s'enseignait si tôt...Concernant le seul exemple d’accord du participe passé avec le complément d’objet direct antéposé (« Elle les a peut-être vus ! »), moins d’un élève sur cinq l’écrit correctement. Dans ce cas, la question qu’il faut se poser, c’est celle de savoir où ils l’ont appris, sachant que cette règle est censée être enseignée au collège (la maitrise de l’accord d’un participe passé avec le verbe être, dans les cas les plus usuels, figure dans le programme du cycle 3, soit du CM1 à la sixième, mais celle de l’accord avec avoir, dans le cas d’un complément d’objet antéposé, figure dans le programme du cycle 4, soit de la cinquième à la troisième). On peut également s’interroger sur la pertinence d’évaluer une règle de grammaire qui n’a pas encore été vue.
On note les efforts désespérés de M. Benzitoun pour jeter le discrédit sur l'étude à partir d'un malheureux contre-exemple : en l'occurrence, la dégradation s'observait également sur l'accord avec le COD placé avant quand il était au programme de primaire en 2015...
Un "épouvantail", disait pourtant M. Benzitoun au début de l'année !La baisse des performances en orthographe est antérieure à 1987. Dans un rapport rédigé par la Commission ministérielle d’études orthographiques datant de 1965 et présidée par Aristide Beslais, il est écrit : « De toutes parts, dans les administrations comme dans l’enseignement, on se plaint de la dégradation rapide de l’orthographe. »
On voit que M. Benzitoun, après avoir montré que la baisse s'explique par la complexité de la langue, s'efforce encore et toujours qu'il n'y a en réalité pas de baisse. Sans aucune source à l'appui pour ses affirmations.En réalité, contrairement à une idée reçue, l’orthographe ne s’est jamais démocratisée en France. Autrement dit, aucune génération parmi celles qui nous ont précédés n’a maitrisé l’orthographe à grande échelle malgré un nombre d’heures consacré à son enseignement amplement supérieur à ce qu’il est aujourd’hui. On peut dans les années 1950 des témoignages sur le niveau en orthographe qui reprennent presque au mot près le constat actuel.
M. Benzitoun fait ensuite le constat que les difficultés orthographiques frappent davantage les élèves de milieu défavorisé. Avec deux "leviers" quelques peu contradictoires : "rendre l’orthographe française plus régulière" et "concevoir des méthodes plus robustes en rapprochant l’enseignement et la recherche".
En reprenant l'exemple discuté par M. Benzitoun, comprendre donc qu'il faut écrire : "Le soir tombé. Papa et Maman, inquié, se demandé pourquoi leur quatre garçons n'été pas rentré.
Pour quoi des "méthodes plus robustes" seraient-elles nécessaires puisqu'un "haut degré d'abstraction et de raisonnement" n'est plus nécessaire ?
Comprendre qu'il n'y a pas d'alternative possible... Comme si l'évolution dans le mauvais sens ne montrait pas qu'une évolution dans le bon sens était possible.Refuser, par principe, de considérer ces deux conditions revient à graver dans le marbre la situation actuelle.
Ou plutôt ridiculiser les "anciens" en acceptant enfin la position des "modernes" comme M. Benzitoun.Pour relever le défi auquel nous sommes confrontés, il va falloir parvenir à dépasser la sempiternelle querelle des anciens contre les modernes.
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Avec toujours le même relativisme de la part de ceux qui ont promu depuis des années des méthodes d'enseignement constructivistes inefficaces :
Les solutions semblent très efficaces pour les faire progresser.De plus, l’école elle-même a beaucoup changé, et on y apprend des choses qui n’étaient pas enseignées autrefois. « Les enfants de 1987 étaient meilleurs en orthographe, mais qu’en était-il de leur niveau d’anglais ?, se demande Johanna Cornou. A ce moment-là, il faut tout comparer : les compétences dans ces matières qui n’existaient pas, la prise en charge des enfants “dys” [dyslexiques, dysorthographiques], qui étaient considérés comme nuls en orthographe et souffraient, alors qu’aujourd’hui on va chercher des solutions pour éviter de les mettre en échec. »
C'est vrai qu'elle était moins difficile... en 1987. L'imparfait, par exemple, ce temps si complexe...« L’orthographe française est l’une des plus difficiles au monde, en particulier l’orthographe grammaticale, rappelle Jean-Christophe Pellat.
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Dominique Bucheton écrit: Lire, écrire, compter sont des outils de la pensée est-il écrit. Certes ! Mais la formule est creuse, digne du café du commerce. Car il faut d’abord et avant tout penser pour apprendre à lire et en continuer les apprentissages jusqu’à l’âge adulte. Il faut avoir des choses compliquées, difficiles à expliquer, à communiquer pour s’aventurer dans une syntaxe complexe, des emplois compliqués des temps verbaux, des lexiques spécifiques. Les exercices de Bled n’ont jamais développé la créativité ! Probablement l’ont-ils en partie chosifiée.
Autrement dit, cette conception des « savoirs dits fondamentaux » est mortifère, mécaniste pour le développement de l’intelligence, de l’envie d’apprendre. L’obsession des fondamentaux est tout aussi délétère pour le développement sensible, corporel, social de l’enfant. Elle obère la perception et compréhension du monde qui entoure l’élève. Celle-ci nécessite l’ouverture à la biologie, la littérature, la géographie, la musique, la technologie, etc. Il faut laisser toute leur place à ces disciplines même si leur apprentissage est beaucoup plus difficile à évaluer. Leur enseignement risque dangereusement d’être minoré.
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