- Messages : 18158
Autorité et discipline à l'école
- Loys
- Auteur du sujet
Document à la première personne ("Qu'ai-je ressenti ?") et qui psychologise le comportement de l'enseignant ("ressentis de l'enseignant", "Qu'ai-je ressenti ?") pour l'infantiliser. Comme si l'enseignant, ce grand enfant, était nécessairement débordé par ses émotions : en fait, c'est lui et non "l'élève" qui doit être ici recadré.
Postulat donc que l'école est la raison du "comportement inadéquat" (bel euphémisme...). Après l'infantilisation, la culpabilisation.Un comportement inadéquat est une conséquence fréquente des difficultés vécues à l'école
Que dire dès lors de la grande majorité des élèves en difficulté à l'école mais n'adoptant pas pour autant un tel comportement ? Pire : ils en subissent les conséquences en classe et dans l'ensemble de leur scolarité. Mais pas de jolis tableaux pour cette majorité maltraitée. De fait, l'élève concerné devient prioritaire : "Tu as de l'importance pour moi".
Pour un élève qui accapare l'attention, "se mettre d'accord sur des signaux non verbaux" : au delà du ridicule de tels signaux, un exemple d'horizontalisation enseignant-élève ("se mettre d'accord").
Pour un élève agressif verbalement et physiquement (!), "entendre les émotions" et "partager ses propres ressentis" pour "construire une confiance réciproque" : mièvrerie psychologisante et nouvel exemple d'horizontalisation, sur le mode du mea culpa. Et surtout : "éviter la punition". Tant pis si l'élève "fait du mal aux autres élèves"...
Pour un élève qui défie l'autorité, "lui donner des opportunités de meneur". Bref "se retirer du conflit" (capituler) et le récompenser.
Quand "la difficulté (sic) se transforme en "trouble du comportement" (ce qui s'apparente déjà à un diagnostic), "signaler la situation pour des bilans et des aides complémentaires" pour qu'un psychiatre et un psychologue établisse... un diagnostic. Mais rien de concret pour la gestion de l'élève dans la classe.
D'une manière générale, dans chaque cas, le tableau fait comme si "l'élève" était seul en classe avec le professeur.
Aucune mention des élèves empêchés, des exclusions de cours, des sanctions possibles, de l'existence de la vie scolaire ou des instances disciplinaires.
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Loys
- Auteur du sujet
- Messages : 18158
Clé utilisateur/ secrète de la configuration non valide
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Loys
- Auteur du sujet
- Messages : 18158
Où le procès habituel est fait d'un "tribunal" scolaire, sans autre défense que celle des délégués élèves (ce qui est aberrant : il n'y a pas de défense ou d'accusation dans un conseil de discipline : d'ailleurs, le professeur principal de l'élève prend ici la défense de l'élève). Autre aberration : laisser penser que se joue le destin scolaire de l'élève avec son exclusion définitive... alors qu'il ne fait que changer de collège.
Les incivilités d'un élève si jeune conduisant à deux conseils de discipline à l'occasion de sa deuxième sixième montrent moins l'autorité abusive de l'école que sa faiblesse à réagir à temps.
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Loys
- Auteur du sujet
- Messages : 18158
D'une récupération à une autre...
La tribune non pas d'un enseignant de terrain, évidemment, mais d'un enseignant devenu professeur en sciences de l'éducation à l'université et en INSPE, bref d'un représentant de l'institution, avec cette particularité qu'il promeut des pédagogies de type constructiviste. Autant d'éléments qui expliquent bien des choses de sa prise de position, assez délétère quand on la lit attentivement et s'inscrivant dans une longue dérive idéologique dont l'école est aujourd'hui bel et bien la victime.
On se souvient qu'en 2011 déjà ( Cairn ) M. Robbes soutenait que la crise de l'autorité était "une idée répandue à interroger". Une idée fausse, pour le dire autrement.
Bruno Robbes a beau jeu de moquer la réaction présidentielle, comme si le comportement des jeunes à l'occasion des émeutes de juin-juillet 2023 (pendant les vacances donc) avait quelque chose à voir avec l'école (et non avec le sentiment de relégation sociale et les violences policières).
On va voir que M. Robbes, de façon plus subtile certes, les critique tout autant.[Ce message de retour à l'ordre] pourrait même être perçu comme une façon insidieuse de critiquer [les enseignants], en suggérant qu’ils ne seraient pas capables de se faire respecter.
Où l'on voit que le respect envers les enseignants ne doit pas être accordé par principe (formulé de la façon suivante "il dispose certes d’une autorité statutaire et de principe [...] mais..."), ce qui n'est pas sans laisser perplexe : les enseignants devraient gagner le respect de leurs élèves ("c’est dans ses façons de mettre en œuvre des situations d’enseignement et dans sa relation aux élèves qu’il l’exerce effectivement" dit M. Robbes par la suite), ce qui revient à mettre en cause ceux qui n'y parviennent pas, par insuffisance professionnelle donc. A l'insuffisance professionnelle s'ajouterait l'insuffisance morale : les enseignants ne considèreraient par principe leurs élèves comme respectables et mériteraient donc de ne pas eux-mêmes être considérés comme respectables.le respect du professeur et celui de son autorité sont tout sauf des « choses simples » ! Les deux sont la résultante d’une relation, où celui qui veut être respecté doit d’abord s’interroger sur ses façons d’être et d’agir à l’égard de l’autre, qui le rendent ou non respectable.
Il y a en réalité, dans le propos de M. Robbes, un glissement logique facile à analyser : à la notion d'autorité il substitue celle de respect. Ces deux notions sont pourtant bien distinctes puisque l'autorité s'exerce évidemment dans un seul sens, mais M. Robbes se réfère à une notion qui s'exerce dans les deux sens, le respect (mutuel) et, même dans le cadre de ce respect, la seule faillite qui est envisagée (puisqu'elle concerne "le respect du professeur et celui de son autorité") est en réalité celle de l'enseignant.
Bref, c'est bien M. Robbes qui suggère que les enseignants "ne seraient pas capables de se faire respecter".
M. Robbes continue ensuite dans cette lancée : les enseignants seraient encore coupables de penser que leur autorité pourrait être fondée sur leur savoir dans un monde où le savoir serait à portée de n'importe qui.
Il est regrettable qu'un universitaire et expert de la pédagogie confonde, dans la lignée délétère de Michel Serres , savoir et information. Jamais l'enseignant, dont le savoir a été patiemment construit par un parcours universitaire et validé par un concours (sans faire pour autant de lui un savant), n'a jamais été aussi important que dans un monde où tout un chacun se croit détenteur de la connaissance.l’essor des technologies numériques, dans le cadre de ce qu’on appelle la « société de la connaissance », place les savoirs scolaires, dont l’acquisition vise l’émancipation par la compréhension du monde, en concurrence avec le simple accès direct à des informations.
En réalité, comme nous l'avons étudié ici , le constructivisme scolaire (dont M. Robbes est un promoteur actif) participe activement à la délégitimisation de l'enseignant depuis plusieurs décennies. Cette tribune en témoigne d'ailleurs.
Caractéristique de cette évolution de la formation des enseignants (comme on le voit dans les concours de recrutement , par exemple), la pédagogie doit prendre le pas sur la maîtrise du savoir.
"la seule énonciation des savoirs" : difficile d'offrir une vision plus caricaturale et plus méprisante des enseignants et de leur travail !Ces mutations du rapport au savoir ont des répercussions directes sur le métier de professeur, en mettant de plus en plus fortement l’accent sur ses dimensions pédagogiques et didactiques, autrement dit sur sa capacité à créer les conditions effectives de l’apprentissage au-delà de la seule énonciation des savoirs.
Certes cet âge d'or n'a pas existé, mais il a bel et bien existé un âge dans lequel les enseignants n'étaient pas sommés de gagner le respect de leurs élèves. Quant à évoquer l'âge de la scolarisation (selon une argumentation anti-décliniste convenue), voilà qui semble bien incongru ici : la question de l'autorité ne se posait pas avant cet âge ?une idée tenace, bien que démentie par les historiens de l’éducation, qu’il aurait existé, associé à la IIIᵉ République, un âge d’or de l’autorité à l’école, où celle-ci s’imposait naturellement, sans discussion ni besoin d’être justifiée. On oublie qu’à l’époque l’école ne scolarisait pas la quasi-totalité des élèves jusqu’à 16 ans, voire 18 ans
De façon inconséquente, la réflexion de M. Robbes oscille sans cesse entre la dénégation (il n'y a pas de perte d'autorité) et son contraire (cette perte d'autorité a été salutaire, et tant pis pour ceux qui "ne s'en remettent pas"). L'autorité, caricaturée, est disqualifiée comme "indiscutable, d’essence divine" "au profit de la rationalité". Les exemples historiques (comme la Révolution) montrent que le progrès va toujours contre l'autorité, par essence négative.
Certes mais ces exemples sont aucun rapport avec l'autorité au sein d'une classe. M. Robbes évoque la Convention internationale des droits de l’enfant : mais cette convention évoque le statut de l'enfant dans la société, pas dans la classe. Elle n'évoque l'école que comme obligatoire en primaire : de ce point de vue, cette convention a un siècle de retard sur l'école en France...On pourrait citer d’autres facteurs d’évolution vers une autorité de plus en plus négociée et conditionnelle, non seulement du point de vue politique, mais dans tous les aspects de la vie sociale : l’essor du mouvement ouvrier, l’émergence du féminisme, etc.
A bien réfléchir à cette présentation historique de l'autorité, c'est confondre, de façon assez injurieuse, l'autorité du dominant (qui vise à exploiter) et l'autorité de l'enseignant (qui vise, au contraire, à émanciper). Mais c'est précisément cette confusion qu'entretient M. Robbes dans toute sa tribune, et qui a alimenté tant de réformes scolaires depuis des décennies : la tribune de M. Robbes n'est que le produit d'une idéologie à l’œuvre depuis longtemps dans l'école, et dont les conséquences négatives sont si nombreuses qu'on peinerait à les énumérer.
Retenons seulement que l'autorité de l'enseignant, qui, sans être "d'essence divine" mérite de s'imposer dans la classe, devrait donc, aux yeux de M. Robbes, être idéalement "discutable" et donc discutée. Par les élèves ?
M. Robbes concède malgré tout (comment le nier ?) une "tendance, qui traverse toute la société", par exemple "le refus de certains adultes d’intervenir pour gérer des incidents entre les élèves, ou une baisse des exigences scolaires pour éviter les conflits" mais pour relativiser immédiatement cette tendance en évoquant "l’influence croissante de l’extrême droite".
On le voit : après voir énuméré des causes extérieures à l'école détruisant l'autorité des enseignants, il est demandé à l'école de réparer les effets de cette destruction.Les enfants et les jeunes sont aujourd’hui les cibles d’emprises de toutes sortes, qu’il s’agisse des multinationales numériques, des influenceurs ou d’organisations religieuses fondamentalistes, qui leur proposent des modèles identificatoires puissants. De ce fait, l’autorité des parents, des éducateurs et des enseignants est incontestablement affaiblie. Il leur est plus difficile de poser les exigences inhérentes à toute action éducative : contrôler ses pulsions, tolérer la frustration, obéir aux règles, fournir des efforts. Poser des limites et soutenir des conflits devient de plus en plus difficile. C’est en ce sens que l’on peut parler de déficit d’autorité éducative. Il ne peut être comblé qu’en développant à l’école et ailleurs un rapport au savoir permettant aux enfants et aux jeunes de déconstruire et de contester ces emprises.
Ou des universitaires en sciences de l'éducation. M. Robbes ne parle-t-il pas ensuite d'"abus de pouvoir" ?J’observe fréquemment que nombre de responsables politiques entretiennent une confusion entre autorité et autoritarisme.
Avec amusement, M. Robbes cite Hannah Arendt : "pour elle, en effet, l’autorité est une influence qui s’exerce sans recourir à la force. Elle ajoute que « l’autorité exclut l’usage de moyens extérieurs de coercition". Que faut-il entendre par "force" ou "coercition" dans le cadre scolaire ? L'instruction n'est-elle pas obligatoire ? En réalité, par "force", Hannah Arendt entend "violence (βία)", comme elle l'explique ensuite. Quel rapport dès lors avec l'école, sauf à y voir le lieu d'une violence (ce dont certains de nos penseurs pédagogiques ne se privent pas) ?
D'ailleurs M. Robbes se garde bien de continuer à citer Hannah Arendt : "la relation autoritaire entre celui qui commande et celui qui obéit ne repose ni sur une raison commune ni sur le pouvoir de celui qui commande : ce qu'ils ont en commun, c'est la hiérarchie elle-même dont chacun reconnaît la justesse et la légitimité et où tous deux ont d'avance leur place fixée". On est bien loin de l'autorité qu'il faut faire reconnaître par la raison et que le maître d'école doit gagner (par sa - bonne - pédagogie)
Hannah Arendt dénonce au demeurant "une confusion plus ancienne de l'autorité avec la tyrannie, et du pouvoir légitime avec la violence", confusion que M. Robbes entretient tout en faisant semblant de la dénoncer, et s'inquiète, avec la perte de l'autorité, de celle de la tradition au sens positif : "nous sommes en danger d'oubli". Pour la philosophe, la disparition de l'autorité n'est pas la bonne nouvelle que voudrait nous faire croire M. Robbes, le progrès de la raison.
Malentendu - on l'a vu - que M. Robbes perpétue gravement lui-même. L'enseignant ne cherche pas "l'obéissance inconditionnelle" des élèves, c'est-à-dire leur soumission à un pouvoir, mais l'obéissance temporaire en vue d'une émancipation...Nous sommes là en présence d’un malentendu profond et durable, qui voudrait s’imposer comme un sens commun de l’autorité : concevoir celle-ci comme une relation où le détenteur d’un statut ou d’une position institutionnelle exercerait une domination sur l’autre afin d’obtenir une obéissance inconditionnelle, indépendamment de ce que cet autre peut dire ou penser.
M. Robbes, dans son élan constructiviste faisant des enfants des adultes (même s'il prend la précaution de s'en défendre ici : "deux personnes de satuts différents"), et même des citoyens comme les autres, fonde sa péroraison sur un confusion problématique entre le champ politique et le champ scolaire, faisant de la classe un espace démocratique à l'image de l'espace politique. Il faudrait, en suivant son raisonnement, obtenir le consentement des enfants dans tous les domaines du cadre scolaire.Une relation d’autorité véritable, que l’on pourrait appeler « relation d’autorité éducative », est tout autre. Elle s’établit entre deux personnes de statuts différents, où l’influence de celui qui exerce l’autorité tient précisément au fait que celui sur lequel cette influence s’exerce consent à obéir. Là est l’enjeu, faire en sorte que l’autre reconnaisse mon autorité comme légitime. Depuis 1789, en régime démocratique, c’est bien le consentement du peuple qui conditionne l’exercice de l’autorité légitime.
Pour résumer, M. Robbes dénonce une conception critiquable de l'autorité pour lui substituer une autre conception, tout aussi critiquable (puisqu'elle n'en est - en réalité - plus une), et qui a une grave part de responsabilité dans l'état de l'école actuel.
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Loys
- Auteur du sujet
- Messages : 18158
www.laviemoderne.net/images/forum_pics/2...dite_pasdevagues.m4v
Dommage qu'un élève exclu par conseil de discipline serve - bizarrement - d'exemple au "pas de vagues"...
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Loys
- Auteur du sujet
- Messages : 18158
Dans "Le Monde" (abonnés) du 5/12/23 : "PISA : un élève français sur deux se plaint du bruit et du désordre en cours"
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Loys
- Auteur du sujet
- Messages : 18158
Pour Philippe Meirieu, dans les annonces du Ministre, rien ne va. « Les professeurs n’ont pas besoin qu’en un geste profondément démagogique et, à vrai dire, assez méprisant, le ministre leur donne plus de pouvoir » écrit-il dans cette tribune.
Une image contenant Visage humain, personne, chemise, sourire Description générée automatiquement Quelques minutes à peine après la publication de l’enquête PISA, avant même que l’on puisse en analyser les résultats, le ministre de l’Éducation nationale a dévoilé, dans une lettre aux professeurs et aux membres de la communauté éducative, ses projets de réforme. Sans doute lui fallait-il donner le sentiment qu’il avait tout prévu et que, dans la guerre des clics qui fait rage, il ne perdait pas un instant pour réagir et coiffer tout le monde au poteau.
Mais l’immédiateté, en matière éducative, n’est pas une vertu. Les professeurs le savent bien, eux qui, au quotidien, travaillent justement pour que leurs élèves échappent aux lieux communs et aux solutions faciles afin d’accéder à une pensée réfléchie… Et les politiques devraient le savoir : les questions éducatives relèvent du temps long et exigent un travail en profondeur avec l’ensemble des partenaires concernés. Il faut de vraies concertations pour faire émerger, dans la confrontation des expériences et des expertises, des solutions nouvelles susceptibles d’entraîner l’adhésion de tous les acteurs. On ne peut se contenter de piocher, en fonction des mouvements de l’opinion, quelques formules du passé qu’on juge rassurantes. Il faut se coltiner la complexité du présent, envisager divers scénarios, identifier les enjeux, anticiper les coûts et les conséquences, trouver les lignes de passage entre des exigences souvent contradictoires. Une consultation-express par questionnaire ne suffit pas : elle ne donne, au mieux qu’une photographie des avis existants quand on aurait besoin d’une réflexion collective, à tous les échelons, pour construire des solutions nouvelles.
Mais sur la photographie, le ministre ne se trompe pas : il a compris que les professeurs vivent une période de profonde dépression. En manque de reconnaissance salariale et sociale, malmenés par des réformes successives appliquées brutalement, caporalisés par des instructions descendantes qui les réduisent à de simples exécutants, ils subissent de plein fouet aujourd’hui les effets de la libéralisation du système scolaire. Au point que même les professeurs les plus optimistes sont souvent découragés et que tous sont inquiets sur la place qu’ils auront dans la société de demain.
En réalité, les professeurs sont en demande d’autorité, au sens étymologique du terme : ce qui les autorise à remplir leur mission, une mission d’émancipation et de construction d’une société solidaire. Ils ont besoin d’autorité et le ministre croit les rassurer en leur donnant… du pouvoir ! Pouvoir sur les redoublements, bien sûr, la mesure emblématique de ses annonces. Pouvoir sur les notes qui, désormais, ne seront plus corrigées par le trop égalitaire « correctif académique ». Pouvoir sur le passage en seconde qui sera assujetti à l’obtention du DNB. Pouvoir de répartir les élèves en « faibles / moyens / forts » pour organiser des groupes de niveaux, dont on voudrait être certain qu’ils seront vraiment « flexibles ». Pouvoir de priver les mauvais élèves d’arts plastiques et de musique avant de les envoyer en stage pendant les vacances. Pouvoir de sanctionner finalement… bien loin de l’autorité authentique à laquelle les professeurs aspirent.
Le ministre veut nous faire croire qu’il nous « soutient » ainsi dans notre « expertise pédagogique ». Il se moque de nous ! Car nous avons effectivement besoin de soutien pour exercer cette expertise : ce soutien, c’est la revalorisation du métier, l’amélioration des conditions de travail, l’allègement des effectifs, la nomination de maîtres surnuméraires, une augmentation des heures d’enseignement dans les disciplines où elles ont fondu, une relance de l’éducation prioritaire, une vraie politique de mixité sociale… et, bien évidemment, une formation continue à la hauteur des enjeux que nous avons à affronter. Le ministre aurait, à ce sujet, dû étudier plus précisément les résultats de PISA depuis plusieurs années : il y aurait vu que les pays qui « réussissent » le mieux sont ceux où la formation continue des enseignants est la plus importante. Formation continue que, justement, il vient de réduire à une peau de chagrin en la cantonnant en dehors des horaires scolaires au lieu de recruter des titulaires-remplaçants.
Non, les professeurs n’ont pas besoin qu’en un geste profondément démagogique et, à vrai dire, assez méprisant, le ministre leur donne plus de pouvoir. Mais oui, les professeurs ont besoin d’une vraie autorité. Celle que leur confère une compétence sans cesse remise à jour. Celle que leur donne une institution de service public arrimée à des valeurs plutôt qu’aux fluctuations de l’opinion publique. Celle que leur donne la confiance de leur tutelle : une confiance qui ne leur impose pas la dernière méthode à la mode, n’éprouve pas le besoin de choisir à leur place les « bons » manuels ou de les faire assister par une intelligence artificielle qu’elle contrôle… Mais une confiance qui parie sur leur liberté pédagogique et les accompagne tout au long de leur carrière pour leur permettre d’en faire le meilleur usage au service de l’École de la République.
Philippe Meirieu
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Loys
- Auteur du sujet
- Messages : 18158
Les incidents progressent significativement en primaire et au collège.
Dans les collèges, le taux d'accidents graves est de 15,8 incidents pour 1 000 élèves [13,5 en 2021-22 soit +17%]
Dans les collèges et les lycées, 69 % des incidents graves commis par un élève ou un groupe d’élèves font l’objet d’une exclusion temporaire et 39 % d’un conseil de discipline ou d’une commission éducative.
Réaction d'un cadre de l'Education nationale ? Les professeurs doivent changer leur façon d'enseigner.
Dans une autre note n°24.03 : www.education.gouv.fr/bien-etre-au-trava...ables-en-2023-380559
Note moyenne des enseignants du second degré quand on leur demande
- s'ils ont le sentiment d'avoir le soutien de leur hiérarchie : 6/10
- s'ils ont le sentiment d'être respectés par les élèves : 7/10.
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Loys
- Auteur du sujet
- Messages : 18158
Print Friendly, PDF & Email
La vie scolaire est un des piliers du fonctionnement des établissements du second degré. Le Conseiller Principal d’Éducation est souvent le lien entre élèves, familles et enseignant·es. Aujourd’hui, Nicolas Grannec* évoque un incident entre un élève et un enseignant et le rôle qu’il a eu à y jouer.
Une image contenant texte, table, meubles, ordinateur
Description générée automatiquementIl y a quelques jours, je me suis violemment accroché avec un collègue enseignant. Je me trouvai alors dans mon bureau et je m’apprêtai à me rendre à un rendez-vous extérieur. Comme cela arrive régulièrement avec les collègues qui estiment que nous devons être à leur service, même si nous sommes occupés à une tâche, il commence à me parler d’une élève de quatrième qu’il n’avait pas voulu accepter dans son cours à la suite d’un précédent incident. Je lui précise immédiatement ne pas avoir le temps d’en parler avec lui. Il insiste et j’ai vraiment le sentiment que je dois me mettre à sa disposition pour qu’il puisse déverser sa colère. Il enchaîne en me montrant la lettre d’excuse remise par un élève de cinquième qui lui avait fortement manqué de respect quelques jours auparavant. Celui-ci avait, d’ailleurs, été sévèrement sanctionné pour cet incident. Le professeur me dit ne pas être satisfait des excuses formulées et qu’il ne les accepte pas.
Cette lettre m’avait été remise par l’élève qui avait pris le soin de la mettre sous enveloppe au nom de l’enseignant. C’est son père qui l’a aidé à la rédiger. Je l’ai su par son éducatrice. Ce jeune, comme beaucoup d’élèves qui fréquentent le collège, connaît un parcours de vie compliqué. Il est suivi par l’aide sociale à l’enfance et a souvent été balloté entre son papa et sa maman, avec quelques passages dans des foyers. Il relève de l’ITEP (Institut Thérapeutique Éducatif et Pédagogique). Un dossier est en train d’être constitué. Ce jeune ne parvient pas à maîtriser ses émotions. Lorsque la colère le saisit, il se laisse envahir et il déverse une logorrhée très fleurie sur la personne qui lui fait face. Il adopte déjà des attitudes, des postures corporelles et un langage issu de la « culture des rues » comme beaucoup d’adolescents de son âge. Cette fascination pour ces codes issus des quartiers défavorisés n’est pas un phénomène nouveau. Dans son livre Microcosme juvénile. Sociabilité adolescente, Pierre Escofet explique : « Par l’opération d’une mimèsis, ces corps empruntent l’essentiel de leurs patrons expressifs et les atours symboliques – le plus souvent agonistiques- qui s’y rattachent aux sociabilités elles-mêmes stylisées des jeunes issus des quartiers défavorisés de l’hexagone ou ceux des ghettos des grandes villes de « l’inner city » américaines. Ces deux références, comme cas particulier du possible de la culture des rues, jouissent d’un tel prestige qu’elles se cristallisent jusque dans les usages juvéniles des corps » (Infolio, 2011, p. 58).
Ce jeune a trouvé une place au sein d’une petite bande qui s’amuse à défier l’autorité des adultes et à créer du désordre, notamment au moment des récréations. L’appartenance à cette bande lui offre tout ce qu’il lui manque dans son existence de collégien : une reconnaissance, de l’estime de soi, du pouvoir et une réputation. C’est d’ailleurs souvent au moment du collège que les bandes se forment, comme le rappelle Thomas Sauvadet : « Les bandes se forment dans la rue mais aussi dans les établissements scolaires, notamment dans les collèges comme l’a montré l’enquête de Benjamin Moignard, période durant laquelle le tri scolaire dévoile sa logique de classe. Difficultés et échecs scolaires rassemblent les (futurs) membres des « noyaux durs » dans les « mauvaises classes » et les unissent dans une culture antisolaire, anti-institutionnelle, anti-intellectuelle, dans la détestation du bon élève, du “bouffon”, du “bolos” » (Voyoucratie et travail social. Enquêtes dans les quartiers, Editions du Croquant, 2023, p. 33). C’est justement avec sa petite bande que l’incident a eu lieu. Le professeur a surpris un groupe de quelques élèves à courir dans les couloirs et une violente altercation s’en est suivie.
À la suite du rapport de l’enseignant, le chef d’établissement et moi-même avons reçu ce jeune accompagné de son père et de son éducatrice. Le père ne remet pas en cause le rapport de l’enseignant, mais signale avec ses mots que son fils est stigmatisé par certains de ses professeurs et qu’il se sent donc rejeté. Il souligne aussi les difficultés scolaires de son fils qui n’arrive pas à suivre les cours. Il précise qu’il vient de le récupérer, et qu’il essaie tant bien que mal de le cadrer, mais nous demande du temps pour que cela puisse avoir un effet. L’éducatrice présente lors de l’entretien me signalera, par la suite, qu’effectivement, ce papa, malgré ses difficultés, sait trouver les bons mots pour faire réfléchir son fils. Outre la sanction lourde prononcée, il est décidé lors de cet entretien que ce jeune devra rédiger une lettre d’excuse pour l’enseignant victime de ses paroles blessantes. Le papa s’y engage.
Lorsque je vois le professeur me tendre cette lettre avec mépris, je ressens une profonde injustice, car je sais que le papa a aidé son fils à l’écrire et que ce mépris ne touche pas seulement ce jeune, elle touche aussi ce père. J’y vois là une violence institutionnelle qui me heurte au plus haut point. Le discours de l’enseignant est particulièrement violent et il nie complètement les difficultés sociales et comportementales de ce jeune. Il me précise, d’ailleurs, qu’il n’a pas à accepter en classe un élève qui relève d’une structure particulière comme un ITEP. Il y a une réelle volonté chez lui de rejeter ce jeune du collège, car il n’y aurait pas sa place et exercerait, en plus, une très mauvaise influence sur le reste de sa classe.
De mon côté, je lui déclare qu’à mon sens, il s’agit bien d’une lettre d’excuse, même si celle-ci ne correspond pas à ses attentes. J’ajoute que refuser et dénigrer cette lettre revient aussi à disqualifier ce père dans son rôle d’éducateur. La discussion se termine par des généralisations de sa part sur le manque d’autorité et le désordre qui seraient permanents au sein de cet établissement scolaire. Si je peux comprendre le ras-le-bol de certains professeurs quant à leurs conditions de travail, je m’inquiète de la prégnance de ce type de discours, proche de celui de l’extrême droite, comme le montre très bien Grégory Chambat dans son essai, quand l’extrême droite rêve de faire école. Une bataille culturelle et sociale. Il démontre parfaitement la manière dont l’extrême droite a réussi à construire et à diffuser un discours critique sur le système éducatif repris régulièrement dans l’opinion publique et par certains professeurs. On y retrouve l’idée d’un manque d’autorité et d’une jeunesse qu’il faudrait mettre au pas. La jeunesse populaire est particulièrement ciblée : « Le programme éducatif des extrêmes droites repose d’abord et avant tout sur une politique d’exclusion et de stigmatisation de la jeunesse populaire, qualifiée de “crétine” dans un pamphlet à succès signé Jean-Paul Brighelli (…). C’est aussi l’acharnement contre les familles forcément qualifiées de “démissionnaires” qu’il convient de rééduquer et de sanctionner (…). Il s’agit d’établir une saine sélection et de remettre chacun et chacune à sa “juste” place » (Quand l’extrême droite rêve de faire école. Une bataille culturelle et sociale, Editions du Croquant, 2023, p. 69). Dans le discours de cet enseignant, transparaît bien cette idée d’une jeunesse populaire qui n’aurait pas sa place dans le système scolaire. De manière insidieuse se cache ici le recours à un tri social qui devrait se faire plus précocement pour ne pas gêner les élèves qui méritent de réussir. Si je ne nie pas les difficultés que pose ce jeune, je ne peux me résoudre à cette idée qu’il faudrait l’exclure du système, dans la mesure où il constituerait une menace pour l’ordre établi. Notre rôle n’est-il pas de l’aider à s’accrocher à son parcours scolaire pour lui permettre de construire un futur ? Au lieu de l’exclure scolairement et socialement, ne faudrait-il pas réfléchir collectivement à des solutions pour le maintenir ? Sanctionner et exclure prennent beaucoup moins de temps et d’énergie que de se poser et de réfléchir à un type de pédagogie adaptée à cet enfant qui a le droit, comme tous les autres, à une éducation.
Nicolas Grannec
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Loys
- Auteur du sujet
- Messages : 18158
Exemples de réponses :J’ai de plus en plus d’élèves qui, dès la 6eme me répondent « oui mais … » quand je leur fais une remarque. C’est insupportable. Où est l’éducation ? On ne répond pas à un professeur, point barre non ? Je suis vieux jeu ?
Il est essentiel de rappeler aux enfants qu'il n'y a pas de mauvaise question, c'est le fondement du bon management. De plus, lorsqu'un enfant s'interroge sur des explications ou des formules, cela devrait attirer votre attention. Cela montre qu'ils sont vifs d'esprit et cherchent simplement à être stimulés ou convaincus. C'est votre rôle de les accompagner dans leur démarche. [...] Je ne suis ni une IA ni une extraterrestre, mais une mère éduquant deux enfants, veillant à ce que leurs questions trouvent des réponses sans qu'ils soient étiquetés comme perturbateurs ou impertinents. Et nous traversons tous des difficultés dans nos carrières, y compris dans le domaine de l'enseignement. La soumission n'est pas la solution; nous pouvons tous nous entraider et vous soutenir dans vos luttes si vous êtes prêts à écouter des points de vue différents !
Mathias Peyre (@LESTUDIOMATHIAS)
Sauf quand il s’agit d’une situation injuste, l’élève peut ainsi dire « oui mais… » pour sa défenses, et ainsi on doit l’écouter. C’est sa seule façon de se défendre. Beaucoup trop de prof créer des situations injustes envers des élèves et ceux-là ne les écoutent pas pour leurs défenses. Ainsi ils sont punis injustement. Je sais ce que je dis, ayant travaillé et ayant été élève aussi, j’ai vu et vécu ces situations là. Et bien sûr personne n’en parle de ces enseignants qui adorent discriminer certains élèves. Soit parce qu’ils ne les aiment pas ou bien qu’ils ont un handicap, que ce soit visible ou invisible comme la dyslexie. Donc oui pour moi un élève peut se permettre de se défendre envers un enseignant dans une situation injuste, sauf quand il est en tort. Tout le monde a le droit de se défendre, y compris un élève. [...] Réveillez vous, on est plus dans l’ancienne époque. Les élèves ont plus de droits de nos jours, même s’ils doivent respecter la charte des règles de vie de l’école. Laissez un élève sans se défendre face à un enseignant qui le rabaisse dans une situation injuste, oui l’élève doit en parler à ses parents mais peut très clairement et il en a le droit (liberté d’expression) de se défendre et de dire son désaccord à cette situation.
Zgulp (@zgulp)
L’école est censée développer l’esprit critique d’un enfant et l’accompagner dans son émancipation. Le « oui mais » est plutôt intéressant est provoque un débat, je n’ai pas le contexte, j’en conviens, mais je ne partage pas cette vision autoritaire de l’école. @Oyoj_ C'est normal... Ça s'interroge. Vous voulez inculquer, certain veulent comprendre. Répondez au prof, posez des milliers de questions pour avoir les réponses à vos interrogations! Ne soyez pas toujours d'accord. Amenez dans l'équation vos dernières apprentissage que vos profs ne connaissent peut-être pas encore. Bref ça fait avancer.
@Eve_Piper
Le but de l'éducation est de développer l'esprit critique pas de créer des paillassons dociles
@ChaykaHackso
Oui mais ça peut être bienvenue aussi, non? Qu'un enfant interroge par exemple le pourquoi d'une consigne, d'une information, interpelle son enseignant pour échanger là dessus, car cela n'est peut-être pas si évident, peut être sujet à développer. @lilidalbanie Prof d’anglais, changez de metier si vous ne savez pas le sens et le besoin du oui mais chez les enfants et les ados! Cela ne date pas d’aujourd’hui donc vous n’avez aucune excuse a votre ignorance du développement des enfants qui ont le malheur de vous avoir comme prof!
@Ginkotlet
Ben pourquoi on répond pas à un professeur ? Vraie question parce que ça a pas trop de sens de pas répondre à qqn qui s'adresse à nous, d'autant + si c'est pour justifier un truc qui nous semble injuste ? Sinon ça relève + de la soumission que de la bonne éducation non ?
@nicofrom972
Si vous partez du principe que vous avez toujours raison oui, vous êtes vieux jeu. Je préfère des gosses qui se rebellent un peu et quand il faut que des esprits faibles qui ne font que ce qu'on leur dit. Ceux là ne donnent jamais rien de bon.
@soirsbleusdete
Je peux comprendre que ce soit agaçant quand c’est perpétuel, surtout si c’est de mauvaise foi, mais je trouve que le ‘on ne répond pas à un professeur’ est complètement dépassé. En vertu de quoi ne pourrait-on pas apporter de la contradiction/nuance/se justifier face à un prof ?
@AminaW121247
Le système doit évoluer, faut arrêter de mettre le professeur en place centrale avec tout les droits et où l'on pense que ce qu'il dit est forcément vérité. Quel mal y a t-il pour un élève de se poser des questions sur ce qu'on lui dit, d'engager un dialogue, débat.. @BibiLaDiva1 Ben désolé, mais les profs aussi peuvent se tromper. Et c'est difficile de leur apprendre l'esprit critique en leur demandant de fermer leur bouche devant "l'autorité". Faudra pas se plaindre qu'ils gobent tout ce qu'ils lisent sur le net après @mado1406 Et on se demande pourquoi le niveau de nos enfant dégringole ! C'est par la liberté d'expression qu'on développe l'esprit critique et non pas en muselant
@Steeve_off
Donc si je comprend bien avec toi les élèves doivent se la fermer et écouter... sympa tes cours dit donc. Alors oui ils doivent respecter l'adulte mais on le droit à la parole et l'écoute quand même! Ça va dans les 2 sens. Et l'échange est constructif pour meilleure compréhension
ad lib.
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.