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Inégalités... et discriminations "scolaires"
La discrimination se fait d'abord par le haut. Ce sont les classes supérieures qui sont seules à même de faire les choix, par exemple de résidence ou de choix d'option, qui leur permettent de mettre en place une stratégie de gestion de la scolarité de leurs enfants. Et bien entendu l'Etat les y encourage.
Voici ce qu'on lit sur la fiche de présentation du lycée Hoche de Versailles, lycée public je le précise.
Dans le projet d'établissement, très détaillé, on voit des choses à mon avis pas ordinaires commeune population scolaire majoritairement issue de catégories socio-professionnelles favorisées
ouProcurer aux élèves à fort potentiel les moyens de faire aboutir toutes leurs ambitions
Action N° 5 : la dédramatisation de la pression scolaire
Le système de recrutement est particulier : le lycée préempte les 10% de meilleurs élèves des collèges de sa zone. Pour cela, il se sert des moyennes de 3e qu'il recalcule lui-même en y intégrant que les mathématiques, le français (coeff4), l'anglais, l'histoire-géographie (coeff2), la lv2 et les sciences (coeff1). les autres matières n'ayant aucune importance. Par ailleurs le lycée ne compte que des séries S et ES...
Je trouve une telle situation parfaitement scandaleuse et relevant d'une véritable discrimination "à l'envers".
A noter que dans le projet d'établissement qui compte à peu près 80 items, le terme "numérique" n'apparaît pas du tout et celui d'informatique que deux fois, pour désigner le système administratif et d'orientation... En revanche l'accent est mis sur le suivi des élèves et l'ouverture culturelle...
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- Loys
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Si ce que vous dites est vrai, il s'agit d'un de ces très rares établissements (comme H-IV ou LLG à Paris) qui échappent à la procédure d'affectation générale. La "ségrégation scolaire" y est plus marquée encore qu'ailleurs, d'autant qu'elle s'appuie sur une ségrégation sociale géographique.Hervé écrit: Le système de recrutement est particulier...
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Ce que je dis sur Hoche est vrai ... je connais(sais) le proviseur adjoint de ce bahut..Attention au terme "discrimination" : sur quels critères et de la part de qui ? La sélection sur le niveau est-elle une discrimination ?
La "sélection" par le niveau n'est théoriquement pas condamnable... dans un système fermé. Ne prendre que les meilleurs à l'agrégation n'implique pas de discrimination contre les recalés qui peuvent réussir dans d'autres concours.
En revanche l'existence des CPGE par exemple n'a aucun intérêt -quel que soit leur critère théorique de recrutement - car elles ne servent qu'à permettre un "entre-soi" contraire aux valeurs de la République et privent ainsi les Universités des meilleurs élèves dont le rôle serait pourtant fondamental pour tirer le niveau vers le haut. Or Hoche fonctionne clairement comme une "prépa à la prépa".
Laisser un bahut choisir ses élèves, même sur critère "objectif", c'est condamner ceux qui ne sont pas pris à aller dans d'autres établissements qui, eux, ne pouvant choisir seront privés des meilleurs élèves et auront donc, proportionnellement, plus d'élèves faibles. Bien sûr les cas de bahut officiellement dérogatoires sont rares et n'influent pas sur l'économie générale du système (pas plus que intégrer une Grande école n'est un débouché statistiquement fiable pour mesurer la mixité sociale). Ils permettent cependant de pointer le double discours des élites dirigeantes dont les enfants peuplent ces bahuts. Mon ami, ancien provi adjoint de Hoche, était intarissable sur les enfants de ministres...
Si je suis d'accord avec vous pour défendre l'école, attaquée de l'intérieur et de l'extérieur, je pense néanmoins que l'on ne peut pas l'exonérer de responsabilités dans l'existence d'inégalités préjudiciables. Certes l'essentiel des différences de traitement s'explique par des réalités socio-écononiques contre lesquelles l'école en peut pas grand chose.
Mais, quand, dans une grande ville que je connais bien, on a organisé les enseignements de telle façon que les deux lycées de centre-ville sont spécialisées dans les voies générales (S pour les uns, ES-L pour l'autre) et que les classes technologiques sont dans des lycées de banlieue, que fait-on ? Quand dans ces mêmes bahuts existent des options rares (cinéma, arts appliquées) que fait-on ? Quand à Hoche, la seule LV3 possible c'est le Chinois, que fait-on ? Quand on dit (c'était les "internats d'excellence" de Sarkozy que le seul horizon des meilleurs élèves des zones défavorisées c'est de partir rejoindre les "bons"bahuts, que fait-on ?.
Et j'irai plus loin. Même si les enseignants sont globalement attachés à l'égalité, l'effet des représentations sociales existe et joue. Me dire-vous (c'est une vraie question) qu'en conseil de classe Charles-Edouard et Mohammed ou Kévin sont toujours traités de la même façon à résultats égaux (par exemple lors de l'orientation) ? Mon expérience est que si Charles-Edouard et Mohammed sont bons tous les deux, ils iront tous les deux en S (c'est la méritocratie, qui fonctionne encore et qui parfois est bien commode pour justifier le système); mais si Charles-E et Mohammed sont moyens, la probabilité est plus forte que Charles-E aille quand même en S (au pire, en ES-L) et que Mohammed aille en STMG ou STI; et si Charles-E et Mohammed sont faibles, il y fortes chances que Charles-E redouble et que Mohammed soit réorienté. Tout n'est bien sûr pas de la faute des enseignants, les représentations des parents et des élèves jouent pleinement (les parents de Charles-E connaissent le système, ceux de Mohammed comprennent mal le français) mais on pourrait demander à l'institution de ne pas pousser à la roue en organisant parfois elle-même l'inégalité (par exemple par la publication des résultats des lycée) et aux enseignants d'être plus attentifs à ces aspects... En tant que fils de "cas soc''" j'ai parfois honte de ce que j'entends en salle des profs ou en conseil de classe.
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- Loys
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Sans information à ce sujet, je ne conteste pas ce que vous dites sur Hoche puisque deux lycées parisiens recrutent en dehors du système d'affectation général. Mais précisément ce système général exclut un recrutement décidé par les établissements : la procédure est rectorale et l'affectation est informatisée, selon les vœux des élèves. Difficile d'éviter ensuite que certains établissements soient très demandés et d'autres soient fuis, sauf à imposer une affectation au lycée. Mais l'institution continue de mettre face à ces élèves les mêmes professeurs : j'ai enseigné dans plusieurs établissements difficiles et aujourd'hui j'enseigne dans un établissement privilégié.
Pour le reste, avec les classes préparatoires, on sort un peu du sujet, qui concerne plutôt le secondaire. Mais je ne suis pas d'accord avec vous : le but des classes préparatoires n'est absolument pas de permettre un entre-soi social. Il s'agit d'offrir à d'excellents élèves des conditions de travail particulières, sur le modèle du lycée. Il est vrai qu'on y constate une reproduction sociale regrettable, mais celle-ci y est encore plus marquée aujourd'hui qu'hier et ne doit pas être mise sur le compte d'intentions discriminatoires des classes préparatoires mais, encore une fois, de l'échec de l'école, qui ne parvient plus à porter des élèves issus de milieux sociaux modestes jusqu'à ce niveau d'excellence.
Je vous engage à lire l'étude de 1995 évoquée plus haut dans ce fil : "Le recrutement social de l'élite scolaire en France - Évolutions des inégalités de 1950 à 1990" : "La proportion des jeunes d'origine "populaire" (père paysan, ouvrier, employé, artisan, commerçant) dans les quatre grandes écoles retenues a beaucoup diminué depuis quarante ans". La reproduction est plus marquée que jamais et ce - paradoxalement - malgré tous les efforts en principe fournis pour lutter contre elle. En réalité, tout a été fait pour l'accroître.
Pour le dire autrement, il ne faut pas se tromper de cible : ce n'est pas l'élitisme scolaire, le problème (surtout dans le primaire et le premier cycle du secondaire...) : c'est bien la reproduction sociale. Et ce problème fondamental ne doit pas être traité en aval mais en amont.
Même si ces formations étaient réparties plus harmonieusement, vous ne changeriez pas grand chose à la reproduction sociale. La sélection scolaire continuerait de s'exercer, mais de façon plus insidieuse, puisque derrière une égalité de façade (comme avec le bac pour tous).Mais, quand, dans une grande ville que je connais bien, on a organisé les enseignements de telle façon que les deux lycées de centre-ville sont spécialisées dans les voies générales (S pour les uns, ES-L pour l'autre) et que les classes technologiques sont dans des lycées de banlieue, que fait-on ?
Pour Charles-Edouard et Kévin, je vous le dis, sans doute très naïvement : je n'ai jamais rencontré dans ma carrière les cas de figure que vous citez et qui obéissent rien de moins qu'à une forme de racisme. Car précisément l'école républicaine doit se l'interdire. Notez que les cas que vous citez sont d'ailleurs - il faut précisément le souligner - des cas d'orientation en fin de scolarité obligatoire, quand il est trop tard en somme.
En revanche, comme indiqué au début de ce fil avec une étude à ce sujet , de telles discriminations existent à l'entrée des écoles privées et creusent les inégalités dans les écoles publiques. Mais ça, personne n'en parle quand on affirme que l'école française est "championne du monde des inégalités"... En Finlande, il n'y a pas d'école privée, ce qu'on oublie souvent de dire.
Pour résumer, considérer que les inégalités sont le résultat de discriminations de la part de l'école publique, c'est se tromper de diagnostic et risquer de les perpétuer davantage.
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- Loys
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- Loys
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Dans le "Café" du 20/03/15 : "Mais à quoi sert l'école catholique ?"
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Vous n'êtes pas le seul à qui ça échappe... Dans la mesure où les élèves sont libres de choisir leur orientation, à quoi peut bien songer François Jarraud pour éviter la concentration sexuée et ethnique qu'il constate ?...Loys écrit: La logique de cet article m'échappe.
Il ne le dit pas, hélas.
Imaginons pour lui :
Pour éviter les concentrations ethniques, sachant que les élèves choisissent souvent le lycée le plus proche de chez eux, dans la filière qui les intéresse, il faut absolument imposer une mixité sociale et ethnique partout en France, donc des HLM à Auteuil-Neuilly-Passy, et des quotas ethniques par quartier...
Lorsque je bossais en ZEP à Marseille, j'avais des classes très bigarrées à 80-90% d'élèves d'origines exotiques, ce qui est normal puisque la cité phocéenne est une ville d'étrangers : les vrais Marseillais le sont depuis deux ou trois générations au mieux...
Si l'on suit le désir de mixité de François Jarraud, comment importer des petits blancs dans ces conditions ? Faut-il organiser des charters du Cantal ou de la Lozère, pour faire du melting pot dans la population marseillaise ?... Ça paraît pour le moins compliqué, non ?
Pour éviter l'uniformisation sexuelle dans les différentes filières, il faut pareillement recourir à une politique de quotas, voire au paritarisme : autant de filles que de garçons en BTP, autant de garçon que de filles en esthétique... On peut déplorer qu'il y ait peu ou plutôt pas de fille dans la filière "exploitation forestière" (bûcheronnage). Faut-il imposer des filles et repeindre les tronçonneuses en rose ou vert pomme pour les rendre plus fun ?...
L'emploi du mot "discrimination" par François Jarraud est abusif et absurde, puisque les élèves ont choisi leur orientation... Il n'y a pas de discrimination imposée, il y a un défaut de mixité constatée. Ce n'est pas pareil.
On peut certes regretter ce manque de mixité sociale. Mais le seul moyen de le résorber, c'est d'en passer par des quotas imposés, ce qui ne fleure pas vraiment la liberté...
Bref, l'article de François Jarraud me laisse tout autant perplexe que vous, Loys.
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